C. LA NAISSANCE DANS L'ANONYMAT : UNE QUESTION POSÉE DANS DES TERMES NOUVEAUX

1. Une situation qui engendre des injustices

a) Un secret déjà réversible

La procédure ouverte par l'état du droit n'interdit pas la réversibilité du secret. En effet, l'article L. 224-5 du code de l'action sociale et des familles dispose que « lorsqu'il y a demande de secret (...) celle-ci doit être formulée expressément et mentionnée au procès-verbal. Le procès-verbal doit également mentionner que le demandeur a été informé de la possibilité de faire connaître ultérieurement son identité (...) » .

Cette possibilité a été ouverte par la loi de 1996 sur l'adoption, mais elle n'a guère eu d'effets pratiques. Ainsi que le souligne Mme Ségolène Royal 3 ( * ) , « l'absence de toute instance arbitrale ou médiatrice et la non-parution des décrets d'application, qu'il faut admettre sans détour, l'ont privée d'effets pratiques alors qu'elle témoigne d'une vraie prise de conscience ».

b) Un accueil décentralisé inégal malgré les interventions de la CADA

Dans ses recherches en matière d'accès aux origines, la personne née dans l'anonymat procède par étape. La première de ces étapes est souvent de demander un accès aux documents administratifs relatant les circonstances de sa naissance et notamment le bulletin médical. L'accès à ce document lui est ouvert à partir du moment où le secret n'a pas été demandé par la mère.

Dans ce dernier cas, et si la personne ne peut accéder au nom de ses parents, elle devrait avoir accès à des renseignements considérés comme non identifiants. Il n'y a cependant pas de pratiques administratives uniformes, certaines autorités considérant que des informations sont trop déstabilisantes pour être communiquées -par exemple, naissance issue d'un viol-, d'autres au contraire estimant que leur devoir de secret se limite au seul nom de la mère.

En cas d'échec, l'usager se tourne vers le conseil général qui exerce la tutelle sur les services sociaux.

De plus en plus, les demandes prennent la direction d'une autorité administrative, la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) qui a élaboré au fil du temps une jurisprudence très libérale.

En effet, en 1999, la CADA a traité 109 demandes, et jusqu'à 162 en 2000, dont la moitié proviennent des conseils généraux eux-mêmes, qui saisissent cette Commission pour obtenir son avis.

Dans le cas où la Commission détient une preuve que la volonté de secret a été formulée, par mention manuscrite ou par le biais d'une audition avec une réponse expresse, le secret n'est pas levé. Dans tous les cas contraires, même dans le cas où la mère a, de fait, accouché sous X mais sans demander expressément la conservation du secret, l'accès aux documents est autorisé.

La conséquence de cette jurisprudence est que les deux tiers des dossiers sont déclarés communicables. Mais, d'une part, les documents mis à disposition ne contiennent pas tous des informations utiles et, d'autre part, un grand nombre n'ont pas accès à leur dossier, soit parce que celui-ci leur a été refusé par l'administration, soit parce que simplement, dans l'ignorance de sa compétence, ils ne l'ont pas saisie.

Alors, souvent débute une période de recherches individuelles.

c) Les recherches individuelles

Certaines personnes en quête de leurs origines, ne trouvant pas de réponses à leurs questions auprès des administrations, se mettent elles-mêmes en recherche, hors de tout cadre institutionnel.

La loi n'interdit pas ces recherches. Elle pourrait éventuellement réprimer le harcèlement sur autrui.

Il ne semble pas que ces recherches conduisent à des formes de traques pénalement répréhensibles. Des études sociologiques semblent même, au contraire, indiquer qu'une majorité d'enfants procède à ses recherches avec beaucoup de précautions, n'approchant leur mère de naissance qu'avec beaucoup de discrétion.

Ces recherches individuelles ne s'arrêteront pas avec le présent projet de loi, notamment venant de ceux qui ne trouveront pas de réponses ou se verront opposer un refus.

* 3 Mme Ségolène Royal, débat à l'Assemblée nationale, 31 mai 2001, Journal Officiel, page 3733.

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