II. ANALYSE SYNTHÉTIQUE DE L'EFFORT DE LA NATION
POUR LA VILLE

L'effort financier consacré par la puissance publique (Etat, Union européenne, collectivités locales et Caisse des dépôts et consignations) est estimé à 39,13 milliards de francs par le projet de loi de finances pour 2001, en hausse de plus de 10 % par rapport au budget 2000. Il se répartit en cinq masses d'importance très inégales, dont on trouve le détail dans le tableau ci-dessous.

L'ensemble des crédits d'Etat avoisinent 21,36 milliards de francs

Ils se composent :

- des crédits spécifiques du ministère de la ville pour 3,15 milliards (+60,84 %) ;

- des crédits relevant de divers ministères pour 13,7 milliards (qu'il s'agisse de crédits contractualisés ou d'autres crédits, ceux-ci étant en hausse de +13,66 %) ;

- de la dotation de solidarité urbaine , qui demeure stable à hauteur de 4,437 milliards de francs.

Les dépenses fiscales et compensations

Ces dépenses, qui correspondent notamment aux exonérations de charges fiscales et sociales résultant de la loi portant pacte de relance pour la ville, diminuent de près de 10,5 % entre 1999 et 2000, atteignant 3,56 milliards de francs contre 3,98 milliards au cours de l'année 2000.

Les fonds européens concourant à la politique de développement social urbain

Ces programmes demeurent stables, à hauteur de 1,43 milliard de francs. Ils bénéficient aux zones en retard de développement, aux zones touchées par des reconversions industrielles et sont également destinés à lutter contre l'exclusion et le chômage.

Les interventions de la Caisse des dépôts consistent en l'attribution de prêts destinés tant à la réalisation d'investissements qu'au financement d'opérations de démolition ou de reconstruction. Ils n'enregistrent qu'une hausse de 1 % et représenteront une enveloppe totale de 7,77 milliards de francs en 2001.

Les contributions des collectivités locales correspondent à la participation des régions et des départements, aux contrats de plan Etat-région pour les premières et aux contrats de ville pour les secondes. Elles s'élèvent à plus de 5 milliards de francs, en hausse de 30%.

III. ANALYSE DÉTAILLÉE DES CRÉDITS

Les crédits spécifiques ville (3,05 milliards de francs)

Comme le montre le tableau ci-dessous, la hausse des crédits du ministère de la ville s'explique pour l'essentiel par la variation de quatre lignes budgétaires qui concernent respectivement :

- les crédits destinés à la formation au titre de l'opération " adultes relais " pour 300 millions de francs ;

- les crédits du fonds de revitalisation économique qui passent de 100 à 500 millions de francs en moyens d'engagement ;

- les crédits affectés aux grands projets de ville (GPV), qui succèdent aux grands projets urbains (GPU) croissent de 261%, passant de 152 à 550 millions de francs ;

- les crédits du fonds interministériel de la ville s'accroissent aussi fortement, passant de 1.081 à 1.254 millions de francs (+ 15,94 %).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS " VILLE " 2000-2001

Les crédits de divers ministères inscrits aux contrats de plan Etat-région (CPER) sont stables (442 millions de francs en 2001 comme en 2000) y compris quant à leur répartition entre divers postes : logement (40 % du total), solidarité (18,77 %), emploi (18,09 %), fonds national d'aménagement et de développement du territoire (12,89 %). Le reste se répartit entre les ministères de la justice et de la jeunesse et des sports (10 % au total). L'ensemble de ces éléments sont repris dans le tableau ci-après.

Les crédits relevant de divers ministères contribuant à la politique de la ville s'élèvent à de 13,33 milliards de francs, soit 34 % du total de l'effort financier de la nation en sa faveur.

En volume, les plus importants d'entre eux concernent :

- l'emploi et la solidarité : 6,15 milliards de francs (+ 16,31%) ;

- l'éducation nationale : 3,49 milliards (+ 15,56 %) ;

- l'intérieur : 1,298 milliard (en 2001 comme en 2000).

Ces trois départements ministériels représentent, à eux seuls, plus de 80 % des crédits figurant dans le tableau ci-dessous :

Au demeurant, presque tous les départements ministériels contribuent à la politique de la ville, à l'instar des ministères de la culture, de l'aménagement du territoire ou des DOM-TOM. Cependant, si l'on considère la variation des crédits par rapport à l'an 2000, on constate que les plus fortes hausses concernent les ministères :

- de la fonction publique dont les crédits sont multipliés par quinze ;

- de la défense (+ 37,48 %, soit + 114 millions) ;

- de la justice (+ 23,1 %, soit + 57 millions) ;

- de la jeunesse et des sports (+ 21,41%, soit + 22 millions de francs).

Seuls les crédits inscrits au titre du ministère de l'Equipement du logement et des transports connaissent un léger tassement, passant de 374 à 357 millions de francs (- 4,6 %).

La dotation de solidarité urbaine

Deux dotations de solidarité concernent la politique de la ville.

La première, dotation de solidarité urbaine (DSU) , intéresse l'ensemble des communes de métropole. Indexée sur le taux de progression de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la DSU sera, selon les estimations du Gouvernement, stable par rapport à 2000, pour un montant d'environ 3.620 millions de francs.

Elle est répartie entre :

- d'une part 686 communes de plus de plus 10.000 habitants (qui comptent, au total, 22,6 millions d'habitants) en fonction d'un indice qui varie avec le potentiel fiscal, la part des logements sociaux, la part des bénéficiaires d'allocations-logement et le revenu par habitant ;

- d'autre part, 102 communes dont la population est comprise entre 5.000 et 9.999 habitants (la population totale concernée est de 726.000 habitants).

La part destinée aux communes de plus de 10.000 habitants est de 3,496 milliards de francs, et celle dévolue aux communes de 5.000 à 9.999 habitants, de 7,885 millions de francs.

Le fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF) intéresse, quant à lui, les seules communes de la région parisienne entre lesquelles il permet, grâce à un prélèvement spécial, une péréquation. Celle-ci concerne 72 communes contributrices dont le potentiel fiscal est supérieur de 40 % au potentiel fiscal moyen des communes de la région, soit 5.519 francs par habitant en 2000.

Un second prélèvement s'ajoute au précédent. Il est opéré au titre du FSRIF, pour un montant de 57,76 millions de francs, en hausse de 3,83 % par rapport à l'an 2000. Il est effectué sur les communes et les EPCI ayant opté pour une taxe professionnelle de zone lorsque la base de cet impôt est supérieure à 3,5 fois la moyenne nationale par habitant.

Les exonérations fiscales et sociales et les compensations

La loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ont, dans le cadre d'une logique de " discrimination positive ", institué plusieurs exonérations fiscales (impôts sur les bénéfices, droits de mutation, taxes foncières) et sociales (cotisations patronales notamment) au bénéfice des entreprises installées dans des zones telles que :

- les 416 zones de redynamisation urbaine (ZRU) ;

- les 44 zones franches urbaines (ZFU).

Comme le montre le tableau ci-dessous, le montant total estimé de ces exonérations diminuerait de 9,5 % environ en 2001, passant de 3.980 à 3.564 millions de francs.

ÉVOLUTION DES EXONÉRATIONS EN ZRU ET ZFU 2000-2001

Cette baisse résulte essentiellement de la diminution du montant des exonérations de cotisations sociales patronales de près de 33 % (de 1,487 milliard de francs à 1 milliard de francs) en ZFU.

L'ensemble des autres exonérations connaissent soit une hausse (+ 18 % pour l'exonération de charges patronales en ZRU, + 15% pour les exonérations de charges sociales patronales en ZFU), soit une stabilisation au niveau des estimations réalisées pour l'an 2000.

Encore ces estimations doivent-elles être examinées avec la plus grande prudence, compte tenu de l'aléa qui les caractérise. Comme il l'a fait lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, votre rapporteur pour avis a comparé les estimations des résultats attendus avec celles effectuées durant l'année en cours. Une nouvelle fois, cette expérience prouve que les estimations du Gouvernement sont à manier avec précaution. Comment expliquer, en effet, des variations de 36 % voire de 46 % qui apparaissent dans le tableau ci-dessous :

COMPARAISON DES ESTIMATIONS RELATIVES AUX COÛT DES EXONERATIONS POUR L'ETAT

Evolution des dépenses fiscales et sociales et des compensations

1997 estimé en 1998 (1)

1997 estimé en 1999 (2)

2/1

1998 estimé en 1998 (3)

1998 estimé en 1999 (4)

4/3

1998 estimé en 2000 (5)

5/4

1999 estimé en 1999 (6)

1999 estimé en 2000 (7)

7/6

2000 estimé en 1999
(8)

2000 estimé en 2000
(9)

9/8

Zone de redynamisation urbaine :

Exo d'impôt sur les bénéfices

850

340

-60%

850

530

-38%

780

47,17%

530

880

66%

900

1 000

11,11%

Réduc des droits de mutation sur fonds de commerce

150

150

0%

150

150

0%

150

0,00%

150

150

0%

150

80

-46,67%

Exo. TP compensées par l'Etat

510,80

511,00

0%

510,80

525,00

3%

526,00

0,19%

525,60

480,00

-9%

480

456

-5,00%

Exo de charges patronales 50 premiers salariés

175,00

21,40

-88%

175,00

62,13

-64%

78,70

26,67%

115,00

91,00

-21%

100

89

-11,00%

SOUS TOTAL

1685,80

1022,40

-39%

1685,80

1267,13

-25%

1534,70

21,12%

1320,60

1601,00

21%

1 630

1 625

-0,31%

Zone franche urbaine :

-

Exo d'impôt sur les bénéfices

180,00

180,00

0%

180,00

350,00

94%

320,00

-8,57%

350,00

350,00

0%

360

450

25,00%

Exo. TP

191,50

191,50

0%

220,00

252,00

15%

252,00

0,00%

252,00

287,00

14%

287

320

11,50%

Exo taxe foncière pour les propriétés bâties

40,80

50,00

23%

40,80

50,00

23%

50,00

0,00%

50,00

58,00

16%

58

66

13,79%

Exo cotisations patronales 50 premiers emplois

350,00

350,00

0%

350,00

600,00

71%

908,90

51,48%

600,00

1043,00

74%

997

1 487

49,15

Exo personnelle d'AM des artisans et commerçants

-

36,20

-

-

40,00

-

24,00

-40,00%

40,00

25,00

-38%

25

32

28,00%

SOUS TOTAL

762,30

807,70

6%

790,80

1292,00

63%

1554,90

20,35%

1292,00

1763,00

36%

1 727

2 355

36,36%

TOTAL GÉNÉRAL B

2448,10

1830,10

-25%

2476,60

2559,13

-

3089,60

20,73%

2612,60

3364,00

29%

3 357

3 980

18,56%

Source : " jaunes budgétaires " 1998, 1999 et 2000

Les fonds européens concourant à la politique de développement social urbain

Ces fonds sont stables, à hauteur de 1.430 millions de francs et se répartissent comme suit :

- programmes régionaux Objectif 1 , 280 millions de francs ;

- programmes régionaux Objectif 2 , 895 millions de francs ;

- programme national Objectif 3 , 135 millions de francs ;

- programmes intégrés communautaires , 120 millions de francs ;

Votre rapporteur pour avis reviendra sur les questions posées par la réforme des fonds structurels européens au chapitre IV du présent rapport pour avis.

Les interventions des établissements publics de l'Etat rassemblent celles de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et celles de l'Etablissement public de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

La Caisse des Dépôts ouvrira, en 2001 comme en 2000, une enveloppe de 7,6 milliards de prêts destinés à financer :

- des investissements (prêts projet urbain ou " PPU ") pour 3,3 milliards, soit 43 % du total ;

- la démolition-reconstruction des immeubles dégradés, pour le même montant de prêts ;

- un fonds de renouvellement urbain doté de 1 milliard de francs (14 % des interventions de la Caisse) prélevé sur le résultat net de la CDC, également pour financer des investissements de renouvellement urbain.

L'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux voit, quant à lui, ses moyens croître de 87 %.

Votre rapporteur pour avis approuve la politique de démolition-reconstruction, dont il souhaite l'accélération. Il constate, au demeurant, que nul n'est actuellement en mesure de présenter un calendrier des opérations de démolition susceptibles d'être réalisées à moyen et long terme. Or, celles-ci sont essentielles pour " dédensifier " le milieu urbain des quartiers. Les récents exemples de démolition ont montré, au demeurant, que les habitants des quartiers eux-mêmes n'étaient nullement hostiles à la démolition d'immeubles dégradés. Le principal reste de construire, une fois les tours abattues, des logements à taille humaine, et notamment des logements individuels dans un esprit de mixité. Votre rapporteur pour avis met donc en garde le Gouvernement sur le danger qu'il y aurait à retomber, volens nolens, dans une forme de " collectivisme " de l'habitat social dont on connaît les méfaits. Une telle politique n'est-elle pas d'ailleurs indissolublement liée avec la réhabilitation des logements sociaux " de faits " qui, appartenant au patrimoine privé, servent à loger des personnes bénéficiaires d'aide au logement.

Il est donc nécessaire de faire à la fois plus et mieux tant en matière de démolition qu'en ce qui concerne la reconstruction.

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