III. LES AMÉLIORATIONS APPORTÉES À L'EXERCICE DES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ETAT DANS LES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER

Dans le rapport qu'elle vous avait présenté sur le projet de loi de finances pour 2003, votre commission s'était félicitée de la volonté exprimée par l'Etat de reprendre en main ses missions régaliennes dans les départements et régions d'outre-mer. Elle constate que l'exercice budgétaire 2003 a bien été marqué par un renforcement des moyens consacrés par l'Etat au rétablissement de la sécurité intérieur et à l'amélioration des moyens de la justice.

A. LE NECESSAIRE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE ET L'IMMIGRATION CLANDESTINE

1. Une progression de la délinquance difficile à enrayer malgré des moyens renforcés

a) Une délinquance moindre qu'en métropole mais en évolution

L'évolution de la délinquance dans les départements et régions d'outre-mer en 2002 est à la fois quantitative et qualitative.

- L'évolution quantitative de la délinquance

Lors de l'exercice budgétaire antérieur, votre commission s'était inquiétée de l'évolution de la criminalité dans les départements et régions d'outre-mer. Force est de constater que la situation de la délinquance s'est encore dégradée en 2002 dans les départements d'outre-mer, avec un accroissement de + 7,23 % par rapport à l'année précédente .

Elle est d'autant plus remarquable que la progression des crimes et délits constatés a seulement été de 1,28 % au plan national, pour la même période.

Toutefois, la progression de la délinquance s'est quelque peu ralentie, l'augmentation ayant été de + 8,57 % l'année précédente. En outre, il convient de préciser que le taux de criminalité - également en augmentation sur la période - , qui s'établit à 63,41 %o en 2002 alors qu'il n'était que de 59,13 %o en 2001, reste inférieur à celui constaté en métropole (69,32 %o en 2002).

Evolution de la criminalité constatée au plan national
et dans les départements d'outre-mer
(Police et Gendarmerie)

 

1998

1999

2000

2001

2002

Total évolution

Criminalité nationale

3.565. 525

3.567.854

3.771.849

4.061.792

4.113.882

 

Evolution

2,06 %

0,07 %

5,72 %

7,69 %

1,28 %

15,38 %

Criminalité DOM

87.779

92.245

92.785

100.736

108.019

 

Evolution

- 0,25 %

6,30 %

0,59 %

8,57 %

7,23 %

23,06 %

Sources : ministère de l'outre-mer

La situation des différents départements d'outre-mer est cependant inégale. Ainsi, si la criminalité enregistre une baisse de 1,13 % en Martinique, elle augmente en revanche de 3,78 % à La Réunion, de 8,46 % en Guadeloupe, et de 26,41 % en Guyane.

Evolution de la délinquance de voie publique
(Police et Gendarmerie)

 

1998

1999

Evolution

2000

Evolution

2001

Evolution

2002

Evolution

Evolution 1998-2002

Guadeloupe

13 630

14 523

6,55 %

15 228

4,85 %

15 353

0,82 %

16 287

+ 6,08 %

+ 19,49 %

Martinique

11 303

12 186

7,81 %

13.284

9,01 %

14.197

6,8 %

12.943

- 8,83 %

+ 14,51 %

Guyane

4 626

35 168

11,72 %

5.616

8,67 %

6.457

14,98 %

6.215

- 3,75 %

+ 34,35 %

La Réunion

16 303

16 621

1,95 %

18.304

10,13 %

21.347

16,62 %

20.650

- 3,2 %

+ 26,66 %

TOTAL

45 862

48 498

5,75 %

52.432

8,11 %

57.354

9,39 %

56.095

- 2,20 %

+ 22,31 %

Sources : ministère de l'outre-mer

Dans ce contexte, la progression de la délinquance de voie publique (vols à main armée, vol avec violence, cambriolage, vol de véhicules, vols à la roulotte, destructions et dégradations) semble être enrayée, dans la mesure où une baisse de 2,2 % peut être constatée par rapport à l'année précédente . Toutefois, celle évolution générale masque de fortes disparités : si cette délinquance est en baisse de 8,83 % en Martinique, elle est en revanche en hausse de 6,08 % en Guadeloupe.

- L'évolution qualitative de la délinquance

Dans l'ensemble des départements et régions d'outre-mer, un même constat peut être fait : la délinquance violente est en sensible augmentation .

Ainsi, en Guadeloupe, les vols à main armée ont été multipliés par trois depuis 1993 et les crimes et délits contre les personnes par deux. En Martinique, les vols à main armée ont subi une augmentation de 200 % en deux ans, tandis que le nombre d'agressions violentes s'est multiplié en Guyane, illustré par le nombre d'homicides, passé de 8 en 2001, à 18 en 2002. A La Réunion, les vols avec violence ont progressé de 119,13 % et les vols à main armée de 113,95 %.

En Guyane, la criminalité présente une nature particulière , les infractions à la législation sur les étrangers représentant près de 40 % de la criminalité globale. La part des étrangers dans les crimes et délits y atteint 58 % des infractions.

b) Le renforcement de la réponse des pouvoirs publics

? Cette année a été marquée par un net renforcement des effectifs et des moyens destinés à lutter plus efficacement contre la délinquance dans les départements et les régions d'outre-mer.

Les effectifs de la police nationale connaissent une progression notable , à l'exception de la Guadeloupe, pour laquelle l'effectif diminue légèrement (- 1,47 %) par rapport à 2002.

Evolution des effectifs de police nationale (au 1 er janvier) (1993-20003)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Évolution
1993/2003

Guadeloupe

643

630

662

720

762

749

771

793

842

884

871

+ 35,45

Martinique

494

490

510

505

518

547

581

597

638

671

691

+ 39,87

Guyane

284

299

307

349

368

383

403

396

433

480

493

+ 73,59

La Réunion

517

647

659

725

712

722

757

782

813

839

881

+ 70,40

Sources : ministère de l'outre-mer

Les moyens financiers mis à la disposition des services de la police nationale sont également en augmentation .

Ainsi, les crédits de la direction administrative de la police nationale (DAPN) progressent respectivement de + 19,60 % pour La Réunion, de + 36,49 % pour la Martinique, de + 17,23 % pour la Guyane et de + 26 % pour la Guadeloupe. En outre, en plus du budget global alloué à chaque département, des délégations spécifiques de crédits sont venus compléter en cours d'année les moyens mis à disposition des services de police, en particulier dans le cadre de l'application de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Quatre grands projets immobiliers sont par ailleurs prévus en 2004, afin d'améliorer les conditions d'exercice des missions de police à Fort de France, Point à Pitre, au Chaudron et à Rochambeau, ces deux derniers programmes ayant déjà été inscrits en 2003 mais n'ayant pas été exécutés.

? Des groupes d'intervention régionaux (GIR), institués par la circulaire interministérielle du 22 mai 2002, ont été créés dans les quatre départements d'outre-mer en 2002. Ils regroupent, dans une même structure, des effectifs de la police nationale, de la gendarmerie, du fisc, des douanes et de l'inspection du travail. Leur activité a permis de renforcer l'action des pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre la criminalité.

- En Guadeloupe , le GIR est opérationnel depuis le 18 juin 2002. Son champ d'action territorial couvre également les îles de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin. Il est constitué de trois structures : une cellule d'orientation, animée par le service régional de la police judiciaire (SRPJ) de Guadeloupe ; deux unités d'organisation et de commandement (UOC), l'une en Guadeloupe « continentale », sous le commandement d'un représentant du SRPJ, l'autre à Saint-Martin, sous la responsabilité de la gendarmerie nationale ; ainsi qu'un corps opérationnel.

Ce groupement a conduit des opérations en direction des établissements de nuit, ainsi que de la lutte contre la prostitution et les trafics sur le port de Point-à-Pitre.

- En Martinique , le GIR a été institué le 24 juin 2002. Il a reposé, dans un premier temps, sur une unité d'organisation et de commandement, dont la direction a été confiée à la gendarmerie nationale. Toutefois, cette structure a évolué vers une plus grande souplesse, avec la constitution d'un « réseau de correspondants » mobilisable, en tant que de besoin, par le directeur départemental des services de police ou par le commandant du groupement de gendarmerie nationale.

Les priorités d'action de ce groupement sont la lutte contre le trafic de stupéfiants, contre les trafics de matériels et de véhicules volés et contre les vols à main armée, ainsi que des actions ciblées dans certains quartiers.

- En Guyane , le GIR a également été mis en place en juin 2002. Il repose sur une UOC dont la direction a été confiée à la gendarmerie nationale, à laquelle a été adjointe une cellule d'analyse et d'orientation. L'antenne du SRPJ a été intégrée au sein de ce dispositif opérationnel.

Le champ d'action du GIR a été adapté à la spécificité de la délinquance dans ce département. Ainsi, les principales orientations de ce groupement concernent la lutte contre les trafics internationaux, contre l'orpaillage clandestin, contre l'économie souterraine, ainsi que contre l'immigration clandestine et le travail illicite.

L'action du GIR guyanais s'est avérée particulièrement efficace , grâce à la mise en place d'opérations d'envergure contre l'orpaillage clandestin et l'immigration irrégulière qui en est, pour une large part, le corollaire. Ces opérations ont ainsi permis le démantèlement de plusieurs installations, la saisie et la destruction de matériels, ainsi que l'arrestation de près de 200 étrangers en situation irrégulière.

- A La Réunion , le GIR a été constitué le 7 juin 2002 et repose également sur une UOC dont la direction a été confiée à la police nationale. Outre des agents de police nationale et de police judiciaire, le GIR comprend des agents des douanes et des services fiscaux.

Les priorités d'action définies par le groupement ont été la lutte contre le proxénétisme hôtelier, contre les activités illicites de « caïds » ou de bandes organisées, ainsi que contre les vols et incendies volontaires de véhicules.

Plusieurs opérations de contrôle conjoint ont été effectuées, permettant notamment de démanteler un important réseau de prostitution malgache et mauricienne dans le département, et de sanctionner des infractions fiscales et douanières. Ces actions ont conduit à la mise en examen de 12 personnes, dont 6 ont été écrouées.

2. De nouveaux moyens pour juguler une immigration clandestine en augmentation

La prospérité relative des départements et régions d'outre-mer par rapport à leur environnement régional suscite une forte immigration, dont une partie importante reste clandestine.

a) La permanence d'une forte immigration clandestine

Si tous les départements et régions d'outre-mer sont concernés par l'immigration clandestine, ce phénomène touche tout particulièrement la Guadeloupe et la Guyane .

? Selon les chiffres communiqués à votre rapporteur, le nombre d'étrangers en situation irrégulière reste faible à La Réunion , s'élevant en 2002, comme l'année précédente, à 41 immigrants clandestins. Ces immigrants sont, pour la majeure partie d'entre eux, des ressortissants de l'île Maurice ou de Madagascar.

Toutefois, il convient de noter le développement à La Réunion d'une immigration en provenance des Comores, et plus particulièrement d'Anjouan . Cette immigration, de plus en plus importante, tend à bouleverser l'équilibre démographique et social de certaines communes réunionnaises, comme celle de Saint-André.

? La Martinique connaît une immigration clandestine en provenance principalement des îles de Sainte-Lucie et d'Haïti. L'immigration des Saint-Luciens est favorisée, dans une certaine mesure, par la suppression, à titre expérimental, depuis le 1 er mars 2000 du visa de court séjour pour les ressortissants de Sainte-Lucie souhaitant se rendre pour une durée inférieure à 15 jours en Martinique. En 2002, on constate une augmentation de près de 42 % des étrangers en situation irrégulière.

L'immigration irrégulière en Martinique est également d'origine haïtienne, les candidats à l'immigration passant, en général, par l'aéroport de Juliana à Saint-Martin ou par le Venezuela, entrant par la suite en Guadeloupe par la voie maritime.

? La situation particulière de Saint-Martin, dont la partie française constitue une commune du département de la Guadeloupe , fait de ce dernier une collectivité touchée de façon importante par l'immigration clandestine. L'entrée d'étrangers en situation irrégulière y est en effet facilitée par la localisation de l'aéroport international dans la partie hollandaise de l'île et l'absence de contrôle à la frontière entre les deux parties de Saint-Martin.

A cet égard, le nombre d'étrangers en situation irrégulière est également en augmentation sensible, leur nombre passant de 579 à 776 de 2001 à 2002 (+ 34,02 %) et dépassant les chiffres de l'année 2000.

? Disposant de 700 kilomètres de frontières avec le Brésil à l'ouest et au sud, et de 520 kilomètres de frontières avec le Surinam à l'est (sans compter sa façade maritime de 320 kilomètres), la Guyane est marquée par l'existence d'une immigration irrégulière massive, de nature à déstabiliser la société locale .

Le nombre d'étrangers en situation irrégulière constaté par les autorités de police atteint 5.950 en 2002, en augmentation de 62,61 % par rapport à l'année précédente . Les ressortissants brésiliens et surinamais représentent chacun 40 % des effectifs de l'immigration irrégulière en Guyane.

b) Le renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine

? Les statistiques dont dispose votre rapporteur font apparaître une augmentation notable des mesures de reconduite à la frontière ou d'expulsion, prononcées en 2002, dans les quatre départements d'outre-mer.

Indicateurs de l'activité de la police aux frontières

(Source : DCPAF)

 
 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Évolution 2001/2002

 

Non admissions

53

36

62

86

229

161

- 29,69%

Martinique

Étrangers en situation irrégulière

171

180

173

205

243

345

+ 41,98%

 

Reconduites - expulsions

156

163

201

190

217

290

+ 33,64%

 

Non admissions

151

205

218

295

394

318

- 19,29%

Guadeloupe

Étrangers en situation irrégulière

919

709

591

764

579

776

+ 34,02%

 

Reconduites - expulsions

826

673

620

766

678

686

+ 1,18%

 

Non admissions

1.546

9.393

7.179

4.769

4.821

1.441

- 70,11%

Guyane

Étrangers en situation irrégulière

5.182

3.897

4.301

5.144

3.659

5.950

+ 62,61%

 

Reconduites - expulsions

5.182

3.897

4.193

4.711

2.978

4.244

+ 42,51%

 

Non admissions

200

112

94

101

98

103

+ 5,10%

Réunion

Étrangers en situation irrégulière

218

87

59

26

41

41

-

 

Reconduites - expulsions

203

62

49

31

21

22

+ 4,76%

Cette progression est particulièrement sensible en Martinique, ainsi qu'en Guyane, ces mesures augmentant respectivement de 33,64 % et 42,51 %. Elle semble se poursuivre pour l'année 2003 dans la mesure où, selon les données recueillies par votre rapporteur, 2.224 arrêtés de reconduite à la frontière auraient été pris en Guyane au cours des cinq premiers mois de l'année 2003, soit plus de la moitié de ceux enregistrés en 2002. Le taux d'exécution serait de 97 % .

? Par ailleurs, les effectifs de police nationale et de gendarmerie s'accroissent à nouveau en 2003 , confortant une hausse qui, depuis 1993, a été considérable pour la Guyane et La Réunion.

Votre commission des Lois relève l'effort remarquable concernant l'augmentation des effectifs en Guyane.

D'une part, la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure a prévu l'ouverture de 60 nouveaux emplois de fonctionnaires de police en Guyane, qui devraient rejoindre le poste frontalier de Saint-Georges de l'Oyapock, important point de passage des immigrants brésiliens.

D'autre part, le tableau ci-dessus ne témoigne pas de l'évolution des effectifs de la police nationale intervenue depuis le 1 er janvier 2003. Or, il ressort des informations recueillies par votre rapporteur que, d'ici au 31 décembre 2003, ces effectifs devraient croître de 76 fonctionnaires, en augmentation de 15 % par rapport à la situation constatée au 1 er janvier 2003.

Evolution des effectifs de police nationale
(au 1 er janvier)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Évolution
1993/2003

Guadeloupe

643

630

662

720

762

749

771

793

842

884

871

+ 35,45

Martinique

494

490

510

505

518

547

581

597

638

671

691

+ 39,87

Guyane

284

299

307

349

368

383

403

396

433

480

493

+ 73,59

La Réunion

517

647

659

725

712

722

757

782

813

839

881

+ 70,40

Sources : ministère de l'outre-mer

? Le législateur a également souhaité prendre davantage en considération la spécificité de l'immigration irrégulière en Guyane, ainsi qu'à Saint-Martin.

Les dispositions concernant la reconduite à la frontière, définies par l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers, ont été adaptées aux particularités de ces deux collectivités.

En principe, l'étranger qui fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou dans les sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif 1 ( * ) .

En Guyane, comme dans la commune de Saint-Martin, si l'autorité consulaire le demande, la mesure de reconduite à la frontière ne peut être mise à exécution avant l'expiration du délai d'un jour franc à compter de la notification de l'arrêté. Le ressortissant étranger qui a fait l'objet d'une mesure administrative de reconduite à la frontière et qui défère cet acte au tribunal administratif peut assortir son recours d'une demande de sursis à exécution.

Deux ajouts à cet état du droit ont été effectués en 2003.

En premier lieu, la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a pérennisé les dispositions dérogatoires de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile . Ce dernier texte avait prévu, pour une durée de cinq ans, que les refus de délivrance de titres de séjour à certains étrangers ne sont pas soumis pour avis à la commission du titre de séjour et que le recours dirigé contre un arrêté de reconduite à la frontière n'a pas un caractère suspensif.

La loi précitée du 18 mars 2003 a également permis aux autorités françaises d'éloigner d'office vers le Brésil, le Surinam et le Guyana, les membres d'équipage de bateaux se livrant à la pêche illicite ressortissants de l'un de ces Etats et a étendu les possibilités de contrôle d'identité des personnes en Guyane.

En second lieu, le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté, le 28 octobre 2003, le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, dont l'article 93 crée une commission, composée de parlementaires, de représentants de l'Etat et des acteurs socio-économiques, chargée d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires. La première réunion de cette commission devra être convoquée, au plus tard, six mois après la publication de cette loi.

Cette commission pourra ainsi conduire à modifier les règles existantes en matière d'immigration, afin de donner plein effet à la lutte contre l'immigration clandestine dans ce département d'outre-mer particulier.

Ces deux modifications devraient permettre d'intensifier l'action des pouvoirs publics en ce domaine afin de juguler l'immigration irrégulière qui frappe particulièrement ces collectivités.

? La lutte contre l'immigration tend par ailleurs, désormais, à prendre une dimension internationale. Dans ce contexte, la France a cherché à conclure avec les Etats voisins des départements d'outre-mer des accords de réadmission des ressortissants entrés et restés illégalement sur le territoire national.

L'accord de réadmission franco-brésilien, signé à Paris le 28 mai 1996 et entré en vigueur le 24 août 2001, tend à faire l'objet d'une meilleure application de la part des autorités brésiliennes. Une meilleure coopération entre les services français et brésiliens a été constatée, ce qui devrait faciliter les procédures de réadmission des ressortissants brésiliens en situation irrégulière sur le territoire guyanais.

Ces accords, qui s'intègrent dans le cadre plus large de la coopération régionale des départements et régions d'outre-mer, sont examinés plus en détail dans la quatrième partie du présent rapport.

B. UN RENFORCEMENT DES MOYENS AFFECTÉS A LA JUSTICE A POURSUIVRE

Dans son rapport sur le budget 2003, votre commission des Lois s'était inquiétée de la situation des services du ministère de la justice dans les départements d'outre-mer, tout en relevant les efforts budgétaires prévus au titre de la loi de finances pour 2003. Elle note une certaine amélioration des moyens affectés à la justice, amélioration qui doit être poursuivie, afin que les juridictions et les établissements pénitentiaires puissent exercer leurs missions dans des conditions optimales.

1. L'activité et les moyens des juridictions

a) Une activité contentieuse toujours élevée

Cette année a été marquée par une forte activité contentieuse devant les juridictions administratives et judiciaires des départements et régions d'outre-mer.

? Les juridictions administratives

Comme l'année précédente, votre rapporteur regrette de ne pas pouvoir disposer de statistiques spécifiques pour les quatre juridictions administratives implantées dans les départements d'outre-mer (tribunaux administratifs de Basse-Terre, Cayenne, Fort-de-France et Saint-Denis de La Réunion).

Sous cette réserve, votre commission souligne une baisse de 8,7 % du nombre des requêtes enregistrées , qui passent de 4.810 en 2001 à 4.388 en 2002, atteignant un niveau inférieur à celui de l'année 1999. Cette évolution s'explique par le caractère conjoncturel de la hausse du nombre d'affaires constatées en 2001, résultant essentiellement de la tenue d'élections locales.

Le nombre d'affaires traitées est en légère diminution (- 1,8 %), cette situation trouvant son origine, pour partie, dans la diminution du même ordre de l'effectif réel moyen des magistrats de l'ordre administratif exerçant outre-mer pendant la même période.

? Les juridictions judiciaires

Pour les juridictions judiciaires, seuls les chiffres relatifs à l'année 2001 sont disponibles. En 2001, comme en 2000, le nombre des affaires traitées reste inférieur à celui des affaires enregistrées .

Le nombre des affaires enregistrées est en légère hausse par rapport à 2000 , pour l'ensemble des juridictions des départements d'outre-mer (+ 2,21 %) . Les situations sont cependant diversifiées. Ainsi, on peut relever une baisse de 4,24 % des affaires introduites devant les juridictions du premier et second degré relevant du ressort de la cour d'appel de Basse-Terre, tandis que les juridictions relevant du ressort de la cour d'appel de Fort-de-France ont vu le nombre d'affaires enregistrées croître de 7,12 %.

Alors que la durée de traitement des affaires civiles dans les cours d'appel a baissé, parfois de manière sensible, comme à la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (13,4 mois en 2000 ; 12,7 mois en 2001), le délai moyen de traitement des affaires par les tribunaux de grande instance a globalement augmenté. Cette évolution est illustrée, en particulier, par la situation du tribunal de grande instance de Basse-Terre, en Guadeloupe, où ce délai est passé de 10,8 mois en 2000 à 14,4 mois en 2001.

Cette évolution est néanmoins convergente avec celle de la moyenne nationale, le traitement des affaires civiles devant les cours d'appel étant passé de 18,4 mois à 17,7 mois, tandis que ce délai a augmenté de 8,9 à 9,1 mois dans les tribunaux de grande instance.

b) Des efforts budgétaires à pérenniser

? Pour tenir compte de l'évolution de la situation des juridictions judiciaires, la dotation initiale des ressorts de cours d'appel outre-mer a fait l'objet d'une augmentation sensible , notamment au profit des juridictions de Fort-de-France et de Cayenne.

Dotation des juridictions judiciaires des départements d'outre-mer

RESSORT de COUR D'APPEL
ou de TSA

Dotation
initiale
1999

Dotation
initiale
2000

Dotation
initiale
2001

Dotation
initiale
2002

Dotation
initiale
2003

Evolution
2002-2003

Basse-Terre

1.604.709

1.586.537

1.758.195

1.817.920

1.877.500

+ 3,27 %

Fort de France et Cayenne

1.547.086

1.671.603

1.637.455

2.307.858

2.412.100

+ 4,51 %

Saint-Denis

2.319.154

2.291.461

2.294.968

2.332.313

2.351.200

+ 0,80 %

Sources : ministère de l'outre-mer

? Lors de l'examen de la loi de finances pour 2003, votre commission s'était félicitée des travaux de construction ou d'amélioration conduits sur les biens immobiliers occupés par les juridictions des départements d'outre-mer. Elle avait noté avec satisfaction l'importance du montant des autorisations de programme prévu dans le budget du ministère de la justice.

Dans le cadre du budget pour 2004, votre commission souligne que ces opérations doivent se poursuivre, la situation immobilière des juridictions restant bien souvent difficile.

De fait, selon les informations communiquées à votre rapporteur, un nouveau projet concernant la construction d'un bâtiment pour abriter la cour d'appel de Basse-Terre est en cours d'élaboration. Il consisterait à étendre les bâtiments actuellement occupés par la juridiction sur le site attenant de la maison d'arrêt de Basse-Terre.

Les opérations préalables à la construction d'un nouveau bâtiment pour loger le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre sont toujours en cours, le jury de concours d'architecture, qui devait intervenir en juin 2003, ayant été reporté sur décision de l'agence de maîtrise d'ouvrage de travaux du ministère de la justice. Dans l'attente de la réalisation de cette opération, une installation provisoire de certains services, à commencer par le tribunal pour enfants et le conseil de prud'hommes, dans l'ancienne caserne de gendarmerie de cette commune est envisagée.

La construction d'un nouveau palais de justice est également envisagée à Cayenne, afin d'accueillir les juridictions judiciaires du premier degré. Son coût avait été évalué à 11 millions d'euros en 2001. Des sites, susceptible d'accueillir ce bâtiment, font l'objet d'expertises préalables. Votre rapporteur s'interroge cependant sur les conditions de financement de ces travaux, le montant des autorisations de programme dans le budget 2004 ayant été considérablement réduit par rapport à 2003.

2. La permanence d'une surpopulation carcérale préoccupante

La surpopulation carcérale, déjà constatée l'année précédente, s'est aggravée . Le taux d'occupation des établissements pénitentiaires est ainsi passé de 125,38 % en 2002 à 136,13 % en 2003 , l'évolution étant particulièrement marquée pour la maison d'arrêt de Saint-Denis de La Réunion, où ce taux est passé, en un an, de 159,5 % à 181 %.

Malgré cette situation préoccupante, les conditions d'hygiène et de lutte contre la toxicomanie ont été globalement améliorées dans l'ensemble des établissements des départements d'outre-mer.

Population carcérale dans les départements d'outre-mer
(au 1 er juillet 2003)

Département

Type d'établissement

Nom de l'établissement

Nombre de places opération-nelles

Nombre
de
détenus

Taux d'occu-pation

Guadeloupe

Centre pénitentiaire

Maison d'arrêt

Baie Mahault

Basse-Terre

510

123

554

205

108,6%

166,7%

Martinique

Centre pénitentiaire

Ducos

490

674

137,6%

Réunion

Centre pénitentiaire

Maison d'arrêt

Maison d'arrêt

Le Port

Saint-Denis

Saint-Pierre

498

121

94

685

219

166

137,6%

181,0%

176,6

Guyane

Centre pénitentiaire

Remire-Montjoly

469

635

135,4%

Ensemble des DOM

 
 

2.305

3.138

136,13%

Sources : ministère de l'outre-mer

Le renforcement de la capacité des établissements pénitentiaires -maisons d'arrêt et centres pénitentiaires- reste l'un des objectifs prioritaires du ministère de la justice.

En Guadeloupe, les études de création d'une nouvelle maison d'arrêt sont en cours, en vue du remplacement de la maison d'arrêt de Basse-Terre par un établissement de 300 à 400 places. Des travaux de sécurisation des équipements ont été réalisés dans le récent centre pénitentiaire de Baie-Mahault.

En Martinique, le centre pénitentiaire de Ducos a également fait l'objet de travaux de mise aux normes, tandis qu'en Guyane, des aménagements tendant à renforcer la sécurité intérieure et extérieure du centre de Remire-Montjoly sont en cours d'achèvement, pour un montant global de plus de 2,13 millions d'euros.

La création d'un nouvel établissement pénitentiaire à La Réunion demeure plus que jamais nécessaire .

En effet, la vétusté de la maison d'arrêt de Saint-Denis, dont le taux d'occupation est particulièrement préoccupant, doit conduire à sa prochaine fermeture.

Compte tenu de l'opposition rencontrée au choix, fait par le précédent Gouvernement, d'une implantation du nouvel établissement pénitentiaire sur la commune de Sainte-Marie, un nouveau site a été arrêté à Doemenjod, sur la commune de Saint-Denis. Des études d'impact et de faisabilité sont en cours. L'établissement projeté comprendrait 600 places et représenterait un coût de 100 millions d'euros. Sa mise en service pourrait intervenir dès 2007.

Lors de son audition par votre commission des Lois, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a confirmé le caractère prioritaire de ce projet. Elle a estimé que le choix définitif d'un site qui suscitait l'approbation était un préalable indispensable, aujourd'hui satisfait, et précisé qu'un inspecteur général de l'équipement avait été désigné pour mener à bien cette opération et que les travaux de construction de ce nouvel établissement s'accompagneraient d'aménagements tendant à reloger les propriétaires des terrains sur lesquels il serait édifié.

Parallèlement, le centre pénitentiaire du Port a fait l'objet de nouveaux travaux d'aménagement et de sécurisation.

* 1 Article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page