B. LA SYNERGIE ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - RECHERCHE : AU CoeUR DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE
La
diminution du nombre d'étudiants attirés par les études
scientifiques et la crise des carrières scientifiques sont alarmantes.
Elles nécessitent une politique volontariste en vue de renforcer leur
attractivité.
A cette fin, la diffusion de la culture scientifique et technique doit
être une des priorités de l'enseignement supérieur.
1. Un moindre attrait pour les filières et les carrières scientifiques
a) Le constat
De
1997 à 2002
, le nombre global d'étudiants ayant opté
pour les disciplines scientifiques a
diminué de
4 %
.
Ce chiffre recouvre cependant des réalités variées :
- une désaffection pour les DEUG de sciences :
- 10 % de 1995 à 2000, avec des chutes drastiques dans
certaines disciplines (- 19 % en sciences de la santé,
- 46 % en physique-chimie, - 27 % en sciences de la vie et
de la terre) ;
- à l'inverse, une progression des inscriptions dans les
filières sélectives : + 13 % dans les IUT et
4 % dans les classes préparatoires aux grandes écoles ;
- une stabilisation des étudiants en deuxième cycle, la
baisse des effectifs en premier cycle ayant été compensée
par la croissance du nombre de ceux intégrant un deuxième cycle
après un IUT ou une formation non universitaire. Or, ces
étudiants sont de plus en plus nombreux à préparer un
diplôme professionnel : le poids de ces diplômes, à
l'entrée du 2
e
cycle, a augmenté de 8 % en
cinq ans.
De même, ils poursuivent un troisième cycle en préparant
plus volontiers un DESS qu'un DEA : les inscriptions en DESS scientifiques
ont progressé de 90 % en cinq ans, alors que celles en DEA
scientifiques ont diminué de 10 % ;
- une forte progression des effectifs dans les filières
ingénieurs : + 21 % sur la période 1997-2002, qui
concerne presque autant les écoles publiques que privées.
Les tableaux ci-après retracent ces évolutions sur la
période 1997-2002.
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS D'ÉTUDIANTS DANS LES
DISCIPLINES SCIENTIFIQUES
(France métropolitaine)
1 - Filières scientifiques dans les universités (hors IUT et ingénieurs)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Poids 2002 |
Part
des femmes
|
Evolution
|
Evolution
|
Mathématiques |
54 892 |
51 655 |
49 659 |
49 338 |
46 797 |
46 116 |
14 % |
29,1 |
- 1,5 |
- 16 |
Physique |
50 583 |
42 786 |
39 462 |
35 825 |
33 132 |
32 159 |
10 % |
32,1 |
- 2,9 |
- 36 |
Chimie |
12 245 |
11 227 |
10 850 |
10 348 |
10 178 |
10 927 |
3 % |
48,2 |
7,4 |
- 11 |
Mathématiques appliquées
|
7 272 |
7 875 |
7 932 |
7 993 |
8 051 |
7 423 |
2 % |
52,4 |
- 7,8 |
2 |
Sciences
et structures
|
124 992 |
113 543 |
107 903 |
103 504 |
98 158 |
96 625 |
29 % |
34,1 |
- 1,6 |
- 23 |
Sciences de l'univers |
10 196 |
9 753 |
10 282 |
10 158 |
10 195 |
11 557 |
3 % |
45,7 |
13,4 |
13 |
Sciences de la vie |
83 856 |
81 258 |
74 929 |
72 755 |
68 464 |
67 160 |
20 % |
59,0 |
- 1,9 |
- 20 |
Sciences
de la nature
|
94 052 |
91 011 |
85 211 |
82 913 |
78 659 |
78 717 |
24 % |
57,1 |
0,1 |
- 16 |
Mécanique,
|
9 523 |
8 887 |
8 874 |
8 342 |
8 155 |
8 896 |
3 % |
14,7 |
9,1 |
- 7 |
Génie civil |
3 015 |
1 990 |
2 063 |
2 337 |
2 624 |
2 959 |
1 % |
15,4 |
12,8 |
- 2 |
Génie des procédés |
2 989 |
3 278 |
3 422 |
3 501 |
3 684 |
3 619 |
1 % |
29,7 |
- 1,8 |
21 |
Informatique |
11 979 |
13 062 |
14 707 |
16 842 |
18 184 |
20 223 |
6 % |
19,9 |
11,2 |
69 |
Électronique,
|
10 029 |
9 648 |
9 674 |
9 697 |
10 162 |
10 926 |
3 % |
11,1 |
7,5 |
9 |
Sciences et
technologie
|
13 272 |
14 014 |
15 380 |
17 049 |
17 585 |
17 354 |
5 % |
27,5 |
- 1,3 |
31 |
Sciences
et technologie
|
50 807 |
50 879 |
54 120 |
57 768 |
60 394 |
63 977 |
19 % |
20,1 |
5,9 |
26 |
Université :
|
269 851 |
255 433 |
247 234 |
244 185 |
237 211 |
239 319 |
71 % |
37,9 |
0,9 |
- 11 |
2 - Filières ingénieurs (hors NFI)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Poids 2002 |
Part des femmes (%) |
Evolution de 2001 à 2002 (%) |
Evolution de 1997 à 2002 (%) |
Écoles universitaires |
- |
- |
25 918 |
27 256 |
28 014 |
30 928 |
9 % |
27,0 |
10,4 |
- |
Écoles indépendantes des universités |
- |
- |
24 422 |
25 281 |
26 382 |
24 977 |
7 % |
20,9 |
-5,3 |
- |
Écoles publiques sous tutelle
|
46 218 |
48 542 |
50 340 |
52 537 |
54 396 |
55 905 |
17 % |
24,3 |
2,8 |
21 |
Écoles publiques sous tutelle
|
13 496 |
13 928 |
14 219 |
14 670 |
15 147 |
15 953 |
5 % |
30,8 |
5,3 |
18 |
Écoles privées |
19 384 |
20 484 |
21 192 |
22 106 |
22 459 |
23 572 |
7 % |
20,6 |
5,0 |
22 |
Filières ingénieurs |
79 098 |
82 954 |
85 751 |
89 313 |
92 002 |
95 430 |
29 % |
24,5 |
3,7 |
21 |
Ensemble
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Poids 2002 |
Part des femmes |
Evolution de 2001 à 2002 (%) |
Evolution de 1997 à 2002 (%) |
Ensemble des filières |
348 949 |
338 387 |
332 985 |
333 498 |
329 213 |
334 749 |
100 % |
34,1 |
1,7 |
- 4 |
b) Les causes
Différentes raisons expliquent cette relative
désaffection pour les filières et les carrières
scientifiques, en particulier :
- non seulement, le nombre de bacheliers S, principal vivier de ces
formations, a un peu diminué (- 2 % de 1995 à 2000),
mais encore
le taux de poursuite d'études en filières
scientifiques des bacheliers S a fléchi
: - 7,8 % en
cinq ans. Ainsi, par exemple, alors que 55 % d'entre eux s'inscrivaient en
DEUG scientifique ou en santé en 1995, ils ne sont plus que
43 % en 2000. Par contre, un nombre croissant s'inscrit en
filières non scientifiques ou dans les formations scientifiques
proposées par les IUT et en STS ;
- l'excellent rapport d'information de votre commission sur la culture
scientifique et technique
10(
*
)
,
montre que si l'attrait pour le métier de chercheur ou de scientifique
n'est pas en cause, son image étant très bonne, les
enseignements
concernés sont, eux,
trop souvent perçus
comme arides et difficiles
.
En effet, une enquête réalisée par la SOFRES entre le 15 et
le 17 novembre 2000 pour le compte du ministère de la recherche, a
permis de sonder les jeunes en cours d'étude sur les raisons de la
désaffection pour les études scientifiques.
Celle-ci montre que :
• 67,3 % jugent que les cours de sciences ne sont pas assez
attrayants ;
• 58,7 % que les matières scientifiques sont trop
difficiles ;
• 53,4 % que les jeunes sont moins intéressés par
les sujets scientifiques ;
• 40 % que les salaires ne sont pas assez attrayants.
- Les
jeunes filles
sont globalement
peu présentes
(34,1 % des effectifs pour l'ensemble des filières
concernées) et quasiment absentes dans certaines matières
(11,1 % en électronique et génie électrique ;
19,9 % en informatique...).
-
L'attrait pour les formations technologiques et industrielles
(IUT, STS) se renforce, dans la mesure où elles assurent un
débouché tout en permettant la poursuite d'études, au
regard du faible taux de réussite en premier cycle scientifique.
c) L'urgence de la réaction
• Une réelle préoccupation
Cette évolution est doublement préoccupante, ainsi que l'a
relevé le rapport précité de votre commission:
- « elle est susceptible de compromettre la
compétitivité de notre appareil économique, de plus en
plus dépendant de son aptitude à l'innovation technique. Il ne
fait aucun doute que dans une économie qui a vocation à devenir
une économie de l'intelligence, les compétences scientifiques et
techniques seront au coeur des enjeux économiques, et que la force d'une
nation se mesurera en nombre d'innovateurs, de chercheurs et de brevets
déposés ;
- elle est également lourde de menaces pour notre appareil de
recherche public qui devra compenser, précisément dans les toutes
prochaines années, de très nombreux départs en retraite de
chercheurs et de techniciens ».
• Les propositions du professeur Maurice Porchet
A la suite des missions que le ministre lui a confiées, le professeur
Maurice Porchet a formulé sept propositions :
- faire émerger un nouvel enseignement des sciences reposant sur de
nouvelles méthodes d'apprentissage, une meilleure connaissance de
l'enseignement, l'acquisition de nouvelles compétences ;
- créer des commissions de réflexion sur l'enseignement des
sciences afin de mieux articuler les enseignements universitaires avec les
savoirs acquis au lycée. Elles auront pour mission de comparer les
programmes et permettre ainsi de mieux organiser le premier semestre de la
licence dans le cadre du LMD ;
- généraliser la nomination des chargés de missions
académiques pour les sciences ;
- donner une autre image de l'université par une meilleure
information et une communication plus grande autour de l'enseignement et des
métiers ;
- mutualiser toutes les pratiques pédagogiques innovantes en
créant un site national unique et les évaluer ;
- former les enseignants-chercheurs à la pédagogie et
réhabiliter la fonction d'enseignant ;
- repenser profondément les travaux pratiques et dirigés.
Comme le notait M. Porchet en conclusion de son premier rapport, et votre
rapporteur insiste sur ce point, l'ensemble de ces mesures doit conduire
à bâtir «
un projet global et cohérent de
l'enseignement des sciences du primaire au
supérieur
».
d) Les orientations et mesures retenues par le Gouvernement
Le
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche a
articulé les orientations de son ministère autour des axes
suivants :
• Un effort particulier au niveau des premiers cycles universitaires
Il s'agit en particulier de :
- favoriser les contacts entre lycées et universités,
notamment dans le cadre de visites de laboratoires, destinées à
la fois aux enseignants et aux élèves. Ceci est fondamental pour
sensibiliser les uns et les autres à cet univers scientifique ;
- le renforcement d'un enseignement de
formation de culture
générale adapté
à chaque grande voie de
formation, point qui sera développé ci-après.
• Au niveau de la
licence
, les objectifs sont de :
- développer le décloisonnement disciplinaire, les
formations universitaires souffrant d'une spécialisation excessive ;
- poursuivre une formation de culture générale
spécifique articulée sur chaque spécialité ;
- définir, au sein d'une offre globale, la place des licences
professionnelles ;
- conduire un effort particulier sur les formations scientifiques.
Votre rapporteur rappellera également que les carrières
scientifiques requièrent un niveau d'exigence, de rigueur et de travail
auquel il conviendrait de mieux préparer les jeunes gens.
• Pour la reconnaissance des
masters
, l'avis de la mission
scientifique, technique et pédagogique (MSTP) devra reposer sur
l'analyse des équipes mettant en oeuvre la formation, sur leur
solidité et leur production scientifique et technique. Ceci est
particulièrement indispensable pour les « masters
recherche » qui préparent les étudiants à
s'engager dans une thèse et à embrasser une carrière
scientifique. Il y va de la qualité future de la science
française. C'est aussi le cas pour les « masters
professionnels » car il n'y a de haute professionnalité que
fondée sur l'avancée des sciences et des techniques,
qu'appuyée sur les capacités de développement et
d'innovation.
Le master peut également être proposé par les
établissements habilités à délivrer le
diplôme d'
ingénieur
pour lesquels l'évaluation est
menée conjointement par la mission précitée et une
commission d'évaluation spécifique, créée à
cet effet par un arrêté du 4 juin 2003. Cette commission est
composée de vingt personnalités qualifiées
françaises ou étrangères, choisies en raison de leurs
compétences pédagogiques, scientifiques ou industrielles dans le
domaine des formations d'ingénieurs. Elle comprend des
personnalités issues des établissements d'enseignement
supérieur concernés ainsi que des personnalités issues des
milieux économiques.
• Au niveau des
formations et écoles doctorales
La généralisation des Écoles Doctorales (ED) à la
rentrée 2000 a permis d'organiser la formation doctorale autour
d'équipes de recherche reconnues, fédérées par un
projet de formation. Elles offrent aux étudiants :
- un encadrement scientifique assuré par des unités ou des
équipes de recherche reconnues ;
- les formations utiles à la conduite de leur projet de recherche
et à l'élaboration de leur projet professionnel ;
- une ouverture internationale ;
- la possibilité de faire un stage en milieu professionnel ;
- le suivi de l'insertion.
Le rattachement du bureau en charge du suivi des ED et de la procédure
d'accréditation de ces écoles à la direction de
l'enseignement supérieur (DES), par décret du 7 avril 2003,
a notamment pour objectif de favoriser la lisibilité de l'offre de
formation des établissements dans le cadre du schéma LMD, et de
conforter sa cohérence globale.
Le processus d'accréditation s'effectue dans le cadre du contrat
quadriennal des établissements et s'appuie sur les évaluations
effectuées par les experts de la MSTP.
• Enfin, des mesures sont prises pour favoriser le
rapprochement des
écoles d'ingénieurs
, en vue d'offrir à leurs
étudiants les conditions de travail optimales et une bonne
lisibilité au plan international.