PREMIÈRE PARTIE

LE CINÉMA

I. LA SITUATION DE L'INDUSTRIE DU CINÉMA : FORCES ET FAIBLESSES

Si la phase de croissance que connaît depuis plusieurs années le secteur cinématographique français s'est poursuivie en 1999, des signes de faiblesse n'en demeurent pas moins.

Certes, le dynamisme de la production nationale comme le maintien à un niveau élevé de la fréquentation constituent des signes encourageants qui témoignent à la fois de la vitalité de la création et de l'intérêt renouvelé du public pour le spectacle cinématographique.

Cependant, des motifs d'inquiétude subsistent.

L'absence de réelle progression des parts de marché du cinéma français comme la faiblesse persistante de ses résultats à l'exportation témoignent de ses difficultés à accéder à la reconnaissance du public. Dans cette perspective, la situation fragile du secteur de la distribution apparaît comme un lourd handicap face à la puissance de l'industrie cinématographique américaine.

Ces faiblesses risquent d'être accentuées par les évolutions économiques et technologiques que connaît le secteur du cinéma. La technologie numérique devrait dans les années à venir profondément transformer les modes de production et de diffusion des oeuvres, ce qui favorisera un élargissement de leurs publics, notamment grâce à Internet, mais bouleversera la définition traditionnelle de ce secteur tout en renforçant mécaniquement les risques de concentration industrielle.

Face à ces évolutions, les mécanismes de soutien à l'industrie cinématographique devront être adaptés afin de garantir leur efficacité au regard des objectifs de pluralisme et de qualité sur lesquels reposent leur légitimité.

A. L'EXPLOITATION EN SALLES : DES RÉSULTATS SATISFAISANTS

1. La confirmation du redressement de la fréquentation

a) Les chiffres de la fréquentation

Avec 155,5 millions d'entrées, la fréquentation connaît en 1999 un recul de 8 ,8 % par rapport à l'année précédente et les recettes totales des salles, une diminution de 8,9 % (soit 5,5 milliards de francs contre 6 milliards de francs).

Cette baisse est en grande partie conjoncturelle dans la mesure où les résultats exceptionnels enregistrés en 1998 devaient beaucoup au succès du film Titanic.

Si l'on considère l'évolution de la fréquentation au cours des années précédentes, la tendance de fonds au redressement de la fréquentation se trouve confirmée en 1999 : les entrées sont supérieures de 4,4 % à celles de 1997, qui, comme les trois années qui l'avaient précédées avait été marquée par une progression soutenue du nombre de spectateurs.

En dépit du recul enregistré en 1999, la tendance à l'élargissement du public du cinéma n'est pas remise en cause. Ce public représente 31,5 millions de spectateurs, contre 30,7 millions en 1997.

Chaque spectateur est allé en moyenne près de 5 fois au cinéma. Ce nombre d'entrées, l'un des plus élevés d'Europe, résulte de la part relativement importante, et en constante augmentation, des spectateurs fidèles.

La fréquentation annuelle par habitant (2,9) est en France très supérieure à celle constatée dans les autres grands pays européens, à l'exception de l'Espagne. Cependant, elle reste très en-deça de celle des États-Unis où elle atteint le chiffre de 5,5 entrées par habitant.

Le caractère conjoncturel du tassement de la fréquentation au cours de l'année 1999 est confirmé par les bons résultats enregistrés sur les huit premiers mois de l'année 2000. Au cours de cette période, la fréquentation a progressé, en effet, de 15 % pour atteindre 112 millions de spectateurs, ce qui permet d'espérer pour 2000 environ 165 millions d'entrées, soit une progression de 7 % par rapport à 1999.

b) Les bonnes performances des films français

Les films français n'ont pas pâti du recul de la fréquentation : ils ont, en effet, enregistré 50 millions d'entrées en 1999, contre 47 millions en 1998.

Privé d'un succès équivalent à celui de Titanic, le cinéma américain n'a pas renouvelé ses performances de 1998 : ses entrées, en diminution de 22,4 %, n'ont représenté que 53,9 % des parts de marché, soit un recul de 10 points par rapport à l'année précédente.

Le nombre croissant de films français dépassant le million d'entrées explique en grande partie le redressement de la part de marché du cinéma national, qui atteint 32,3 % en 1999 contre 27,6 % en 1998.

Cependant, le redressement constaté en 1999 demeure fragile : sur les neuf premiers mois de l'année 2000, la part de marché du cinéma français ne dépassait pas 30 %, contre 36 % sur la même période en 1999.

La France apparaît cependant comme le pays européen où la part des films nationaux est la plus élevée ; en 1998, dernière année connue, elle s'élevait en moyenne dans les Etats membres de l'Union européenne à 16 %.

Sous l'effet d'un phénomène comparable à celui enregistré pour les oeuvres françaises, les parts de marché du cinéma européen s'établissent en 1999 à 11,1 % contre 7,6 % en 1998.

2. Le dynamisme du secteur de l'exploitation

En 1999, comme les années précédentes, la croissance du secteur de l'exploitation trouve son origine pour une large part dans le développement des multiplexes.

a) Une croissance accélérée...

En diminution en 1998, le nombre d'établissements en activité a augmenté en 1999: le Centre national de la cinématographie a accordé des autorisations à 56 nouveaux établissements alors que seulement 34 fermetures de cinémas étaient enregistrées.

Cependant, si le nombre de ces nouveaux établissements s'inscrit dans la moyenne des dernières années, on soulignera que le nombre d'écrans a augmenté entre 1998 et 1999 à un rythme inégalé au cours de la dernière décennie, soit 30 %.

En raison du très faible nombre de fermetures d'écrans enregistrées en 1999, le solde entre les ouvertures et les fermetures, soit 208 écrans, dépasse sensiblement celui des quatre années précédentes. On ne pourra que se féliciter de cette évolution si l'on considère que ce n'est qu'en 1995 que le solde est redevenu positif après plusieurs décennies de diminution du parc de salles.

Les opérateurs semblent donc miser sur le caractère durable du développement du secteur de l'exploitation.

b) ... imputable aux multiplexes

Les multiplexes ont joué un rôle moteur dans cette évolution : en effet, en 1999, c'est plus des trois quarts des nouveaux écrans qui ont été ouverts dans de tels établissements.

Le dynamisme du secteur de l'exploitation s'explique donc essentiellement par une intensification du développement de ce nouveau type de salles. En 1999, ont été ouverts 20 multiplexes regroupant 237 écrans, ce qui signifie que sur le seul exercice 1999, a été créé près du tiers des multiplexes autorisés depuis la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 1996 1 ( * ) qui a réglementé leurs conditions de création.

Les 65 multiplexes recensés en France au 31 décembre 1999 représentaient 14,3 % de l'offre cinématographique mesurée en termes d'écrans mais totalisaient 27,3 % de la fréquentation globale, contre respectivement 9,6 % et 17,3% en 1997.

Le rythme de création de nouveaux établissements ne devrait pas fléchir notablement dans les prochains mois compte tenu de l'augmentation significative depuis 1999 des autorisations accordées, par les commissions départementales d'équipement cinématographique (CDEC) : au 31 décembre 1999, 53 projets autorisés n'étaient pas encore réalisés.

Pour l'heure, le développement de ce nouveau type de salles a eu en France comme dans les pays qui ont connu un phénomène comparable, un effet positif sur la fréquentation.

Ces établissements qui offrent des conditions de confort d'une grande qualité ont su attirer un nouveau public pour le cinéma. Par ailleurs, l'implantation de multiplexes a permis dans certaines régions de remédier à un sous-équipement en salles cinématographiques. C'est le cas notamment de la région Nord-Pas-de-Calais où la fréquentation a doublé entre 1994 et 1998 grâce à l'ouverture de 5 multiplexes.

* 1 Cette loi, qui modifie la loi dite " Royer " de 1973, soumet à autorisation la création d'ensembles de salles de cinéma comptant 1 500 places ou plus et l'extension à 2 000 places d'établissement existant depuis 5 ans. Ces seuils ont été abaissés respectivement à 1 000 et 1 500 places par la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

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