3. Tenter d'améliorer le dispositif proposé

Dans sa réflexion sur la question très difficile qui lui était posée, votre commission des lois a souhaité prendre en considération les spécificités des activités médicales liées à la grossesse sans pour autant remettre en cause les principes fondamentaux du droit de la responsabilité . Elle a décidé de proposer plusieurs aménagements au dispositif adopté par l'Assemblée nationale :

- elle propose tout d'abord d'inscrire le dispositif proposé dans la partie du code de la santé publique relative à la responsabilité médicale que le présent projet de loi tend à créer ;

- en ce qui concerne le premier alinéa du texte adopté, votre commission estime qu'il ne répond pas à la « jurisprudence Perruche » ; il précise en effet que « nul, fût-il handicapé, ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ». Une telle rédaction n'exclut donc pas que l'on puisse se prévaloir d'un préjudice du fait d'être né dans certaines circonstances et notamment du fait d'être né handicapé . Or, la Cour de cassation n'a jamais accueilli l'action d'une personne se prévalant d'un préjudice du seul fait d'être née ; elle n'a accueilli l'action que lorsque la naissance s'accompagnait de certaines circonstances, notamment d'un handicap. Pour répondre précisément à la jurisprudence, votre commission vous propose de préciser que « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait d'être né handicapé » ;

- le deuxième alinéa du texte adopté par l'Assemblée nationale mérite d'être conservé, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles ; il rappelle le droit commun de la responsabilité, qui veut que le médecin qui, par une faute survenue à l'occasion d'une grossesse, crée un handicap, aggrave ce handicap ou ne permet pas de prendre les mesures de nature à y remédier engage sa responsabilité à l'égard de la personne handicapée. Cette hypothèse recouvre notamment le cas du médecin qui, par une faute, ne permet pas le diagnostic d'une toxoplasmose, maladie qui n'a pour conséquence un handicap de l'enfant que si la mère n'est pas soignée pendant sa grossesse ;

- en ce qui concerne le troisième alinéa du texte adopté par l'Assemblée nationale, votre commission est favorable à ce que les parents d'une personne atteinte d'un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute puissent obtenir une indemnité correspondant aux charges matérielles découlant, tout au long de la vie de cette personne, de son handicap lorsque les conditions suivantes sont réunies :

* la faute commise doit être « lourde » ; certes, cette notion n'existe plus dans notre droit ; toutefois, il ne paraît pas anormal d'indiquer aux juridictions que, dans le cas particulier des spécialités médicales concernées par la grossesse, les fautes pouvant donner lieu à une indemnité compensant les charges matérielles particulières résultant du handicap doivent être fortement caractérisées ; les activités en cause sont en effet beaucoup plus délicates, en termes de diagnostic, que la plupart des autres activités médicales ;

* le handicap doit être d'une particulière gravité ;

* la mère doit avoir été privée de la possibilité de recourir à une interruption de grossesse ; si, en effet, les conditions d'une telle interruption n'étaient pas réunies, on perçoit mal sur quel fondement reposerait l'action.

Ces différentes conditions doivent permettre de prendre en compte les particularités des spécialités médicales associées au diagnostic prénatal.

Votre commission est en plein accord avec le choix de ne mettre à la charge des praticiens que la part des charges matérielles résultant du handicap qui n'est pas assumée au titre de la solidarité nationale et de la sécurité sociale.

Votre commission propose de compléter le texte pour répondre aux craintes de la Cour de cassation concernant le sort d'une indemnité accordée aux parents et non à l'enfant lui-même : l'indemnité prendrait la forme d'une rente ; elle ne pourrait être utilisée que dans l'intérêt de l'enfant ; si tel n'était pas le cas, le juge des tutelles pourrait être saisi et nommer un administrateur ad hoc ; en cas de prédécès des parents, l'indemnité ne serait transmise qu'à la personne handicapée ; elle serait exonérée de droits de mutation.

Ces différentes précisions doivent permettre de répondre aux critiques formulées par le rapporteur de la Cour de cassation sur l'arrêt Perruche à l'encontre de la jurisprudence du Conseil d'Etat.

Votre commission a par ailleurs adopté un amendement reprenant la proposition de création d'un Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, qui figure dans la proposition de loi de M. Jean-François Mattei adoptée par l'Assemblée nationale.

Votre rapporteur doit également préciser qu'il a envisagé d'inscrire dans le présent projet de loi un principe général rappelant le devoir de solidarité de la collectivité nationale à l'égard des personnes handicapées. Il a cependant constaté que ce principe venait d'être rappelé dans la loi de modernisation sociale et a en conséquence renoncé à ce projet. Encore faudrait-il que cette affirmation se traduise par des actes concrets car notre pays doit et peut faire davantage pour aider les handicapés.

Cette exigence ne devra pas être oubliée une fois passé le débat sur le présent projet de loi.

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