LES INFRACTIONS SEXUELLES SUR LES MINEURS :
CONSENTEMENT ET PRESCRIPTION

I. EN EUROPE

Cette note présente le régime pénal des infractions à caractère sexuel sur les mineurs en considérant, d'une part, les effets du consentement de la victime, d'autre part, les règles de prescription. La recherche de la division de la Législation comparée a couvert les exemples de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie, des Pays-Bas et du Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles).

1. Le consentement du mineur

Dans les cinq systèmes juridiques européens analysés par la division, il est déterminé un âge en dessous duquel le consentement éventuel du mineur à un acte sexuel est considéré comme nul et sans effet en raison de son immaturité. Ceci a pour conséquence que, même sans violence ou menace, les actes sexuels avec des mineurs qui n'ont pas atteint l'âge fixant le seuil du consentement constituent des infractions pénales.

En Allemagne , l'enfant n'est pas considéré comme capable de donner un consentement valide à un acte sexuel avant 14 ans . Celui qui réalise un acte sexuel sur un enfant de moins de 14 ans ou qui fait réaliser sur lui par le mineur un acte sexuel commet un délit (§176 Strafgesetzbuch ). De même, en Italie , tout acte sexuel commis avec un mineur qui n'a pas atteint 14 ans est puni de la même façon qu'un viol ou une agression sexuelle (art. 609 quater codice penale). La Cour de Cassation italienne en a déduit un principe de présomption irréfragable de non-consentement des mineurs de moins de 14 ans. L'expression d'un éventuel consentement de la victime n'a pas à être prise en compte (Cass. It., n. 16443, 31 mars 2017).

Dans les trois autres pays, le seuil essentiel est fixé à 16 ans. En Espagne , l'âge de consentement à un acte à caractère sexuel d'un mineur a été relevé de 13 à 16 ans en 2015 34 ( * ) . Au Royaume-Uni ( Angleterre et Pays de Galles ), un enfant de moins de 13 ans n'a en aucune circonstance la capacité légale de consentir à une quelconque forme d'acte sexuel 35 ( * ) . Toutefois l'âge du consentement n'est pas fixé à 13 ans mais à 16 ans : tout acte à caractère sexuel avec un mineur de moins de 16 ans constitue une infraction pénale 36 ( * ) .

Outre les peines prévues dans chaque cas, la différence entre le seuil de 13 ans et le seuil de 16 ans se situe dans le moyen de défense ouvert à l'accusé : en-dessous de 13 ans, est inopérant le moyen tiré d'une erreur sur l'âge de la victime , qui est apprécié objectivement à partir de son état civil, tandis qu'entre 13 et 16 ans, le défendeur peut plaider qu'il pouvait raisonnablement croire que le mineur avait 16 ans ou plus 37 ( * ) .

Les Pays-Bas connaissent un système différent de double seuil . Ils écartent l'examen du consentement de l'enfant jusqu'à 12 ans. En dessous de cet âge, toute pénétration sexuelle constitue une infraction pénale (art. 244 wetboek van strafrecht ). Toutefois, un deuxième seuil est fixé à 16 ans pour les actes réalisés hors mariage (buiten echt) : s'il n'y a pas d'union, tout acte de débauche (ontuchtige handelingen) accompagné de pénétration est considéré comme une infraction, qu'il y ait eu ou non l'expression d'un consentement (art. 245 wetboek van strafrecht ). Cette exemption pour les couples légalement mariés, qui s'applique notamment pour les mariages conclus à l'étranger, est explicitement rejetée au Royaume-Uni 38 ( * ) .

Des peines d'emprisonnement sont prévues 39 ( * ) , l'acte étant systématiquement considéré comme particulièrement grave par le législateur ; elles sont alourdies lorsque le mineur est particulièrement jeune, lorsqu'une pénétration s'est produite, lorsqu'existe un lien d'autorité, de tutelle ou de dépendance avec le mineur ou lorsqu'il en résulte des blessures ou des lésions.

En Allemagne , pour un acte sexuel commis avec un mineur de moins de 14 ans, âge limite du consentement, la peine est comprise entre 6 mois et 10 ans d'emprisonnement. La pleine minimale est relevée à 2 ans de réclusion dans trois cas d'abus particulièrement graves :

- quand l'auteur âgé de plus de 18 ans achève le rapport sexuel ( den Beischlaf vollzieht ) ou en général quand l'acte inclut une pénétration sur l'un ou l'autre des participants ;

- quand l'abus a été commis à plusieurs en réunion ;

- en cas de danger sérieux pour la santé ou le développement physique ou mental de l'enfant (§ 176a StGB ).

En Italie , la peine peut aller de 5 à 10 ans de réclusion. Elle est comprise entre 6 et 12 ans, si l'acte est accompagné de violence ou de menaces. Si le mineur a moins de 10 ans, la peine va de 7 à 14 ans (art. 609 ter codice penale ).

En Espagne , celui qui commet un acte à caractère sexuel avec un mineur de moins de 16 ans se rend coupable d'un abus sexuel sur mineur passible d'une peine de réclusion de 2 à 6 ans. L'emploi de la violence ou de l'intimidation transforme le délit en agression sexuelle sur mineur, avec une peine de 5 à 10 ans de prison. Une pénétration vaginale, anale ou buccale par un membre corporel ou par un objet constitue également une circonstance aggravante et implique un rehaussement de la peine, qui est alors comprise entre 8 et 12 ans, voire entre 12 et 15 ans en cas de violence ou d'intimidation (art. 183 código penal ).

Aux Pays-Bas , un rapport sexuel avec un mineur est puni de 12 ans de prison au plus s'il est âgé de moins de 12 ans, et de 10 ans de prison au plus s'il a moins de 16 ans, hors cadre matrimonial. Si une relation sexuelle illégale avec un mineur conduit à des lésions graves, la peine maximale est établie à 12 ans, et en cas de décès du mineur à 15 ans (art. 247 wetboek van strafrecht ).

En Angleterre et au Pays de Galles , on distingue sur les enfants de moins de 13 ans la pénétration par un pénis, la pénétration intentionnelle et à caractère sexuel par un autre membre du corps ou par un objet, un geste avec un contact à caractère sexuel. Les cas de pénétration emportent comme peine maximale la réclusion à perpétuité. Lorsqu'il n'y a pas de pénétration, la peine maximale est de 14 ans. La même peine maximale est prévue lorsque la personne abusée est un mineur de plus de 13 ans et moins de 16 ans.

Toutefois, au-dessus de l'âge limite, la reconnaissance et les effets du consentement du mineur sont progressifs et parfois échelonnés jusqu'à la majorité. L'idée directrice est qu'il est plus facile de forcer ou de vicier le consentement d'un adolescent qui se trouve socialement dépendant d'autres personnes en position d'abuser de leur autorité ou de sa confiance .

L'Allemagne distingue aussi les abus sexuels sur les jeunes de moins de 16 ans et sur les moins de 18 ans. À partir de 14 ans et jusqu'à 16 ans, le mineur est considéré comme capable d'exprimer son consentement, mais il appartient au juge d'examiner selon les circonstances de l'espèce, en fonction de la maturité du jeune de sa capacité à évaluer les implications de l'acte sexuel si le consentement exprimé était effectivement libre et donc admissible. La réalisation d'actes sexuels sur un mineur de 14 ou 15 ans constitue une infraction pénale, si l'auteur exploite pour parvenir à ses fins le défaut de capacité de la victime à décider librement (fehlende Fähigkeit des Opfers zur sexuellen Selbtbestimmung) (§ 182 StGB) 40 ( * ) . Cela reste difficile à définir abstraitement et doit toujours fait l'objet d'une appréciation in concreto . À partir de 16 ans et jusqu'à 18 ans, seule l'exploitation d'une situation de contrainte pour forcer le mineur à consentir à l'acte sexuel, autrement dit un abus de faiblesse, est punissable (§ 182 StGB) 41 ( * ) . La situation de contrainte (Zwangslage) va au-delà des menaces, de la pression physique ou de la peur de représailles pour englober toute situation de fragilité personnelle ou économique du mineur. Elle est caractérisée en cas de dépendance du mineur aux drogues, lorsqu'il est sans domicile fixe ou en situation de détresse avérée par exemple.

En Italie , est reconnu valable le consentement des mineurs de 14 ans à un acte sexuel, sauf lorsqu'il existe un lien d'autorité, de tutelle ou de vie en commun avec le partenaire. Toute personne à laquelle est confiée un mineur de 14 ans ou plus, notamment un enseignant, un tuteur, un parent biologique ou adoptif, et qui commet un acte sexuel à son encontre est puni comme pour un viol ou une agression sexuelle (art. 609 quater codice penale ). À partir de 16 ans, il faut néanmoins établir que l'acte s'accompagne d'un abus des pouvoirs ou de l'autorité dont la personne incriminée dispose sur le mineur. Même dans ce cas, tant qu'il n'y a pas de violence ou de menace, la peine est réduite 42 ( * ) .

En Espagne , est punie pour abus sexuel toute personne qui par tromperie ou en abusant d'une position reconnue de confiance, d'autorité ou d'influence commet un acte sexuel sur un mineur de 16 à 18 ans (art. 182 código penal ), même en cas de consentement apparent de la victime 43 ( * ) .

De la même façon, les Pays-Bas sanctionnent les actes de débauche commis sur un mineur de 16 ou 17 ans, quand bien même ils sont réalisés sans violence et avec le consentement du jeune, dès lors que l'auteur est son parent biologique ou adoptif, son beau-parent ou son professeur. Cela vaut aussi si le mineur est placé sous sa garde ou s'il est son employé ou son subordonné (art. 249 wetboek van strafrecht ) 44 ( * ) .

On retrouve le même principe en droit anglais, les mineurs de 16 et 17 ans sont protégés contre tout abus commis par une personne qui occupe dans leur vie une position de confiance ou d'autorité, même en cas de consentement exprès 45 ( * ) .

Diverses exceptions au principe de présomption de non-consentement du mineur sont aménagées, notamment en fonction de l'âge de l'auteur .

L'Italie prévoit expressément que ne peut être puni un mineur accomplissant sans violence, ni menaces, un acte sexuel avec un autre mineur dès lors que celui-ci est âgé de plus de 13 ans et qu'il n'existe pas plus de 3 ans de différence d'âge entre eux (art. 609 quater codice penale ).

L'Espagne admet que, par exception, le libre consentement d'un mineur de moins de 16 ans lève toute responsabilité pénale, lorsque l'auteur du délit est lui-même proche du mineur en âge et en degré de développement et de maturité (art. 183 quater código penal ).

L'Allemagne exclut la responsabilité pénale des personnes de moins de 21 ans pour les actes sexuels commis sans violence et sans abus de faiblesse sur des mineurs entre 14 ans et 16 ans. En revanche, elle a supprimé en 2015 l'ancienne restriction qui ne faisait peser que sur des majeurs la responsabilité pénale de l'abus de faiblesse sur des mineurs de 16 à 18 ans. Désormais, un mineur peut être puni pour avoir abusé de la situation de détresse d'un autre mineur afin de lui extorquer des faveurs sexuelles.

En revanche, en Angleterre et au Pays de Galles , il n'existe pas d'exemptions légales de poursuites pour les mineurs auteurs d'abus sexuels. Cependant, lorsque la victime a 13 ans ou plus, le législateur a prévu des peines moindres :

- d'abord, la possibilité d'éviter l'équivalent de la mise en examen et du procès d'Assises avec jury ( indictment ) au profit d'une procédure sommaire applicable aux infractions plus légères et conclue par ordonnance ( summary conviction ). La peine est alors inférieure à 6 mois d'emprisonnement ou constituée d'une amende ;

- ensuite, s'il y a condamnation par un jury d'Assises, la peine maximale est fixée à 5 ans de réclusion 46 ( * ) .

Dans la pratique, le Crown Prosecution Service dispose d'une assez large marge de manoeuvre pour décider de l'opportunité des poursuites en fonction de la différence d'âge et de maturité, de la nature des actes commis, des relations plus générales entretenues par les parties et de l'emploi de la violence ou de la menace notamment.

2. Les règles de prescription

Aucun des pays examinés ne retient la date de commission des faits pour point de départ du délai de prescription des poursuites.

En Espagne , en Italie et aux Pays-Bas , le délai de prescription court à compter des 18 ans , âge de la majorité de la victime 47 ( * ) . L'Italie précise toutefois que si la poursuite est engagée avant les 18 ans de la victime, alors le délai court à partir de la dénonciation.

En 2015 , l'Allemagne a relevé le point d'origine du décompte de la prescription à la date où la victime atteint les 30 ans (§78b StGB). Auparavant, le délai courait à partir des 18 ans de la victime. Dans la même direction, une proposition de loi a été déposée le 22 novembre 2016 devant le Congrès des députés espagnols afin de relever aux 30 ans de la victime le décompte de la prescription des délits contre la liberté et l'immunité sexuelles des mineurs 48 ( * ) .

La durée du délai de prescription varie en fonction de la durée de la peine de réclusion prévue . Par conséquent, elle varie généralement au sein d'un pays avec l'âge de la victime mineure et, éventuellement, la nature de l'acte sexuel.

En Italie , le délai est calculé comme le double de la peine maximale prévue hors circonstances aggravantes. Dans le cas d'un abus sexuel sur un mineur de moins de 14 ans, âge limite du consentement, le délai est alors de 20 ans (art. 157 codice penale ).

En Espagne , le délai est fixé par tranches de cinq ans à partir de la peine maximale prévue. Il s'établit alors à 10 ans pour les abus sexuels avec un mineur de moins de 16 ans mais à 20 ans en cas de pénétration (art. 131 código penal ).

Aux Pays-Bas , selon le même principe d'un allongement par tranches du délai en fonction de la lourdeur de la peine, les abus sexuels sur les mineurs se prescrivent au bout de 20 ans lorsqu'ils ont moins de 12 ans et au bout de 12 ans dans les autres cas (art. 70 wetboek van strafrecht ).

L'Allemagne , qui suit le même principe de calcul par tranches, prévoit un délai de 10 ans pour les abus sexuels avec un mineur de moins de 14 ans, âge limite du consentement, et de 5 ans dans les autres cas. Ces délais plus courts doivent être appréciés en tenant compte du point d'origine plus tardif de décompte que dans les autres pays (§78 Strafgesetzbuch ).

Le cas de l'Angleterre et du Pays de Galles est entièrement différent du fait du principe général d'imprescriptibilité qui prévaut en Common Law 49 ( * ) . En principe des poursuites pénales peuvent être indéfiniment engagées pour les infractions les plus graves (indictable offenses) dont font partie les abus sexuels sur les mineurs.

Deux tempéraments sont possibles à cette règle générale. D'une part, le juge dispose de larges pouvoirs d'appréciation pour faire cesser une poursuite qu'il estime abusive en fonction des circonstances de l'espèce, car elle violerait le droit du défendeur à un procès équitable, lorsque les faits qui lui sont reprochés sont lointains ou que l'accusation a abusé de procédures dilatoires. En matière d'abus sexuels sur les mineurs, les juges peuvent cependant être plus réticents à éteindre des poursuites de cette façon.

D'autre part, le législateur peut fixer des délais de prescription spéciaux, les statutes of limitations . Il existait précisément de telles dispositions en matière de relations sexuelles illégales (unlawful sexual intercourse) , notamment avec des mineurs, jusqu'à l'adoption du Sexual Offences Act du 20 novembre 2003 qui les a abrogées . Désormais, les abus sexuels sur mineurs sont indéfiniment passibles de poursuites, sous réserve de l'appréciation du juge. Cependant, sous l'empire de la précédente législation , les infractions constituées par des relations sexuelles avec des adolescents de 13 à 15 ans qui ont eu lieu entre 1956 et 2004 sont prescrites dès lors que des poursuites n'ont pas été engagées dans l'année suivant la commission des faits.


* 34 Loi organique 1/2015 du 30 mars 2015.

* 35 Sexual Offences Act du 20 novembre 2003 (sections 5-8)

* 36 Sexual Offences Act du 20 novembre 2003 (sections 9-12)

* 37 Crown Prosecution Service, Rape and Sexual Offences-Legal Guidance, ch.2, p. 14. Le même type de défense est également ouverte en Allemagne.

* 38 Ibid.

* 39 Pour les infractions les moins graves, l'Allemagne et les Pays-Bas ouvrent la possibilité d'une peine d'amende.

* 40 La peine maximale est alors de 3 ans de réclusion.

* 41 La peine maximale est alors de 5 ans de réclusion.

* 42 3 à 6 ans de réclusion au lieu de 5 à 10 ans.

* 43 La peine est réduite à une fourchette de 1 à 3 ans de prison.

* 44 La peine maximale est réduite à 6 ans de prison.

* 45 Sexual Offences Act du 20 novembre 2003 (sections 16-24). La peine maximale est alors de 5 ans de réclusion.

* 46 Sexual Offences Act du 20 novembre 2003 (section 13).

* 47 Très précisément, l'Espagne retient le jour de la majorité (art. 132 código penal), l'Italie le jour des 18 ans (art. 158 codice penale, rédaction issue de la loi du 23 juin 2017 n. 103) et les Pays-Bas, le jour suivant l'accomplissement des 18 ans ( art. 71 wetboek van strafrecht).

* 48 Proposition de loi 122/000046, présentée par le groupe parlementaire mixte, à l'initiative du parti démocrate européen catalan, 22 novembre 2016, Bulletin officiel du congrès des députés, XIIe législature, B, 59-1, pp.1-3.

* 49 Conformément à la règle nullum tempus occurit regi le temps ne court pas contre le roi, déjà fixée au 13 e siècle dans le plus vieux traité de droit anglais, De legibus et consuetudinibus Angliae d'Henry de Bracton. Si la règle anglaise d'imprescriptibilité est encore applicable, en particulier aux crimes sexuels, en Irlande, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Australie, ce n'est plus le cas aux Etats-Unis, chaque Etat fédéré ayant une législation propre en matière de prescription des poursuites pénales. Dans 34 Etats, est prévu un délai de prescription des crimes sexuels allant de 3 à 30 ans. Dans les autres, l'imprescriptibilité demeure la règle.

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