C. LE FORUM INTERNATIONAL « GÉNÉRATION IV »
Une
coopération internationale
Lancée en 2000 par le département américain à
l'énergie (Department of energy - DOE), l'initiative
Génération IV regroupe une dizaine de pays et a pour objet
le
développement de systèmes nucléaires innovants à
l'échéance de 2030
.
Le principe fondateur de ce forum est la reconnaissance par les dix pays qui en
sont membres
9(
*
)
des atouts de
l'énergie nucléaire pour satisfaire les besoins croissants en
énergie dans le monde, dans une perspective de développement
durable et de prévention des risques de changement climatique. D'autres
pays pourraient, à terme, rejoindre cet effort de recherche, notamment
la Fédération de Russie. Ce principe est d'ailleurs inscrit dans
la charte du forum et se concrétise par une volonté commune de
créer un cadre de recherche international pour définir et
permettre le déploiement de systèmes nucléaires de
quatrième génération au plus tard en 2030. Les
systèmes qui seront développés dans ce cadre devraient
permettre des avancées notables en matière de
compétitivité économique, de sûreté,
d'économie des ressources en uranium et de réduction de
production de déchets radioactifs à vie longue.
Les objectifs du Forum
La première étape des travaux du forum a été de
fixer les objectifs d'un système de quatrième
génération. Quatre objectifs principaux ont été
définis pour orienter les recherches :
- favoriser le développement durable (le système devra
être économe en ressources naturelles et le cycle de combustion
devra être respectueux de l'environnement par la minimisation des
déchets en masse et de la radioactivité) ;
- produire une énergie compétitive sur le plan
économique (le coût de production par kWh devra être faible
et attractif par rapport aux autres sources d'énergie, mais aussi le
coût d'investissement, ce qui constitue l'une des faiblesses actuelles
des réacteurs de forte puissance) ;
- les réacteurs devront être sûrs et fiables (à
ce titre, il sera nécessaire de limiter, autant que possible, les
besoins d'évacuation de personnes extérieures au site, quelle que
soit la cause et la gravité de l'accident) ;
- être résistants vis à vis de la prolifération
et susceptibles d'être aisément protégés contre des
agressions extérieures.
Par ailleurs, pour assurer leur succès, les nouveaux réacteurs
devront s'ouvrir de nouveaux marchés grâce à de nouvelles
applications comme la production d'hydrogène ou le dessalement d'eau.
L'identification des systèmes les plus prometteurs, vis-à-vis des
objectifs décrits ci-dessus, commencée en octobre 2000, s'est
achevée en octobre 2002 avec la publication d'un document de
synthèse qui définit les travaux de recherche et
développement à mener pour les prochaines décennies. Deux
phases principales y sont identifiées. La première, dite de
« faisabilité », s'efforcera de lever les verrous
technologiques à caractère rédhibitoire. La seconde,
qualifiée de « phase de performance », visera
l'optimisation des projets qui auront franchi la première phase. Les
organismes de R&D y joueront un rôle essentiel et il est prévu
une participation importante des universités et des industriels. Pour
les systèmes qui auront franchi les deux premières étapes,
la suivante, celle du déploiement, sera prise en charge par les
industriels.
Cette feuille de route étant disponible, les travaux en cours du Forum
concernent l'organisation, la mise en place et le suivi de cette R&D qui
sera répartie entre les différents pays. Pour cette étape,
il reste à définir les mécanismes de répartition
des tâches, de financement et de gestion de la propriété
industrielle. Il convient également d'examiner dans quelles conditions
de nouveaux pays pourront s'associer à ces travaux en cours de route.
Les concepts retenus
Sur une centaine de propositions, six concepts ont été retenus
par le Forum.
LES SIX CONCEPTS SÉLECTIONNÉS PAR LE FORUM INTERNATIONAL
|
signification et principales caractéristiques |
remarques |
I. Réacteur à eau légère |
||
SCWR |
SuperCritical Water cooled Reactor
|
?
Puissance : 1 500 MWe
|
II. Réacteur à très haute température refroidi au gaz |
||
VHTR |
Very High Temperature gas cooled Reactor system |
?
Puissance : 600 MWe
|
III. Réacteurs à neutrons rapides |
||
SFR |
Sodium cooled Fast Reactor system |
?
Puissance : 150 - 500 MWe
|
GFR |
Gas cooled Reactor system |
?
Puissance : 288 MWe
|
LFR |
Lead cooled Fast Reactor system |
?
Puissance : 120 - 400 MWe
|
IV. Réacteur à sels fondus |
||
MSR |
Molten Salt Reactor system |
?
Puissance : 1000 MWe
|
Source
: Rapport de MM. Bataille et Birraux,
op.cit
Au sein des six projets de réacteurs sélectionnés, trois
d'entre eux concernent des réacteurs à spectre rapide. Deux
versions du modèle « SCWR » (seul
représentant de la filière des réacteurs à eau),
à spectre thermique ou à spectre rapide, ont été
retenues. Deux modèles de réacteur (GFR et VHTR) de la gamme
« gaz » seront également étudiés, le
second étant fortement orienté vers la production
d'hydrogène. Au total votre rapporteur pour avis note que, sur les six
modèles de réacteurs définis, l'aspect
« nucléaire durable » semble avoir été
le plus déterminant. En outre, les projets les plus innovants se sont
trouvés pénalisés en raison d'incertitudes importantes
concernant leur définition et la possibilité de lever les
difficultés technologiques pour leur réalisation. Dans cette
classe de systèmes nucléaires, le choix final s'est porté
sur le réacteur à sels fondus, notamment pour ses
caractéristiques intéressantes vis à vis de la gestion des
actinides.
Au sein de ces projets, la France est plus particulièrement investie sur
les réacteurs à gaz (VHTR, GFR) car le gaz porté à
de hautes températures produit de très bons rendements,
même si ces concepts nécessitent encore des améliorations
technologiques, tenant notamment à la densité du combustible ou
à la résistance des matériaux.
Au total, votre rapporteur pour avis constate que ces réacteurs de
quatrième génération ne pourront être
déployés et exploités, au mieux, qu'à partir de
2035. Ce calendrier conduit donc, une fois de plus, votre rapporteur pour avis
à noter qu'il est impossible, dans ce contexte, de faire
l'économie de la mise en service des réacteurs de
troisième génération, et donc de lancer très
rapidement la construction de l'EPR.