G. L'EXPLOSION DE LA " CYBERCRIMINALITÉ "

La criminalité liée aux nouvelles technologies ne cesse de progresser. C'est ainsi que les enquêtes pénales dans ce domaine, qui étaient au nombre de 161 en 1996, ont atteint le chiffre de 716 pour 1999. Mais compte tenu des difficultés de comptabilisation de ce type de délit, on peut estimer que 200 000 infractions auraient effectivement été commises à l'aide ou dans le domaine des nouvelles technologies en 1999.

Source : ministère de l'Intérieur

1. Une quantification très difficile

Les chiffres donnés ne reflètent que très imparfaitement la réalité de la criminalité liée aux nouvelles technologies en France. En effet, échappent au recensement statistique au titre des nouvelles technologies les cas dans lesquels l'informatique est utilisée comme moyen de commission d'une infraction dont la qualification est d'ordre général, en matière de faux, de contrefaçons ou d'escroqueries par exemple.

Il convient d'adapter l'outil statistique pour mieux cerner ce phénomène inquiétant.

En outre, la criminalité réelle en ce domaine est difficilement quantifiable, en raison de l'importance d'un " chiffre noir ". Les entreprises répugnent, pour des motifs économiques, à dénoncer aux autorités policières ou judiciaires les délits informatiques dont elles ont été victimes, dans la crainte d'un procès public et de la révélation des faiblesses de leur système d'information. Ainsi, la vulnérabilité de la puce à micro-processeur des cartes bancaires, révélée par la récente " Affaire Humpich ", a-t-elle entraîné de nombreuses interrogations sur la fiabilité de ce mode de paiement.

Encore faut-il préciser que, dans la plupart des cas d'intrusion sur des réseaux, portant atteinte à la confidentialité des informations, de nombreuses entreprises ne détectent même pas les attaques dont elles sont victimes.

2. Une augmentation des accès frauduleux aux systèmes

En 1999, 64% des infractions recensées concernaient des accès irréguliers aux systèmes de traitement automatisé de données ou de télécommunications.

Parmi ceux-ci, 73 % des cas concernaient des fraudes aux télécommunications, 9 % des accès simples à des systèmes informatiques et 18 % des accès accompagnés de modifications ou de destructions de données, voire d'entraves au fonctionnement d'un système informatique.

En matière de fraudes aux télécommunications, les usages illicites de cartes France Télécom sont en diminution puisqu'il n'est plus dénombré que 46 cas en 1999 contre 304 pour l'année 1998. En revanche, ont été recensés 290 cas de fraudes aux téléphones cellulaires par ouvertures irrégulières de lignes .

Les auteurs des infractions ne sont informaticiens de formation que dans 32 % des cas rapportés. Cela s'explique par la vulgarisation des connaissances en matière de micro-informatique et par le nombre croissant d'internautes amateurs (plus de 6 % des foyers français sont connectés à Internet).

Le secteur économique le plus touché par la criminalité informatique reste celui des télécommunications avec 51 % des cas recensés, suivi par le milieu de l'informatique avec 10 % des affaires rapportées. Le préjudice comptabilisé a été de plus de 22 millions de francs , mais le montant de la fraude reste ignoré dans 97 % des cas recensés.

3. Un accroissement de la délinquance sur Internet

Le réseau Internet favorise l'accroissement des délits concernant des intrusions frauduleuses dans les systèmes de traitement automatisé de données.

Les affaires liées au réseau Internet présentent en outre une augmentation importante du nombre d'escroqueries commises en matière de commerce électronique, grâce à l'utilisation frauduleuse de références de cartes bancaires . Il a été recensé 537 affaires de ce type en 1999, contre 40 cas l'année précédente, le préjudice total évalué s'établissant à plus de 2 millions de francs.

Source : ministère de l'Intérieur

En ce qui concerne les autres délits commis sur Internet, il a été enregistré 11 affaires de pédophilie en 1999, contre 7 cas signalés l'année précédente.

Enfin, 50 affaires d'incitation à la haine raciale ont été recensées en 1999, contre 4 en 1998. La répression de ce type d'affaire est difficile dans la mesure où les sites en cause sont situés à l'étranger, en particulier aux États-Unis, où la liberté d'expression est garantie par le premier amendement de la Constitution de 1791. Le tribunal de grande instance de Paris vient de condamner en référé le serveur Yahoo à ne plus fournir à ses clients français l'accès à des sites américains de vente aux enchères d'objet nazis. Les solutions techniques sont néanmoins difficiles à trouver.

4. La nécessité d'une action sur le plan national et international

La France a accueilli, à Paris, le 15 mai dernier, la première conférence du G8 consacrée au " dialogue entre les pouvoirs publics et le secteur privé sur la sécurité et la confiance dans le cyberspace ".

Le même jour, a été signé le décret créant, au sein de la direction centrale de la police judiciaire, l'Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l'Information et de la Communication (O.C.L.C.T.I.C.).

Cet office devrait regrouper une trentaine de fonctionnaires en provenance de différents ministères.

Il aura un rôle essentiel sur plan international en assurant notamment la liaison avec les instances spécialisées d'Interpol.

La coopération internationale est en effet indispensable en la matière.

Au niveau européen, le Conseil de l'Union européenne, a d'ailleurs proposé d'étendre le mandat d'Europol à la lutte contre la criminalité proprement informatique.

Sur le plan national, l'O.C.L.C.T.I.C. a une mission propre d'enquêtes judiciaires et une mission générale de coordination et d'assistance de l'activité des autres services. Il est également chargé de la centralisation des renseignements sur la criminalité informatique et de la formation des enquêteurs spécialisés répartis dans les différents services régionaux de police judiciaire.

Votre commission des Lois observe que, face à l'évolution et à la diversité de ces infractions liées aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, les services de police doivent sans cesse s'adapter.

Les matériels et logiciels utilisés par les pirates informatiques et les criminels agissant dans ce domaine devenant chaque jour plus performant, il est impératif que la police dispose de suffisamment de personnels hautement qualifiés et de matériels sans cesse renouvelés.

La culture des nouvelles technologies ne doit pas rester l'apanage d'un office central mais se diffuser dans toute la police.

Mais avant tout, la société doit être mise à même d'améliorer sa réactivité face à un risque qu'elle a tendance à minimiser.

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