TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le jeudi 15 novembre 2001, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen pour avis de M. Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi n° 352 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat.

La commission a procédé à l' examen du rapport pour avis de M. Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi n° 352 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat.

M. Jean-Louis Lorrain , rapporteur pour avis, a rappelé, en premier lieu, que la question soulevée par l'accouchement dans l'anonymat était celle de la tension existante entre deux droits apparemment incompatibles.

Il a souligné que naître dans l'anonymat était avant tout un fait social car des mères, pour des raisons diverses, se sont toujours trouvées dans l'impossibilité d'élever leur enfant, encourageant très tôt les pouvoirs publics à prévenir les drames qu'une telle impossibilité ne manquait pas de provoquer.

Il a rappelé que, contrairement à ce qui avait pu être affirmé, l'organisation juridique de la naissance dans l'anonymat n'était pas issue de Vichy, mais d'un décret de la Convention nationale. Il a indiqué que, si jusqu'au milieu des années 1970, le nombre d'accouchements dans l'anonymat avait pu s'élever à plus de 10.000 par an, il n'avoisine plus, actuellement, qu'environ 500 cas annuels. Néanmoins, il a affirmé que le désir d'accoucher dans le secret n'avait pas disparu et que, dans les pays où cette faculté n'existait pas, des mécanismes alternatifs avaient dû être institués.

Il a rappelé que les conclusions qui pouvaient être tirées de statistiques collectées au sujet des femmes accouchant dans l'anonymat révèlent que les deux tiers de ces femmes sont jeunes, voire très jeunes, qu'un quart sont en cours d'études, que les quatre cinquièmes sont célibataires et que bon nombre d'entre elles sont confrontées à des difficultés d'ordre culturel ou familial.

Il a néanmoins souligné que les statistiques n'apportaient pas d'informations sur des aspects essentiels de ce sujet, notamment, l'accueil qui a pu être réservé à ces femmes, les raisons qui ont motivé leur choix ou les facteurs qui auraient pu les faire changer d'avis.

Il a parallèlement rappelé que les enfants nés et élevés dans l'ignorance de leur origine faisaient aujourd'hui part de leurs difficultés face à cette situation et du désir qui est le leur de recueillir des éléments d'information sur leurs parents de naissance.

M. Jean-Louis Lorrain , rapporteur pour avis, a noté que la naissance dans l'anonymat est aujourd'hui posée dans des termes nouveaux. Il a souligné que, pour des raisons essentiellement procédurales, certains enfants nés dans l'anonymat n'avaient pas accès aux documents relatifs à leur naissance, alors que d'autres pouvaient se les procurer plus facilement.

Il a rendu hommage à la jurisprudence éminemment libérale de la commission d'accès aux documents administratifs qui a assoupli la rigueur originale du dispositif.

Il a constaté que la réflexion sur l'accès aux origines avait évolué au travers de nombreux rapports d'experts avec, dès le début des années quatre-vingt dix, un rapport du Conseil d'Etat complété à plusieurs reprises par des analyses souvent convergentes.

Il a enfin souligné que les exigences posées par le droit international et notamment par la signature de la convention des droits de l'enfant, devenaient de plus en plus fortes et justifiaient en partie la nécessité d'avancer sur le terrain législatif.

Concernant le projet de loi, M. Jean-Louis Lorrain , rapporteur pour avis, a constaté que celui-ci ne faisait que substituer une nouvelle procédure à l'ancienne, créant un conseil national pour l'accès aux origines. Il a observé que lors de l'accouchement, la mère sera invitée à laisser son identité dans une enveloppe cachetée dont l'enfant pourrait obtenir communication s'il s'adressait au conseil national d'accès aux origines.

Il a rappelé en conséquence, que le seul objet du projet de loi était de faciliter la rencontre des volontés en créant une procédure a priori plus efficace et plus lisible.

Il a souligné que le droit à la connaissance des origines est et demeure relatif en ce qu'il est subordonné à l'acceptation de la mère de lever le secret, la faculté pour cette dernière d'accoucher dans l'anonymat répondant à une demande aujourd'hui résiduelle, mais toujours existante.

Il a, en second lieu, affirmé que ce droit était contingent. Il a précisé à ce titre que des dossiers étaient vides et le resteraient, que les mères étaient invitées à laisser leur identité, mais qu'elles n'avaient aucune obligation en la matière.

Il a enfin rappelé que le présent projet de loi laissait un certain nombre de questions en suspens.

Il a constaté, en premier lieu, que ces questions étaient d'ordre juridique, puisque l'harmonisation entre la jurisprudence libérale de la commission d'accès aux documents administratifs qui avait créé dans les faits un véritable bénéfice du doute, pourrait être remise en cause par l'installation du conseil national d'accès aux origines, dont la mission était précisément de dissiper le doute.

Il a, en second lieu, affirmé que des questions d'ordre procédural appelaient des réponses, notamment sur la composition du conseil national d'accès aux origines dont le texte exclut la participation de travailleurs sociaux au titre de personnalités qualifiées.

Il a rappelé également son souhait de voir les parents de naissance approchés par le conseil avec toutes les précautions et la discrétion nécessaires à de telles démarches.

Enfin, M. Jean-Louis Lorrain , rapporteur pour avis, a noté que le texte ne tranchait pas certaines questions d'ordre éthique, notamment la question essentielle de l'accès à la connaissance des origines après la mort des parents de naissance et le droit des pères.

En conclusion, il a formulé deux observations, la première étant que cette recherche des origines ne devait pas tomber dans la recherche d'une vérité à tout prix, la seconde étant que la démarche engagée par les pouvoirs publics ne devait pas aboutir à une disparition lente de la procédure de l'accouchement dans l'anonymat qui doit demeurer une faculté offerte aux femmes en grande détresse.

M. Alain Gournac a félicité le rapporteur pour avis pour la clarté et la pondération de son exposé et a rappelé que la question traitée était particulièrement difficile pour les parents ayant adopté un enfant et souligné la nécessité de protéger les familles adoptives. Il s'est étonné du peu de cas qui était fait du droit des pères. Il a précisé qu'il interviendrait dans la discussion générale en tant que parent adoptant.

M. Jean Chérioux a également félicité le rapporteur pour avis et s'est interrogé sur la finalité de ce texte. Il a réaffirmé la nécessité que ce dernier ne soit pas une première étape vers la disparition de l'accouchement dans l'anonymat qui constituait, selon lui, une alternative à l'interruption volontaire de grossesse. Il a souhaité que la recherche systématique de la connaissance ne soit pas la conséquence d'un effet de mode. Il s'est inquiété, enfin, de la question du tiers donneur dans la procréation médicale assistée.

M. Roland Muzeau a remercié le rapporteur pour avis pour la présentation objective que celui-ci avait fait dans son rapport. Il a jugé le texte prudent et utile.

M. André Lardeux a partagé les avis exprimés par MM. Alain Gournac et Jean Chérioux et a rappelé qu'en tant que président de conseil général il était saisi de plus en plus par de jeunes adultes en quête de leurs origines et considérait utile qu'une réponse uniforme puisse être apportée aux questions de ces jeunes gens.

Mme Janine Rozier a déclaré qu'en tant que rapporteur de la délégation aux droits des femmes sur la proposition de loi relative à l'autorité parentale, elle avait déploré que la réforme du droit de la famille ait été morcelée. Elle a constaté que l'accouchement dans l'anonymat révélait une grande détresse et s'est interrogée sur les moyens susceptibles de faciliter la reconnaissance du père.

M. Nicolas About, président , a déclaré qu'il s'agissait d'un sujet difficile, émotionnel, affectant les droits des enfants et des parents et touchant les questions de parenté et de parentalité. Il a rappelé avoir travaillé au Conseil de l'Europe sur cette question et a constaté que la plus grande difficulté reconnue par ces enfants était l'ignorance, la connaissance de ses origines constituant un apaisement en soi.

La commission, sur proposition de son rapporteur, a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi sous réserve des amendements qui pourraient être proposés par la commission saisie au fond.

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