ANNEXE II -

EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Jean Bizet sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement.

Après avoir justifié le caractère inédit de la saisine pour avis sur un projet de loi constitutionnelle par l'objet de ce texte qui dépasse le cadre de l'organisation même des pouvoirs publics, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a observé que la réforme du Préambule de la Constitution aux fins de donner valeur constitutionnelle à « des principes fondamentaux relatifs au droit à un environnement protégé et au développement durable » relevait de la compétence de la commission des Affaires économiques en raison de la prise en compte de l'environnement et de son articulation avec le développement économique.

Ayant constaté le contexte passionné des affrontements, notamment sur la reconnaissance constitutionnelle du principe de précaution d'une part, et le mésusage qui avait été fait d'un tel principe dans le cadre du dossier des organismes génétiquement modifiés (OGM) d'autre part, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a tout d'abord fait part de sa réserve initiale sur l'intérêt d'une telle réforme qui pouvait conduire à entraver la recherche scientifique, l'innovation technologique et le développement économique, voire à l'inaction au nom de l'impossible quête du risque zéro.

Il a ensuite expliqué la raison de la levée de ces réserves, après un examen en profondeur du texte à la lumière de nombreuses auditions conduites avec le rapporteur au fond de la commission des Lois, M. Patrice Gélard, dont il a salué le travail, de deux études réalisées par M. Michel Prieur et M. Bertrand Mathieu, respectivement spécialistes de droit de l'environnement et de droit constitutionnel. Citant M. Yves Jegouzo, Conseiller d'Etat, membre de la commission Coppens, à propos de l'ampleur de cette réforme constitutionnelle : « En définitive, il ne faut en attendre ni l'enfer vert ni d'ailleurs le paradis », M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a alors entrepris d'exposer le contenu de la charte, en insistant sur l'article 5 qui traite du principe de précaution et en présentant les améliorations adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture, qui l'ont conduit à proposer d'adopter conforme ce projet de loi.

A titre liminaire, rappelant qu'à l'initiative du Président de la République lors de son discours d'Avranches le 18 mars 2002 ce projet était destiné à consacrer dans la Constitution, aux côtés des droits civils et politiques ainsi que des droits économiques et sociaux, un droit fondamental de l'homme à l'environnement, véritable reconnaissance d'une écologie humaniste mais également des devoirs de l'homme quant à sa préservation, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a indiqué que le choix s'était porté sur une Charte de l'environnement de 2004, à laquelle allait se référer le Préambule de la Constitution, de la même manière qu'à la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946.

M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, insistant sur la démarche participative présidant à l'élaboration de ce texte, a rappelé en premier lieu le consensus sur les propositions de la commission Coppens remises au Premier ministre, qui ont pris en compte toutes les sensibilités exprimées dans les secteurs concernés par le projet de Charte et qui ont servi de base au projet de loi constitutionnelle. Il a, en second lieu, afin d'illustrer le caractère participatif de la procédure d'élaboration du texte, attiré l'attention des commissaires sur la consultation nationale, relayée par des assises territoriales de la Charte de l'environnement, qui ont permis de dégager les attentes fortes de la société sur ce sujet.

Rappelant que le projet de loi constitutionnelle était initialement composé de deux articles -l'article 1er complétant le préambule de la Constitution et l'article 2 définissant le contenu de la Charte- M. Jean Bizet , rapporteur pour avis a indiqué que l'Assemblée nationale avait adopté un article additionnel, pour compléter l'article 34 de la Constitution définissant le domaine de la loi, afin que celle-ci puisse déterminer les principes fondamentaux relatifs à la préservation de l'environnement, confirmant ainsi le rôle du Parlement, notamment dans la définition du contenu des principes inscrits dans la Charte.

Poursuivant l'examen de l'article 2 du projet de loi, constitué de sept considérants et de dix articles, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a insisté, d'une part, sur la valeur constitutionnelle des considérants et, d'autre part, sur la vision constructive de la prise en compte de l'environnement que l'on pouvait en déduire, car ces considérants conciliaient développement économique, progrès social et préservation de l'environnement en établissant non seulement un lien entre environnement et humanité, mais aussi en affirmant la nécessité de la préservation de l'environnement dans une perspective de développement durable.

S'agissant de la proclamation des dix articles de la Charte de l'environnement, tous à valeur constitutionnelle, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis a établi une distinction, quant à leur portée juridique, entre l'article 5 de la Charte d'une part, et les autres articles, d'autre part, , soulignant que seul l'article 5, qui consacre le principe de précaution était d'application directe, à la différence des autres articles, y compris l'article 1er, aux termes duquel « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », selon la modification adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a illustré la nature d'objectif à valeur constitutionnelle des articles par le commentaire de l'article 6 de la Charte qui fixe comme objectif aux politiques publiques la promotion du développement durable, en conciliant la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. Il s'est félicité que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale mette ces trois éléments constitutifs sur un pied d'égalité, et indiqué qu'il aurait, pour sa part, préféré que cet article vienne immédiatement après les deux premiers articles de la Charte afin de conforter l'éclairage dynamique du texte.

Quant aux articles 3, 4 et 7 de la Charte qui donnent valeur constitutionnelle au principe de prévention, de réparation, celui-ci englobant le principe « pollueur-payeur » et d'information et de participation en matière d'environnement et prévoient que la loi en fixe les conditions d'application, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a fait valoir que leur reconnaissance au niveau constitutionnel faisait obligation au législateur d'en tenir compte dans toutes les politiques sectorielles.

M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a ensuite abordé l'examen du très controversé article 5 de la Charte de l'environnement relatif au principe de précaution, insistant sur le fait déclencheur et de son champ d'application. Il a considéré que la distinction était aussi clairement établie avec le principe de prévention dont il a fait valoir que l'application en matière d'environnement était de pratique courante alors que celle du principe de précaution restait exceptionnelle afin de prendre en compte précocement des risques potentiels.

Rappelant tout d'abord les éléments cumulatifs exigés pour la mise en oeuvre du principe de précaution, à savoir une incertitude scientifique sur la réalisation d'un dommage, c'est-à-dire sur l'hypothèse même du risque, en l'état actuel des connaissances scientifiques, d'une part, et le caractère grave et irréversible d'un dommage porté à l'environnement, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a ainsi mis en en évidence le rôle stratégique de l'expertise et la nécessité de veiller à ce qu'elle soit collégiale, légitime et indépendante.

Il a ensuite précisé le champ d'application du principe d'action imposé par l'article 5 de la Charte, fondé sur l'anticipation pour prévenir ou limiter les dommages résultant d'un risque potentiel. Relevant qu'à la différence de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, cette obligation d'agir ne s'imposait qu'aux seules autorités publiques -Etat et collectivités territoriales-, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, ayant évoqué les craintes, tout à fait légitimes, des petites communes confrontées à l'absence de moyens d'expertise nécessaires à l'application du principe de précaution, a indiqué que le champ d'intervention des autorités publiques devait être entendu dans le cadre de leurs domaines d'attribution ainsi que cela avait été précisé, très judicieusement, par l'Assemblée nationale.

Indiquant que le deuxième élément du principe de précaution impliquait l'adoption de mesures provisoires et proportionnées, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a observé que ces mesures pourraient être réversibles ou modifiées en fonction de la progression des connaissances. Il a ensuite considéré que le critère de proportionnalité exigé pour ces mesures devait s'entendre au regard du risque lui-même, mais aussi au travers d'un bilan coût/avantage, tant par rapport aux avantages attendus, que par la prise en compte de l'impact économique des mesures évalué à court et long terme. En définitive, a-t-il ajouté, l'obligation qui pèse sur les autorités publiques leur impose de définir un niveau de risque acceptable afin d'arrêter des mesures limitées à ce qui est effectivement nécessaire.

Puis M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a ajouté qu'il était également fait obligation, de façon concomitante à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées, de poursuivre les recherches afin d'évaluer les risques encourus, ce qui constitue un aiguillon pour la science et l'innovation technologique.

Enfin, a-t-il précisé, le choix par l'Assemblée nationale, des termes « parer à la réalisation du dommage » plutôt qu'« éviter la réalisation du dommage » indique qu'il n'y a pas une obligation de résultats imposée aux autorités publiques, mais une obligation de recours aux meilleurs moyens disponibles.

S'interrogeant sur le risque d'une judiciarisation de la vie économique et la multiplication des contentieux à la suite de l'introduction dans la Constitution du principe de précaution, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, sans l'exclure, a néanmoins atténué cette crainte, en observant que la constitutionnalisation de la Charte devrait, au contraire, permettre de clarifier la jurisprudence grâce à la description très précise qu'elle donne du principe de précaution. En ce qui concerne l'éventuelle invocation du principe de précaution dans le contentieux de la responsabilité pénale, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a très clairement écarté cette éventualité en rappelant qu'un texte constitutionnel n'est pas un texte d'incrimination pénale, en application du principe selon lequel la loi pénale est d'interprétation stricte.

Il a ensuite fait valoir, pour s'en féliciter, qu'en dépit du caractère d'application directe de l'article 5 de la Charte, au contraire de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, rien n'interdisait au législateur d'intervenir pour en préciser les conditions de mise en oeuvre, puis il a conclu en demandant à la commission de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi constitutionnelle qui permet de donner plus de cohérence au droit existant et d'inscrire résolument la préservation de l'environnement dans une démarche de développement durable.

Au cours du très large débat qui s'est alors ouvert, M. Marcel Deneux , après avoir félicité le rapporteur pour avis, ayant fait part de son trouble résultant de l'application du principe de précaution dans des affaires récentes, s'est prononcé en faveur d'une « abstention dubitative » tout en ne demandant qu'à être convaincu.

M. François Fortassin s'est interrogé sur la nécessité d'inscrire le principe de précaution dans la Constitution, eu égard aux nombreux dispositifs juridiques nationaux et communautaires existants. En outre, insistant sur les difficultés de mise en pratique d'un tel principe, il a émis des craintes quant aux définitions, plus ou moins subjectives des différentes notions qui pourraient être en jeu, telles que la dangerosité du tabagisme passif ou des OGM et sur le rôle essentiel dévolu à l'expertise des scientifiques, alors même que les risques encourus sont potentiels. Rappelant l'adhésion des élus locaux à la sauvegarde des milieux naturels, M. François Fortassin a cependant exprimé son inquiétude s'agissant des entraves aux initiatives économiques des collectivités locales pouvant résulter de l'application de la Charte. Afin d'illustrer son propos, il a évoqué les risques d'interruption de la construction d'une route en raison de la protection de la migration des crapauds accoucheurs, qui, dans son département, n'arrivent, semble-t-il, à l'âge de la maturité qu'à vingt-cinq ans au lieu de trois ans dans les autres départements.

M. Jean Pépin , acceptant l'idée de l'intégration dans la Constitution de la Charte sur l'environnement, s'est néanmoins interrogé sur la distinction entre le principe de précaution et celui de prévention. Il s'est déclaré gêné par l'interprétation à venir du texte plus que par sa rédaction et il a insisté sur l'inadéquation entre les extrapolations mathématiques à un moment donné et l'oeuvre du temps qui voit se réaliser des progrès inenvisageables à l'époque des prévisions. A titre d'illustration, évoquant un projet de stockage de déchets nucléaires dans son canton dans les années 1986-1992, il a souligné la lente progression des connaissances en ce domaine puisque la recherche sur les déchets nucléaires n'a débuté qu'en 1983 alors que le Commissariat à l'énergie atomique avait été créé en 1945.

Leur répondant, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a insisté sur le bien fondé de l'objectif de ce projet de loi constitutionnelle qui est de prévenir toutes les dérives déjà constatées, observant par ailleurs que le principe de précaution n'était pas une nouveauté mais faisait partie du droit positif, notamment dans le code de l'environnement et dans les traités communautaires. Il a rappelé d'une part que la Charte concernait directement l'environnement et non la santé et que beaucoup d'exemples évoqués par les commissaires relèvent en réalité du principe de prévention et non de précaution. Relevant que, comme la prévention, la précaution est fille de la prudence, il a fait valoir que l'amélioration des connaissances scientifiques sur un risque potentiel pouvait permettre de sortir du champ d'application du principe de précaution pour appliquer le principe de prévention.

Ayant fait part de ses réserves sur le texte du projet de loi constitutionnelle, et rappelant que l'ampleur du domaine de l'environnement conduirait à prendre en compte les problèmes de santé à l'avenir, M. Philippe Arnaud a craint le risque de paralysie des initiatives économiques dans de nombreux domaines à la suite de l'application de l'article 5 de la Charte. Considérant que la mise en oeuvre du principe de précaution par l'administration conduirait à interdire tout ce qui n'est pas expressément autorisé, M. Philippe Arnaud a pris pour exemple l'arrêt de la construction d'une desserte pour poids lourds dans une zone susceptible d'être intégrée dans le « Réseau Natura 2000 » par la direction régionale de l'environnement au nom de la protection du vison d'Europe, alors même que cette zone ne constitue qu'un habitat potentiel de cet animal.

M. Yves Détraigne a attiré l'attention des commissaires sur la difficulté qui consistait, dans la pratique, à distinguer les cas où le principe de prévention est en jeu parce que le risque est connu et avéré, ainsi que cela fut invoqué dans le cas de l'interdiction de consommation des farines animales, de ceux où il n'est question que de précaution en raison d'un risque qui n'est que potentiel, comme cela fut jugé dans le cas de l'interdiction de la viande bovine. Il s'est également prononcé en faveur de l'intégration, à l'article 5 de la Charte, de la phrase « dans les conditions définies dans la loi » afin de faire taire toutes les inquiétudes légitimes qui s'expriment face à la multiplication probable du contentieux.

Intervenant tout d'abord au nom de M. Jean-François Legrand, M. Gérard Bailly a souhaité connaître la juridiction compétente en cas de litige sur l'application du principe de précaution, puis s'est félicité de la référence au développement économique dans l'article 6 de la Charte. Il a ensuite exprimé son désaccord sur l'égale importance qui semblait être établie entre protection de l'homme et protection de l'environnement, soulignant que la seconde ne devait être qu'accessoire. Insistant sur les dérives réalisées au nom de la protection de l'environnement, il a fait valoir que la protection de l'homme ainsi que sa santé constituaient des objectifs primordiaux qui ne sauraient souffrir d'atteintes, à inscrire en priorité dans le projet de loi constitutionnelle, devant la préservation de l'environnement.

Après avoir félicité le rapporteur pour avis, pour le travail de synthèse établi tant sur le plan du droit constitutionnel que sur celui des connaissances scientifiques, M. Joseph Kergueris s'est interrogé en premier lieu sur les effets du projet de révision constitutionnelle en matière de contentieux. Faisant valoir qu'un certain nombre d'associations tenteraient d'utiliser les dispositions du texte afin de retarder ou empêcher la réalisation de certains projets, il a exprimé ses craintes quant à la création d'une jurisprudence défavorable aux initiatives économiques. En outre, il a jugé que les dispositions ainsi prises risquaient de porter atteinte à l'attractivité économique de la France, du fait d'un durcissement, en matière d'environnement, bien que selon le ministère de l'Ecologie et du développement durable, celle-ci n'est pas productrice de délocalisations.

M. René Monory a tenu à rassurer les commissaires sur l'absence de laxisme dans le domaine du nucléaire ainsi qu'il l'avait personnellement constaté à deux reprises, notamment lors de la création des centres de production nucléaire de Civeaux réalisée avec l'aide de M. le ministre Pierre Mauroy, ainsi qu'à l'occasion de la vente de quatre centrales à la Chine.

Leur répondant, reprenant la distinction à établir entre principe de précaution et principe de prévention, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a opposé la nature du risque en cause, potentiel dans le premier cas, avéré dans le second. Il a indiqué que les juridictions compétentes en matière de responsabilité seraient celles de l'ordre administratif, s'agissant de l'application de l'article 5 de la Charte et il a considéré que l'articulation et le contenu des considérants permettait de confirmer la primauté de l'homme en matière environnementale, répondant ainsi aux inquiétudes de M. Bailly.

Il a souligné qu'il appartenait à chaque pays de fixer son niveau d'exigence en matière de protection de l'environnement et qu'en conséquence la recherche scientifique française devait être renforcée afin de favoriser l'innovation technologique et éviter de trop grandes distorsions de concurrence, notamment face aux Etats-Unis, qui non seulement combleront prochainement leur retard en matière de sécurité environnementale, mais imposeront également des normes supérieures, que la France ne pourra éventuellement pas satisfaire. Il a considéré que le législateur pouvait d'ores et déjà préciser l'application de l'article 5 sans qu'il soit besoin d'inscrire « dans des conditions définies dans la loi », et jugé cette intervention hautement souhaitable

Mme Evelyne Didier regrettant le faible nombre d'auditions organisées en commission sur un sujet aussi important, s'est interrogée sur la mise en oeuvre du principe de précaution, dans des cas où l'environnement causerait des dommages à la santé. Ayant rappelé que les contentieux et les dérives existaient déjà indépendamment de la Charte, elle a souligné le recadrage du dispositif de mise en oeuvre du principe de précaution par le projet de loi et la qualité du travail des scientifiques. Ayant conclu à la nécessité de légiférer à la suite de la constitutionnalisation de la Charte, elle a interrogé M. Jean Bizet, rapporteur, sur les intentions du gouvernement.

M. Bruno Sido , a fait part de son inquiétude sur le manque de précision du projet de révision constitutionnelle quant à la distinction à établir entre le champ d'application du principe de précaution et celui de la prévention, puis son souhait de voir le gouvernement se saisir de cette question. Il a ensuite souligné qu'en tout état de cause, et plutôt en dépit qu'à cause de la constitutionnalisation du principe de précaution, les contentieux résultant de la mise en oeuvre de ce principe se poursuivront et constitueront autant d'obstacles aux initiatives locales en matière de développement économique. Il a enfin souligné les risques de voir ce principe servir de fondement à des incriminations pénales par les juges à l'encontre des élus locaux, en dépit des arguments invoqués par les juristes.

Puis, M. Jean-Paul Emin , se déclarant proche du parcours intellectuel réalisé par le rapporteur pour avis, s'est interrogé néanmoins sur la cohérence générale de l'application des différentes règles environnementales par différentes entités telles que la direction régionale de l'environnement (DIREN) ou la direction régionale de l'industrie de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Il a alors proposé qu'une réflexion s'ouvre à l'occasion de l'examen du projet de loi, sur une nouvelle organisation, verticale et non transversale des services techniques de l'Etat sous l'autorité déconcentrée des préfets, afin de garantir cette cohérence et faciliter l'action économique des collectivités territoriales.

M. François Gerbaud , relevant « l'étrange PACS entre la sémantique et l'environnement » mêlant « prévention précautionneuse et précaution préventive », a d'abord insisté sur les difficultés d'application du projet de loi et les risques d'entrave à l'action des collectivités locales qu'il induisait. S'agissant de la mise en oeuvre du principe de précaution, il a conclu en citant M. de Talleyrand, que l'« on ne va jamais aussi loin que lorsque l'on ne sait pas où l'on va.»

M. André Trillard , observant que les questions environnementales ont été dans le passé soit abordées dans une démarche de qualité, soit au contraire à travers le prisme des peurs qui placent les individus dans un refus du progrès, s'est déclaré préoccupé de la manière dont le principe de précaution était défini par l'article 5 de la Charte, jugeant que sa formulation se fondait sur le refus de prise de risque, ce qui risquait d'entraîner un arrêt de la recherche et donc du progrès.

Soulignant les légitimes inquiétudes des élus locaux quant à l'application de l'article 5 de la Charte, d'autre part, M. Gérard César , a proposé qu'une définition claire des principes de précaution et prévention soit introduite dans le projet de révision constitutionnelle, afin d'éviter qu'ils ne soient pas attraits devant les juridictions de manière abusive.

M. Jean Boyer s'est déclaré choqué par l'introduction, à l'article 2 de la Charte, de l'obligation incombant à tout citoyen s'agissant de la préservation et de l'amélioration de l'environnement.

M. Max Marest , étant convenu de la nécessaire concision d'une loi constitutionnelle a néanmoins souhaité que le législateur intervienne afin d'encadrer ce dispositif.

Lui répondant, M. Jean Bizet , rapporteur pour avis, a relevé que l'article 5 de la Charte exigeait, pour la mise en oeuvre du principe de précaution, l'hypothèse d'un dommage grave et irréversible à l'environnement, et que l'exigence des précautions à prendre s'agissant du domaine de la santé résultait tant de la jurisprudence communautaire que nationale. Il a considéré que l'encadrement normatif opéré par l'article 5 complété par des textes législatifs ultérieurs était de nature à rassurer les chefs d'entreprise, même si toutes les difficultés d'interprétation n'étaient pas résolues pour autant. L'article 5 de la Charte traduit désormais une opération d'action anticipatrice pour passer à la réalisation d'un dommage.

Il a également fait valoir que les associations de protection de l'environnement étaient globalement satisfaites de l'avancée constituée par la constitutionnalisation des principes de préservation de l'environnement.

Il a précisé que l'article 7 de la Charte de l'environnement transposait la convention d'Aarhus sur l'information et la participation dans le domaine de l'environnement, mais que la prise en compte de la démocratie participative ne devait pas aboutir à la remise en cause du pouvoir décisionnel reconnu aux élus locaux.

S'agissant de la plus grande cohérence souhaitée pour l'application de la réglementation relative à l'environnement par l'administration déconcentrée, il a considéré inopportune l'éventuelle fusion envisagée entre les DRIRE et les DIREN.

M. Jean-Paul Emorine , après s'être félicité de la qualité des interventions des commissaires, a déclaré, s'agissant de l'article 5 de la Charte, partager le souhait exprimé par la majorité d'entre eux sur la nécessité d'une loi pour préciser un texte de valeur constitutionnelle nécessairement concis par nature.

Après les explications de vote exposées par MM. Gérard Bailly , Daniel Raoul et Philippe Arnaud , la commission des Affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle sans modification, les groupes communiste et centriste s'abstenant, le groupe socialiste votant contre.

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