III. LE PATRIMOINE : UNE PRISE DE CONSCIENCE NÉCESSAIRE

A. LA POLITIQUE DU PATRIMOINE À LA CROISÉE DES CHEMINS

1. Une difficulté chronique : la sous-consommation des crédits d'investissement

Dans les rapports sur l'exécution des lois de finances présentés pour les trois derniers exercices, la Cour des comptes a souligné un phénomène bien connu -et qui, au demeurant, n'est pas propre au ministère de la culture-, à savoir la sous-consommation des crédits d'investissement.

Ce phénomène chronique est allé en s'amplifiant dans la période récente. Votre rapporteur a déjà indiqué plus haut qu'entre 1998 et 2001, le taux de consommation des crédits de paiement a fortement diminué, passant de 82 % à 57,2 %.

La situation du ministère, comparée à celle des autres administrations, s'est dégradée sur la même période ; si en 1998 et 1999, le taux de consommation des crédits d'investissement est resté supérieur à celui de l'ensemble des budgets civils, il est passé en dessous en 2000 (58,8 % contre 66,8 %). Cette situation recouvre des évolutions contrastées entre les crédits du titre V dont la consommation s'établi à un niveau très sensiblement inférieur à la moyenne (50 % contre 58,4 %) et les crédits du titre VI qui restent mieux consommés que la moyenne (72 % contre 69,6 %).

L'incapacité du ministère à utiliser les dotations ouvertes en loi de finances se traduit par un important reliquat d'autorisations de programme non consommées évaluées à 632,97 millions d'euros 4 ( * ) , de même que par un accroissement du volume des reports de crédits de paiements, qui est passé de 93,60 millions d'euros en 1997 à 416,95 millions d'euros en 2001.

Les reports sont principalement concentrés sur le titre V (77 % du total), et en son sein sur le chapitre 56-20 regroupant les crédits consacrés aux opérations de restauration des monuments historiques par l'Etat maître d'ouvrage.

On relèvera également la dégradation de la situation des conditions d'exécution du chapitre 56-91 qui recueille depuis 1999 l'essentiel des crédits attribués aux opérations conduites par l'EPMOTC (établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels).

En ce qui concerne les crédits du patrimoine, l'année 2002 n'a pas permis de remédier à cette difficulté chronique qui fausse l'analyse du budget mais traduit également des défaillances dans la conduite des opérations immobilières.

Le gel dit « républicain », intervenu en mars, a fortement affecté la gestion des crédits du patrimoine monumental : les autorisations de programme inscrites au chapitre 56-20 et au chapitre 66-20 ont été gelées à hauteur respectivement de 48 % et de 69 %. Cette mesure a contraint à demander au mois d'avril aux services déconcentrés de remettre à la disposition de l'administration centrale une partie des autorisations de programme qui leur avaient été déléguées. Au 5 septembre, ce sont 30 millions d'euros d'autorisations de programme qui ont ainsi fait l'objet d'un bordereau de reprise.

Ce premier gel a été prolongé au delà de la date initialement prévue du 31 juillet et n'a été que partiellement levé pour certains crédits, ce qui laisse présager un taux de consommation définitif très en deçà des attentes pour l'année 2002, et cela alors même que des mesures importantes d'amélioration de la gestion des crédits ont été mises en oeuvre.

On rappellera notamment que, dans le souci d'améliorer l'allocation des ressources en fonction du déroulement des opérations, la loi de finances pour 2002 avait regroupé l'ensemble des autorisations de programme déconcentrées des chapitres 56-20 et 66-20 sur les mêmes articles de prévision, qui représentent 51 % de la dotation ouverte sur ces chapitres.

Parallèlement, des mesures de déconcentration avaient été prises en faveur des services à compétence nationale. Ainsi, en 2002, les arrêtés relatifs au laboratoire de recherche des monuments historiques, au département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines et au musée des monuments français ont été modifiés afin que ces services puissent également être ordonnateurs secondaires des crédits d'investissement.

On rappellera que la situation préoccupante de la consommation des crédits d'investissement avait conduit Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, à demander à M. Rémi Labrusse, conseiller référendaire à la Cour des comptes, un rapport qui lui a été remis le 15 février 2002. Ce rapport trace un bilan de la consommation des crédits d'investissement et formule vingt propositions pour y remédier.

Les causes de cette situation, rappelées par le rapport « Labrusse », sont connues depuis longtemps. Au-delà des facteurs ponctuels liés à l'ouverture massive de crédits pour faire face aux dégâts des intempéries de décembre 1999 ou encore à la surchauffe du marché du bâtiment qui a contribué à rendre infructueuses nombre de procédures d'appel d'offres, sont mises en évidence les faiblesses structurelles du système.

Le rapport met en cause en particulier le caractère aléatoire de l'évaluation des autorisations de programme comme des crédits des paiements. Ainsi, est souligné que « si pour une opération (...), les ouvertures de crédits de paiement se font au vu de la programmation individualisée proposée par le maître d'ouvrage, en revanche, dans tous les autres cas, le calcul des crédits de paiement se fait à partir de clés de répartition automatiques dont la pertinence n'apparaît pas clairement ».

Par ailleurs, sont également évoquées les difficultés dans la conduite des missions de programmation et de maîtrise d'ouvrage. Le rapport indique que « les relations entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre sont parfois déséquilibrées, engendrant ainsi des dérives soit financières soit de calendrier », ce qui soulève la question de la faiblesse des équipes de maîtrise d'ouvrage, à savoir les conservations régionales des monuments historiques, mais également plus généralement la capacité de l'Etat à assumer la mission de maîtrise d'ouvrage.

Enfin, force est de constater que l'émiettement des opérations (20 207 « opérations vivantes », selon la terminologie en usage au ministère) et le caractère modeste des montants moyens, les trois quarts des opérations étant d'un coût inférieur à 75 000 euros pour le ministère, contribuent de manière déterminante à alourdir la gestion de ces crédits.

Sans entrer dans le détail, on soulignera que les propositions du rapport retiennent trois axes : en premier lieu, accroître la pertinence des ouvertures de crédits, en second lieu, accélérer la consommation des crédits ouverts, et enfin rationaliser la fonction de programmation au sein de la maîtrise d'ouvrage et améliorer l'articulation entre maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'oeuvre en matière de monuments historiques.

L'exercice 2003 sera l'occasion de mettre en oeuvre certaines des mesures proposées. Ainsi, la clé d'ouverture des crédits de paiements pour les travaux réalisés par l'Etat est modifiée afin de retenir une ouverture sur cinq et non plus sur quatre ans, plus conforme à la réalité du déroulement des chantiers. Par ailleurs, est accrue la dotation destinée aux crédits d'entretien, dans des proportions toutefois modestes comme l'a déjà souligné votre rapporteur, qui permettent d'y voir plus l'amorce d'un rattrapage qu'une inflexion significative.

* 4 Ce montant recouvre à la fois les autorisations de programme ouvertes non affectées et les autorisations de programme affectées non engagées.

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