SUISSE

I - LES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES ET LEGISLATIVES

L'institution du référendum existe aux niveaux fédéral, cantonal et communal. Les seules dispositions fédérales sont examinées ici.


Le champ du référendum

La procédure

L'article 89-2 de la Constitution fédérale permet d'organiser un référendum sur toute loi fédérale ou tout arrêté fédéral (1) de portée générale.

De la même façon, peuvent être soumis à référendum, aux termes de l'article 89-3 de la Constitution fédérale, les " traités internationaux qui :

a ) sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables ;

b) prévoient l'adhésion à une organisation internationale ;

c) entraînent une modification multilatérale du droit. "


Une loi spécifique peut soumettre à référendum d'autres traités.

La demande doit être faite dans les 90 jours suivant la publication de l'acte par 50 000 citoyens ou par 8 cantons . Jusqu'à maintenant, la seconde possibilité n'a pas été utilisée car la première est plus facile à mettre en oeuvre.

Le référendum a un effet suspensif : le texte qui y est soumis n'entre en vigueur que s'il obtient la double majorité des électeurs et des cantons.

L'effet suspensif du référendum rend indispensable le mécanisme de l'urgence : un arrêté fédéral de portée générale " dont l'entrée en vigueur ne souffre aucun retard " peut entrer en vigueur immédiatement si la majorité des membres de chacune des deux Chambres le décide. Dans ce cas, le référendum doit être organisé dans l'année qui suit la publication, faute de quoi l'arrêté perd sa validité.

Le peuple est consulté sur le texte et non pas, comme en Italie, sur son abrogation.

L'article 89 bis de la Constitution fédérale impose l'organisation d'un référendum pour valider " les arrêtés fédéraux mis en vigueur d'urgence qui dérogent à la Constitution. "

Le référendum est obligatoire . Il doit être organisé dans le délai d'un an. Le texte est validé s'il obtient la double majorité des électeurs et des cantons.

L'article 89-5 de la Constitution impose également le référendum pour " l'adhésion à des organes de sécurité collective ou à des communautés supranationales ".

Le référendum est obligatoire . La double majorité des électeurs et des cantons est nécessaire.

Toute révision de la Constitution, partielle ou totale, d'initiative parlementaire ou populaire, est aux termes des articles 120 à 123 de la Constitution fédérale, soumise à référendum.

La loi sur les droits politiques précise les conditions de recevabilité des initiatives populaires de révision constitutionnelle ainsi que les délais dans lesquels l'Assemblée fédérale doit se prononcer.

1) La révision totale

Avant le référendum sur la révision, il y a lieu d'organiser un référendum sur le principe de la révision si la demande de modification constitutionnelle émane de 100 000 citoyens ou si une des deux Chambres n'est pas d'accord avec la proposition de révision émise par l'autre. Si la majorité des électeurs se prononce pour une telle révision, les deux Conseils sont dissous et les Conseils nouvellement élus élaborent le projet de révision.

2) La révision partielle (voir annexe, p 37 )

La demande populaire (100 000 signatures) de révision partielle peut également donner lieu à un référendum de principe si elle est rédigée " en termes généraux " et que l'Assemblée fédérale ne l'approuve pas.

En effet, lorsque l'Assemblée fédérale est d'accord, elle élabore un projet de révision correspondant à l'initiative et le référendum a lieu sur ce projet.

De même, lorsque la demande de révision prend la forme d'un " projet rédigé de toutes pièces ", même si l'Assemblée ne l'approuve pas et rédige une contre-proposition, il n'y a qu'un référendum. Il porte sur le projet émanant de l'initiative populaire, ainsi que, le cas échéant, sur la contre-proposition de l'Assemblée.

La révision totale ou partielle est considérée comme effective si elle est acceptée par la majorité des électeurs. La double majorité (électeurs et cantons) n'est pas nécessaire.

(1( * )) La loi se définit comme la règle de droit de durée illimitée alors que l'arrêté de portée générale est de durée limitée. Les deux actes émanent du Parlement. Les autres actes pris par le Parlement (arrêtés simples et ordonnances) ne sont pas justiciables du référendum.

Le champ du référendum est nettement plus étendu dans les cantons. En effet, non seulement tous les cantons connaissent le référendum constitutionnel obligatoire, mais le référendum législatif est beaucoup plus important qu'au niveau fédéral. Toutes les constitutions cantonales prévoient le référendum législatif sous forme facultative ou obligatoire ou sous une forme mixte. Toutes les constitutions cantonales ont également introduit le référendum financier en vertu duquel les dépenses dépassant un certain montant ainsi que les nouveaux impôts sont soumis à référendum, facultatif ou obligatoire selon les cantons. Par ailleurs, l'initiative populaire, limitée au domaine constitutionnel par la Constitution fédérale s'applique à toutes les lois au niveau cantonal.

II - LA PRATIQUE

La plupart des référendums sont organisés à l'initiative des citoyens : soit en application de l'article 89-2 de la Constitution, pour sanctionner une loi déjà votée par le Parlement, soit en application de l'article 121 de la Constitution dans le cadre de la révision constitutionnelle. Dans ce second cas, l'initiative populaire est rarement approuvée.

Depuis 1991, seuls deux référendums ont eu lieu en application d'autres dispositions constitutionnelles :

- le 17 mai 1992, le référendum facultatif (article 89-3 de la Constitution) sur l'adhésion au F.M.I. ;

- le 6 décembre 1992, le référendum obligatoire (article 89-5 de la Constitution) sur l'adhésion à l'Espace économique européen (E.E.E.).

Le tableau ci-dessous récapitule les principaux référendums organisés au niveau fédéral depuis le 1er janvier 1991.


Date

Sujet

Résultat

3 mars 1991

Abaissement à 18 ans de la majorité électorale

Encouragement des transports publics

Adoption

Rejet

2 juin 1991

Introduction de la T.V.A. en remplacement de l'impôt sur le chiffre d'affaires

Décriminalisation de l'objection de conscience

Rejet

Adoption

16 février 1992

Assurance-maladie

Expérimentation animale

Rejet

Rejet

17 mai 1992

Adhésion au F.M.I. et à la Banque mondiale

Protection de l'homme contre les abus du génie génétique (nouvel article constitutionnel)

Révision du code pénal en matière de délits sexuels

Inscription du principe d'un service civil dans la Constitution fédérale

Loi sur la protection des eaux

Adoption

Adoption

Adoption

Adoption

Adoption

27 septembre 1992

Suppression des droits de timbre

Construction d'une nouvelle transversale ferroviaire alpine

Augmentation de l'indemnité parlementaire

Adoption

Adoption

Rejet

6 décembre 1992

Adhésion à l'E.E.E.

Rejet

7 mars 1993

Augmentation du prix des carburants

Suppression de l'interdiction des casinos

Interdiction des expériences sur les animaux

Adoption

Adoption

Rejet

6 juin 1993

Interdiction de l'acquisition d'avions de combat

Interdiction de la construction de nouvelles places d'armes

Rejet

Rejet

26 septembre 1993

Contrôle renforcé sur les ventes d'armes

Transformation du 1er août en jour férié

Amélioration de la protection des chômeurs

Mesures pour l'assurance-maladie

Adoption

Adoption

Adoption

Adoption

28 novembre 1993

Remplacement de l'impôt sur le chiffre d'affaires par la T.V.A.

Interdiction totale de la publicité pour l'alcool

Interdiction totale de la publicité pour le tabac

Adoption

Rejet

Rejet

20 février 1994

Chargement des camions sur des trains pour traverser les Alpes suisses

Vignette autoroutière

Adoption

Adoption

12 juin 1994

Mise sur pied d'un contingent de " casques bleus " suisses

Rejet

25 septembre 1994

Révision du code pénal pour y introduire une loi anti-raciste

Adoption

4 décembre 1994

Renforcement du contrôle des étrangers

Révision de l'assurance maladie

Adoption

Adoption

12 mars 1995

Politique agricole du gouvernement fédéral

(3 projets)

Limitation des dépenses de santé

Rejet

Adoption

Ce tableau montre que l'initiative populaire en matière constitutionnelle, employée par les partis, les organisations socio-professionnelles et les groupements de toute nature, est devenue une façon d'inciter les autorités à se saisir d'un dossier, voire un instrument d'expression des minorités.

De la même façon, les référendums portant sur des lois ordinaires sont essentiellement utilisés pour empêcher des évolutions voulues par le Parlement. Ainsi, l'introduction de la T.V.A. a été repoussée à trois reprises par référendum (en 1977, 1979 et 1991), avant d'être approuvée en 1993.

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