ROYAUME-UNI

Au Royaume-Uni, les abus de marché sont réprimés par des sanctions administratives, d'une part et des sanctions pénales, d'autre part. Cependant, en pratique, un seul de ces types de sanctions est appliqué : les procédures ne se cumulent pas 16 ( * ) .

On examinera :

- le rôle et l'organisation de la FCA , homologue britannique de l'Autorité des marchés financiers française ;

- les sanctions applicables aux opérations d'initié ou à la manipulation de marchés ;

- et enfin les procédures s'y rapportant.

1. Autorité de contrôle

La Financial Conduct Authority (FCA) est l'autorité de régulation financière du Royaume-Uni. Créée par la loi sur les services financiers de 2012, elle succède à la Financial Service Authority .

Elle s'assure du bon fonctionnent des marchés (article 6 de la loi précitée). Trois objectifs opérationnels lui sont en outre assignés :

- la protection du consommateur ;

- le maintien de l'intégrité du système financier britannique ;

- et la promotion d'une concurrence réelle dans l'intérêt des consommateurs sur les marchés de services financiers régulés ou de services fournis par un échange d'investissement reconnu dans le cadre d'activités régulées.

Cette autorité élabore des règles, prépare et publie des codes, donne des orientations générales et détermine la politique générale et les principes en vertu desquels celle-ci est mise en oeuvre conformément à la loi de 2012.

La FCA peut infliger des amendes, interdire, délivrer des injonctions, ouvrir des procédures pénales ou accomplir toute autre action pour empêcher les abus de marché (délit d'initié...). Elle peut également faire des annonces publiques lors de l'ouverture d'une action disciplinaire contre une entreprise ou un individu et publier le détail des mises en garde qu'elle adresse. Elle peut mener des enquêtes concernant notamment les suspicions d'abus de marché et de délit d'initié.

2. Sanctions applicables

• Infractions pénales

Aux termes de la section 52 de la loi sur la justice pénale de 1993, toute personne détenant une information à titre privilégié se rend coupable de délit d'initié si elle négocie des instruments financiers dont le prix est influencé par cette information, si l'acquisition ou la cession visée se produit sur un marché régulé, si la personne négociant recourt à un intermédiaire professionnel ou si elle agit elle-même en tant qu'intermédiaire professionnel.

Toute personne détenant une information privilégiée commet un délit d'initié si elle encourage une autre personne à négocier des instruments financiers dont le prix est influencé par cette information, dans les mêmes circonstances que précédemment, ou si cette personne divulgue à un tiers cette information autrement que dans le cadre de la bonne exécution de sa profession.

Une personne se rendant coupable de délit d'initié est passible :

- en cas de déclaration sommaire de culpabilité, d'une amende qui ne saurait excéder le montant maximum légal, et d'une peine privative de liberté n'excédant pas 6 mois, ou des deux sanctions ;

- et en cas de déclaration de culpabilité par voie d'acte d'accusation, d'une amende, et d'une peine privative de liberté n'excédant pas 7 ans, ou de ces deux peines.

La loi sur les services financiers de 2012 punit également des infractions liées aux services financiers.

Toute personne coupable de déclaration trompeuse ( misleading statement , article 89), de fausse impression ( misleading impression , article 90) ou de déclaration trompeuse en lien avec une référence ( misleading statement in relation to benchmarks, article 91) est passible :

- en cas de déclaration sommaire de culpabilité, d'une peine privative de liberté n'excédant pas le maximum légal et d'une amende ne dépassant pas le montant maximum prévu par la loi, ou de ces deux sanctions ;

- et en cas de déclaration de culpabilité par voie d'acte d'accusation, d'une amende, et d'une peine privative de liberté n'excédant pas 7 ans, ou des deux peines.

• Infractions administratives

La loi sur les marchés et services financiers de 2000 définit six comportements constitutifs d'abus de marchés, consistant :

- pour un initié (insider) à négocier, ou tenter de négocier, lors d'un investissement (qualifying investment) ou un investissement lié, sur la base d'informations privilégiées liées à l'investissement en question ;

- pour un initié de divulguer des informations privilégiées à une autre personne autrement que dans l'exercice approprié de son emploi, de sa profession ou de ses services ;

- d'effectuer des opérations ou ordres (autres que pour des raisons légitimes et conformément aux pratiques acceptées sur le marché en question) qui occasionnent, ou sont susceptibles d'occasionner, une impression fausse ou trompeuse, quant à l'offre ou la demande, ou quant au prix, d'un ou plusieurs investissements admissibles, et qui établissent le prix d'un ou plusieurs de ces investissements à un niveau anormal ou artificiel ;

- d'effectuer des opérations ou de traiter des ordres utilisant des dispositifs fictifs ou toute autre forme de manoeuvre ou d'artifice ;

- de disséminer des informations par tout moyen donnant ou susceptible de donner une impression fausse ou trompeuse quant à un investissement réalisé par une personne sachant ou dont on peut raisonnablement attendre qu'elle sache que les informations étaient fausses ou trompeuses ;

- et le fait que le comportement en question soit susceptible de donner à un utilisateur régulier du marché une impression fausse ou trompeuse quant à l'offre, à la demande, au prix ou à la valeur d'investissements admissibles, ou que ce comportement serait ou serait susceptible d'être considéré par un utilisateur régulier du marché comme un comportement provoquant ou susceptible de provoquer des distorsions sur le marché d'un tel investissement.

Lorsque la FCA est convaincue qu'une personne est ou a été impliquée dans un abus de marché, par action ou par omission, directement ou par personne interposée, elle peut lui infliger une sanction d'un montant approprié.

3. Procédure

La FCA a publié, le 1er avril 2014, un guide d'application (enforcement guide) dans lequel elle précise comment elle exerce ses missions. La section 12.8 de ce document présente les critères en vertu desquels la FCA peut être amenée à intenter une procédure pénale plutôt qu'une sanction administrative, par exemple :

- la gravité de l'acte ;

- la présence de victimes ayant subi des pertes du fait de cet acte ;

- l'étendue et la nature des pertes subies ;

- les effets de l'acte sur le marché ;

- l'étendue des profits générés ou des pertes évitées ;

- les raisons de penser que l'acte est susceptible de se poursuivre ou de se répéter ;

- la récidive ;

- l'étendue de la réparation obtenue par les victimes de pertes ;

- l'effet qu'une procédure pénale pourrait avoir sur les perspectives de garantie d'une réparation pour les victimes de pertes.

S'ajoute à ces critères le fait que :

- l'auteur de l'acte a volontairement coopéré avec l'autorité ;

- l'acte se double de malhonnêteté ou d'un abus de position ;

- l'acte a été commis par un groupe au sein duquel une personne a joué un rôle prépondérant ;

- l'acte a été commis par deux individus ou plus agissant ensemble dont l'un fournit des informations et coopère pleinement avec la FCA durant la procédure ;

- des circonstances personnelles concernent un individu.

La section 12.10 du même document précise que la FCA n'inflige pas de sanction pour abus de marché lorsqu'une personne est poursuivie pour conduite frauduleuse sur le marché, ou lorsque celle-ci a été condamnée ou acquittée dans une procédure pénale pour des faits identiques (substantially the same allegations) . Réciproquement, la FCA n'engage pas de procédure pénale pour conduite frauduleuse sur le marché lorsqu'elle ouvre ou cherche à ouvrir une procédure disciplinaire pour abus de marché pour des faits identiques.

La FCA travaille en étroite collaboration avec les agences d'application des lois chargées de combattre les abus de marché et autres crimes financiers, ainsi qu'avec les autorités pénales. Un document-cadre précisant les modalités de leur coopération est présenté en annexe du guide d'application, qui précise en particulier le partage des compétences et des informations lorsqu'un fait est susceptible de faire l'objet d'une enquête ou d'être poursuivi par plusieurs autorités (notamment le service des Fraudes graves, Serious Fraud Office , ou le service du parquet de la Couronne, Crown Prosecution Service ). Selon le manuel opérationnel (operational handbook) publié par le service des fraudes en 2012, celui-ci n'intervient en matière de délit d'initié que dans les cas de fraudes graves et complexes (serious and complex fraud) , la procédure d'investigation étant, en règle générale, mise en oeuvre par la FCA .

Enfin, la FCA est partie à la « convention des procureurs » (Prosecutor's convention) qui définit les responsabilités de ces derniers lorsque le comportement d'un suspect pourrait être traité par des sanctions criminelles ou civiles et administratives et/ou lorsque plus d'une autorité compétente en matière de poursuite et d'investigation peut intervenir.


* 16 Report on Actual use of sanctioning powers under MAD , European Securities and Markets Authority, 2012 (ESMA/2012/270).

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