C. TROIS PRIORITÉS : L'ORIENTATION DES ÉTUDIANTS, LEUR INSERTION PROFESSIONNELLE ET LA FORMATION « TOUT AU LONG DE LA VIE »
L'Etat
consacre d'importants moyens à l'enseignement supérieur et
l'emploi de ceux-ci doit être optimisé.
Votre commission estime que tel n'est pas suffisamment le cas aujourd'hui,
comme l'illustrent en particulier : le taux d'échec trop important
en premier cycle universitaire et la trop faible utilisation du patrimoine
immobilier universitaire. Aider les étudiants à mieux s'orienter,
faciliter leur insertion professionnelle et développer la formation
continue constituent, dans cette perspective, trois priorités dont
l'objectif est en outre, et ce n'est pas le moindre, de favoriser
l'intégration des jeunes dans notre société, le
déroulement harmonieux des carrières des moins jeunes et leur
éventuelle reconversion professionnelle, au profit de
l'épanouissement professionnel de chacun et de la
compétitivité de notre pays.
1. Améliorer l'orientation des étudiants
a) Un taux d'échec en premier cycle universitaire trop élevé
L'échec à l'université concerne
essentiellement le premier cycle, principalement la première
année, au cours de laquelle abandons et redoublements sont nombreux,
illustrant une défaillance manifeste de la politique d'orientation des
étudiants.
• Seulement 46,2 % des étudiants passent en deuxième
année
L'échec concerne d'abord les bacheliers professionnels, mal
préparés par leurs études antérieures à
s'engager dans une formation universitaire générale de premier
cycle, et, dans une moindre mesure, les bacheliers technologiques, notamment
lorsqu'ils sont issus des séries tertiaires.
En 2002-2003, comme l'illustre le tableau ci-après, 46,2 % des
étudiants entrés en 2001-2002 en première année de
premier cycle universitaire (IUT et formations universitaires
d'ingénieurs inclus) sont passés en deuxième
année ; 29% ont redoublé leur première année
et 24,8 % sont sortis du système universitaire : sortie
définitive, temporaire ou orientation vers des filières
supérieures non universitaires (STS, formations paramédicales et
sociales...).
Le taux de passage dans la même filière le plus
élevé se situe en formation d'ingénieur (76,3 %) et
en IUT (71,9 %), le taux le plus faible en médecine et en pharmacie
(en raison du numerus clausus réglementant le passage en deuxième
année). Dans les filières générales, le taux de
passage varie fortement : élevé en Sciences et techniques des
activités physiques et sportives (STAPS) (50,2 %) et en Sciences et
structure de la matière (44,9 %), il est faible en Administration
Économique et Sociale (AES) avec 30,3 %. Ces écarts entre
filières s'expliquent en partie par l'origine scolaire des entrants :
72,6 % des entrants sont titulaires d'un baccalauréat
général en STAPS, 49,8 % en AES. De plus, en AES, discipline
pluridisciplinaire à dominante économique et juridique,
34,6 % des entrants sont titulaires d'un baccalauréat technologique.
Près d'un entrant en première année sur dix se
réoriente en cours ou en fin de 1ère année. Pour plus de
huit étudiants sur dix, ce changement de filière s'accompagne
d'un redoublement
. Qu'ils réussissent ou qu'ils redoublent,
près des deux tiers des entrants en première année
poursuivent leurs études dans la même discipline.
Un quart des
entrants quitte l'université après un an
. Les taux de sortie
sont plus élevés en AES (36,6 %), Lettres-Sciences du
Langage - Art (32,5 %) qu'en Sciences et structures de la matière
(23,1%) ou en STAPS (17,4 %). Les écoles d'ingénieurs, les
IUT, la médecine et la pharmacie ont les taux de sortie les plus faibles.
DEVENIR UNIVERSITAIRE DES ENTRANTS (BACHELIERS)
Devenir, un an après, des entrants (bacheliers toutes séries et
non bacheliers) entrés en première année de 1
er
cycle en 2001-2002
|
Taux de passage |
Taux de redoublement |
Taux |
Nouveaux inscrits |
|||||
Même filière |
Autre filière |
Sous-total |
Même filière |
Autre filière |
Sous-total |
de sortie |
Ensemble |
2001-2002 |
|
Droit - Sciences politiques |
36,9 |
0,8 |
37,7 |
27,2 |
9 |
36,2 |
26,1 |
100 |
30 978 |
Sciences Économiques - Gestion |
43,6 |
1,2 |
44,8 |
18,2 |
9,7 |
27,9 |
27,3 |
100 |
14 659 |
AES |
30,3 |
1,6 |
31,9 |
20,3 |
11,2 |
31,5 |
36,6 |
100 |
14 566 |
Lettres - Sc. du langage - Arts |
44,6 |
2,6 |
47,2 |
13,9 |
6,4 |
20,3 |
32,5 |
100 |
22 845 |
Langues |
38,1 |
2,2 |
40,3 |
19 |
8,3 |
27,3 |
32,4 |
100 |
30 470 |
Sciences humaines et sociales |
42,2 |
1,3 |
43,5 |
19,5 |
7 |
26,5 |
30 |
100 |
42 090 |
Sciences et structure de la matière |
44,9 |
2,4 |
47,3 |
18,8 |
10,8 |
29,6 |
23,1 |
100 |
27 539 |
Sciences & technologie / Sciences ingénieur |
43 |
5,8 |
48,8 |
13 |
11,5 |
24,5 |
26,7 |
100 |
3 637 |
Sciences de la nature et de la vie |
42,5 |
1,1 |
43,6 |
22,2 |
9,6 |
31,8 |
24,6 |
100 |
13 589 |
STAPS |
50,2 |
0,5 |
50,7 |
27,5 |
4,4 |
31,9 |
17,4 |
100 |
10 778 |
Médecine |
12,5 |
1,5 |
14 |
60,7 |
11,1 |
71,8 |
14,2 |
100 |
15 500 |
Pharmacie |
16,3 |
0,4 |
16,7 |
58,2 |
9,6 |
67,8 |
15,5 |
100 |
3 696 |
IUT |
71,9 |
0,3 |
72,2 |
9 |
4,7 |
13,7 |
14 |
100 |
48 892 |
Ingénieur |
76,3 |
1,1 |
77,4 |
2,8 |
16,1 |
18,9 |
3,7 |
100 |
1 166 |
Toutes filières |
44,7 |
1,4 |
46,2 |
21,0 |
8,0 |
29,0 |
24,8 |
100,0 |
280 405 |
• Un taux de réussite en deuxième
année
de 76,3 %
A la session 2001, trois étudiants sur quatre, entrant en
première année de premier cycle et ayant confirmé leur
inscription l'année suivante, ont obtenu leur DEUG. La durée
retenue pour la réussite au DEUG est de 2 à 5 ans, pour
tenir compte des possibles réorientations ou des interruptions
provisoires de cursus des étudiants. En 2001, les taux moyens en 2 et 3
ans sont respectivement de 44,5 et 21,2 % pour l'ensemble des étudiants,
bacheliers et non bacheliers. Ils sont un peu plus élevés
après cinq années de premier cycle si on tient seulement compte
des bacheliers généraux et technologiques (+ 0,8 %).
Plus d'un étudiant sur deux ayant obtenu son baccalauréat
à l'heure ou en avance, c'est à dire avant 19 ans pour les
bacheliers généraux et technologiques et à 19 ans pour les
bacheliers professionnels, obtient son DEUG en deux ans. Cette proportion est
de un sur trois pour les bacheliers en retard d'un an et de un sur cinq pour
les bacheliers dont le retard excède un an, quelle qu'en soit la
série.
Les étudiants issus des séries scientifiques du
baccalauréat réussissent le mieux en premier cycle (90,3 %),
devant les bacheliers littéraires (77,2 %) et économiques
(76,9 %). Les bacheliers des séries technologiques, moins nombreux
à l'université parce qu'ils se sont orientés plutôt
vers des filières courtes (IUT ou STS), ont un parcours dans le
supérieur universitaire plus difficile que les autres. Leur taux de
réussite au DEUG après cinq ans en premier cycle est de
38,4 %. Les bacheliers professionnels, très peu
représentés à l'université, sont également
peu nombreux à obtenir le DEUG (17,7 %).
Mais au total, 2 à 5 ans après la première inscription
à l'université, seuls 56,8 % réussissent leur premier
cycle universitaire.
Si certains des étudiants n'ayant pas obtenu leur DEUG se sont
réorientés avec succès dans une autre filière (cinq
ans après leur bac, 14 % d'entre eux décrochent un
diplôme de niveau III),
20 %
d'entre eux en revanche
abandonnent leurs études sans aucun diplôme
(soit
86 000 étudiants en 2000).
Tous ces chiffres montrent l'importance cruciale de disposer dans notre pays
d'un dispositif d'orientation efficace, en amont dans les établissements
scolaires et dans les universités elles-mêmes
. Ceci
permettrait aussi de limiter le phénomène bien connu, à
chaque rentrée universitaire, des amphithéâtres et salles
bondés, qui sont ensuite désertés dans les semaines ou
mois qui suivent. Comme le disent MM. Jean-Hervé Lorenzi et
Jean-Jacques Payan
11(
*
)
, il
faut sortir du système des
« universités
parkings ».
b) Un train de mesures nouvelles
• L'enseignement scolaire
ne relevant pas du
présent rapport, votre commission se contentera de se féliciter
de la volonté du Gouvernement d'améliorer la liaison entre
celui-ci et l'enseignement supérieur, notamment par la nomination par le
recteur d'un chargé de mission, afin de donner un nouvel élan
à toutes les actions de terrain mettant en relation l'université
et le lycée, les enseignants mais aussi les élèves et
leurs familles.
L'amélioration de la formation prodiguée par les instituts
universitaires de formation des maîtres (IUFM)
va aussi dans le bon
sens. Après 12 années de fonctionnement, l'évolution
rapide du métier d'enseignant et la complexification des conditions
d'exercice rendaient nécessaire une évolution qualitative des
contenus et des méthodes. Cette réforme vise à
réorienter le contenu des formations pour les mettre davantage en
adéquation avec les réalités professionnelles et à
améliorer le fonctionnement des IUFM.
• S'agissant de l'enseignement supérieur
à proprement
parler, les mesures destinées à améliorer les taux de
réussite en première année d'université et à
favoriser l'orientation progressive des étudiants sont les
suivantes :
- le développement de la pluridisciplinarité qui doit
conduire à un décloisonnement des disciplines, afin d'offrir aux
étudiants des parcours diversifiés et permettre une orientation
progressive en adéquation avec les projets personnels et professionnels
de chacun ;
- la constitution de véritables équipes de formation autour
d'un projet pédagogique défini à partir d'objectifs, ce
qui suppose d'assurer la formation continue des enseignants du supérieur
tout au long de leur carrière ;
- la nomination de directeurs des études pour les étudiants
de première année. Il s'agit d'une
« personne-ressource » pour les étudiants
(information, conseils pédagogiques, coordination des actions des
différents intervenants) ;
- la réactivation du tutorat d'accompagnement avec la mise en place
d'un véritable contrat pédagogique pour les étudiants en
difficulté ;
- l'organisation du travail en petits groupes, par le renforcement des
travaux dirigés, des travaux pratiques et de la méthodologie lors
de la première année universitaire ;
- le développement de l'expérimentation, notamment dans les
filières scientifiques.
Votre rapporteur insiste particulièrement sur le premier de ces points,
qui s'accompagnera du renforcement d'un
enseignement de culture
générale adapté
à chaque grande voie de
formation, conformément aux propositions de la mission de
réflexion confiée au professeur Alain Renaut. En effet, il
apparaît que nombre d'étudiants s'engageant dans les études
universitaires manquent de repères solides en matière de culture
générale alors que ceux qui entrent dans les filières
sélectives continuent à bénéficier d'une formation
générale diversifiée et cohérente.
L'amélioration de la réussite des étudiants est donc
conditionnée par une action déterminée pour réduire
ce handicap. Il faut leur permettre d'acquérir une bonne
adaptabilité au cours d'un parcours professionnel qui ne sera pas
forcément linéaire. Ceci a été
expérimenté par un certain nombre d'universités
à la rentrée 2002 et votre rapporteur souhaiterait en
connaître le premier bilan
.