III. DES CONCOURS DE L'ETAT À LA COHÉRENCE INCERTAINE

Au-delà de sa participation au financement de l'alternance, l'Etat assume budgétairement trois types d'actions :

- la dotation de décentralisation relative à la formation professionnelle et à l'apprentissage ;

- les " actions de formation à la charge de l'Etat " ;

- la contribution au financement de l'AFPA.

La dotation de décentralisation, qui s'élève à 8,2 milliards de francs en 2001, n'appelle pas de commentaires particuliers de votre commission. Cette dotation, qui résulte de la loi du 7 janvier 1983 transférant aux régions la compétence de droit commun en matière de formation professionnelle continue et d'apprentissage, de la loi du 23 juillet 1987 portant réforme de l'apprentissage destinée à compenser l'allongement de la durée des formations en CFA, et enfin de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 en ce qui concerne les actions de formation destinées à l'insertion professionnelle des jeunes, est en effet actualisée conformément au taux d'évolution de la dotation globale de décentralisation.

En revanche, les deux autres types d'actions méritent un examen plus approfondi.

A. DES ACTIONS DE FORMATION À LA CHARGE DE L'ETAT DIVERSIFIÉES, MAIS PEU LISIBLES

Les crédits destinés au financement des actions de formation à la charge de l'Etat s'élèveront en 2001 à 4,7 milliards de francs, en baisse de 19 %.

Coût budgétaire des actions de formation à la charge de l'Etat

(en millions de francs)

1997

1998

1999

LFI 2000

PLF 2001

6.162

8.406

6.223

5.826

4.720

Ces actions très diverses se répartissent entre le financement de dépenses de fonctionnement, de rémunération et d'investissement. Il semble toutefois plus opératoire de les classer de manière " thématique ".

1. Un programme national de formation professionnelle pour le moins varié

Le programme national de formation professionnelle, qui avait initialement pour vocation d'assurer la formation des publics les plus en difficulté, tend à voir progressivement son champ d'intervention s'élargir.

Le programme national de formation professionnelle

Il met en oeuvre diverses actions de formation professionnelle financées sur le FFPPS en faveur de publics particulièrement défavorisés : illettrés et détenus. Le programme IRILL (insertion, réinsertion, lutte contre l'illettrisme) destiné aux illettrés, aux détenus et aux réfugiés (le volet concernant les réfugiés est inscrit à partir de 2001 sur le budget de la solidarité) a pour principal objectif l'apprentissage ou le réapprentissage des savoirs fondamentaux. La formation continue des ingénieurs et des cadres supérieurs regroupe l'ensemble des actions financées par l'Etat dans le domaine de la formation des cadres moyens (salariés ou demandeurs d'emploi). Les ateliers de pédagogie personnalisée (APP) ont pour mission d'assurer à toute personne sortie du système scolaire un complément de formation générale ou technologique et dont l'activité est cofinancée par l'Etat, les conseils régionaux, les communes, les entreprises et par des organismes paritaires agréés sur la base d'un même cahier des charges. Le programme national intervient enfin sur l'environnement de la formation (études et audits sur la formation, programme " formations ouvertes et ressources éducatives " dans le domaine de l'enseignement à distance et du multimédia -FORE-, subventions à divers organismes de formation : INFA et Centre-Inffo).

Aujourd'hui, s'il reste concentré sur la formation des personnes les plus en difficulté (illettrés, détenus, réfugiés), il intègre également la formation des militants syndicaux ou permet de subventionner divers organismes de formation.

En 2001, 1,3 milliard de francs devraient lui être affectés.

Crédits du programme national de formation professionnelle

(en millions de francs)

1997

1998

1999

LFI 2000

PLF 2001

1.282

1.225

1.329

1.273

1.320

Les actions menées dans ce cadre sont souvent utiles. Votre rapporteur pour avis souligne ainsi l'intérêt du programme IRILL dans la lutte contre l'illettrisme.

Mais la nature pour le moins diversifiée de ce programme tend désormais à rendre sa cohérence moins évidente.

Aussi, et sans remettre en cause la légitimité des actions menées dans ce cadre, votre commission souhaite que le débat budgétaire puisse être chaque année l'occasion d'un examen approfondi de ce programme et d'une définition concertée de ses priorités.

2. Une politique contractuelle de formation des salariés en repli

La " politique contractuelle de formation des salariés " est un dispositif tout particulièrement intéressant. Bien intégré dans le dialogue social, fondé sur la négociation, inscrit dans une logique de long terme, il vise à favoriser le développement de l'effort de formation continue des entreprises et à anticiper les besoins de compétences par la mise en place d'une véritable gestion prévisionnelle des emplois.

La politique contractuelle de formation des salariés

La politique contractuelle de formation des salariés vise à anticiper les besoins de compétences et à développer la formation continue des entreprises en lien avec leurs stratégies de développement économique. Deux outils sont à la disposition de l'Etat pour mettre en oeuvre cette politique : un outil d'étude, le contrat d'études prospectives permettant de connaître, en partenariat avec les branches, l'évolution des métiers et un outil d'action, l'engagement de développement de la formation.

Les contrats d'étude prospective (CEP) lient les partenaires sociaux et l'Etat et fournissent des bases partagées à la négociation collective en permettant d'enrichir celle-ci. L'Etat prend en charge en moyenne 50 % du coût de l'étude. Ces contrats ont pour objectif de connaître l'évolution des métiers et des qualifications afin de favoriser l'adaptation des compétences des salariés confrontés à des mutations économiques, organisationnelles ou technologiques fortes.

Les accords d'engagement de développement de la formation (EDDF) visent à subventionner les dispositifs de formation des entreprises qui s'engagent, au-delà de leur obligation légale, dans une démarche d'élévation des qualifications et des compétences des salariés. Les EDDF sont conclus avec des organisations professionnelles ou interprofessionnelles, des groupements d'entreprises ou des entreprises. Ils ont pour objectif d'impulser et d'accompagner les démarches d'investissement-formation dans les entreprises, d'enrichir le dialogue social sur les métiers et sur la formation professionnelle au sein des entreprises et des branches.

En 1999, la politique contractuelle a été réformée, sur la base d'une circulaire, avec pour finalité affichée " de renforcer l'intervention en faveur des démarches de gestion prévisionnelle des compétences et des qualifications dans un cadre expérimental et négocié avec les partenaires sociaux ".

En 2001, 284 millions de francs seront consacrés à la politique contractuelle.

Crédits de la politique contractuelle

(en millions de francs)

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

335

335

284

Malgré l'intérêt de ce dispositif, les crédits diminueront donc de 15 % en 2001. Il semble alors que la réforme de la politique contractuelle décidée en 1999, qui visait initialement à " soutenir les initiatives des branches et des entreprises ", se traduise en définitive principalement par une restriction des crédits budgétaires et par l'amorce d'un nouveau désengagement de l'Etat du champ contractuel dans le domaine de la formation professionnelle.

Le Gouvernement donne ici, une fois encore, la preuve du peu de cas qu'il fait du dialogue social. Votre commission ne peut que le déplorer.

3. Une participation de l'Etat à la formation des chômeurs menacée

L'Etat, conformément à sa responsabilité en matière de solidarité nationale, intervient dans la formation des chômeurs, notamment par sa participation au financement de l'AFR destinée à assurer la rémunération des chômeurs entrant en formation.

L'AFR

L'AFR a été instituée par un accord des partenaires sociaux en date du 30 décembre 1987. Financée conjointement par l'Etat et l'UNEDIC, elle a vocation à assurer la rémunération des chômeurs bénéficiaires de l'allocation unique dégressive (AUD) et entrant en formation.

L'AFR, dont le montant est égal à l'AUD et qui n'est pas dégressive, est servie à titre de rémunération au maximum pendant la durée des droits à l'assurance chômage restant à courir après l'entrée en stage. Si la durée de la formation excède la durée des droits à l'assurance chômage, une allocation de formation de fin de stage, de même nature et de même montant, est versée jusqu'à la fin de la formation.

Elle est actuellement régie par les articles 53 et suivants du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1997 relative à l'assurance chômage ainsi que par une convention financière du 26 juin 1990 modifiée conclue entre l'Etat et l'UNEDIC.

La nouvelle convention du 1er janvier 1997 introduit aussi une nouvelle condition à l'entrée en AFR. L'allocataire doit faire part de sa demande de formation dans les six premiers mois d'indemnisation en AUD, même si le stage démarre ultérieurement.

Un avenant à la convention financière du 2 juillet 1997 prévoit que l'Etat prend en charge 41 % des dépenses de l'AFR, alors que les dispositions antérieures aboutissaient à un taux de prise en charge d'environ 80 %.

Le montant des prestations versées au titre de l'AFR s'est élevé à 6.358 millions de francs en 1997, 5.636 millions de francs en 1998 et 4.927 millions de francs en 1999.

En 1999, près de 180.000 chômeurs ont bénéficié de l'AFR.

Evolution du nombre d'entrées en AFR

1997

1998

1999

191.768

189.824

179.661

Source : UNEDIC

En 2001, la participation de l'Etat au financement de l'AFR diminuera de plus de 1 milliard de francs pour atteindre 1,5 milliard de francs, l'Etat anticipant sa suppression à compter du 1 er juillet 2001 que prévoit la nouvelle convention UNEDIC.

Versement de l'Etat à l'UNEDIC au titre de l'AFR

(en millions de francs)

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

2.716

2.541

1.500

Pour autant, l'affectation effective de ces crédits pour 2001 reste pour l'instant bien mystérieuse. S'il s'agit de financer les AFR ouvertes avant le 1 er juillet 2001, ils seront amplement suffisants. S'il s'agit également d'une simple " mesure conservatoire ", dans l'attente de la définition des nouvelles modalités de participation de l'Etat au financement de la formation des chômeurs dans le cadre du futur projet d'action personnalisé, ils risquent alors d'être très insuffisants.

Les informations fournies par le Gouvernement restent pour le moins confuses sur ce sujet.

Ainsi, lors de l'examen du budget en première lecture à l'Assemblée nationale, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a semblé confirmer la participation financière de l'Etat pour l'avenir, mais dans un cadre rénové.

" Et je ne trahirai pas un secret d'Etat en vous disant que j'ai dû fermement négocier dans le cadre de la préparation de ce budget, car la ligne budgétaire était initialement à zéro (...). J'ai fait valoir que, même si les partenaires sociaux engageaient leur responsabilité dans la formation des demandeurs d'emploi, il était impensable que l'Etat se dégage complètement de cette mission. C'est pourquoi j'ai plaidé pour le maintien d'une dotation conséquente, même si l'AFR a disparu en tant que telle. Ce milliard et demi, c'est pour moi le signe précurseur de la réforme dont l'un des volets sera, bien sûr, l'élaboration d'un droit individuel, quel que soit le statut, salarié ou demandeur d'emploi. Il me fallait, pour ce faire, déjà avoir un début du budget afin que l'Etat réfléchisse et participe directement à la mise en oeuvre de ce dispositif " 7 ( * ) .

Lors de son audition devant votre commission, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a été plus laconique, estimant simplement prématuré de définir les éventuelles interventions de l'Etat en faveur de la formation des chômeurs.

Il reste qu'à partir du 1 er juillet 2001, la nature de la participation de l'Etat au financement de la formation des chômeurs n'est ni définie, ni budgétée.

Or le règlement annexé à la nouvelle convention UNEDIC adoptée par les partenaires sociaux le 19 octobre 2000 ne prévoit aucune rémunération spécifique pour les chômeurs entrant en formation, son article 45 ne prévoyant qu'une aide à la formation visant la prise en charge des frais de formation, des frais de dossier et d'inscription, des frais de transport et d'hébergement.

Dans ces conditions, votre commission exprime la crainte que cette incertitude budgétaire ne reflète qu'une volonté de désengagement de la part de l'Etat laissant la charge de la formation des demandeurs d'emploi aux seuls partenaires sociaux.

4. Des expérimentations peu concluantes

Parmi les priorités de ce projet de budget de la formation professionnelle, le Gouvernement évoque la préparation de la future loi réformant la formation professionnelle.

Il est vrai que le projet de budget prévoit, chaque année depuis 1999, une dotation de 20 millions de francs en faveur de ces expérimentations.

Votre commission exprime toutefois ses doutes sur la concrétisation de ces expérimentations.

Ainsi, en 1999, cette dotation n'a été consommée qu'à hauteur de 1,75 %. Au premier semestre 2000, seuls 0,96 % des crédits ont été utilisés.

Il semble donc qu'il y ait encore quelques efforts à faire dans la voie d'une expérimentation approfondie.

Les expérimentations

Suite à la parution du diagnostic précité, en mars 1999, le secrétariat d'Etat a souhaité engager une série d'expérimentations avec tous les acteurs de la formation (conseils régionaux, partenaires sociaux, branches professionnelles...) pour que, sans attendre, ces derniers prennent des initiatives nécessaires à l'adaptation et à la rénovation du système de formation professionnelle continue.

Les expérimentations doivent se dérouler pendant 18 mois et continueront dans le courant de l'année 2001.

Les thèmes ouverts à expérimentation s'articulent autour de 4 axes :

- la mise en réseau des services d'information et d'orientation professionnelle ;

- la réalisation de parcours individuels de développement ou d'accès à la qualification, conçus indépendamment du statut des personnes concernées et mobilisant, par conséquent, diverses sources de financement ;

- le développement de la validation des acquis et la mise en cohérence des systèmes de certification ;

- l'égalité d'accès à la formation professionnelle entre les femmes et les hommes.

Sept protocoles sont signés avec des conseils régionaux ou des branches professionnelles. A terme, une quinzaine de protocoles d'accords devraient être signés.

Source : " jaune budgétaire "

* 7 Journal officiel, débats AN, 1 ère séance du 9 novembre 2000, p. 8242.

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