B. LA PLACE DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS DANS LE MONDE

1. L'accueil en France des étudiants étrangers

D'après les chiffres qui lui ont été communiqués par le ministère des affaires étrangères, 129 533 étudiants auraient été inscrits dans les universités françaises en 1999 contre 122 190 en 1998, soit une progression de 6 %.

Les effectifs des étudiants inscrits dans d'autres établissements d'enseignement supérieur français ne sont pas encore connus, mais sont évalués par analogie à 160 000.

Ces chiffres, s'ils se confirment, montrent qu'un renversement de tendance est sans doute en train de prendre forme , et votre rapporteur s'en félicite.

La répartition des effectifs fait apparaît que la moitié des étudiants étrangers sont originaires d'Afrique, dont 28 % des trois pays du Maghreb et 21 % d'Afrique noire.

Les comparaisons que l'on peut opérer dans le temps montrent une diminution du poids relatif de cette origine géographique au bénéfice de l'Europe dont la part est passée de 23,6 % en 1992 à 30 % en 1998, en raison de l'afflux croissant d'étudiants venant des pays de l'Europe centrale et orientale.

2. Les élèves accueillis par les établissements français à l'étranger

Le réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger permet d'accueillir outre des enfants français, de nombreux élèves étrangers qui ont vocation à devenir les futurs élites francophones. On estime actuellement à 93 000 le nombre d'élèves étrangers accueillis dans les établissements français, et à 100 000 le nombre des élèves étrangers qui suivent une scolarité partiellement en langue française dans les établissements bilingues francophones, hors des pays francophones proprement dits.

Il est important de faire fructifier ces talents en attirant ensuite les plus prometteurs de ces élèves vers des formations universitaires en France, ou dans des filières universitaires organisées selon le modèle français implantées au sein d'établissements d'enseignement supérieur locaux.

3. Le déclin des bourses doit être enrayé

Votre rapporteur s'était alarmé dans son rapport précédent de l'érosion du nombre des bourses accordées aux étudiants étrangers. Celles-ci sont en effet passées de 24 000 en 1993 à 23 000 en 1998.

Le ministère des affaires étrangères l'assure, mais sans lui donner beaucoup de précisions chiffrées, que cet effectif se serait stabilisé depuis 1997. Votre rapporteur en accepte l'augure mais tient à rappeler :

- que les crédits globaux accordés aux programmes de bourses n'ont cessé de se contracter : ils ont baissé de 17 % en 10 ans et de 6 % sur la seule période 1997-1999 ;

- que le nombre total de mensualités n'a pas cessé de décroître depuis 10 ans, et que la durée moyenne d'une bourse a baissé en dix ans de 37 % et de 6 % sur la seule période 1997-1999.

Il y a là une évolution globale que votre rapporteur juge préoccupante.

L'évolution de la répartition géographique des étudiants bénéficiaires de bourses depuis 10 ans aboutit au constat suivant :

- la part importante prise depuis 10 ans par le nombre de boursiers en provenance de l'Europe de l'Est atteint 15 % en 1999. Cette situation est le résultat de la politique très volontariste de formation des cadres de cette région, à l'économie de marché et à la construction d'un état de droit ;

- une légère croissance de la part de l'Afrique du Nord (de 24,7 % en 1990 à 29,6 % en 1999) ;

- une légère croissance de la part de l'Asie , qui progresse encore depuis 1998 (6,5 % en 1990, 6,9 % en 1998, 7,3 % en 1999) et qui traduit de mieux en mieux la priorité marquée vers cette zone du monde ; la part de l'extrême Orient/Pacifique progresse légèrement depuis 1998 grâce aux efforts réalisés en direction de la Chine (3,8 % en 1998 et 4,6 % en 1999 dont 2,1 % pour la Chine seule contre 1,8 % en 1998) ;

- l'Afrique subsaharienne (tous pays confondus) passe en10 ans de 27,5 % à 25,35 %, ces chiffres exprimant une baisse dans la première période puis une remontée à partir de 1995, qui devient plus sensible en 1998 et 1999 ;

- une décroissance de la part de toutes les autres régions, notamment l'Amérique du Nord et du Sud et l'Europe Occidentale.

a) Le programme Eiffel de bourses d'excellence

Lancé en 1999 dans le cadre d'un projet de restructuration de l'offre de bourses françaises, le programme de bourses d'excellence " Eiffel " se propose de former des décideurs étrangers pour les entreprises et l'administration. Elles sont délivrées au terme d'une procédure particulière, puisque seuls les établissements d'accueil sont habilités à présenter des candidats qui sont ensuite sélectionnés par un comité national représentatif de ces établissements. Le nombre des établissements d'enseignement supérieur présentant des candidatures est passé de 92 en janvier 1999, date de lancement du programme, à 183 au printemps 2000 ; et, sur la même période, le nombre de dossiers reçus est passé de 378 à 1018. Le ministère des affaires étrangères évolue à 2 400 le nombre des candidatures déposées à l'automne et indique que le comité devrait en retenir environ 700.

La répartition géographique des étudiants reflète la volonté de favoriser les pays émergents : 54 % des lauréats sont originaires d'Asie, 22 % d'Europe centrale, 16,5 % d'Amérique latine. Ce programme, qui peut accueillir des étudiants non francophones au départ, leur offre une formation en français avant le début du cours. Les trois quarts des étudiants sélectionnés devraient en bénéficier. La répartition par domaines d'études montre une préférence pour les sciences de l'ingénieur (52 %), suivie par l'économie et la gestion (33 %) et le droit et les sciences politiques (14 %).

Votre rapporteur souhaite que ce programme contribue à enrayer le déclin de la politique des bourses offertes aux étudiants étrangers, et tout en approuvant une politique de sélection ambitieuse des candidats, espère que celle-ci ne servira pas d'alibi à un abandon discret de la politique de bourses menée par l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger.

Il a noté que, seuls 26 des anciens boursiers de l'AEFE ont obtenu une bourse Eiffel en 1999-2000, et souhaite une amélioration de la continuité de leur prise en charge.

b) L'Agence Edufrance

Créée en novembre 1998 pour répondre à une demande solvable en forte croissance, qui s'exprime sur un marché très compétitif, l'agence Edufrance est un groupement d'intérêt public, associant les ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Cette agence regroupe des établissements français d'enseignement supérieur qui souhaitent mettre en valeur leur savoir-faire et leurs compétences dans le cadre de leur politique d'ouverture internationale.

Elle a reçu pour principale mission de renforcer la place de la France sur le marché mondial de la formation en contribuant à la promotion de l'offre française dans ce domaine.

En 1999, Edufrance avait reçu une contribution de 5 millions de francs de chacun de ses ministères de tutelle ; le montant de ces contributions pour 2000 a été porté à 10 millions de francs pour le ministère des affaires étrangères et 7,2 millions de francs en provenance du ministère de l'éducation nationale.

L'Agence a créé 50 espaces dans 15 pays différents, elle s'est dotée d'un site internet en cinq langues et de différents matériels d'exposition. Ces initiatives vont dans le bon sens mais il convient de conserver à l'esprit qu'il ne suffit pas pour assurer la promotion de l'enseignement français d'en décrire les filières et d'en vanter les mérites, mais qu'il faut aussi faciliter les formalités de séjour et d'inscription des étudiants, et s'attacher à proposer également un ensemble complet de services en matière d'hébergement, de loisirs et d'insertion sociale et culturelle.

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Votre rapporteur vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères, sous réserve :

- que le gouvernement s'engage à ce que le développement des nouvelles missions confiées à la délégation générale à la langue française en matière de sauvegarde des langues de France soit assuré par l'octroi d'effectifs et de crédits supplémentaires, et non par une redistribution interne qui se ferait au détriment des actions en faveur de la défense de la langue française ;

- que le gouvernement français s'engage dans les démarches nécessaires pour s'assurer que la réglementation européenne ne remettra pas en cause les dispositions de la loi Toubon, et plus particulièrement son article 2, et qu'ainsi les consommateurs pourront toujours disposer sur notre territoire national d'une information en français pour l'étiquetage des denrées alimentaires, nonobstant une évolution préoccupante de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes en ce domaine ;

- que le gouvernement s'engage à prendre les dispositions nécessaires, le cas échéant par la voie législative, pour assurer la protection des salariés contre le risque d'un recours excessif par certaines sociétés à une langue étrangère dans leur fonctionnement interne ;

- que le gouvernement prenne toutes les dispositions qui s'imposent pour rappeler à la Communauté financière qu'aucune langue ne saurait se substituer au français sur notre territoire en matière financière ;

- que le gouvernement français maintienne une position commune avec les Etats qui ont refusé jusqu'à présent la réforme du brevet européen, et continuent en conséquence de subordonner la portée juridique des brevets sur leur territoire à la production d'une traduction dans leur langue nationale ;

- que le gouvernement français entreprenne auprès de ses partenaires de la francophonie les démarches qui s'imposent pour ne pas laisser perdurer la déception légitime qu'inspire la mauvaise diffusion de TV5 en Amérique, et qu'il indique au Parlement, dans l'hypothèse où la recherche d'une solution multilatérale s'enfoncerait dans une impasse, les options qu'il envisage pour assurer la présence d'un audiovisuel francophone de qualité sur un territoire aussi stratégique que le territoire américain ;

- que le gouvernement français intervienne auprès de la Commission européenne pour que, dans les négociations relatives à l'élargissement de l'Union, le recours au français soit utilisé dans des conditions comparables à celui de l'anglais, et que la représentation française réagisse avec la plus grande fermeté contre des dérives qui tendent à accréditer l'idée que l'anglais aurait vocation à devenir la langue internationale de l'Union européenne.

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