B. DES FORCES AUX LIMITES DE LEURS CAPACITÉS

La professionnalisation des armées a été décidée par le Président de la République pour tenir compte de l'évolution de la nature des conflits et de la sophistication croissante des armements.

Aux engagements massifs prévus au temps de la guerre froide, ont succédé des opérations ponctuelles mettant en jeu un nombre limité de soldats dotés d'une puissance de feu très concentrée.

A cet égard, il était incohérent de professionnaliser l'armée française sans lui donner les matériels et les moyens de soutien dont elle avait besoin. Tel est pourtant ce à quoi a abouti la précédente loi de programmation militaire, dont le bilan était à ce point catastrophique que le précédent gouvernement a dû intervenir pour « redresser la barre » en fin de période de programmation.

1. Des grands programmes étalés ou retardés

Les conséquences de ces restrictions budgétaires à répétition, aux effets d'autant plus pernicieux qu'ils n'étaient pas tous perceptibles sur le moment, ont été le vieillissement des matériels, l'augmentation des coûts et la baisse de la compétitivité à l'exportation.

Les frégates actuellement en service ont vingt ans d'âge, les chars, de la génération antérieure aux Leclerc, ont un âge moyen de 25 ans ; quant aux avions de transport C160 Transall, ils ont trente ans d'âge.

Ainsi, aux exceptions notables du char Leclerc et des systèmes de commandement et de communications, la plupart des équipements majeurs de l'armée de terre arrivent aujourd'hui à obsolescence, tandis qu'un certain nombre de programmes prennent du retard pour des raisons techniques ou financières.

Un premier exemple nous est donné avec la baisse de la capacité aéromobile globale de l'armée française en raison de l'étalement des livraisons de l'hélicoptère NH-90.

En dépit de la rénovation d'une partie des hélicoptères de transport, la France ne disposera, au cours de la prochaine loi de programmation que d'une centaine d'hélicoptères modernes ou rénovés, capables d'opérer avec nos alliés.

L'autre cas emblématique est celui du Rafale, dont la livraison des derniers appareils va intervenir 31 ans après le premier essai de l'appareil. Comme l'a souligné le président-directeur-général de Dassault Aviation devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale, le premier escadron de l'armée de l'air ne sera opérationnel qu'en 2006, alors qu'il devait l'être initialement en 1998. Le programme Rafale a, selon lui, subi un retard de 9 ans au cours des 9 dernières années.

Le Rafale est et restera pour de nombreuses années un excellent avion polyvalent. Mais nul doute qu'il eut été sans vrai rival, s'il avait été mis sur le marché à temps et que l'industrie française en eût tiré tous les avantages à l'exportation pour le plus grand bénéfice de l'emploi.

2. Des matériels souvent indisponibles ou à bout de souffle

Par suite des retards répétés dans le renouvellement des ses équipements et d'un défaut d'entretien -liés à un ensemble de facteurs au premier rang desquels figurent les restrictions budgétaires mais qui tiennent également à des question d'organisation de la maintenance- nos forces armées n'ont cessé de fonctionner en sur-régime, au prix d'une usure anormale des matériels en service.

Nos forces doivent faire face par tous moyens, y compris la « cannibalisation », à une indisponibilité accrue des matériels, soit au titre des réparations soit à celui des révisions.

Un certain nombre de rapports parlementaires et notamment au Sénat celui de notre collègue Serge Vinçon au nom de la commission des affaires étrangères, ont souligné le triste état de certains équipements et les conséquences en résultant du point de vue de leur disponibilité technique opérationnelle, qui n'est souvent que de 60% 2 ( * ) .

Pour illustrer ces difficultés, on se contentera de citer les cas des chars Leclerc et des hélicoptères Gazelle. Tandis que le taux de disponibilité opérationnelle des premiers a pu descendre jusqu'à 35 % en 2001 avant de remonter fortement en 2002, les seconds ont été cloués au sol à la suite d'un accident dû à une pièce du rotor, pour laquelle aucun rechange n'était disponible. Le sous-traitant anglais de la pièce ayant cessé de la produire, il a fallu trouver les moyens de relancer la fabrication, ce qui ne pouvait être que long et coûteux.

3. Un appareil militaire qui fonctionne à flux tendus

Engagée sur plusieurs théâtres d'opérations de façon simultanée, l'armée française a fonctionné ces dernières années aux limites de ses capacités, compte tenu de l'insuffisante disponibilité de ses matériels.

Il en est résulté une détérioration du moral des armées qui aurait pu aboutir à une crise majeure, et dont on a vu certaines manifestations avec les revendications des gendarmes.

Le précédent gouvernement a pris des mesures favorables à la condition militaire. Celles-ci étaient attendues et nécessaires. La loi de finances pour 2003 en garantit le financement et les prolonge notamment pour les personnels civils.

Les militaires ont droit à la reconnaissance matérielle de leur engagement. Cette revalorisation est la condition de recrutement de qualité.

L'efficacité de nos forces repose sur l'engagement des hommes dont les aspirations ne doivent pas être déçues et dont les efforts doivent être reconnus à leur juste mesure. A cet égard, il convient de saluer l'ampleur de la révolution, le mot n'est pas trop fort, acceptée par les personnels militaires.

La professionnalisation des armées s'est accompagnée par une suppression massive d'emplois et de meures conséquentes de reconversion et d'incitations au départ. Aucun ministère civil n'a été, à ce jour, en mesure de réussir une telle mutation.

Le rapport annexé au présent projet de loi se fait l'écho de ce succès : « la réussite effective de la professionnalisation des armées a revêtu un caractère exemplaire dans le processus général de réforme de l'État par la réactivité témoignée par les personnels concernés, la rapidité de mise en oeuvre et les importantes rationalisations qui en ont résulté ».

* 2 On note que, depuis le milieu des années 90, l'on ne cherche plus à assurer une disponibilité technique opérationnelle de 100 %, mais seulement de 80 % pour les matériels terrestres et de 80 % pour les matériels aériens.

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