ITALIE

Depuis le vote de la loi n° 19 du 4 mars 2009, l'Italie a entrepris une transformation du fonctionnement de son secteur public connue sous le nom de « Réforme Brunetta », du nom du ministre chargé de sa mise en oeuvre.

Les contempteurs de l'administration italienne lui reprochant un absentéisme important, un coût croissant et une faible satisfaction des usagers, la réforme tend à améliorer la productivité de l'administration et la qualité du service. Elle s'appuie sur une modernisation du management, un renforcement de la transparence et l'usage des nouvelles technologies.

1. Management et évaluation des performances

La modernisation du management repose sur la définition d'objectifs en matière de performance et l'attribution de majorations salariales au mérite pour les dirigeants des administrations.

• Définition d'objectifs en matière de performance

Le décret n° 15 du 27 octobre 2009 dispose que les administrations doivent rédiger chaque année, avant le 31 janvier, un « plan de la performance » triennal établi compte tenu de la programmation budgétaire qui détermine les objectifs stratégiques et, avant le 30 juin, un « rapport sur la performance » relatif à l'année précédente. Les dirigeants d'administrations qui n'auraient pas rédigé ces documents ne peuvent percevoir la fraction de leur rémunération calculée en fonction de leur performance (voir infra ), tandis que l'administration dont ils font partie ne peut engager de personnel. Cette règle est aussi applicable au versement de primes de performance dans les collectivités locales (au sens italien du terme : communes et provinces).

• Attribution de majorations salariales au mérite

Le décret n° 15 du 27 octobre 2009 prévoit de nouvelles modalités de valorisation du mérite des agents publics : traitement accessoire, bonus annuel, prime pour l'innovation, augmentations indiciaires, attribution de responsabilités nouvelles et enfin accès à des parcours spécifiques de formation. Il renvoie à la négociation collective leurs modalités d'application pratique, tout en prévoyant que les 25 premiers pour cent - au plus - des agents pourront bénéficier de la hausse maximale du traitement accessoire, qu'au plus 50 % des agents bénéficieront de 50 % de l'augmentation et que les 25 % restant, au maximum, ne recevront pas d'augmentation à ce titre. Les primes versées aux agents les plus efficaces pourront provenir du « dividende de l'efficacité » correspondant à un maximum de 30 % des économies réalisées par les administrations si le rapport sur la performance validé par l'organisme d'évaluation (voir infra ) établit que ces sommes résultent bien de restructurations et de réorganisations, du service auquel participent les personnels bénéficiaires.

Le même décret prévoit que les régions doivent déterminer, pour le personnel dirigeant qu'elles emploient, les modalités d'attributions d'une rémunération au mérite, dans des conditions analogues à celles applicables aux employés de l'État. Elles transmettent, de même que les collectivités locales (toujours entendues au sens italien du terme, c'est-à-dire communes et provinces) le contenu des règles qu'elles ont adoptées en la matière à la Conférence permanente pour les rapports entre l'État, les régions et les provinces autonomes.

En pratique, cependant, la loi de finances rectificative pour 2010, adoptée à la suite de la crise économique mondiale, a institué diverses mesures qui empêchent la mise en oeuvre de la rémunération au mérite, à l'instar du blocage des rémunérations des employés du secteur public jusqu'en 2010, de la suspension des négociations contractuelles entre 2010 et 2012 et d'une diminution des traitements des agents dont le revenu annuel excède 90 000 euros. Un accord conclu avec plusieurs syndicats en février 2011 a cependant prévu que la fraction variable des rémunérations ne pourrait pas diminuer par rapport à son niveau 2010 du fait de l'entrée en vigueur des dispositions votées en 2009.

La réforme tend à faciliter le recrutement des managers issus du secteur public par concours pour 50 % des postes vacants chaque année. Ceux recrutés par contrat de droit privé seront aussi sélectionnés par concours pour une durée maximale de trois ans.

La réforme rend les managers responsables du non-respect des objectifs qui leurs sont assignés et prévoit des sanctions à leur encontre. Elle leur confère des pouvoirs analogues à ceux des chefs d'entreprises sur le personnel placé sous leur direction pour la gestion des ressources humaines et de la qualité.

La mise en oeuvre de la réforme dans les régions et les collectivités locales passe à la fois par :

- l'adoption de lois régionales destinées à appliquer certains principes de la réforme aux services des régions (ainsi la région du Latium vient-elle de voter une loi à cette fin, comme huit autres régions avant elle) ;

- et des accords avec l'État, à l'exemple de celui conclu entre l'État et la région Latium ou de celui signé entre l'État et l'association des communes italiennes, sur la valorisation du mérite et de la productivité dans l'emploi public local et la création d'une commission spécifique pour aider les communes à s'adapter à la réforme (en décembre 2009, 130 communes, soit toutes les métropoles, 60 % des chefs-lieux de provinces, correspondant à une population de 15 millions d'habitants appliquaient le nouveau régime à titre expérimental).

2. Transparence, accès et participation des usagers

• Transparence et performance

En vertu du décret législatif n° 150 du 27 octobre 2009, une Commission nationale pour l'évaluation, la transparence et l'intégrité des administrations publique (CNIVIT) a été créée. Elle est composée de cinq membres, nommés par le président de la République sur proposition du Gouvernement, après avis favorable des commissions du Parlement, parmi des personnalités qualifiées en matière de management, à l'exclusion des titulaires d'emplois publics. Cette autorité administrative indépendante coordonne et dirige l'exercice des fonctions d'évaluation et garantit la transparence des systèmes d'évaluation. Elle doit conclure des conventions par l'intermédiaire de la Conférence unifiée État-Régions, avec les associations nationales qui représentent les collectivités locales. La première d'entre elles a été signée avec l'association nationale des communes et avec l'association des provinces italiennes en mai 2010.

La CNIVIT coordonne et dirige les fonctions d'évaluation, elle élabore des méthodologies d'amélioration de la performance qu'elle confronte avec des standards internationaux, fournit un support technique aux administrations pour la gestion du « cycle de la performance », définit la structure et les modalités de rédaction du plan et du rapport relatifs à la performance que chaque administration doit rédiger, définit les paramètres et les modèles de référence du système de mesure et d'évaluation de la performance, met au point des lignes directrices pour la confection du programme triennal pour la transparence et l'intégrité, détermine les règles applicables pour la désignation de l'organisme indépendant d'évaluation dont se dote chaque administration, promeut des actions tendant à faire intervenir les citoyens, les entreprises et les syndicats et tient à jour un site Internet consacré à la performance.

Chaque administration doit, quant à elle, notamment publier sur son site institutionnel, dans une section intitulée « Transparence, évaluation et mérite », outre le plan et le rapport sur la performance (voir infra ), le montant des crédits disponibles pour verser des primes liées à la performance, celui des primes effectivement payées, l'analyse des modalités de répartition des primes, les normes et les CV des composantes de l'organisme indépendant d'évaluation ainsi que les rétributions des dirigeants, en distinguant la partie fixe et la partie variable. Ces dispositions ne sont pas applicables aux communes.

Les administrations de l'État - l'obligation ne s'impose pas aux communes qui ont cependant la faculté de s'y soumettre - désignent en outre, pour trois ans, parmi des personnes expérimentées en matière de management, à l'exclusion des titulaires de charges publiques, les membres d'un organisme indépendant d'évaluation de la performance qui se substitue aux services de contrôle interne. Cet organisme suit le fonctionnement du système d'évaluation de cette administration, communique les critiques qui lui sont adressées par les usagers, valide le rapport sur la performance et s'assure de sa publication, vérifie l'exactitude des processus de mesure et d'évaluation, propose l'évaluation annuelle des dirigeants et s'assure que l'administration respecte les règles applicables en matière de transparence. Fin 2010, 83 administrations avaient constitué un tel organisme (dont 13 ministères et 69 des 74 entités nationales). La région Latium a, quant à elle, adopté une loi régionale qui reprend le contenu de la loi nationale tant en ce qui concerne les obligations de transparence que la création de l'organisme indépendant d'évaluation.

Définie comme « l'accessibilité totale [...] des informations concernant chaque aspect de l'organisation, des indicateurs relatifs à la gestion et à l'utilisation des ressources » par la CNIVIT, la transparence passe essentiellement par la publication sur Internet des données concernant l'administration. Elle s'applique aussi bien à l'État qu'aux collectivités locales, sous réserve de la protection des données personnelles. La CNIVIT a publié des lignes directrices pour la mise en oeuvre du programme triennal de chaque administration qui doit préciser, outre la nature des informations à rendre publiques, les modalités de leur publication en ligne, la description des initiatives prises en la matière, leur mise en oeuvre (délais, structures compétentes, ressources...), l'indication des modalités d'association des usagers, le fonctionnement de la délivrance de certificats sur Internet qui confèrent aux courriels la même valeur que les lettres recommandées ( posta certificata ) et l'organisation de journées de la transparence à l'attention des associations de consommateurs ou d'usagers, des centres de recherche et de tout observateur qualifié.

En ce qui concerne l'application des règles relatives à la transparence aux collectivités locales, il convient de souligner que :

- les dispositions générales sont d'application directe pour l'ensemble de ces collectivités, qui doivent prendre des mesures pour permettre l'accessibilité aux données visées par la loi, les publier sur leurs sites Internet et garantir la transparence du cycle de gestion de la performance ;

- compte tenu de la grande variété de structures et de taille des communes, il revient à chacune de celles-ci de déterminer le niveau pertinent pour l'application du principe d'évaluation des résultats ;

- l'évaluation des structures locales dans leur ensemble, nouveauté introduite par la loi, est effectuée par la commission nationale pour l'évaluation (CNIVIT), sous réserve de la conclusion d'accords avec l'association nationale des communes italiennes, en fonction de critères homogènes (des expérimentations sont actuellement effectuées pour préparer ces accords) ;

- les communes ne sont pas tenues de constituer un organisme indépendant d'évaluation, mais peuvent le faire, le cas échéant en s'associant avec d'autres communes ;

- enfin que les communes et les provinces ne sont pas tenues d'élaborer des plans et des rapports relatifs à la performance car ces documents sont totalement assimilables à ceux qu'elles adoptent d'ores et déjà pour leur gestion (rapport prévisionnel annexé au budget, compte rendu de gestion et rapport annexé à celui-ci).

• Participation des usagers et « action de groupe »

En novembre 2009, les pouvoirs publics ont lancé une consultation nationale en ligne pour recueillir les suggestions des usagers afin de simplifier les procédures administratives et définir les grandes lignes de la « Réforme Brunetta ».

Le décret législatif n° 198 du 20 décembre 2009 a, en outre, institué un recours relatif à l'efficacité des administrations et des concessionnaires de services publics, pour rétablir le bon fonctionnement d'un tel service. Il s'agit d'une forme originale « d'action de groupe » (voir l'étude de législation comparée n° 206, mai 2010).

3. Développement de l'« administration numérique »

• Administration en réseau et utilisation des technologies numériques

Le plan « e-gov 2012 » tend à renforcer l'utilisation des nouvelles technologies de l'information dans le secteur de la Justice, notamment pour le traitement des 28 millions de notifications qui occupent 5 000 personnes, soit 12 % des effectifs de ce ministère, pour le paiement en ligne des frais et le traitement télématique de pièces de procédures afin d'abréger d'un tiers la durée des procès. Il institue aussi l'obligation pour les médecins de délivrer les arrêts de maladie sous une forme numérique.

Il se double du projet « réseaux amis » ( Reti amiche ) tendant à faciliter l'accès des usagers aux services publics par courriel et utilisation des sites Internet.

Le service « ligne amie » ( linea amica ) permet aux usagers d'accéder par téléphone, en étant guidés, à toutes les informations concernant les services publics au moyen d'un seul numéro national vert (gratuit) ; d'être rappelés s'il n'est pas possible de répondre à leur demande en direct, de présenter leurs réclamations et d'évaluer le service par téléphone et par courriel. Il réunit 1 000 entités chargées des relations publiques.

• Code de l'administration numérique

Un « Code de l'administration numérique » a été publié par décret en décembre 2010. Il détermine le périmètre dans lequel l'administration utilise les nouvelles technologies de communication (NTC) dans ses rapports avec les usagers dont il précise les droits. Désormais, citoyens et entreprises ayant le droit d'utiliser les NTC dans leurs rapports avec les administrations, celles-ci doivent se doter d'instruments appropriés pour ces échanges (validité des documents indépendamment du support, conservation des documents numérisés, utilisation de l'équivalent numérique de la lettre recommandée...). Ce code dispose que l'État détermine les règles applicables dans tous le pays pour assurer l'interopérabilité des échanges de flux informatiques. Il prescrit la création d'une commission permanente chargée de l'innovation technologique près la conférence permanente pour les rapports entre l'État, les régions et les provinces autonomes.

Le même code prévoit la délivrance d'une carte d'identité électronique ainsi que d'une carte nationale des services publics qui peut être utilisée dans les rapports avec toutes les administrations, y compris comme instrument d'identification et d'authentification du titulaire pour réaliser un paiement. Il prévoit la constitution d'un répertoire national des données territoriales, entendues comme celles qui concernent toutes les informations géographiquement localisées. La création d'un cadastre numérique national accompagne aussi cette entreprise qui passe également par la constitution d'un état-civil numérique. Un comité ad hoc détermine les règles techniques pour la réalisation des bases de données territoriales et les échanges de données entre les administrations nationales et locales.

A côté de ces initiatives de l'État, on note enfin que la région Piémont a créé un ministère chargé de la simplification des procédures administratives, notamment dans les relations avec les entreprises et, en l'an 2000, un observatoire régional de la réforme administrative auquel participent des personnalités de la société civile, des chefs d'entreprises, et des représentants des provinces pour suivre les effets de la réforme qu'elle a entreprise. Elle a également prévu que ses administrations déterminent leurs propres chartes de service public, incluant des objectifs quantifiés et mesurables, la mesure de la performance étant décentralisée au niveau de chacune de ces entités.

Parmi les mesures d'allègement des procédures administratives la région a notamment mis en oeuvre l'auto-certification des demandeurs d'autorisations diverses lors du dépôt de leurs dossiers (l'administration n'a plus qu'à effectuer des vérifications sur l'exactitude de ces déclarations) et l'examen simultané des dossiers par plusieurs administrations pour réduire ces délais. Le gouvernement régional met en outre en oeuvre une vérification durable a posteriori des effets de la réglementation qu'il a instituée.

LES RÉFORMES RÉCENTES DE L'ADMINISTRATION

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