2. Une nécessaire synergie entre enseignement supérieur et recherche
Cette synergie doit se développer au sein de l'enseignement lui-même, en particulier en présentant plus clairement aux étudiants les débouchés qui s'offrent à eux, en favorisant le recrutement de post-doctorants, en rendant la recherche plus attractive. Elle doit aussi être mieux reconnue au niveau institutionnel.
a) Une présentation plus claire des débouchés
Ainsi
que le préconise le rapport précité de votre commission,
il conviendrait de clarifier pour les étudiants les
débouchés qui s'offriront à eux à l'issue de leurs
études scientifiques, en particulier :
- en désignant les postes de technicien, d'ingénieur dans le
domaine de la recherche ;
- en annonçant plusieurs années à l'avance les postes
ouverts aux concours de recrutement de l'enseignement, et notamment au
CAPES ;
- en octroyant des bourses de pré-recrutement, ce qui constituerait
un encouragement précieux aux vocations dans le domaine de la
pédagogie des sciences.
b) Le recrutement de post-doctorants
Votre
rapporteur se félicite des efforts effectués depuis un an pour
encourager le recrutement de post-doctorants par les établissements
publics scientifiques et techniques (EPST) et les établissements publics
industriels et commerciaux (EPIC).
8,33 millions d'euros ont ainsi été consacrés en
2003
à la mise en place de 400 nouvelles possibilités
de contrats post-doctoraux dans les établissements de recherche, d'une
durée de 18 mois au plus et d'un montant mensuel brut de
2 150 euros. Ces
nouveaux contrats
ont pour vocation de
favoriser la mobilité des jeunes chercheurs dans la perspective d'un
choix élargi de carrière scientifique ou technique, de leur
permettre d'affirmer leur talent et leur créativité personnelle
et d'acquérir une expérience complémentaire de recherche
de haut niveau afin de se préparer dans de bonnes conditions à un
recrutement pérenne ultérieur dans les entreprises ou les
établissements publics.
Une dotation spécifique a été attribuée aux
11 établissements publics suivants en vue de financer des contrats
de droit public à durée déterminée :
- l'Institut de recherche pour le développement (IRD) ;
- le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;
- l'Institut national de la santé et de la recherche
médicale (INSERM) ;
- le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des
eaux et des forêts (CEMAGREF) ;
- l'Institut national de recherche sur les transports et leur
sécurité (INRETS) ;
- l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ;
- le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) ;
- l'Institut national de recherche en informatique et en automatique
(INRIA) ;
- le Centre de coopération internationale en recherche agronomique
pour le développement (CCIRAD) ;
- le Bureau de recherches géologiques et minières
(BRGM) ;
- le Commissariat à l'énergie atomique (CEA).
Votre commission souhaite qu'un premier bilan de ce dispositif puisse
être établi
.
c) Une recherche plus attractive pour les chercheurs et enseignants-chercheurs
Un
important pas en avant a été franchi en la matière avec la
loi sur l'innovation et la recherche du 12 juillet 1999, qui fournit
un cadre juridique favorable aux coopérations entre la recherche
publique et les entreprises, ainsi qu'à la création d'entreprises
par les personnels de recherche. Votre rapporteur ne citera dans le
présent rapport que deux des volets de cette loi concernant :
• la
création d'entreprise
par les chercheurs et les
enseignants-chercheurs de la recherche publique : la loi leur permet de
participer à la création d'une entreprise qui valorise leurs
recherches, d'y apporter leur concours scientifique, de prendre une
participation dans son capital (dans la limite de 15 %) ou d'en devenir
administrateur. Fin 2002, 292 personnes avaient
bénéficié d'une autorisation au titre de cette loi ;
• les
collaborations
entre les organismes de recherche et
d'enseignement supérieur, et les entreprises : les
services
d'activités industrielles et commerciales
(SAIC), structures de
valorisation de ces activités. Les établissements d'enseignement
supérieur et les EPST peuvent créer des SAIC pour assurer des
prestations de services, gérer les contrats de recherche, exploiter des
brevets et licences et commercialiser les produits de leurs activités,
et ce, avec des règles budgétaires et comptables assouplies, et
la possibilité de recruter des personnels contractuels de droit public
sur contrat à durée déterminée ou
indéterminée.
Ces nouvelles structures professionnalisées de promotion et de gestion
des acticités industrielles et commerciales des établissements
publics d'enseignement supérieur permettent à ces derniers de se
doter d'un cadre de gestion professionnel et sécurisé de leurs
activités de valorisation de la recherche.
Un point clé concerne la
protection des résultats
. Il est
impératif de valoriser et de protéger les résultats de la
recherche publique, qu'ils soient issus de ses propres travaux ou en
partenariat avec l'industrie.
Les règles en matière de propriété industrielle et
de brevet doivent être connues et suivies par les chercheurs dont la
sensibilisation à ce domaine doit permettre d'éviter tout
préjudice aux intérêts de leur établissement. Il
convient de rappeler que les résultats des travaux menés par les
chercheurs, dans le cadre de leur mission, appartiennent à l'institution
dont ils relèvent : c'est à elle de décider de
l'opportunité de déposer une demande de brevet ou tout autre
titre de propriété industrielle, les chercheurs concernés
conservant bien entendu le droit de voir figurer leur nom comme inventeurs.
Des recommandations ont été adressées aux
établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche
pour qu'ils adoptent une charte de la propriété intellectuelle.
Il faut souligner que l'Etat rembourse aux établissements les
dépenses de rémunération de leurs personnels
affectés dans les SAIC et concourant aux activités lucratives.
Cette réforme sera mise en oeuvre à partir d'une
expérimentation préalable et progressive.
En 2002, quatorze établissements ont ainsi expérimenté la
mise en place d'un SAIC et neuf nouvelles universités ont engagé,
en 2003, une telle démarche. Il s'agit des universités de
Clermont-Ferrand 2, Grenoble 2, Limoges, Montpellier 1, Besançon,
Bordeaux 1, Orléans, Reims et Strasbourg 3.
Devrait être établi en 2004 un premier bilan de la mise en place
de cette nouvelle structure dont votre rapporteur attend beaucoup.
• Enfin, votre commission aimerait connaître l'avis du ministre
sur les propositions formulées par M. le recteur Belloc, auteur
d'un récent rapport sur le statut de l'enseignant-chercheur, certes
intéressant, mais qui pose la question des éventuelles
dérives.
M. Bernard Belloc vient, en effet, de remettre au ministre
16 propositions tendant à rendre plus attractive et plus
performante la recherche universitaire. Il préconise notamment une
amélioration de leurs conditions de travail et la prise en compte de
« l'ensemble des facettes du métier
d'enseignant-chercheur » :
enseignement, animation et
encadrement, recherche.
Actuellement, les 54 000 enseignants-chercheurs sont astreints
à un total de 192 heures de cours devant l'étudiant. Toutes
les activités « annexes » -enseignement à
distance, formation continue, relations internationales- ne sont pas prises en
compte. Aussi, pour inciter les enseignants à développer ces
pratiques, les présidents d'université sont obligés de
jongler avec les règles de la comptabilité publique.
Le recteur Belloc propose donc de créer trois régimes de travail
adaptés aux projets professionnels des enseignants. Le premier
traiterait à égalité les trois activités
(recherche, administration et enseignement), le second permettrait aux
enseignants ayant un bon niveau de recherche de se délester de certaines
tâches administratives, et le troisième exempterait les
enseignants de leurs activités de recherche, notamment en fin de
carrière.
d) Une politique volontariste de gestion des emplois
Dans ses
rapports successifs, la
Cour des comptes
n'a pas ménagé
ses critiques concernant la gestion problématique des
enseignants-chercheurs. Elle a noté que «
les processus de
la gestion des corps d'enseignants n'assuraient pas à l'administration
centrale les conditions d'un pilotage efficace de cette fonction. En
particulier, le ministère n'a pas la maîtrise de l'utilisation des
emplois dans les établissements et la gestion s'opère sans grande
visibilité, ce qui handicape considérablement une gestion
prévisionnelle
» pourtant dispensable.
Votre commission se félicite du souhait du ministre de mener une
gestion prévisionnelle des emplois plus efficace
, devant permettre
à la faveur de l'important renouvellement des effectifs
d'enseignants-chercheurs et de chercheurs, de remodeler et d'améliorer
l'encadrement des établissements d'enseignement supérieur de
façon concertée et coordonnée.
Les objectifs assignés à cette politique sont les suivants :
- prendre en compte à la fois :
• une logique de formation : en fonction des secteurs où
la croissance des effectifs étudiants est attendue et en fonction de la
nécessité de réduire les disparités de taux
d'encadrement ;
• une logique de recherche : développer l'appareil de
recherche dans un certain nombre de secteurs clés, notamment les
sciences et technologies de l'information et de la communication, et les
sciences de la vie ;
- assurer une complémentarité entre l'enseignement
supérieur et la recherche en assurant un rééquilibrage de
la répartition « historique » des disciplines dans
les universités et les EPST ;
- pour les universités qui disposent d'une autonomie dans la
stratégie de recrutement des enseignants-chercheurs, la démarche
contractuelle doit permettre de décliner localement les orientations
nationales de la politique de l'emploi scientifique ;
- éviter les « coups d'accordéon » dans
les recrutements, connus dans le passé (recrutements massifs dans les
années 60, suivis d'une déduction drastique des recrutements dans
les années 80), qui sont contraires à une démarche de
qualité.
e) Une reconnaissance institutionnelle : vers une mission interministérielle enseignement supérieur-recherche
Dans
le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique du 1
er
août
2001 relative aux lois de finances (LOLF), le ministère propose de
créer une mission interministérielle « enseignement
supérieur et recherche ». Votre commission s'en
réjouit
car ceci répond à la fois à la
nécessité de renforcer la synergie entre ces deux domaines et au
souhait du législateur d'être mieux informé sur l'ensemble
des moyens budgétaires que l'Etat consacre à la production,
à la transmission et au transfert des connaissances, dans les domaines
de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et du
développement technologique.
La cohérence de la mission repose sur le constat que la
séparation de l'enseignement supérieur et de la recherche dans
deux missions distinctes méconnaîtrait la très forte
imbrication des politiques, des structures et des personnels des deux domaines.
La recherche universitaire est produite au sein d'équipes unissant
très fréquemment des enseignants-chercheurs et des chercheurs
d'organismes de recherche. Cette situation résulte d'une action
volontariste de l'Etat, menée au moyen de la politique contractuelle
proposée aux universités, en association avec le CNRS et, depuis
1997, avec d'autres établissements. Aujourd'hui, sur
3 300 équipes de recherche universitaires rassemblant
42 000 enseignants-chercheurs et 14 000 chercheurs, on compte
1 000 unités mixtes avec le CNRS (sur les
1 250 unités de l'établissement, soit 80 % de
celles-ci), 100 unités mixtes avec l'INSERM, 50 avec l'INRA, une
quinzaine avec d'autres organismes (le CEA, l'IFREMER),...) ou des
établissements dépendant de ministères tel que le
ministère chargé de l'agriculture.
Dans ce contexte, de nombreuses formules de coopération, comme les
Instituts fédératifs de recherche (IFR) développés
par l'INSERM, ou encore les appels d'offres lancés par plusieurs
ministères du BCRD pour l'exécution de programmes financés
par des fonds incitatifs, tel que le Fonds national de la science (FNS)
permettent le rapprochement des équipes de recherche. Enfin, le
dispositif de formation à la recherche et par la recherche, qui conduit
à la délivrance du doctorat, atteste aussi de la
continuité qui existe entre les formations supérieures et la
recherche au travers des 300 écoles doctorales chargées
d'organiser la soutenance d'enseignement supérieur et
40 établissements de recherche.
Dans un paysage dominé par la diversité des acteurs, des
structures et des procédures, l'unité déjà
accomplie pourra ainsi être poursuivie et approfondie. Une mission
interministérielle « enseignement supérieur et
recherche » peut être à la fois le miroir et le vecteur
de cette unité.
Schématiquement, cette mission interministérielle réalise
l'union des deux ensembles que constituent aujourd'hui le budget
coordonné de l'enseignement supérieur (BCES) et le budget civil
de recherche et de développement technologique (BCRD), tout en
s'ouvrant, plus largement que le BCRD, à la recherche duale, civile et
militaire, soutenue par le ministère de la défense. Ainsi, elle
rassemble, en dépenses ordinaires et crédits de paiement de la
loi de finances pour 2003, 18,5 milliards d'euros de crédits
distribués sur 15 sections budgétaires, 9,2 milliards
d'euros de crédits d'enseignement supérieur et 9,3 milliards
d'euros de crédits de recherche, comme l'illustre le tableau
ci-après.
Ministères |
|
PROGRAMMES DE LA MISSION |
Montant en DO (1) + CP (2) en M€ |
|
1 |
Formations supérieures |
5 240 |
Jeunesse, |
2 |
Recherche universitaire |
1 930 |
Éducation nationale |
3 |
Aide aux étudiants et aux jeunes chercheurs |
1 960 |
Recherche |
4 |
Recherche spatiale |
1 310 |
|
5 |
Recherche et développement technologique |
5 170 |
Culture |
6 |
Recherche et formations supérieures culturelles |
370 |
Agriculture |
7 |
Recherche et formations supérieures en agriculture |
195 |
Écologie |
8 |
Recherche environnementale |
250 |
Travail, santé |
9 |
Recherche et formations supérieures sanitaires et sociales |
30 |
Justice |
10 |
Recherche et formations supérieures juridiques |
70 |
Économie |
11 |
Recherche et formations supérieures industrielles |
870 |
Équipement |
12 |
Recherche et formations supérieures en équipement et transports |
470 |
Défense |
13 |
Recherche et formations supérieures duales |
450 |
Affaires étrangères |
14 |
Coopération scientifique |
150 |
TOTAL |
|
|
18 465 |
(1)
DO : dépenses ordinaires
(2) CP : crédits de paiement