II. LA SITUATION DE L'OPÉRATEUR PUBLIC HISTORIQUE

A. RÉSULTATS ET ACTIVITÉS DU GROUPE « LA POSTE »

Alors que certains de ses concurrents réalisent des cash flows très importants, l'opérateur historique français obtient, depuis plusieurs années, des résultats faibles ou déficitaires, à l'instar de celui enregistré en 2002.

1. Des résultats préoccupants

L'évolution du périmètre du groupe La Poste

Le groupe La Poste se compose, outre l'Etablissement public du même nom, de 160 filiales inclues dans son périmètre de consolidation. Au 31 décembre 2002, il détenait directement 7 filiales : Sofipost, holding des filiales courriers et des nouvelles technologies, Geopost, holding des filiales courrier et logistique, SF2, holding des filiales de services financiers et d'assurances, Assurposte, spécialisée dans le domaine de la prévoyance et détenue à parité avec la Caisse nationale de prévoyance, et deux sociétés civiles immobilières « réseau » et « poste ». Au cours de l'année 2002, le périmètre de consolidation du groupe s'est trouvé modifié par une hausse de la participation de La Poste dans le capital de Brokers World Wide Corp et par la fermeture ou la cessation d'activité des filiales Panic Link, DPD France, et Ship vision. En 2003, on enregistre, en outre, le projet de rapprochement entre Mediapost et Delta Diffusion et la session de la totalité de la participation de Sofipost dans la société Sofipost BV. Enfin, Sofipost est entrée au capital de XAnge Capital, société de capital-risque à vocation industrielle dont elle détient 35 %.

Résultats financiers

Le chiffre d'affaires du groupe La Poste pour 2002 atteint, en 2002, 17,3 Md€ (+ 1,8 %), à comparer aux 39,2 Md€ de l'opérateur allemand DTWN Konzern, en hausse (+ 19,6% sur la même période) ou de l'opérateur néerlandais TNT Postgroup dont le chiffre d'affaires s'élève à 11,6 Md€ (+6 ,2%). De ce fait, La Poste réalise environ 16 % du chiffre d'affaires des postes européennes et détient 9 % du chiffre d'affaires mondial des opérateurs postaux. Elle se place donc au quatrième rang mondial derrière les postes américaine, allemande et japonaise dont les chiffres d'affaires respectifs atteignent 56,4, 39,2 et 18,8 Md€. On notera toutefois que la part du chiffre d'affaires qu'elle réalise à l'international est nettement inférieure à celle de ses homologues européennes puisqu'elle ne représente que 12 % du chiffre d'affaires du groupe contre 41 % pour son concurrent allemand et 68 % pour la poste néerlandaise.

L'excédent brut d'exploitation dégagé par le groupe La Poste est également nettement inférieur à celui de ses principaux concurrents puisqu'il s'élève, en 2002, à 0,98 Md€ contre 2,42 milliards pour l'opérateur allemand, 1,54 milliard pour l'opérateur néerlandais et 1,24 milliard pour les postes italiennes dont les résultats ont plus que quadruplé en trois ans. L'endettement du groupe est globalement stable, passant de 3,82 à 3,78 Md€.

Par rapport au total du groupe, le chiffre d'affaires de l'établissement public La Poste s'est élevé à 14,97 Md€ en 2002 et pourrait atteindre 15,51  Md€ en 2003. Compte tenu du niveau des charges d'exploitation (14,81 Md€), son résultat d'exploitation s'élève à - 36 M€ en 2002, contre un solde positif de 178 M€ en 2001 . Ce chiffre, obtenu malgré une maîtrise des charges d'exploitation, résulte du ralentissement conjoncturel entamé en 2001 et poursuivi en 2002 qui pèse sur l'activité courrier, secteur confronté en outre à la concurrence des nouvelles technologies (la croissance en valeur du courrier n'a été que de 0,8 % en euros courants). En revanche, le chiffre d'affaires du secteur du transport de colis s'est trouvé renforcé par le développement de Coliposte (+ 10 %), qui compensait la perte due à la fermeture de Dilipack, activité jugée non rentable. Le chiffre d'affaires des services financiers a, quant à lui, progressé de 6,1 %.

Entre 2001 et 2002, le résultat financier de l'établissement public se dégrade également de - 45 à - 171 M€ , du fait de la constitution d'une dotation pour dépréciation des titres de Géopost à hauteur de 85 M€ et de Sofipost pour 57 M€. Le résultat courant diminue de 340 M€, passant de 133 à - 207 M€ au cours de la même période, ce qui, après prise en compte du résultat de l'intégration fiscale de La Poste, aboutit à un résultat net de l'exercice déficitaire de 185 M€ en 2002 , contre un excédent de 145 M€ en 2001. Votre Commission des Affaires économiques souhaite vivement que tout soit mis en oeuvre pour permettre à La Poste de renouer avec des profits équilibrés.

La hausse du prix du timbre

La Poste a été autorisée, au mois de février 2003, à porter le prix du timbre à 0,50 € pour l'affranchissement d'une lettre de 20 grammes prioritaire, à compter du 1 er juin 2003 . Cette hausse était la première à intervenir depuis sept ans . Elle concerne également les produits et services qui relèvent du service universel et dont la tarification est liée au prix du timbre à l'instar du produit économique « écopli » de moins de vingt grammes dont le tarif passe de 0,41 à 0,45 €. En moyenne, la hausse tarifaire de l'ensemble des tranches de poids du courrier prioritaire et économique, y compris les Prêts-à-Poster et Postréponses, les envois en nombre, la publicité adressée, le courrier export et la lettre recommandée, s'élève à 8 % par rapport à la structure de prix antérieure, soit un accroissement inférieur à celui des prix à la consommation sur la période 1996-2002 . Elle s'accompagne d'une harmonisation et d'une simplification des grilles tarifaires par la réduction du nombre de tranches de poids et du nombre des zones géographiques, notamment pour le courrier international.

Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, eu égard à la faiblesse du montant des dépenses de courrier des particuliers, son incidence est estimée à 5,4 € par an et par ménage. Le produit que tirera La Poste de cette hausse sera « exclusivement consacré aux missions de service universel » et « servira au financement de programmes de modernisation du courrier et, par conséquent, à l'amélioration de la qualité du service rendu aux clients », La Poste se fixant « pour objectif d'atteindre 80 % à J + 1 et 95 % à J + 2 pour la lettre en 2004 ». Votre Commission des Affaires économiques qui avait recommandé dès 1999 de recourir au « ballon d'oxygène » que constitue la hausse du prix du timbre pour La Poste estime indispensable que les recettes dégagées soient utilisées pour améliorer son efficacité industrielle.

Toutefois, votre rapporteur pour avis rappelle que le prix du timbre reste en France inférieur de 5 centimes d'euro à ce qu'il est en Allemagne. Il appelle de ses voeux une harmonisation du prix du timbre au sein de l'Union européenne et s'interroge de ce point de vue sur l'intérêt que pourrait avoir un système d'indexation des prix de timbrage dans les différents Etats membres.

2. Une évolution par secteurs d'activité contrastée

La Poste est présente sur deux marchés principaux : le courrier et les colis, d'une part, et les services financiers, d'autre part.

Le courrier et les colis

La Poste réalise, à elle seule, 6 % des échanges mondiaux de courrier , le marché intérieur français étant le premier marché européen en volume et le troisième en valeur avec respectivement 23 et 19 % du total. Par rapport à ses concurrents européens, le groupe La Poste figure au second rang sur le marché du courrier, avec un chiffre d'affaires de 10,25 Md€, après DPWN KONZERN et devant l'opérateur britannique (11,63 Md€) et le néerlandais TNT Post Group.

Métier traditionnel de La Poste, le courrier tient une place essentielle dans la structure de ses résultats, ainsi qu'on l'a vu ci-dessus. Aussi, la distribution du courrier fait-elle l'objet d'un schéma directeur destiné à en assurer la modernisation qui repose sur quatre axes principaux :

- l' organisation et la fiabilisation du réseau destinées à industrialiser la préparation du courrier dans des locaux rénovés et à réduire les délais de livraison ;

- la mécanisation du tri-distribution par l'équipement des centres de traitement du courrier en machines de tri très performantes, capables de trier le courrier à distribuer par ordre des tournées de facteurs ;

- la modernisation des matériels (boîtes aux lettres, chariots poussés, vélos et cyclomoteurs) ;

- et, enfin, la mise en service d'un système d'information permettant de connaître l'évolution des trafics , lequel sera pleinement opérationnel en 2004.

Eu égard à l'importance du courrier, le montant des investissements prévus pour la période 2003-2006 est d'environ 1,5 Md€ soit près de la moitié du montant total des investissements prévus par l'établissement public La Poste.

Seul un renforcement de la qualité et de l'efficacité du service de traitement du courrier permettra à La Poste de faire face à l'ouverture à la concurrence qui se fait désormais de plus en plus sentir . Le segment le plus concurrentiel est celui des « grands comptes » qui appartiennent aux secteurs de la vente à distance, de la banque, des assurances et des services, secteurs économiques dont font partie les 80 premiers clients de La Poste qui représentent 30 % du chiffre d'affaires du courrier . En outre, à la concurrence commerciale des autres opérateurs postaux s'ajoute l'incidence de la « substitution technologique » qui résulte de l'apparition de nouveaux modes de communication tels qu'Internet. C'est ainsi que sur le marché du courrier d'entreprise à entreprise, la multiplication des échanges par courriels est susceptible d'aboutir à une diminution annuelle du volume de courriers de - 0,5 % en 2004 et 2005 puis de - 1,5 % en 2006 et 2007 . Dans le même ordre d'idées, on signalera que des innovations telles que la « carte vitale » (dont l'apparition a occasionné une perte de chiffre d'affaires estimée à vingt millions d'euros) ou la multiplication des déclarations d'impôt par Internet (600.000 en 2003) ont aussi une incidence négative sur l'évolution d'un marché du courrier caractérisé par la stagnation voire une légère régression .

On retiendra enfin qu' en 2002, La Poste a encore réalisé 7,38 Mds€ soit 49,3 % de son chiffre d'affaires sous monopole et que le service universel (réservé et concurrentiel) représente 63,2 % du chiffre d'affaires de l'activité postale de l'opérateur historique français , montant appelé à diminuer du fait de l'entrée en vigueur des directives européennes précitées. Ces perspectives expliquent la détermination de La Poste à atteindre une taille critique sur de nouveaux marchés en forte croissance , à l'instar de celui du colis et de la logistique pour lesquels le groupe La Poste est désormais le troisième opérateur européen avec 10 % de parts de marchés.

Les services financiers

Avec la gestion des CCP et du « livret A », l'octroi de prêts à l'habitat et la vente de nouveaux produits d'assurance, La Poste demeure un acteur important du secteur financier français dont les positions sur ce marché s'avèrent, cependant, menacées à moyen terme.

Un premier facteur de faiblesse résulte des disparités territoriales observées en matière de contribution des services financiers à la marge de La Poste. Ainsi les tendances lourdes relatives à l'évolution territoriale des services financiers se confirment en 2002-2003. Comme les années précédentes, on observe une grande disparité dans la répartition entre les parts respectives du courrier et des services financiers dans le chiffre d'affaires des bureaux, en fonction de la population de la commune ou ceux-ci sont implantés . Alors que dans les bureaux implantés dans les communes de moins de 2.000 habitants la répartition du chiffre d'affaires entre services financiers d'une part et courrier-colis d'autre part est de 63,42 contre 36,58 %, ce rapport est de 54,54 et 45,46 % dans les communes de plus de 10.000 habitants. En d'autres termes, plus le bureau est modeste, plus le poids des services financiers s'accroît , jusqu'à atteindre les trois quarts du chiffre d'affaires dans les bureaux situés en milieu rural.

Pour le reste, La Poste poursuit activement la modernisation de son offre financière , tant en ce qui concerne les CCP et le livret « A » qu'en matière de distribution de prêt ou de vente de produits d'assurance.

En 2003, la Poste a repris la gestion de la partie « volatile » des CCP , destinée à faire face au mouvement à court terme, soit 3 milliards d'euros, dont elle avait déjà assumé la gestion de la partie stable l'année précédente. Cette activité représente environ 31 milliards d'euros. On notera qu'en 2004 aucune dotation n'est inscrite au budget des charges communes concernant la rémunération des fonds CCP, compte tenu de l'achèvement de leur transfert total en juillet 2003.

En matière d'épargne administrée, il est trop tôt pour connaître l'incidence de la baisse des taux administrés entrés en vigueur le 1 er août 2003 sur les encours du livret A .

Dans le secteur des prêts à l'habitat , la Poste a accordé pour 3,8 milliards d'euros de prêts en 2002, exclusivement à des emprunteurs ayant constitué une épargne préalable. Sa part de marché reste modeste puisqu'elle ne s'élève qu'à 4,2 % .

Dans le domaine de l'assurance , c'est par l'intermédiaire de la société AssurPoste dont le chiffre d'affaires a atteint 82,6 millions d'euros en 2002 que La Poste poursuit ses activités. A ce titre, 177.000 contrats de prévoyance individuelle ont été vendus en 2002 et, selon les indications transmises à votre rapporteur pour avis, cette croissance devrait se poursuivre en 2003, grâce au lancement de nouveaux produits.

Tout comme l'indiquait le Président Gérard Larcher dans son récent rapport d'information La Poste : le temps de la dernière chance 12 ( * ) , votre Commission des Affaires économiques considère que les services financiers de La Poste sont menacés d'asphyxie , aussi bien par le vieillissement progressif de leur clientèle que du fait de l'obsolescence de leur gamme de produits et de la mise en oeuvre de leur rôle de « guichet social ». Ces facteurs convergents les mettent en situation de devenir « la banque des pauvres et des vieux », comme l'estimait le même rapport. C'est pourquoi, votre Commission se félicite de l'avancée historique que constitue l'autorisation donnée à La Poste par le projet de CPC d'étendre sa gamme financière à l'octroi de prêts immobiliers sans épargne préalable et estime que cette prestation devrait, à terme, être complétée par une attribution de compétences pour les crédits à la consommation.

Le projet de Contrat de performances et de convergences 2003/2007 précité tend d'ailleurs à permettre le développement de services financiers gérés et distribués dans des conditions de droit commun . A cette fin, il pose le principe de la création, en 2005, d'un établissement de crédit portant l'ensemble de l'activité des services financiers afin d'assurer la comparabilité avec ses concurrents, l'opposabilité des comptes aux tiers et de permettre de vérifier la conformité de l'activité aux règles et conditions de concurrence en vigueur. Il prévoit également que cet établissement pourra octroyer, en 2005, des prêts immobiliers sans épargne préalable.

Votre commission constate la convergence de son analyse relative à la nécessaire évolution des services financiers avec les observations de la CSPTT sur le projet de CPC puisque celles-ci soulignent, d'une part, que 60  % des clients de La Poste souhaitent bénéficier de crédits à la consommation dans l'établissement financier qu'ils ont choisi, et que l'ensemble des consommateurs pourraient s'inquiéter du rétrécissement de l'offre de service financier du fait des fusions observées entre les établissements avant de souligner le caractère légitime de « l'extension de la gamme de services[que La Poste] se doit d'offrir à sa clientèle : le crédit immobilier sans épargne préalable dans le projet de CPC mais également le crédit à la consommation, seul levier qui lui permettra de retenir une clientèle qui lui échappe et d'attirer les jeunes indispensables au renouvellement de sa base de clientèle.

Votre rapporteur pour avis se félicite qu'aient été prises en compte dans la version définitive du CPC les observations émises par la CSSPTT sur la nécessité de développer un dialogue social décentralisé au sein des instances de représentation du personnel (IRP). Il sera particulièrement attentif à la bonne mise en oeuvre des orientations du CPC.

Le recours aux nouvelles techniques de communication

La Poste est pleinement engagée dans le recours aux nouvelles techniques de communication , qui passent notamment par l'utilisation d'Internet. Elle envisage d'orienter son action en la matière dans quatre directions :

- le développement du commerce électronique par des offres « en ligne », lequel intéresse la direction du colis (pour la vente à distance), la direction des clientèles financières (pour le paiement des achats en ligne) et la direction du courrier (dans le cadre du marketing direct) ;

- la dématérialisation et la sécurisation des échanges , La Poste développant des gammes de services en matière de courrier électronique sécurisé (mels sécurisés, horodatage, archivage), les modes d'accès à Internet (fourniture d'accès, bornes d'accès), et le développement de services d'usage (lettre recommandée électronique, cachet électronique) ;

- le développement des services liés à « @laposte.net » , cinquième fournisseur d'adresses électroniques en France avec 2,4 millions d'utilisateurs, appelée à devenir la « boîte aux lettres de référence » des échanges pour communiquer avec les clients de La Poste (promotion des nouveaux produits, ventes en ligne), offrir un accès plus pratique à certains services (avis de mise en instance, présentation des relevés de comptes), développer les services postaux en ligne payants (e-carte bleue, vidéoposte, bourse) et proposer une adresse sécurisée et authentifiée pour les échanges avec les administrations et services publics ;

- enfin l'accompagnement des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) auxquelles La Poste offrira des services en ligne de préparation d'opérations de marketing direct, la possibilité de créer des « sites vitrines » sur Internet et une gamme de services de commerce électronique.

* 12 Sénat n° 34 2002-2003.

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