Mai 2017

NOTE

sur

L'interruption volontaire de grossesse

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Allemagne - Belgique - États-Unis d'Amérique (Texas) - Irlande

Italie -Pologne - Suède - Suisse

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Cette note, qui met à jour l'étude de législation comparée LC 68 de janvier 2000,

a été réalisée à la demande de Madame Françoise Laborde ,

Sénatrice de Haute-Garonne

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note est relative au régime de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en Allemagne, en Belgique, aux États-Unis (Texas), en Irlande, en Italie, en Pologne, en Suède et en Suisse.

Après avoir présenté la situation en France, elle étudie pour chacun des pays considérés :

- les conditions posées pour la réalisation d'une IVG ;

- l'existence d'une clause de conscience ;

- la prise en charge financière de l'acte ;

- l'éventuelle existence d'un régime propre à la contraception d'urgence (pilule du lendemain) ;

- les sanctions pénales ;

- et enfin, lorsqu'elles sont disponibles, les statistiques concernant l'IVG.

A. LE RÉGIME APPLICABLE EN FRANCE

En France, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est légalisée et encadrée par la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 dite Loi « Veil ». L'intervention est intégralement prise en charge par la sécurité sociale dans tous les cas où elle est autorisée, ainsi, en principe, que l'ensemble des consultations et examens nécessaires à sa pratique 1 ( * ) .

La loi autorise l'IVG dans deux cas de figure : si elle est pratiquée avant la 12 e semaine de grossesse et, tout au long de la grossesse, pour motif médical. L'IVG est encadrée par des dispositions pénales, qui sanctionnent à la fois le non-respect des conditions de son exercice et l'entrave à la pratique de l'IVG.

1. La loi prévoit deux cas dans lesquels l'IVG est possible
a) L'IVG réalisée avant la 12e semaine de grossesse

• Conditions de recours à une IVG avant la 12 e semaine

La femme qui « ne veut pas poursuivre sa grossesse » peut recourir à une IVG avant la douzième semaine de grossesse en vertu de l'article L. 2212-1 du Code de la santé publique (CSP).

L'article 24 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 a supprimé la référence à une « situation de détresse » dans laquelle devait se trouver la femme enceinte pour bénéficier d'une IVG. Dans un arrêt du 31 octobre 1980, le Conseil d'État avait, du reste, estimé que seule la femme enceinte était en mesure d'apprécier si sa situation justifiait l'interruption de grossesse 2 ( * ) .

• Procédure

En vertu du même texte, la femme formule sa demande à un médecin ou à une sage-femme qui, lors d'une première visite, délivre une information précise sur l'IVG (méthodes, risques et effets secondaires éventuels, remise d'un « dossier-guide ») en application du droit de toute personne à être informée par les professionnels de santé des méthodes abortives existantes et d'en choisir une librement 3 ( * ) .

Avant et après l'intervention, une consultation psycho-sociale doit être proposée. Elle est obligatoire pour les mineures (CSP, article L. 2212-3 et L. 2212-4 ).

Le consentement de la femme enceinte doit être recueilli par un écrit qui ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai de deux jours suivant la consultation préalable, le délai de réflexion d'une semaine ayant été supprimé par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Pour les mineures, le consentement des titulaires de l'autorité parentale n'est plus requis, la femme mineure pouvant être accompagnée par toute personne majeure de son choix.

• Personnes autorisées à pratiquer une IVG avant la 12 e semaine

L'IVG ne peut être pratiquée que par un médecin ou, pour les seuls cas où elle est réalisée par voie médicamenteuse (jusqu'à 5 semaines de grossesse), par une sage-femme.

b) Interruption médicale de grossesse (IMG)

• Conditions de recours à une IMG

La femme enceinte peut avoir recours à une interruption médicale de grossesse à tout moment de sa grossesse si celle-ci met en péril grave sa santé ou s'il existe une forte probabilité pour que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

• Personnes autorisées à pratiquer une IMG

L'interruption volontaire de grossesse pour motif médical ne peut être pratiquée que par un médecin.

2. Dispositions pénales

On distinguera la sanction de la réalisation d'une interruption de grossesse en dehors des cas prévus par la loi et la pénalisation du délit d'entrave à l'IVG.

• Sanctions applicables à la réalisation d'une interruption
de grossesse en violation de la loi

La loi sanctionne dans plusieurs cas le fait de réaliser une interruption de grossesse en contrevenant à ses dispositions.

Sont ainsi punis de :

- cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, l'IVG réalisée sans le consentement de l'intéressée ou en méconnaissance des dispositions du Code de la santé publique précitées qui constituent le délit d'interruption illégale de grossesse (CSP, article L. 2222-1 s. et Code pénal, art. 223-10 ) ;

- de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende l'interruption de la grossesse d'autrui pratiquée, en connaissance de cause, soit après l'expiration du délai dans lequel elle est autorisée par la loi, sauf si elle est pratiquée pour un motif médical soit par une personne n'ayant pas la qualité de médecin ou de sage-femme, soit dans un lieu autre qu'un établissement d'hospitalisation public ou qu'un établissement d'hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la loi, la peine encourue est de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende si le coupable pratique habituellement des IVG  (CSP, article L. 2222-2) ;

- de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de procéder à une interruption de grossesse après diagnostic prénatal sans avoir respecté les modalités prévues par la loi (CSP, article L. 2222-3) ;

- de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de fournir à la femme les moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même, ces peines étant portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende si l'infraction est commise de manière habituelle, la femme ne pouvant, en aucun cas, être considérée comme complice de cet acte (CSP, article L. 2222-4).

• La pénalisation du délit d'entrave à l'IVG

Aux termes de l'article L. 2223-2 du Code de la santé publique, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une interruption de grossesse ou sur les actes préalables prévus par ce code, par tout moyen y compris par voie électronique :

- soit en perturbant de quelque manière que ce soit l'accès aux établissements qui pratiquent des IVG, la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ;

- soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements ou des femmes venues y subir ou s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou encore à l'encontre de l'entourage de ces dernières 4 ( * ) .

3. Clause de conscience

Aux termes de l'article L. 2212-8 du Code de la santé publique « Un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai, l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention [...] ».

En outre « Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse ».

Enfin « Un établissement de santé privé peut refuser que des interruptions volontaires de grossesse soient pratiquées dans ses locaux . » mais « [...] ce refus ne peut être opposé par un établissement de santé privé habilité à assurer le service public hospitalier que si d'autres établissements sont en mesure de répondre aux besoins locaux ».

4. Contraception d'urgence

La contraception d'urgence 5 ( * ) est accessible sans ordonnance dans les pharmacies ou centres de planification familiale. Son coût est compris entre sept euros et une vingtaine d'euros en fonction du type de pilule.

Les mineures de moins de 15 ans peuvent bénéficier d'une contraception d'urgence gratuite et anonyme dans les pharmacies, les centres de planification familiale et les infirmeries scolaires.

Aux termes de l'article D5134-1 du Code de la santé publique, « la délivrance aux mineures des médicaments indiqués dans la contraception d'urgence et non soumis à prescription médicale obligatoire [...] est effectuée dans les conditions de confidentialité permettant la tenue d'une conversation à l'abri des tiers ».

5. Prise en charge financière

Tous les actes nécessaires à une IVG sont remboursés à 100 %, qu'il s'agisse :

- des frais de soins et d'hospitalisation afférents à l'interruption volontaire de grossesse effectuée dans les conditions prévues par le Code de la sécurité sociale (article L160-8) ;

- des actes accomplis durant le parcours qui conduit à une IVG (consultations, examens de biologie, échographies...), en vertu de l'arrêté du 26 février relatif aux forfaits afférents à l'IVG 6 ( * ) .

6. Statistiques

Le tableau suivant présente l'évolution du nombre d'interruptions de grossesse en France de 1976 à 2015, année où l'on a enregistré 203 463 IVG.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D'IVG ET D'IMG ET DES INDICES ANNUELS 1976-2015

ÉVOLUTION DU NOMBRE D'IVG
ET D'IMG
ET DES INDICES ANNUELS 1976-2015

Nombre d'IVG + IMG déclarés dans les bulletins
(1)

Nombre d'IVG SA



(2)

Nombre d'IVG estimé par l'Ined

(3)

Ratio d'IVG pour 100 naissances vivantes


(4)

Taux annuel d'IVG pour 1000 femmes de 15 à 49 ans
(4)

Nombre moyen d'IVG par
femme

(4)

1976

134 173

246 000

34,1

19,6

0,66

1990

170 423

209 000

27,4

14,8

0,49

2000

192 174

206 000

26,6

14,2

0,51

2006

174 561

215 390

27,0

14,9

0,53

2007

185 498

213 382

27,1

14,7

0,53

2008

180 108

209 245

26,3

14,5

0,52

2009

171 152

209 987

26,5

14,6

0,53

2010

172 505

213 317

26,4

14,8

0,53

2011

170 081

209 291

26,4

14,7

0,53

2012

156 824

207 120

26,2

14,5

0,53

2013

149 579*

216 697

26,7

15,3

0,55

2014

126 464*

211 764

27,1*

15,0*

(nd)

2015

(nd)

203 463

26,7*

14,5*

(nd)

Champ : France métropolitaine ; * Provisoire ; (nd) Non disponible

(1) Statistiques des bulletins : interruptions volontaires de grossesse (IVG) et interruptions médicales (IMG)

(2) Statistiques administratives des actes médicaux. A partir de 2010, les données des IVG associées à des régimes particuliers (MSA et RSI) sont intégrées. Sources : Drees et CNAM-TS à partir de 2010

(3) Estimation de l'Ined (IVG). À partir de 2002, les statistiques hospitalières sont jugées exhaustives. Source : C. Rossier et C. Pirus (2007)

(4) Sur la base des estimations Ined jusqu'en 2001, sur la base des statistiques médicales depuis 2002

Source : INED, https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/avortements-contraception/avortements


* 1 Voir sur ce point le rapport d'information de Mmes Annick Billon et Françoise Laborde, au nom de la Délégation aux droits des femmes sur les dispositions du projet de loi de modernisation de notre système de santé n° 592, enregistré le 2 juillet 2015, p. 62-63.

* 2 Conseil d'Etat, Assemblée, 31 octobre 1980, n° 13028.

* 3 Article 127 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 4 Voir aussi la décision n° 2017-747 DC du 16 mars 2017, sur la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

* 5 http://www.ameli-sante.fr/contraception-durgence/la-contraception-durgence-quest-ce-que-cest.html

* 6 La Délégation aux droits des femmes du Sénat a cependant relevé, dans un récent rapport, les obstacles pratiques qui limitent l'accès à l'IVG - rapport d'information de Mme Chantal Jouanno, au nom de la Délégation aux droits des femmes sur l'IVG et le délit d'entrave par voie numérique n° 172 , enregistré le 1 er décembre 2016, p. 9 .

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