SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Juillet 2009)

NOTE DE SYNTHÈSE

En France, l'activité de police judiciaire est principalement exercée par les fonctionnaires de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Si l'on prend l'expression au sens organique, la police judiciaire est hiérarchisée selon la compétence des personnels en officiers de police judiciaire, agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints. Elle comprend aussi divers « fonctionnaires et chargés de certaines fonctions de police judiciaire ». Elle est organisée en services qui n'ont qu'une activité de police judiciaire et en services qui exercent conjointement une activité de police administrative.

Dans la procédure pénale, la police judiciaire réalise l'enquête préalable à l'ouverture de l'instruction. En effet, selon l'article 14 du code de procédure pénale, elle a pour mission « de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte ».

Dans son activité d'enquête, la police judiciaire est placée sous la direction et le contrôle du ministère public . Compétent pour réaliser ou faire réaliser « tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale », le procureur de la République, « dirige l'activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal ». De plus, les membres de la police judiciaire ont l'obligation de lui rendre compte. Ainsi, l'article 19 du code de procédure pénale prévoit que les officiers de police judiciaire sont tenus d'informer le procureur de la République sans délai des infractions dont ils ont connaissance et « de lui faire parvenir, dès la clôture des opérations, les procès-verbaux qu'ils ont dressés ». En cas de crimes et de délits flagrants, ils doivent également l'informer immédiatement. De même, dans le cadre d'une enquête préliminaire relative à un crime ou un délit, ils doivent l'aviser dès qu'ils identifient un suspect.

Les pouvoirs d'investigation de la police judiciaire diffèrent selon que l'infraction est flagrante ou non .

Dans le premier cas, les officiers de police judiciaire disposent de pouvoirs de contrainte importants pendant toute la durée de l'enquête, qui est en principe limitée à 8 jours, à moins qu'elle ne soit prolongée de la même durée par le procureur de la République. Ils peuvent notamment procéder sans autorisation aux actes suivants : conservation des indices, saisie de tous les objets liés à l'infraction et trouvés sur le lieu du crime, arrestation de l'auteur présumé, prélèvements externes nécessaires à la réalisation d'examens, relevés signalétiques, visites domiciliaires, perquisitions, saisies de pièces à conviction, réquisition des données informatiques des organismes publics et de la plupart des personnes morales de droit privé. Ils peuvent également adresser des convocations à comparaître aux personnes susceptibles de fournir des renseignements et défendre à toute personne de s'éloigner du lieu de l'infraction. Ils peuvent, en outre, pour les besoins de l'enquête, placer en garde à vue pour une durée de 24 heures la personne soupçonnée, à condition d'en informer le procureur.

Il n'en va pas de même dans le cadre d'une enquête préliminaire , qui est menée soit sur les instructions du procureur de la République soit d'office et dont la durée n'est pas limitée par le code de procédure pénale. La police judiciaire ne peut exercer aucune des prérogatives précédemment décrites sans l'autorisation du procureur (ou du juge des libertés et de la détention saisi par le procureur ) , si ce n'est le placement en garde à vue pour les premières 24 heures . Cependant, pour les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction, elle peut agir sans autorisation si elle obtient l'assentiment exprès de la personne concernée.

Une fois l'information judiciaire ouverte, la police judiciaire réalise les actes d'instruction qui lui sont délégués par le juge d'instruction : elle « exécute les délégations des juridictions d'instruction et défère à leurs réquisitions ».

La police judiciaire, chargée de la réalisation concrète de l'enquête, est donc présente pendant toute la phase initiale de la procédure pénale, exerçant sa mission d'abord sous la direction du ministère public, puis sous celle du juge d'instruction . C'est surtout pendant l'enquête préliminaire préalable à l'instruction - et encore plus dans le cadre de l'enquête de flagrance - qu'elle dispose d'une large autonomie.

La police judiciaire est l'acteur dont le rôle dans la phase préliminaire de la procédure pénale est le moins connu. Il est donc apparu pertinent d'analyser la place que d'autres pays européens lui accordent, en ne prenant en compte que la procédure de droit commun.

Six pays ont été retenus : l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suisse . Pour le Royaume-Uni, seules les dispositions en vigueur en Angleterre et au pays de Galles ont été examinées.

Pour chacun de ces pays, le rôle de la police judiciaire dans l'instruction des affaires pénales est analysé au travers de trois questions :

- la mission générale de la police judiciaire pendant l'instruction , en distinguant, dans la mesure du possible, la phase qui suit immédiatement la réalisation d'une infraction de l'instruction stricto sensu ;

- le degré d'autonomie de la police judiciaire pendant l'instruction , en conservant la même distinction entre les premières investigations et l'instruction stricto sensu ;

- les prérogatives mises à sa disposition pour lui permettre de mener à bien sa mission .

L'examen des dispositions étrangères montre que :

- en Angleterre et au pays de Galles, la police, bien que progressivement privée de sa fonction de poursuite, continue à jouer un rôle prépondérant ;

- dans les autres pays, les textes s'efforcent de limiter l'activité que la police judiciaire réalise de sa propre initiative.

1) Bien que progressivement privée de sa fonction de poursuite, la police continue à jouer un rôle prépondérant en Angleterre et au pays de Galles

a) La place croissante du service national des poursuites a corrélativement entraîné l'affaiblissement du rôle de la police

Traditionnellement, la police anglaise réalisait l'enquête et procédait à l'accusation sur la base des éléments réunis par elle pendant ses investigations, mais le service national des poursuites , mis en place à partir de 1986 pour assurer l'unité des poursuites, joue un rôle croissant dans la phase préliminaire de la procédure pénale et l'a peu à peu privée de sa fonction de poursuite.

Dans les premières années de son existence, le service national des poursuites décidait ou non de poursuivre sur la base du dossier constitué par la police. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2003 sur la justice pénale, c'est lui qui rédige la plupart des actes d'accusation.

b) La police continue à jouer un rôle prépondérant dans la phase préliminaire de la procédure pénale

La police continue toutefois à exercer la plupart de ses pouvoirs d'enquête de sa propre initiative : elle ne reçoit aucune instruction du service national des poursuites et dispose de toutes les prérogatives lui permettant d'arrêter rapidement le suspect et de réunir les preuves de l'infraction. En effet, bien qu'elle ait besoin de l'autorisation d'un juge pour mettre en oeuvre les actes d'enquête les plus attentatoires aux libertés, elle peut réaliser la plupart de ces actes de sa propre initiative lorsque l'infraction est grave et qu'elle dispose de fortes présomptions.

2) Dans les autres pays, les textes d'efforcent de limiter l'activité que la police judiciaire réalise de sa propre initiative

La police judiciaire est plus ou moins explicitement chargée d'un double rôle pendant la phase préliminaire de la procédure pénale : elle enquête de son propre chef dès qu'elle apprend qu'une infraction a été commise et assiste ensuite l'organe chargé de l'instruction après l'ouverture d'une information judiciaire.

a) Les premières investigations menées par la police judiciaire de façon autonome immédiatement après la constatation d'une infraction sont limitées

En Allemagne, en Espagne, en Italie, au Portugal et en Suisse, la police judiciaire a la possibilité d'enquêter de sa propre initiative immédiatement après qu'une infraction a été commise.

Toutefois, le champ de son activité est limité par les textes . Ainsi, les codes de procédure pénale allemand et suisse prévoient qu'elle peut seulement « prendre les mesures ne souffrant aucun retard ». De même, le code de procédure pénale espagnol définit strictement les premières investigations policières aux « mesures préventives et conservatoires ».

Par ailleurs, la durée de ces premières investigations est encadrée : les polices judiciaires allemande et italienne doivent transmettre leurs procès-verbaux « sans délai » au ministère public, cette rédaction visant à faire intervenir ce dernier aussi rapidement que possible dans la procédure. En Espagne, les membres de la police judiciaire commettent une faute disciplinaire s'ils attendent plus de 24 heures pour communiquer le résultat de leurs premières investigations . Au Portugal, la durée de ces premières investigations n'est pas explicitement limitée, mais la police judiciaire dispose de 10 jours pour indiquer au ministère public qu'elle a pris connaissance d'une infraction.

b) Bien que restreinte, l'autonomie de la police judiciaire pendant l'instruction n'en est pas moins réelle dans plusieurs pays, en particulier dans ceux qui ont confié l'instruction au ministère public

Après l'ouverture formelle de l'instruction, la police judiciaire agit dans le cadre des directives qu'elle reçoit de l'organe chargé de l'instruction , membre du ministère public ou juge d'instruction selon les cas. Placée dans une situation de dépendance fonctionnelle à l'égard de cet organe, la police judiciaire dispose néanmoins de la liberté de choisir les moyens techniques qu'elle met en oeuvre.

Ainsi, en Espagne, la police judiciaire doit cesser son activité autonome et réaliser tous les actes qui lui sont demandés dès lors que la procédure pénale stricto sensu est commencée. De même , le code de procédure pénale fédéral suisse actuellement en vigueur prévoit que la police judiciaire est subordonnée au juge d'instruction après l'intervention de ce dernier dans la procédure.

En revanche, en Italie et au Portugal , parallèlement aux actes qu'elle réalise à la demande ou sur délégation du ministère public, la police judiciaire continue à disposer d'une certaine autonomie pendant l'instruction : elle peut poursuivre son activité autonome d'enquête à condition toutefois d'en informer le ministère public . Le nouveau code de procédure pénale fédéral suisse, qui entrera en vigueur le 1 er janvier 2011, donne également cette faculté à la police judiciaire.

Par ailleurs, en Allemagne, le code de procédure pénale permet aussi à la police judiciaire d'intervenir sans instruction préalable du ministère public dans les cas d'urgence, les fonctionnaires de police qui ont la qualité d'« agent de l'instruction » pouvant alors exercer certaines compétences en principe réservées au juge.

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L'examen des dispositions étrangères permet d'établir une corrélation entre l'autonomie de la police judiciaire dans la phase préliminaire de la procédure pénale et la prise en charge de l'instruction par le ministère public . En effet, le code de procédure pénale espagnol et le code de procédure pénale fédéral suisse actuellement en vigueur, qui confient la direction de l'instruction à un juge d'instruction, accordent moins de prérogatives à la police judiciaire que les codes de procédure pénale allemand, italien et portugais, que le nouveau code de procédure pénale fédéral suisse et que les textes anglais.

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