ROYAUME-UNI

Les textes britanniques se réfèrent à la notion de « privilège parlementaire » (parliamentary privilege) dont certains traits correspondent aux concepts d'irresponsabilité, d'inviolabilité ou d'immunité. Ce privilège est déterminé par la Déclaration des Droits de 1689 (Bill of Rights) , en particulier son article 9.

Le Règlement de la Chambre des Lords (The Standing Orders of the House of Lords) et son guide des procédures (Companion to the Standing Orders and Guide to the Proceedings of the House of Lords) précisent également les règles applicables en la matière. Enfin, la commission mixte sur le privilège parlementaire (Joint Committee on Parliamentary Privilege) a publié deux rapports sur ce thème en 1999 et 2013.

Le « privilège parlementaire » est l'ensemble des droits et immunités dont bénéficient la Chambre des Lords, la Chambre des communes ainsi que leurs membres afin d'exercer efficacement leurs fonctions parlementaires.

Ces droits et immunités appartiennent au Parlement et ne sont donc pas attachés individuellement aux parlementaires. Ils incluent « la liberté de parole » (freedom of speech) , l' « immunité d'arrestation dans les affaires civiles » (freedom from arrest in civil cases) , l' « exemption d'être cité à comparaître devant les tribunaux en tant que témoin » (exemption of subpoenas to attend court as a witness) , le pouvoir disciplinaire des chambres, le « droit de réglementer leurs affaires internes » (exclusive cognisance) et la « protection absolue » (absolute protection) pour tous les écrits publiés sur ordre des chambres.

1. Contenu du privilège parlementaire
a) La « liberté de parole »

En vertu de l'article 9 de la Déclaration des Droits, la liberté d'expression et les débats et séances au sein du Parlement ne doivent être ni mis en cause, ni contestés devant un tribunal ou hors du Parlement.

Le rapport de la commission mixte sur le privilège parlementaire de 1999 précise que ce principe protège les membres des deux chambres contre toute sanction, civile ou pénale, devant une cour ou un tribunal pour des propos tenus lors des séances au Parlement.

Dans ce même rapport, la commission mixte indique que cette liberté est large et absolue dans la limite des travaux parlementaires (proceedings in Parliament) . Elle protège toutes les personnes y participant, y compris celles auditionnées devant une commission. Dans son rapport de 2013, la commission mixte souligne qu'il n'existe pas de définition exhaustive des travaux parlementaires entrant dans le champ d'application de l'article 9 27 ( * ) . Certains sont néanmoins considérés comme en faisant partie à l'instar des procédures suivies par les deux chambres, travaux parlementaires tels que les propos tenus au cours d'un débat, les votes ou décisions prises par l'une ou l'autre chambre et enfin des actions des parlementaires et des parlementaires titulaires de certaines fonctions (office-holders) .

Aucune déclaration ou opinion émise au Parlement ne peut servir de fondement à une action en justice hors de celui-ci.

Pour que la protection joue, ce n'est pas le lieu où est émise l'opinion qui prime mais le lien avec les fonctions parlementaires. Toutes les activités des membres ne sont pas protégées. Tel est le cas, par exemple, d'une simple conversation (a casual conversation) entre deux parlementaires, même tenue lors d'un débat. De même, la répétition par un membre de propos tenus lors d'une réunion n'est-elle pas protégée.

b) La protection contre les arrestations

Le privilège de la protection contre les arrestations (freedom from arrest) s'applique dans des cas limités en matière civile (civil matters) mais ne concerne pas les affaires pénales (criminal matters) . Le précis de droit parlementaire d'Erskine May 28 ( * ) explique cette protection par l'idée d'une priorité absolue du Parlement à bénéficier de la présence de ses membres, qui doivent s'acquitter de leurs fonctions et participer aux séances de la chambre à laquelle ils appartiennent.

Ce privilège est aujourd'hui remis en question : le rapport de la commission mixte de 1999 tout comme celui du Gouvernement britannique de 2012 (Green Paper - Parliamentary Privilege) estiment qu'il devrait être aboli.

Dans son rapport de 2013, la commission mixte considère que les membres des deux chambres sont assujettis à la loi civile et pénale au même titre que les citoyens qu'ils représentent. Elle ajoute que ce privilège apparaît de faible pertinence (of little relevance) depuis 1870, année d'abolition de l'emprisonnement pour dette 29 ( * ) . Elle préconise donc sa suppression.

c) La poursuite des membres du Parlement britannique

Les crimes de droit commun (ordinary crimes) commis par les membres du Parlement sont passibles de poursuites devant des tribunaux 30 ( * ) . Dans l'arrêt « R contre Chaytor et autres », trois parlementaires inculpés de faux en écritures comptables (false accounting) en lien avec leurs dépenses parlementaires ont argué du fait qu'ils étaient protégés par le « privilège parlementaire » et que la Cour n'était pas compétente pour en connaître. Celle-ci, dans son arrêt, note que si certaines affaires sont clairement liées au « privilège parlementaire » et relèvent donc de la compétence exclusive du Parlement, d'autres relèvent de la compétence des tribunaux 31 ( * ) . Ce même arrêt définit les crimes de droit commun comme ceux qui ne sont liés d'aucune façon au processus législatif ou délibératif de la Chambre des Communes ou de ses membres, même interprété au sens large.

2. Procédure applicable aux « questions de privilège »32 ( * )

Une question de privilège (matter of privilege) peut être soulevée par un membre estimant qu'un outrage (contempt) a été commis ou que son privilège a été bafoué (complaint of breach of privilege).

La procédure en vigueur à la Chambre des communes vise à empêcher les « allégations frivoles de violation du privilège [parlementaire] » (frivolous allegations of breaches of privilege) 33 ( * ) .

Pour soulever une question de privilège, un membre doit demander par écrit au Président que la priorité soit donnée à une question particulière (a specific matter to be given precedence) . Le Président annonce qu'il l'autorise à soulever cette question particulière et précise quel jour la priorité sera accordée. Puis le membre dépose une motion au Feuilleton du jour indiqué, en tant que premier point des affaires importantes après les questions et déclarations (table a motion on the Order Paper for that future day, as the first item of substantive business after Questions and Statements) .

De telles motions sont généralement renvoyées à la commission sur les normes et les privilèges (Committee on Standards and privileges) , qui fait part à la Chambre de ses conclusions publiées dans un rapport et accompagnées de recommandations pour une action ultérieure. Mais elles peuvent également être déposées moyennant une autre rédaction et peuvent, sous réserve des amendements retenus par le Président pour les débats et décisions, être amendées par la Chambre.

3. Renonciation

Le droit anglais prévoit un cas dans lequel le parlementaire peut renoncer à sa propre protection. En effet, la section 13 de la loi sur la diffamation (Defamation Act 1996) permet à un parlementaire dont la conduite au Parlement ou en lien avec les travaux parlementaires est en cause dans une procédure pour diffamation, de renoncer, pour les besoins de cette procédure, à la protection dont il bénéficie en vertu de tout acte ou règle législative empêchant les travaux parlementaires d'être mis en cause ou contestés devant un tribunal ou hors du Parlement. Les deux commissions mixtes précitées ont appelé à la suppression de cette disposition. Le rapport de 2013 estime que les anomalies qu'elle crée sont plus dommageables que les maux qu'elle est censée guérir. La commission souligne également qu'un pouvoir élargi de levée de la protection serait cause d'incertitude (uncertainty) et pourrait porter atteinte au principe constitutionnel fondamental de la « liberté de parole » au Parlement.


* 27 The Joint Committee on Parliamentary Privilege, Parliamentary Privilege , 2013, p. 10.

* 28 Erskine May, Parliamentary Practice , 24 th edition, p. 203

* 29 The Joint Committee on Parliamentary Privilege, Parliamentary Privilege , 2013, p. 63.

* 30 The Joint Committee on Parliamentary Privilege, Parliamentary Privilege , 2013, p. 39.

* 31 R contre Chaytor, 2010, United Kingdom Supreme Court 52, § 45.

* 32 Ces éléments sont issus du site du Parlement britannique, rubrique actualités, du 2 mai 2012.

* 33 The Joint Committee on Parliamentary Privilege, Parliamentary Privilege , 2013, p. 28.

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