Avis n° 32 (2000-2001) de M. Philippe RICHERT , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 18 octobre 2000

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N° 32

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 octobre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer , par ordonnances , des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (Urgence déclarée),

Par M. Philippe RICHERT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier,
Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Roger Karoutchi, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Sénat : 473 (1999-2000), 30 et 31 (2000-2001).

Union européenne .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Comme plusieurs autres commissions, la commission des affaires culturelles a souhaité se saisir pour avis du projet de loi portant habilitation du gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

Votre commission n'insistera pas sur les raisons qui ont conduit le gouvernement à recourir à cette procédure d'habilitation par ordonnances, laissant à la commission des lois, saisie au fond, le soin de rappeler et d'apprécier le retard considérable pris par la France en matière de transposition des directives européennes : au moment où notre pays était appelé à présider l'Union européenne, quelque 117 directives n'étaient pas transposées dans les délais requis, dont près de la moitié nécessitent des aménagements législatifs, un tel retard étant source d'un important contentieux et d'astreintes coûteuses.

Si le recours à la procédure des ordonnances de l'article 38 de la Constitution n'est pas nouveau, s'agissant de la transposition de directives communautaires -cette procédure ayant été utilisée au cours des années 60 pour assurer l'application des directives du Conseil de la CEE en vue de mettre en place progressivement la liberté d'établissement et des prestations de services à l'intérieur de la Communauté, conformément au traité de Rome- force est de reconnaître que le présent projet de loi a pour objet de transposer des directives souvent anciennes, adoptées pour certaines au cours des années 80, ce qui témoigne à l'évidence d'une véritable négligence du gouvernement quant à la mise en oeuvre de la politique communautaire.

Pour justifier le recours à cette procédure d'habilitation, le gouvernement invoque l'encombrement du calendrier législatif. On ne peut que rappeler qu'il appartenait au gouvernement de tenir compte des impératifs, parfaitement prévisibles, de la présidence française de l'Union européenne dans l'élaboration de l'ordre du jour des assemblées dont il est maître en application de l'article 48 de la Constitution. Ainsi on se demandera pourquoi le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social, déposé à l'Assemblée nationale le 10 mai dernier, n'a pas été inscrit.

Par ailleurs, le gouvernement souligne le caractère technique des mesures de transposition, mesures dont la portée ne justifierait pas un véritable débat parlementaire. Il s'agit là d'une interprétation de la compétence législative à la fois inédite et contestable, le caractère technique d'un dispositif ne le privant pas pour autant a priori de sa portée politique. Au delà, cette appréciation, loin de justifier le recours aux ordonnances, constitue un motif supplémentaire de s'interroger sur les raisons des retards pris .

Ces observations conduisent naturellement votre rapporteur à s'interroger sur l'opportunité de recourir à la procédure des ordonnances pour des mesures qui auraient dû et pu être prises depuis longtemps.

Cependant, dans le cadre de la procédure d'habilitation, les pouvoirs dont disposent le Parlement sont contraints. Les assemblées ne peuvent qu'accepter la délégation du pouvoir législatif ou la contester, en la refusant ou en en limitant le champ. La voie est donc étroite.

Si ses champs de compétence ne sont concernés que de manière limitée par le présent projet de loi d'habilitation, votre commission est cependant fondée à se prononcer sur l'opportunité d'habiliter le gouvernement à transposer en droit national des règles communautaires qui relèvent des domaines de l'éducation (reconnaissance mutuelle des diplômes), de la communication (aspects du statut des réseaux câblés) et de la culture (profession d'agent artistique).

Sans remettre en cause la nécessité de procéder à des adaptations législatives dans les trois domaines dont elle s'est saisie, votre commission ne pourra que déplorer les négligences et les retards pris par le gouvernement dans la transposition du droit européen, qui seuls sont à l'origine aujourd'hui du dessaisissement du Parlement, et se prononcera sur les modalités à retenir pour mettre en conformité le droit national avec les règles communautaires.

*

* *

I. LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES RELATIVES À LA RECONNAISSANCE DES DIPLÔMES ET DES FORMATIONS

Si la transposition de chaque directive et les mesures d'adaptation correspondantes relèvent normalement d'un ministère " de tutelle " elle peut aussi concerner plusieurs départements ministériels : c'est en particulier le cas pour les deux directives relatives à la reconnaissance des diplômes et des formations qui relèvent à titre accessoire du ministère de l'éducation nationale pour certaines professions.

Il s'agit en l'espèce de la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans, et de la directive 92/51/CEE du Conseil du 18 juin 1992, qui complète la précédente en étendant son dispositif aux formations courtes, d'une durée inférieure à trois ans.

Ces deux directives ont d'ores et déjà été transposées pour une grande part à l'exception de certaines professions paramédicales, comme celle de psychologue et celle de diététicien .

Si les mesures législatives nécessaires à la transposition totale de ces directives apparaissent donc singulièrement modestes et techniques, elles n'en sont pas moins nécessaires, ne serait-ce que pour mettre fin à la procédure d'infraction engagée par la Commission européenne à l'encontre de la France pour défaut de transposition de la directive 89/48 à la profession de psychologue.

A. LE PROBLÈME GÉNÉRAL DE LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DES DIPLÔMES ET DES FORMATIONS AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

Dès l'origine, la Communauté s'est efforcée de donner un contenu concret au principe de la libre circulation des personnes, ce qui implique le droit pour les ressortissants des pays de la Communauté d'accéder à une activité professionnelle dans les Etats membres.

Il est apparu nécessaire de coordonner entre les Etats membres les conditions d'accès aux divers emplois, en particulier en ce qui concerne l'équivalence des diplômes et des qualifications professionnelles : la Communauté a ainsi engagé une politique visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres délivrés par les systèmes d'enseignement nationaux.

1. Le cas des professions réglementées

En l'absence d'harmonisation des qualifications, le candidat à certaines professions réglementées doit justifier du diplôme exigé dans le pays d'accueil sans pouvoir se prévaloir du diplôme obtenu dans le pays d'origine lui permettant d'exercer la même activité.

Dans la perspective du marché unique, un système de reconnaissance des diplômes a été progressivement mis en place, selon deux approches : la première sectorielle par profession, qui a permis d'adopter laborieusement plusieurs directives, la seconde, horizontale et générale tendant à une reconnaissance mutuelle des diplômes exigés pour l'accès à une profession.

a) Une reconnaissance sectorielle des diplômes

La reconnaissance est ainsi automatique pour les professions dont la formation a été harmonisée par le droit communautaire : dans ce cas, tout citoyen de l'Union européenne ayant acquis dans un Etat membre l'expérience ou la formation professionnelle a le droit d'exercer librement sans que l'Etat d'accueil ait un droit d'appréciation.

Les systèmes communautaires instaurant un tel mécanisme de reconnaissance automatique des diplômes sont aujourd'hui au nombre de 22 : ils concernent les activités artisanales, industrielles ou commerciales, le transport routier et fluvial, les professions de santé 1 ( * ) , les architectes et les avocats.

b) Une reconnaissance générale des diplômes

Les autres professions réglementées sont désormais régies par un système général de reconnaissance mutuelle des diplômes, mis en place par l'adoption de deux directives, 89/48 et 92/51 qui seront détaillées plus loin.

Afin de compléter ce dispositif, la Commission européenne a proposé une modification de ces deux directives en vue d'associer reconnaissance des diplômes et reconnaissance de l'expérience professionnelle.

Ces deux directives ne sont pas applicables aux professions qui ont déjà fait l'objet de mesures d'harmonisation spécifique et concernent tout ressortissant d'un Etat membre voulant exercer à titre indépendant ou salarié une profession réglementée dans un Etat membre d'accueil.

En France, les activités et professions qui en relèvent concernent le secteur juridique, fiscal et comptable, le secteur paramédical (dont les psychologues et les diététiciens), le secteur dit technique et le secteur socio-culturel 2 ( * ) .

2. Les professions non réglementées

S'agissant des professions non réglementées, la qualification professionnelle est déterminée par l'employeur.

Afin de faciliter la reconnaissance des qualifications, la Commission européenne a publié des tableaux comparatifs concernant environ 200 professions du niveau " ouvrier qualifié " et couvrant 19 secteurs d'activités, ces tableaux de correspondance étant publiés dans le Journal officiel des Communautés européennes.

3. La question de la reconnaissance académique des diplômes

La reconnaissance académique des diplômes, qui relève de la compétence de chaque Etat membre, procède d'une autre logique puisqu'elle vise, non à accéder à une profession mais à poursuivre des études dans un autre Etat membre, et qu'elle doit nécessairement se concilier avec l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur.

Des réflexions sont en cours en ce domaine, notamment depuis la réunion du Conseil " éducation " du 6 mai 1996 qui a adopté des conclusions relatives aux synergies entre reconnaissance académique et professionnelle des titres de formation au sein de la Communauté.

Par ailleurs, l'harmonisation des cursus universitaires européens a été engagée depuis le 25 mai 1998 par les ministres européens en charge de l'enseignement supérieur, et celle-ci repose sur le principe d'une architecture commune de référence pour les formations et les diplômes, sur la base de cursus et de degrés " internationalement lisibles et comparables " : il convient de rappeler qu'en application du " principe 3-5-8 ", la France a créé un grade nouveau à bac + 5, entre la licence et le doctorat, le mastaire, qui a fait l'objet d'un décret du 30 août 1999.

B. LE CONTENU DES DEUX DIRECTIVES INSTITUANT UNE RECONNAISSANCE DES DIPLÔMES ET DES FORMATIONS

La reconnaissance des diplômes a été réalisée progressivement par l'adoption de deux directives visant respectivement les formations professionnelles longues et courtes.

1. La directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988

Cette directive institue un système de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans.

Elle oblige les Etats membres à prendre en considération les qualifications acquises dans un autre Etat membre et à apprécier si celles-ci correspondent aux qualifications nationales exigées.

Pour les diplômes de niveau supérieur (bac + 3), et pour autant que la profession n'ait pas fait l'objet de mesures d'harmonisation spécifique, la directive impose aux Etats membres de reconnaître les diplômes délivrés, ou l'expérience professionnelle acquise dans un autre Etat membre.

Le pays d'accueil a le droit d'imposer au demandeur des " mesures compensatoires ", c'est-à-dire soit un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude lorsqu'il existe des différences substantielles entre la formation requise et la formation acquise par l'intéressé, soit une expérience professionnelle préalable lorsque les durées de formation sont différentes.

Dans la pratique, ces mesures de compensation ont été très peu utilisées par les Etats membres, à l'exception des professions juridiques. Dans le cas des professions juridiques, l'Etat d'accueil a le droit d'imposer un stage ou une épreuve pour s'assurer que la formation acquise par le demandeur correspond au système juridique national.

2. La directive 92/51/CEE du Conseil du 18 juin 1992

Cette directive instaure un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles et complète la directive 89/48 précitée en étendant son dispositif aux enseignements dits post-secondaires, c'est-à-dire d'une durée inférieure à trois ans et en y ajoutant des passerelles entre les différents niveaux de formation.

Pour ces formations de niveau inférieur à bac + 3, la reconnaissance est de droit s'il s'agit de la même profession et d'une qualification finale, stage inclus.

Comme pour la directive 89/48, si l'équivalence est contestée par le pays d'accueil, des compensations peuvent être requises sous forme soit de stage ou d'épreuve d'aptitude au choix du demandeur, soit d'une expérience professionnelle préalable lorsque la différence de durée de formation dépasse un an.

C. LA TRANSPOSITION DES DEUX DIRECTIVES POUR CERTAINES PROFESSIONS

Le projet d'habilitation devrait permettre de procéder à la transposition de ces deux directives pour certaines professions paramédicales :

- en mettant en place les passerelles prévues par la directive 92/51 ;

- en prévoyant le recours à des mesures compensatoires permettant l'usage des titres de diététicien et de psychologue.

1. L'autorisation d'exercice de certaines professions paramédicales

La loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales avait introduit dans le code de la santé publique les dispositions nécessaires pour permettre l'exercice sur le territoire français des professions de masseur-kinésithérapeute, d'orthophoniste, de pédicure-podologue, d'opticien-lunetier et d'audioprothésiste par des ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne titulaires d'un diplôme obtenu par l'un de ces Etats, ou dans un Etat tiers à condition que ce diplôme ait été reconnu par un Etat membre.

Pour les professions dont la durée de formation est d'au moins trois ans (masseurs kinésithérapeutes, orthophonistes et orthoptistes), il s'agissait donc de transposer en droit interne les dispositions de la directive 89/48.

Des dispositions similaires ont par ailleurs été prises pour les auxiliaires médicaux dont la durée de formation, elle, était inférieure à trois ans, en dépit de l'absence de directive applicable à cette activité, et en application de la jurisprudence " Heylens " (arrêt du 15 octobre 1987 de la CJCE).

Les dispositions relatives aux professions d'ergothérapeute, de psychomotricien et de manipulateur d'électroradiologie médicale, introduites dans le code de la santé publique par la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, ont également prévu les modalités de reconnaissance des qualifications.

Deux raisons conduisent aujourd'hui à revoir ces dispositions législatives :

a) L'entrée en vigueur de la directive 92/51

Comme il a été dit, la finalité de cette directive, qui complète celle du 21 décembre 1988 est, d'une part, d'étendre le bénéfice des systèmes de reconnaissance de la directive 89/48 aux professions réglementées autres que celles relevant de l'enseignement supérieur d'une durée minimale de trois ans), d'autre part, d'établir des passerelles entre les différents niveaux de formation.

Comme c'est déjà le cas dans le cadre de la directive du 21 décembre 1988, la seule possession d'un diplôme d'un Etat membre de la Communauté européenne ne confère pas un droit immédiat à l'exercice de la profession, un complément de formation pouvant être exigé dans le cas où la formation de l'intéressé est substantiellement différente de la formation française correspondante, dans le respect du droit communautaire et notamment des libertés de circulation et d'établissement.

Les dispositions applicables aux professions dont la formation est d'une durée minimale de trois ans, doivent également être modifiées pour mettre en place les passerelles prévues par la directive 92/51.

Votre commission tient à rappeler que la date limite de transposition en droit interne de cette directive était fixée, aux termes de son article 17, au 18 juin 1994.

b) La modification de la durée des études préparant à certains diplômes d'Etat

La durée des études préparant aux diplômes d'Etat de pédicure-podologue et d'audioprothésiste ayant été portée de deux ans à trois ans, il était nécessaire de modifier également les dispositions relatives aux conditions d'exercice par les ressortissants communautaires de ces professions.

Les mesures de transposition législative résultant de ces modifications ont été précisées par l'article 16, paragraphes I à III du projet de loi n° 2386 portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine social. Selon les indications fournies au rapporteur de la commission, ces dispositions devraient être reprises sans modification dans le texte de l'ordonnance, qui devra prévoir leur insertion dans le nouveau code de la santé publique 3 ( * ) .

2. Une transposition nécessaire pour autoriser l'usage professionnel du titre de psychologue et du titre de diététicien

a) Le titre de psychologue
(1) Les dispositions en vigueur

Les règles régissant l'usage professionnel du titre de psychologue sont actuellement déterminées par l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social et par deux décrets d'application du 22 mars 1990 fixant la liste des diplômes requis et définissant les conditions dans lesquelles certaines personnes peuvent être autorisées, à titre transitoire, à faire usage du titre.

Selon ces dispositions, les titulaires de diplômes étrangers sont également admis à user du titre lorsque leurs diplômes ont été reconnus équivalents aux diplômes français, par décision du ministre chargé de l'enseignement supérieur pris sur avis d'une commission constituée d'enseignants-chercheurs et de psychologues.

(2) Le cadre communautaire : une nécessaire intervention législative

La protection de l'usage professionnel du titre fait relever la profession de psychologue des dispositions de la directive 89/48 intervenue postérieurement à la loi de 1985. En conséquence, le droit à l'usage du titre de psychologue en France doit être ouvert au ressortissant d'un Etat membre de la Communauté ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, titulaire d'un diplôme lui permettant dans cet Etat d'exercer la profession. Le dispositif de reconnaissance aménagé par cette directive prévoit, en outre, qu'en cas de différence substantielle de formation, l'Etat d'accueil peut imposer au migrant des mesures compensatoires.

Les dispositions en vigueur relatives aux diplômes étrangers ne prennent pas en compte les différentes situations prévues par la directive précitée et notamment ne permettent pas de mettre en place des mesures compensatoires.

Il a été tenté d'y remédier, en vain en 1991 par la voie réglementaire, le Conseil d'Etat ayant estimé que ces mesures compensatoires relevaient du domaine de la loi.

En effet, l'article 44-I de la loi du 25 juillet 1985 ne donne compétence au pouvoir réglementaire que pour fixer la liste des diplômes, certificats ou titres nationaux ou étrangers reconnus équivalents, permettant l'usage du titre de psychologue : la transposition en droit français de la directive 89/48 ne peut donc être effectuée par une modification réglementaire des textes existants et nécessite une disposition législative, puisqu'il s'agit de la réglementation d'une activité professionnelle.

En toute logique, la Commission européenne, constatant que la législation française ne comportait pas de régime spécifique ouvrant aux ressortissants des Etats membres non titulaires de diplômes français le droit de faire usage du titre de psychologue a introduit un recours en manquement contre la France pour défaut de transposition de la directive 89/48 à la profession de psychologue (affaire CJCE C 285/00 Commission contre République française), qui a donné lieu à notification le 15 octobre 1998 d'un avis motivé.

(3) Les mesures d'adaptation prévues par le projet de loi n° 2386

Afin de mettre fin à la procédure d'infraction entamée par la Commission européenne, pour défaut de transposition, le gouvernement a inséré dans le projet de loi n° 2386 enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 mai 2000, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social, un article 17 modifiant les dispositions de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 pour les psychologues, et prévoyant notamment la mise en place des mesures compensatoires.

Il a été indiqué au rapporteur de votre commission que le texte de l'ordonnance reprendrait les modifications législatives nécessaires à la transposition de cette partie de la directive 89/48, telles qu'elles figuraient dans l'article 17 du projet de loi n° 2386.

b) La reconnaissance du titre de diététicien
(1) Les dispositions en vigueur

Au terme de l'article 14 de la loi du 17 janvier 1986, qui avait inséré un article L. 510-8-1 dans le code de la santé publique, l'usage du titre de diététicien est réservé aux personnes justifiant des diplômes dont la liste a été fixée par le décret du 20 avril 1988. Celui-ci vise notamment le BTS " diététique " et le DUT " spécialité biologie appliquée, option diététique " devenu depuis un arrêté du 20 juillet 1998 " génie biologique, option diététique ". Cet article réservait également l'usage du titre de diététicien aux titulaires d'un diplôme étranger conférant une qualification reconnue analogue selon des modalités fixées par décret.

Compte tenu de la réglementation relative à la protection de l'usage du titre de diététicien, la profession relève des dispositions de la directive 92/51/CEE du 18 juin 1992 relative au deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles.

(2) La nécessité de mesures compensatoires

Selon cette directive, le droit à l'usage du titre de diététicien est ouvert au ressortissant d'un Etat membre de la Communauté ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, s'il a suivi avec succès un cycle d'étude le préparant à l'exercice de la profession. Le dispositif prévoit aussi qu'en cas de différences substantielles de formation, l'Etat d'accueil peut imposer au migrant des mesures compensatoires.

Ces modalités de la directive 92/51 ne sont pas prises en compte par les dispositions en vigueur relatives aux diplômes étrangers, et notamment ne permettent pas de mettre en place ces mesures compensatoires.

En conséquence, l'article 16, IV, du projet de loi n° 2386 précité, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social, tendait à les compléter en prévoyant ces mesures compensatoires.

D'après les informations communiquées au rapporteur de la commission, le texte de l'ordonnance reprendrait les modifications législatives nécessaires à la transposition de la directive 92/51, telles qu'elles étaient prévues dans l'article 16-IV du projet de loi précité, qui devront toutefois être insérées dans le nouveau code de la santé publique.

3. Les observations de la commission

Votre commission ne fera qu'un bref commentaire concernant la transposition des directives relatives à la reconnaissance des diplômes et des formations.

Cette opération ne vise en effet que des professions réglementées qui pour la plupart ont déjà fait l'objet de mesures législatives de transposition et n'a pour objet que de procéder à quelques adaptations de nature purement technique rendues nécessaires notamment du fait de l'adoption de la seconde directive adoptée le 18 juin 1992.

Votre commission ne peut donc que s'étonner que le Parlement n'ait pas été saisi plus tôt de ces mesures d'adaptation : c'est particulièrement le cas pour la transposition de la directive 92/51 à la profession de diététicien, qui devait intervenir au plus tard le 18 juin 1994, et plus encore pour la transposition de la directive 89/48 à la profession de psychologue qui devait être réalisée dans un délai de deux ans : douze ans auront été nécessaires pour satisfaire à nos obligations communautaires, alors qu'il aurait été aisé pour le gouvernement de proposer les mesures d'adaptation à l'occasion d'un de ces multiples projets portant DDOS qui sont régulièrement présentés devant le Parlement.

Sauf à obtenir du gouvernement des explications satisfaisantes sur les raisons d'un tel retard, celui-ci semble témoigner d'une véritable négligence qui justifie les procédures engagées par les instances judiciaires européennes à l'encontre de notre pays.

II. LA FILIALISATION DES RÉSEAUX CÂBLÉS DES OPÉRATEURS HISTORIQUES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS

Le projet de loi aborde la communication audiovisuelle de façon marginale. Il prévoit seulement dans ce domaine la transposition par voie d'ordonnance de la directive 1999/64/CE de la commission du 23 juin 1999, modifiant la directive 90/388/CEE en vue de garantir que les réseaux de télécommunications et les réseaux câblés de télévision appartenant à un seul et même opérateur constituent des entités juridiques distinctes .

A. LES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE 1999/64/CE

L'objectif de ce texte est de conduire les opérateurs historiques de télécommunications, en l'occurrence France Télécom, à filialiser leurs activités dans le secteur du câble. L'exposé des motifs de la directive explique que l'évaluation, prévue par la directive 95/51/CEE, de l'incidence de la fourniture de réseaux câblés de télévision et de réseaux publics de télécommunications par un seul opérateur a abouti à la conclusion que cette situation ralentissait le développement d'une infrastructure multimédia complète au détriment des consommateurs, des fournisseurs de services et de l'économie européenne en général, en l'absence d'une concurrence forte au niveau de la boucle locale . La Commission européenne estime aussi que la fourniture de réseaux câblés de télévision et de réseaux publics de télécommunications par un même opérateur crée une situation de déséquilibre entre les opérateurs de télécommunications en position dominante et leurs nouveaux concurrents, ce qui crée un obstacle majeur au développement optimal des marchés des télécommunications .

En fonction de ces observations, la Commission estime nécessaire d'attribuer à des sociétés distinctes la propriété de deux réseaux possédés dans une zone par un opérateur titulaire de droits exclusifs ou spéciaux. Il est précisé que l'exigence de séparation juridique est remplie quand les activités de télévision par câble d'un organisme de télécommunications sont cédées à une filiale à 100% de cet organisme.

La directive note enfin que l'apparition d'une concurrence sur la boucle locale serait susceptible de permettre, après examen de la situation, la remise en cause de l'obligation de filialiser les activités de télévision par câble d'un opérateur de télécommunications.

B. LA SITUATION DE LA FRANCE AU REGARD DES EXIGENCES DE LA DIRECTIVE 1999/64/CE

France télécom satisfait d'ores et déjà aux exigences mentionnées ci-dessus.

L'opérateur historique français, qui fut la cheville ouvrière du plan câble, est présent sur le marché du câble en tant qu'exploitant technique et commercial de réseaux. Cette activité a été transférée à France télécom-câble, filiale à 100% de France télécom (765 000 abonnés, soit près de 28% du marché). France télécom exerçait aussi une activité d'exploitant technique de réseaux, construits et possédés par lui, dont l'exploitation commerciale était concédée à des câblo-opérateurs. Cette activité a été transférée, avec la propriété des réseaux concernés, à deux sociétés qui assurent aussi leur gestion commerciale : d'une part NOOS (694 000 abonnés, soit 25% du marché), dont France télécom a dans un premier temps partagé le capital avec la Lyonnaise des Eaux avant de se défaire de ses participations en août dernier, et d'autre part NC Numéricâble (644 000 abonnés, soit 23% du marché), dont le capital est partagé avec Canal Plus, France télécom se préparant à céder sa participation.

Les exigences de la directive sont donc mieux que satisfaites.

C. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 1999/64/CE

Il semble, selon les information obtenues par votre rapporteur, que le gouvernement ait, dans un premier temps, jugé inutile d'inscrire dans un texte de loi l'obligation de filialiser les activités de France télécom dans le câble, cette obligation étant satisfaite en pratique. Le gouvernement a ainsi laissé passer l'occasion que la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication lui offrait de s'acquitter formellement de nos engagements européens. On observera d'ailleurs que la transposition de diverses dispositions de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 modifiée a été opérée à cette occasion. En ce qui concerne la directive 1999/64/CE, la Commission européenne tient à une transposition formelle : se fondant sur l'article 3 de la directive qui prévoit la transmission dans un délai de 9 mois des informations permettant de constater que les obligations prévues sont respectées, elle a transmis une mise en demeure au gouvernement en août dernier. Cette mise en demeure semble à l'origine de l'insertion tardive de la directive 1999/64/CE dans le projet de loi d'habilitation. Conséquence vraisemblable de ce processus un peu chaotique, le texte législatif dans lequel sera inséré la disposition à transposer et la rédaction de cette disposition ne sont pas encore connus.

D. POSITION DE LA COMMISSION

Sans s'opposer à l'insertion dans le projet de loi d'une disposition ne posant aucun problème de fond, votre commission des affaires culturelles ne peut que regretter la légèreté révélée par cet épisode dans la gestion de nos obligations européennes. Elle regrette d'autant plus cette légèreté que la discussion, au printemps dernier, du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication n'a pas totalement ignoré les nécessités d'un bon déroulement de la présidence française de l'Union européenne. Le Parlement a en effet adopté, sur proposition du gouvernement, un amendement permettant de créer dans cette perspective une structure d'accueil et d'orientation des journalistes accrédités à Paris. Le rapport de cette disposition avec la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication est, on l'admettra, plus ténu que n'aurait été l'adoption des mesures dont la transposition par voie d'ordonnance est aujourd'hui demandée.

III. LA MISE EN CONFORMITÉ DU STATUT DES AGENTS ARTISTIQUES AVEC LES DISPOSITIONS DES ARTICLES 43 ET 49 DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

A. L'INCOMPATIBILITÉ DU STATUT DES AGENTS ARTISTIQUES AVEC LES DISPOSITIONS DES ARTICLES 43 ET 49 DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

L'article 2 du projet de loi vise à habiliter le gouvernement à mettre fin à la situation d'incompatibilité entre les dispositions du code du travail qui régissent la profession d'agent artistique et les articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne qui interdisent respectivement les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services.

On soulignera que la situation d'incompatibilité visée par le 1 ° de l'article 2 du projet de loi apparaît sans équivoque, et, à ce titre, aurait pu être corrigée depuis longtemps.

1. Une incompatibilité sans équivoque

Le code du travail conditionne l'exercice de la profession d'agent artistique à la délivrance d'une licence par le ministre du travail. La réglementation de cette profession, qui déroge aux principes du monopole public et de la gratuité du placement gratuit, répond au souci de protéger les intérêts des artistes contre des pratiques abusives.

Les conditions de délivrance de cette licence précisées à l'article L. 762-3 du code du travail concernent la moralité de l'agent artistique, exigence qui n'est pas autrement précisée, les modalités d'exercice de son activité et l'intérêt de celle-ci au regard des besoins de placement des artistes du spectacle.

S'agissant des agents artistiques étrangers qui souhaitent exercer le placement d'artistes du spectacle en France, l'article L. 762-9 du code du travail leur fait obligation de " passer par l'intermédiaire d'un agent artistique français " , sauf conventions de réciprocité entre la France et leur pays d'origine.

Ce régime est à l'évidence contraire aux principes de liberté d'établissement et de liberté de prestations de services posés par le traité instituant la Communauté européenne.

* Le principe de la liberté d'établissement implique le libre accès au sein de la Communauté européenne des personnes physiques ressortissant d'un Etat membre et des sociétés constituées conformément à la législation d'un Etat membre aux activités non salariées sur le territoire d'un autre Etat membre.

Il suppose l'assimilation des ressortissants des autres Etats membres aux nationaux et l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité, ce qui signifie que le ressortissant communautaire ou l'entreprise est assimilé purement et simplement aux nationaux : ils bénéficient donc du droit de s'installer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y exercer une activité indépendante dans les mêmes conditions que les nationaux. En contrepartie, ils sont soumis à toutes les dispositions législatives ou réglementaires effectivement appliquées par le pays d'établissement à ses propres nationaux.

S'agissant d'une profession dont l'exercice est soumis à autorisation, à l'image de l'activité d'agent artistique, le principe de libre établissement impose que les ressortissants des Etats membres puissent obtenir la licence dans les mêmes conditions que les nationaux, et donc qu'aucune des conditions de délivrance de la licence ne constitue une discrimination en raison de la nationalité.

L'article L. 762-9 du code du travail est donc manifestement contraire au traité, dans la mesure où il établit une discrimination au détriment des ressortissants communautaires, discrimination qui leur interdit en réalité de s'établir sur le territoire national et donc d'exercer leur activité dans les mêmes conditions qu'un professionnel français puisqu'il n'envisage pas même la possibilité qu'ils puissent obtenir une licence.

* La prestation de services vise, à la différence de l'établissement, l'exercice à titre occasionnel d'une activité professionnelle. Comme pour l'établissement, le principe de la libre prestation de services suppose, d'une part, l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité, et, d'autre part, que le prestataire établi dans un Etat membre puisse exercer son activité dans les autres Etats membres dans les mêmes conditions que les nationaux.

A cet égard, l'incompatibilité entre le traité et le statut des agents artistiques ne fait également pas de doute compte tenu du caractère discriminatoire de l'article L. 762-9 du code du travail.

2. Une situation qui n'a que trop duré

Votre rapporteur ne pourra que s'étonner que l'on ait attendu aussi longtemps pour remédier à cette situation incontestable de contradiction entre le droit communautaire et la législation nationale, cela d'autant que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes est sur ce point sans équivoque.

L'arrêt de la CJCE du 18 janvier 1979 van Wesemael 4 ( * ) , en réponse à une question préjudicielle relative à la portée du principe de libre prestation de services, a indiqué que " lorsque l'exercice de l'activité des bureaux de placements payants pour artistes du spectacle est subordonné, dans l'Etat où la prestation est fournie, à la délivrance d'une licence, cet Etat ne saurait imposer aux prestataires établis dans un autre Etat membre, soit de satisfaire à cette condition, soit de passer par l'intermédiaire d'un bureau de placement payant titulaire d'une licence dès lors que la prestation est effectuée par un bureau de placement relevant de l'administration publique d'un Etat membre ou que le prestataire détient dans l'Etat membre où il est établi une licence délivrée à des conditions comparables à celles exigées par l'Etat où la prestation est fournie, et que ses activités sont soumises, dans le premier Etat, à une surveillance adéquate, concernant toute activité de placement, quel que soit l'Etat membre destinataire de la prestation ".

On peut se demander pourquoi dans la pratique l'application de l'article L. 762-9 du code du travail n'a pas été écartée, pour les ressortissants de l'Union européenne, au profit de l'application directe des articles du traité qui interdisent toute discrimination entre nationaux pour l'établissement et la prestation de services.

Il aura donc fallu attendre que la Commission européenne mette en demeure le gouvernement français, par lettre en date du 10 août 1998, de modifier le texte de l'article L. 762-9 pour qu'une initiative soit prise en ce sens. Encore n'est-ce que deux ans après cette mise en demeure qu'un texte a été déposé sur le bureau des assemblées : il s'agit de l'article 10 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine social, déposé à l'Assemblée nationale le 10 mai 2000, texte qui n'a pas depuis été inscrit à l'ordre du jour.

B. LES CONDITIONS DE LA MISE EN CONFORMITÉ DU STATUT DES AGENTS ARTISTIQUES AVEC LES RÈGLES COMMUNAUTAIRES

1. Le dispositif proposé par l'article 10 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social

L'article 10 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social proposait une nouvelle rédaction de l'article L. 762-9 du code du travail prévoyant que les agents artistiques ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen peuvent exercer leur activité en France dès lors qu'ils obtiennent une licence dans les conditions prévues à l'article L. 762-3 ou qu'ils produisent une licence délivrée dans l'un de ces Etats dans des conditions comparables.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, ce dispositif devrait être repris dans l'ordonnance prise en application de l'habilitation prévue par le présent projet de loi.

Mais ses termes ne vont pas sans soulever des interrogations sur sa conformité avec les principes affirmés par les articles 43 et 49 du traité.

2. Les interrogations de votre commission sur la pertinence du dispositif proposé

La rédaction proposée pour l'article L. 762-9 procède d'une confusion entre le régime applicable à l'établissement et celui régissant la prestation de services. En effet, les conditions mises à l'exercice de la profession d'agent artistique ne peuvent être les mêmes selon que le ressortissant communautaire souhaite s'établir en France ou seulement y exercer à titre occasionnel.

Pour l'exercice à titre permanent, il semble légitime d'imposer au ressortissant communautaire qui souhaite s'établir en France la même réglementation qu'aux nationaux, en exigeant qu'il soit titulaire d'une licence.

S'agissant de la libre prestation de service, la jurisprudence communautaire a admis qu'en l'absence d'harmonisation des législations, l'accès à certaines activités puisse être soumis, en raison de leur nature particulière, à un régime d'autorisation, activités parmi lesquelles figure la profession d'agent artistique. En effet, l'arrêt van Wesemael précédemment cité précise que " compte tenu de la nature particulière de certaines prestations de services, telles que le placement d'artistes du spectacle, on ne saurait considérer comme incompatibles avec le traité des exigences spécifiques imposées aux prestataires, qui seraient motivées par l'application de règles professionnelles, justifiées par l'intérêt général ou par la nécessité d'assurer la protection de l'artiste, incombant à toute personne établie sur le territoire dudit Etat, dans la mesure où le prestataire ne serait pas soumis à des prescriptions similaires dans l'Etat membre où il est établi ".

Cependant, si elle a admis la possibilité de prévoir dans certaines conditions des restrictions à la libre prestation de services, la jurisprudence européenne a précisé que ces dernières ne pouvaient avoir pour effet de soumettre l'accomplissement d'une prestation de services à l'observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions destinées à assurer la libre prestation de services.

Or c'est bien à ce résultat qu'aboutit la nouvelle rédaction de l'article L. 762-9 du code du travail proposé par l'article 10 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social.

En effet, dans le cas où le ressortissant communautaire est établi dans un Etat où l'exercice de la profession d'agent artistique n'est pas soumis à un régime équivalent à celui existant en France, ce dispositif implique que celui-ci devra être titulaire d'une licence.

Or les textes réglementaires, en l'espèce l'article R. 762-7 du code du travail, précisent que les demandes de licence doivent notamment préciser le lieu choisi en France comme siège de l'agence, ce qui revient à contraindre l'agent artistique ressortissant communautaire à s'établir sur le territoire national.

Saisie du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social, la Commission européenne avait soulevé cette objection à l'égard du dispositif de mise en conformité de l'article L. 762-9 du code du travail. A cette objection, le gouvernement avait répondu en annonçant une modification des textes réglementaires dans le sens souhaité par la Commission.

Il serait sans doute préférable de prévoir deux régimes distincts, l'un applicable indistinctement aux nationaux et aux ressortissants communautaires pour l'établissement, l'autre visant spécifiquement le cas de l'exercice à titre occasionnel de la profession d'agent artistique par un ressortissant communautaire.

On relèvera que pour certaines professions réglementées qui, à l'image des agents artistiques, n'ont pas fait l'objet de mesures d'harmonisation, les textes les régissant prévoient un régime applicable sans discrimination aux nationaux et aux communautaires pour l'établissement et un régime spécifique pour l'exercice à titre occasionnel. C'est le cas notamment pour l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (chapitre II de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques) ou pour celle d'agent sportif (article 7 de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000 modifiant la loi n° 84-610 au 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives).

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le mardi 17 octobre 2000 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Richert sur le projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Louis de Broissia s'est associé aux critiques du rapporteur pour avis portant sur la méthode retenue par le Gouvernement pour remédier à sa négligence et a indiqué qu'il ne prendrait pas part au vote sur le projet de loi.

M. André Maman a souhaité obtenir des précisions sur les bénéficiaires du système de reconnaissance mutuelle des formations, et sur les mesures de compensation qui pouvaient être demandées par les Etats membres.

Il a également demandé si un tel système permettait à un étudiant de poursuivre des études dans une université étrangère.

M. Jean Bernadaux s'est enquis des conséquences de la transposition des directives sur les recours engagés par des particuliers.

M. Jean-Paul Hugot a estimé que la négligence du gouvernement devait être rapprochée du souci manifesté depuis longtemps par le Parlement d'être associé à la mise en oeuvre du droit communautaire et s'est demandé si la mise en place de nouvelles procédures ne permettrait d'éviter le renouvellement des retards dans la transposition des textes communautaires.

Répondant à ces interventions, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis , a précisé que le système général de reconnaissance mutuelle des diplômes et des formations s'appliquait aux seuls ressortissants européens et que la plupart des professions réglementées avaient déjà fait l'objet de mesures de transposition, le projet d'habilitation ne visant que quelques professions " oubliées " parfois depuis plus de dix ans.

Il a indiqué que les directives 89/48 et 92/51 ne concernaient en rien la reconnaissance académique des diplômes qui procède d'une autre logique, c'est-à-dire la poursuite d'études supérieures dans un pays étranger, mais ne réglementaient que l'accès aux professions réglementées, telles les professions juridiques dont l'exercice par des ressortissants de la Communauté a fait l'objet de longs débats.

Il a rappelé que l'ordonnance qui sera prise en vertu du projet d'habilitation se bornera notamment à préciser les mesures d'adaptation technique requises par la transposition des directives aux professions de psychologue et de diététicien.

Il a souligné que le défaut de transposition du droit communautaire pouvait donner lieu à des recours intentés par la Commission contre la France mais aussi, comme l'avait souligné M. Jean Bernadaux, à des recours formés par des particuliers lésés par ce défaut de transposition.

Il a estimé qu'il était incompréhensible que la France ait laissé s'accumuler un tel " stock " de directives communautaires non transposées, certaines remontant au début des années 80, et s'est proposé de demander au ministre les mesures qu'il compte prendre pour éviter le renouvellement de tels dérapages.

Suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi pour les mesures relevant de sa compétence.

*

* *

* 1 Les sept directives sectorielles pour les professions de santé sont les suivantes :

- 16 juin 1975 : médecins généralistes et spécialistes ;

- 27 juin 1977 : infirmiers en soins généraux ;

- 25 juin 1978 : dentistes ;

- 18 décembre 1978 : vétérinaires ;

- 21 janvier 1980 : sages-femmes ;

- 16 décembre 1985 : pharmaciens.

* 2 - Secteur juridique, fiscal et comptable : avocat, huissier de justice, notaire, greffier au tribunal de commerce, administrateur judiciaire, mandataire-liquidateur, commissaire aux comptes, expert-comptable, commissaire-priseur ;

- Secteur paramédical : orthophoniste, ortho-prothésiste, podo-orthésiste, masseur kinésithérapeute, psychomotricien, ergothérapeute, psychologue, diététicien, oculiste, aide-soignant, auxiliaire de puériculture, audioprothésiste, opticien-lunetier, pédicure-podologue, technicien de laboratoire, technicien de biologie médicale ;

- Secteur technique : conseil en propriété industrielle, géomètre-expert, agent immobilier, chauffeur de taxi, ambulancier, capitaine de navire, administrateur de biens, moniteur d'auto-école ;

- Secteur socio-culturel : guide interprète régional, agent de voyage, assistant de service social.

* 3 Ordonnance 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique

* 4 CJCE, 18 janvier 1979, aff. 110 et 111/78, Ministère public et chambre syndicale des agents artistiques et impresarii de Belgique ABSL/Willy van Wesemael et autres.

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