N° 161

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 décembre 2001

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la démocratie de proximité ,

Par M. Michel MERCIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Lambert, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3089 , 3105 , 3112 , 3113 et T.A. 691

Sénat : 415 (2000-2001), 156 , 153 et 155 (2001-2002)

Collectivités territoriales.

PREMIÈRE PARTIE :
EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS AUX QUESTIONS FINANCIÈRES

La commission des lois a fait l'honneur à votre commission des finances de s'en remettre à elle pour l'examen de deux dispositions du présent projet de loi qui présentent un caractère fiscal ou financier.

ARTICLE 15 TERVICIES

Mode de calcul de l'attribution de compensation des établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique

I. LE DROIT ACTUEL

L'article 1609 nonies C du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, prévoit les modalités de mise en oeuvre du régime fiscal de la taxe professionnelle unique dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui optent pour ce régime fiscal.

Lorsque l'EPCI qui adopte la taxe professionnelle unique est une création ex nihilo , le 2° de l'article 1609 nonies C prévoit que celui-ci verse à chacune de ses communes membres une « attribution de compensation » dont le montant est égal à la différence entre le produit de taxe professionnelle antérieurement perçu par la commune et le coût des compétences qu'elle lui a transféré.

Les EPCI étant des établissements publics soumis au principe de spécialité, leurs ressources doivent correspondre au coût des compétences qu'ils exercent. L'attribution de compensations permet donc de reverser aux communes « l'excédent » de ressources procuré par la taxe professionnelle unique.

Lorsque l'EPCI qui adopte le régime fiscal de la taxe professionnelle unique existait auparavant, et percevait une fiscalité additionnelle, les modalités de calcul de l'attribution de compensation sont plus complexes car l'EPCI exerçait déjà des compétences. Le calcul se déroule en deux étapes :

- il convient d'abord de retrancher du produit de la taxe professionnelle antérieurement perçu par la commune le produit de la taxe d'habitation et des taxes foncières que l'EPCI percevait l'année précédente sur le territoire de cette commune et qu'il ne perçoit plus. Ce calcul permet de déterminer la part du produit de la taxe professionnelle qui sert non pas à financer d'éventuels transferts de compétences par la commune, mais à remplacer les ressources auparavant tirées des « impôts ménages » ;

- dans un deuxième temps, la somme ainsi obtenue est minorée, d'une part, des compensations perçues par l'EPCI les années précédentes en contrepartie d'exonérations de taxe d'habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties (et que l'EPCI ne percevra plus puisqu'il ne lève plus ces impôts) et, d'autre part, du coût des éventuels transferts de compétences par la commune membre.

Le mode de calcul de l'attribution de compensation est donc « calibré » pour permettre la neutralité du passage en TPU sur les budgets communaux et intercommunaux.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Lors de l'examen du présent projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale, notre collègue député Gilles Carrez, défendant un amendement présenté par notre collègue député Jacques Pélissard, a fait valoir que le mode de calcul de l'attribution de compensation était défavorable aux EPCI à taxe professionnelle unique qui, lorsqu'ils percevaient une fiscalité additionnelle, bénéficiaient du versement d'une fraction de leur produit de taxe professionnelle par les communes membres sur le territoire desquelles se trouve une zone d'activité économique. Ces versements étaient effectués en application des dispositions de l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 relative à la fiscalité directe locale.

Dans ce cas de figure, les recettes fiscales de l'EPCI sont, en pratique, constituées du produit de la fiscalité additionnelle qu'il lève, mais également des sommes reçues des communes en application de la loi de 1980.

Avec le passage de l'EPCI à la taxe professionnelle unique, les communes ne peuvent plus lui reverser une partie de leur taxe professionnelle puisque l'EPCI perçoit l'intégralité du produit de cet impôt.

Dans l'état actuel de la rédaction de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, l'attribution de compensation est déterminée en retranchant au produit de taxe professionnelle antérieurement levé par l'EPCI le seul produit des « impôts ménages ». Or, pour l'EPCI, la taxe professionnelle unique doit non seulement remplacer à due concurrence le produit des « impôts ménages », mais aussi les recettes provenant des reversements de taxe professionnelle effectués par les communes membres.

La définition actuelle de l'attribution de compensation aboutit donc à provoquer un gain pour les communes (l'attribution de compensation est calculée comme si elles ne reversaient pas une partie de leur taxe professionnelle à l'EPCI) et un manque à gagner pour l'EPCI (la TPU lui permet de « couvrir » la perte du produit des impôts ménages, mais pas celle des reversements communaux).

Un tel cas de figure n'avait pas été envisagé à l'occasion de la discussion de la loi du 12 juillet 1999. Le présent article a pour objet de corriger cet oubli en prévoyant que, pour le calcul de l'attribution de compensation, les reversements de taxe professionnelle à un EPCI dans le cadre de la loi de 1980 font partie des sommes déduites du produit de taxe professionnelle antérieurement perçu par la commune, au même titre que le produit des impôts ménages antérieurement perçus par l'EPCI, les compensations d'exonérations fiscales et que le coût des charges transférées.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à cet article.

ARTICLE 15 QUATERVICIES

Commission consultative sur l'évaluation des charges

Commentaire : le présent article étend la compétence de la commission consultative sur l'évaluation des charges aux charges résultant des transferts de compétences effectués entre les régimes obligatoires de sécurité sociale et les collectivités locales.

I. LE DROIT ACTUEL

La commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) est régie par les dispositions de l'article L. 1613-3 du code général des collectivités territoriales.

Elle est présidée par un magistrat de la Cour des comptes et comprend des représentants de toutes les catégories de collectivités locales. L'article R. 1614-1 du code général des collectivités territoriales dispose que huit représentants des communes, quatre représentants des départements et quatre représentants des régions y siègent. La composition de la commission est surprenante sachant qu'elle est principalement appelée à se prononcer sur des charges transférées aux départements et aux régions.

Le rôle de la commission est double :

- elle émet un avis sur les arrêtés du ministre chargé de l'intérieur et du ministre chargé du budget qui constatent, d'une part, les accroissements et diminution de charges qui résultent pour les collectivités locales des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités locales (article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales), des modifications des conditions d'exercice de ces compétences intervenues par voie réglementaire (article L. 1613-2 du même code) et, d'autre part, des pertes de produit fiscal résultant « de la modification, postérieurement à la date du transfert et du fait de l'Etat, de l'assiette ou des taux » des impôts transférés (article L. 1613-5) ;

- depuis la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, elle établit à l'intention du Parlement un bilan de l'évolution des charges transférées aux collectivités locales.

Ce bilan retrace l'évolution du coût des compétences transférées au titre de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat et de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 la complétant. Il s'agit des lois dites « Defferre » relative à la décentralisation.

Le bilan « retrace également l'évolution des charges résultant des compétences transférées ou confiées aux collectivités locales depuis le 1 er janvier 1983 dans les domaines autres [que ceux visés dans les deux lois précitées] , même lorsque le législateur a expressément prévu en ces matières de déroger au principe de la compensation intégrale des charges transférées ». Par ailleurs, il « comprend en annexe un état, pour le dernier exercice connu, de la participation des collectivités locales à des opérations relevant de la compétence de l'Etat et des concours de l'Etat à des programmes intéressant les collectivités locales ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article, qui résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de notre collègue député Augustin Bonrepaux, introduit dans le code général des collectivités territoriales un article L. 1614-3-1 qui dispose que la commission consultative sur l'évaluation des charges est « également consultée pour constater le montant, pour chaque collectivité, des dépenses résultant des transferts de compétences effectuées entre les régimes de sécurité sociale et les collectivités territoriales » et que le bilan réalisé par la commission à l'intention du Parlement « retrace le coût des compétences ainsi transférées ».

L'objectif recherché par le présent article ne peut qu'être partagé : il s'agit de permettre à la commission consultative sur l'évaluation des charges d'émettre un avis sur l'évolution des charges résultant pour les départements de la création de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

Les modalités techniques du dispositif proposé sont en revanche discutables :

- la procédure proposée s'écarte du « droit commun » des articles du code général des collectivités territoriales relatifs à la compensation des charges transférées. Ceux-ci prévoient en effet que c'est un arrêté du ministre chargé du budget et du ministre de l'intérieur qui « constate » le montant des charges, après « avis » de la CCEC, les charges ainsi constatées faisant ensuite l'objet d'une compensation aux collectivités locales.

Le présent article ne prévoit pas d'arrêté des ministres, ni d'avis de la commission, mais une consultation à l'occasion de laquelle elle constaterait l'évolution des charges. Les conséquences juridiques de cette constatation ne sont pas précisées ;

- la commission consultative ne doit pas constater le montant de « dépenses » des collectivités locales. Les dépenses des collectivités locales résultent de leur libre administration. Il serait contraire à l'esprit de la décentralisation que la CCEC puisse apprécier l'effort financier consacré par les collectivités locales aux compétences qui leur ont été transférées. Son rôle consiste à réaliser un bilan de l'évolution des charges des collectivités locales ;

- l'objectif recherché à travers le présent article n'est en tout état de cause pas atteint car la création de l'allocation personnalisée d'autonomie ne constitue pas un « transfert » de compétence entre les organismes de sécurité sociale et les départements (avant la création de l'APA, la sécurité sociale n'offrait aucune prestation de même nature), mais une modification par voie législative des conditions d'exercice d'une compétence transférée, la compétence des départements en matière d'action sociale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. LA REDACTION DU PRÉSENT ARTICLE DOIT ÊTRE PRÉCISÉE

Le code général des collectivités territoriales prévoit que la CCEC n'est consultée que lorsqu'il faut constater une charge donnant lieu à une compensation. Le présent article ne prévoit aucune compensation des charges résultant des transferts qu'il vise 1 ( * ) . Par conséquent, il serait préférable d'inscrire clairement l'intervention proposée de la CCEC dans le cadre de son rôle d'évaluateur des charges transférées aux collectivités locales.

Votre commission vous soumet un amendement précisant en ce sens la rédaction de cet article.

B. LE FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION MÉRITE D'ÊTRE MODIFIÉ

La commission consultative sur l'évaluation des charges n'a jamais fonctionné de manière réellement satisfaisante, alors qu'elle avait été créée par les lois de décentralisation pour être le garant du principe de compensation intégrale des charges transférées.

Le bilan annuel des charges transférées dont la réalisation lui a été confiée par l'article 66 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire était conçu comme un moyen de réactiver cette commission qui, à l'époque, ne s'était pas réunie depuis 1987. Le « bilan de ce bilan » est mitigé puisque, entre 1995 et 2001, la CCEC n'a établit que trois rapports au Parlement alors qu'elle est censée en déposer un par an, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour l'année à venir. Le non respect de cette obligation est d'autant plus regrettable que les rares rapports présentés sont de grande qualité.

S'agissant du « coeur de métier » de la CCEC (émettre un avis sur les projets d'arrêtés constatant des accroissements ou des diminutions de charges, ainsi que des pertes de produit fiscal), le bilan d'activité de la CCEC n'est pas meilleur.

La CCEC est parfois appelée à se prononcer longtemps après l'entrée en vigueur des mesures sur lesquelles elle doit émettre un avis , et longtemps après qu'une loi de finances a prévu le montant de la compensation versée aux collectivités locales.

L'ordre du jour de la réunion de la CCEC du 13 décembre 2001 est à cet égard particulièrement éclairant, et fait apparaître non seulement que la CCEC a été appelée à se prononcer sur des dispositions entrées en vigueur près de trois ans auparavant, mais aussi que des arrêtés conjoints du ministre chargé du budget et du ministre de l'intérieur ont pu intervenir sans que la commission soit consultée (arrêté du 30 avril 2000 mentionné au point 4) :

1. Installation du Président.

2. Approbation du procès verbal de la séance du 16 décembre 1999 .

3. Examen du projet d'arrêté fixant le montant des charges transférées en application de l'article 13 I et II de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle.

4. Examen du projet d'arrêté modifiant l'arrêté du 30 avril 2000 fixant le montant de la compensation financière allouée aux départements du fait de la baisse des taux des droits de mutation à titre onéreux prévue à l'article 39 de la loi de finances pour 1999 .

5. Examen du projet d'arrêté fixant le montant de la compensation financière allouée aux départements du fait de la baisse des droits de mutation à titre onéreux prévue à l'article 9 de la loi de finances initiale pour 2000.

6. Examen du projet d'arrêté fixant le montant de la compensation allouée aux départements du fait de l'exonération des droits de mutation à titre onéreux sur les cessions effectuées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, prévue à l'article 119 de la loi de finances initiale pour 2000.

7. Communication du bilan de l'évolution et de la compensation des charges transférées ou confiées aux collectivités locales.

8. Questions diverses.

Votre commission vous propose un amendement prévoyant que la CCEC doit se prononcer dans les six mois de l'entrée en vigueur d'une disposition législative ou réglementaire tendant soit à augmenter une charge transférée, soit à réduire une charge transférée, soit à diminuer le produit d'un impôt transféré, dont la mise en oeuvre nécessite un arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l'intérieur.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 1 Par ailleurs, le code général des collectivités territoriales prévoit une compensation automatique seulement en cas de transfert de compétence et de modification par voie réglementaire des conditions d'exercice d'une compétence transférée.

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