B. OBSERVATIONS TIRÉES DE LA COMPARAISON DES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES

L'analyse des huit législations présentées infra permet de de distinguer :

- la nature du texte d'où résulte le régime de l'IVG ;

- les motifs de l'interruption de grossesse ;

- la procédure d'information préalable ;

- l'existence d'une clause de conscience ;

- la prise en charge financière de l'intervention ;

- et les sanctions pénales.

a) De quel texte résulte le régime de l'interruption de grossesse ?

L'interruption de grossesse résulte :

- du Code pénal en Belgique, en Suisse et en Allemagne où ces dispositions sont précisées par une loi ad hoc ;

- et de dispositions spécifiques en Irlande, en Italie, en Suède et au Texas.

b) Quel motif pour l'interruption de grossesse ?

• La décision de la femme pour des motifs relevant de son appréciation

En Allemagne, n'est « pas pénalisée » l'interruption de grossesse dans les 12 semaines à compter de la conception  lorsque la femme enceinte prouve qu'elle a reçu un conseil dans un centre spécialisé au moins trois jours avant l'intervention.

En Belgique, dans les 12 semaines de la conception, la femme « que son état place dans un situation de détresse », état souverainement apprécié par le médecin, peut subir une telle intervention réalisée dans un établissement de soin où existe un service d'information.

En Suisse, l'IVG est possible dans les 12 premières semaines à la demande de la femme qui se trouve dans une situation de détresse.

En Italie, l'IVG est possible, dans les 90 jours d'aménorrhée, « en lien avec la situation économique, sociale ou familiale de la femme ».

En Suède, la femme peut exercer le droit de demander l'interruption de grossesse avant la fin de la 18 e semaine de grossesse, sauf si l'intervention peut occasionner un danger pour sa vie ou sa santé.

Au Texas, où en vertu de l'arrêt Roe versus Wade, le droit constitutionnel au respect de la vie privée « est suffisamment large pour comprendre la décision d'une femme d'interrompre, ou non, sa grossesse », avant la 20 e semaine suivant la fécondation.

L'interruption de grossesse pour ces motifs n'est pas possible en Pologne, elle ne l'est pas davantage en Irlande, un pays où la Constitution et la loi reconnaissent cependant à la femme le droit de se rendre à l'étranger pour subir une interruption de grossesse au sujet de laquelle elle peut toutefois obtenir des informations alors qu'elle se trouve dans son pays.

• La préservation de la vie de la femme

L'interruption de grossesse est possible à tout moment afin de préserver la vie de la femme enceinte :

- en Allemagne et en Belgique, au-delà des 12 semaines à compter de la conception ;

- en Irlande, sous réserve de l'obtention de l'agrément de deux médecins ;

- en Italie, au-delà de 90 jours d'aménorrhée ;

- en Pologne, lorsque la grossesse constitue une menace pour la santé de la femme enceinte et tant que le foetus n'a pas la faculté de vivre ;

- en Suède, après la fin de la 18 e semaine, avec l'accord de la direction générale de la Santé ;

- en Suisse où l'interruption de grossesse n'est alors pas punissable « le danger devant être d'autant plus grave que la grossesse est avancée » ;

- et au Texas au-delà de 20 semaines à compter de la fécondation.

• La maladie incurable du foetus

L'interruption de grossesse est possible en cas de maladie incurable du foetus :

- en Belgique, au-delà des 12 semaines à compter de la conception ;

- en Italie tant durant les 90 premiers jours d'aménorrhée qu'après ce délai ;

- en Pologne, lorsque les examens prénataux ou d'autres éléments médicaux montrent l'existence d'une forte probabilité de handicaps lourds et irréversibles du foetus, qui n'a pas la faculté de vivre hors de l'organisme de la femme, ou d'une maladie incurable menaçant sa vie ;

- en Suède après la fin de la 18 e semaine, avec l'accord de la direction générale de la Santé si le foetus n'est pas viable ;

- au Texas en cas d'anomalie foetale sévère au-delà de 20 semaines à compter de la fécondation ;

- et en Allemagne, en vertu de l'interprétation faite de la loi.

• La grossesse survient à la suite d'un crime sexuel

L'interruption de grossesse est possible à la suite d'un crime sexuel :

- en Allemagne, dans les 12 semaines à compter de la conception ;

- en Italie durant les 90 premiers jours d'aménorrhée « du fait des circonstances dans lesquelles la conception est survenue » ;

- en Pologne tant que le foetus n'a pas la faculté de vivre hors de l'organisme de la femme.

• Le risque de suicide de la femme

L'interruption de grossesse est enfin possible en Irlande si trois médecins estiment qu'existe un risque de suicide de la femme.

c) La procédure d'information préalable

• Le contenu de l'information délivrée à la femme

En Allemagne un entretien de conseil qui se déroule dans un centre agréé doit servir la protection de la « vie non [encore] née », aider la femme enceinte à prendre sa décision en conscience et raison, « lui ouvrir des perspectives de vie avec son enfant » , l'informer que le « non [ encore ] né » a également un droit à la vie et que l'interruption volontaire n'est, en vertu de l'ordre juridique, envisageable que dans des situations exceptionnelles [...]».

En Belgique le service d'information de l'établissement où se déroule l'intervention « accueille la femme enceinte et lui donne des informations circonstanciées, notamment sur les droits, aides et avantages garantis par la loi et les décrets aux familles, aux mères célibataires ou non, et à leurs enfants, ainsi que sur les possibilités offertes par l'adoption de l'enfant à naître et [...] , à la demande soit du médecin soit de la femme, accorde à celle-ci une assistance et des conseils sur les moyens auxquels elle peut avoir recours pour résoudre les problèmes psychologiques et sociaux posés par sa situation ».

En Italie, la loi prévoit :

- soit le recours à un centre de consultation publique où se déroulent les examens médicaux appropriés, lequel a aussi pour mission, « spécialement quand la demande d'IVG est motivée par l'effet de la situation économique, sociale ou familiale sur la santé de la femme d'examiner avec celle-ci et avec le père, si la mère y consent [...] les solutions possibles des problèmes et de l'aider à supprimer les causes qui la conduiraient à l'IVG » ;

- soit la consultation d'un médecin que choisit la patiente, lequel réalise les vérifications sanitaires nécessaires et évalue avec la femme et avec le père, sous réserve du consentement de la femme, « les circonstances qui la conduisent à demander l'IVG » , l'informant, à cette occasion, sur ses droits et sur les aides sociales auxquelles elle peut avoir recours ainsi que sur les centres de consultations et les structures socio-sanitaires.

En Suède, la loi prévoit que l'on propose, avant l'intervention, un « entretien de soutien » à la femme qui subit un interruption de grossesse.

En Suisse, le médecin est tenu avant l'intervention « de s'entretenir lui-même de manière approfondie avec la femme enceinte, de la conseiller et de l'informer sur les risques médicaux de l'intervention ainsi que de lui remettre contre signature un dossier comportant : la liste des centre de consultation qui offrent gratuitement leurs service, une liste d'associations et organismes susceptibles de lui apporter une aide morale ou matérielle [et] des informations sur les possibilités de faire adopter l'enfant ». Si la patiente a moins de seize ans, il doit en outre s'assurer qu'elle s'est adressée à un centre de consultation spécialisé pour mineures.

Au Texas, le médecin qui effectue l'interruption de grossesse est tenu de recueillir le consentement volontaire et d'informer la patiente en lui indiquant :

- son nom, les risques médicaux particuliers associés à la procédure abortive employée, l'âge gestationnel probable de l'« enfant non-né » au moment où l'avortement (abortion) sera effectué et les risques médicaux associés avec le fait de porter l'enfant à terme ;

- diverses informations telles que les prestations d'assistance médicale disponibles pour le soin prénatal, la naissance de l'enfant et le soin néonatal, la place du père dans l'entretien et la charge de l'enfant ou le fait que des entités délivrent des conseils et recommandations en matière de prévention des grossesses et d'obtention de contraceptifs, y compris la contraception d'urgence pour les victimes de viol ou d'inceste ;

- le « document d'information » publié par le ministère texan de la Santé, en lui présentant son contenu.

Le praticien doit en outre, au moins 24 heures avant l'intervention :

- effectuer une échographie ;

- exposer l'image en qualité suffisante et de façon que la femme puisse la voir ;

- expliquer oralement et de façon compréhensible les résultats de cet examen, y compris les dimensions de l'embryon ou du foetus, l'existence d'une activité cardiaque, de membres externes et d'organes internes ;

- rendre audibles les battements du coeur pour que la femme puisse les entendre ;

- lui faire remplir et signer une attestation relative au consentement volontaire et informé.

La femme enceinte peut refuser de consulter le « document d'information », de regarder les images de l'échographie et d'écouter l'auscultation cardiaque. Elle peut également choisir de ne pas recevoir l'explication orale des résultats de l'échographie si :

- sa grossesse est la conséquence d'une agression sexuelle, d'un inceste;

- elle est mineure et a obtenu le droit d'interrompre sa grossesse au terme d'une procédure judiciaire qui la soustrait à l'autorisation parentale ;

- ou si le foetus souffre d'une anomalie médicale irréversible.

• Le délai de réflexion à compter de l'entretien

Le délai de réflexion consécutif à la délivrance d'une information à la femme susceptible de subir une IVG est de :

- 7 jours en Italie ;

- 6 jours en Belgique ;

- 3 jours en Allemagne ;

- et 24 heures au Texas.

d) L'existence d'une clause de conscience

La loi reconnaît au médecin le droit de refuser d'effectuer une interruption de grossesse :

- en Allemagne, sauf si la vie de la mère est en jeu ;

- en Belgique où le praticien sollicité doit informer la femme enceinte de son refus dès la première visite ;

- en Irlande où le recours à la clause de conscience est possible pour tous les personnels médicaux en cas d'urgence, sous réserve d'assurer le transfert de la patiente afin qu'elle puisse obtenir une interruption de grossesse dans les conditions prévues par la loi ;

- en Italie où le personnel sanitaire peut recourir à la clause de conscience par une déclaration préalable mais ne peut l'invoquer si son intervention est indispensable pour sauver la vie de la mère en cas de péril imminent ;

- en Pologne où le médecin peut recourir à la clause de conscience, formulée dans une déclaration préalable s'il travaille dans une structure sanitaire, et doit adresser sa patiente à un confrère ou une consoeur.

En Suisse, des dispositions relatives à la clause de conscience peuvent exister au niveau des cantons.

Enfin, en Suède, la loi ne comporte pas de dispositions spécifiques permettant à un médecin ou à un membre du personnel de santé d'invoquer une clause de conscience.

e) La prise en charge du coût de l'interruption de grossesse

L'interruption de grossesse est prise en charge, quel que soit le fait qui la motive en Belgique, sous réserve du versement d'un ticket modérateur.

Elle est prise en charge également en Italie, en Pologne, en Suède et en Suisse.

Elle n'est prise en charge intégralement en Allemagne que lorsqu'elle résulte d'un motif thérapeutique ou qu'elle est réalisée à la suite d'un crime sexuel.

Elle est payée par la femme :

- en Allemagne, lorsqu'elle résulte de sa décision dans les 12 semaines de la conception, chaque Land pouvant cependant accorder une aide aux personnes dépourvues de revenus ;

- en Irlande ;

- et au Texas.

f) Les sanctions de l'interruption de grossesse illégale

• Sanction de la femme enceinte :

La femme enceinte qui subit une interruption d'une grossesse de façon illégale encourt :

- une amende ou un an d'emprisonnement en Allemagne ;

- un mois à un an d'emprisonnement et une amende de cinquante à deux cents euros en Belgique ;

- trois ans d'emprisonnement ou une amende en Suisse ;

- une amende ou une peine d'emprisonnement de 14 ans en Irlande.

Les sanctions qui répriment le meurtre ne sont pas applicables à la femme au Texas.

• Sanction de l'auteur de l'intervention autre que la femme :

L'auteur d'une interruption de grossesse réalisée dans des conditions illégales est passible :

- d'un an d'emprisonnement s'il n'a pas la qualité de médecin en Suède ;

- d'une amende ou de 3 ans d'emprisonnement en Allemagne ;

- de trois ans d'emprisonnement en Pologne ;

- de trois mois à un an d'emprisonnement et d'une amende de cent à cinq cents euros en Belgique ;

- de cinq ans d'emprisonnement en Suisse ;

- d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement de 14 ans en Irlande ;

- et de 5 à 99 ans d'emprisonnement ou de la prison à vie au Texas.

La peine est aggravée :

- de six mois à quatre ans d'emprisonnement lorsque la personne qui, sans avoir la qualité de médecin, accomplit une interruption de grossesse de façon réitérée, afin d'en tirer profit ou en occasionnant un danger pour la vie ou la santé de la femme en Suède;

- de un à dix ans d'emprisonnement si l'interruption est réalisée sans le consentement de la femme en Suisse ;

- de 6 mois à 5 ans d'emprisonnement, si l'auteur agit contre la volonté de la femme enceinte ou s'il occasionne un péril de mort ou une grave détérioration de sa santé en Allemagne ;

- de six mois à huit ans d'emprisonnement pour quiconque pratique ou aide à pratiquer une interruption de grossesse lorsque le foetus avait la faculté de vivre hors de l'organisme de sa mère en Pologne ;

- de 4 à 8 ans d'emprisonnement pour l'auteur d'une interruption de grossesse réalisée sans consentement de la femme ou moyennant un consentement extorqué par violence, menace ou tromperie, voire 8 à 16 ans en cas de mort de la femme en Italie ;

- et de 5 à 10 ans d'emprisonnement, si la femme enceinte n'y a pas consenti et de 10 à 15 ans en cas de décès de la femme en Belgique.

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