II. LES ORGANISMES DE L'AUDIOVISUEL

(en millions d'euros)

 

Total (HT)
PLF 2004

Total (HT)
PLF 2005

n/n-1
%

INA

68,8

72,74

5,72

Arte France

193,45

197,98

2,34

Radio France

469,1

481,97

2,74

France Télévisions y compris RFO

1 741,38

1 781,08

2,3

Total

2472,73

2 533,77

3,4

A. L'INA : UNE MOBILISATION NÉCESSAIRE POUR LA SAUVEGARDE DES ARCHIVES AUDIOVISUELLES

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, l'INA verra sa dotation augmenter de 5,73 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004 , soit la plus forte progression des dotations des organismes du secteur audiovisuel public. Cette hausse de 3,94 millions d'euros de la ressource publique allouée à l'Institut sera affectée à l'accélération du plan de sauvegarde et de numérisation.

ÉVOLUTION DE LA PART DE REDEVANCE ATTRIBUÉE A L'INA

(en millions d'euros)

 

2001

2002

2003

2004

2005

Dotation de redevance INA

63,3

68,2

68,2

68,8

72,7

Montant total de la redevance

2 339

2 418,9

2 468

2 525,7

2 587,5

Part de la redevance attribuée à l'INA

3,71 %

2,82 %

2,76 %

2,72 %

2,81 %

Votre rapporteur constate avec soulagement que l'accélération du plan de sauvegarde et de numérisation, visant à permettre la numérisation à l'horizon 2015 de l'intégralité des fonds audiovisuels, fait désormais partie, comme l'avait instamment demandé votre commission, des priorités du budget de l'audiovisuel public pour 2005.

Afin de sensibiliser le public à un sujet essentiel pour la préservation de notre « mémoire » audiovisuelle, votre rapporteur a souhaité présenter en détail les enjeux et les risques liés à l'opération de numérisation des fonds radio et télévision entreprise par l'INA depuis 1999.

1. Un fonds patrimonial considérable menacé de disparition

Le patrimoine audiovisuel de l'Ina a deux origines différentes :

- les fonds télévision et radio provenant des chaînes publiques, auxquels il faut rajouter un fonds d'actualités cinématographiques ;

- les fonds en provenance du dépôt légal.

Les profils de ces deux fonds en termes de conservation sont très différents.

En effet, alors que les fonds du dépôt légal recueillis depuis 1995 en format bêta SP ou sous fichiers numériques MPEG sont reportés sur des disques optiques ou sur des supports magnétiques informatiques et ne connaissent par conséquent aucun problème particulier, il n'en va pas de même pour les archives. Datant des années 40 (archives des radios publiques et des Actualités Françaises) et 50 (archives de la télévision publique) celles-ci sont aujourd'hui menacées de disparition, une véritable course contre la montre devant être engagée pour préserver ce patrimoine radio et télévision parmi les plus anciens et les plus riches au monde.

a) Des menaces différentes selon les supports

La nature des menaces varie selon les supports. Les films et les bandes-sons fixés sur des supports en acétate de cellulose sont victimes d'une réaction chimique appelée « syndrome du vinaigre » ; la dégradation physique ou mécanique touche les disques radio, les films et les bandes magnétiques radio (détérioration des collures de montage).

A ces causes s'ajoutent l'obsolescence des formats et des machines de lecture des bandes vidéo 2 pouces, 1 pouce C et des cassettes vidéo 3/4 pouce mais aussi la vulnérabilité des émissions enregistrées sur un support unique : 90 % pour la radio et 60 % pour la télévision.

b) Une durée de vie limitée

La durée de vie des supports, estimée à 6 ans pour les supports vidéo et de 12 à 15 ans pour les supports films et radio, dépend de plusieurs paramètres :

- le niveau de dégradation constaté ;

- la durée prévisible de maintenance des machines permettant de relire les supports anciens, qui est liée à la possibilité de trouver des pièces de rechange comme les têtes de lecture des magnétoscopes ;

- les conditions de stockage : une température basse permet de freiner les processus de dégradation chimique. A ce titre, l'INA s'est doté de deux nouvelles unités de stockage, climatisées à 12°C, pour abriter les originaux film et les bandes radio.

Le problème est d'autant plus préoccupant que les volumes en jeu sont élevés : un audit conduit fin 2002 par le Bureau Veritas Consulting a précisé les volumes d'heures menacées et évalué les coûts de traitement.

Sur un total de fonds patrimoniaux professionnels de l'ordre de 1 200 000 heures, 830 000 heures sont menacées à des titres divers (dégradation du support, obsolescence des équipements de lecture...).

VOLUMÉTRIE DES FONDS INA AU 31/12 2003

 

Total des heures conservées 18 ( * )

dont heures conservées au Dépôt légal

dont heures conservées aux Archives

dont heures menacées

dont heures déjà traitées par le PSN 19 ( * )

Heures restant à traiter

Télévision

900 000

497 000

575 000

335 000

88 000

247 000

Radio

1 100 000

651 000

600 000

500 000

39 000

461 000

Total

2 000 000

1 148 000

1 175 000

835 000

127 000

708 000

c) Un enjeu patrimonial pour la France

La valeur des contenus menacés est considérable. En effet, les archives de la radio et de la télévision conservent la mémoire sonore et visuelle de notre histoire depuis plus de 60 ans : c'est un patrimoine national au même titre que le patrimoine bibliographique ou cinématographique.

Par ailleurs, certains de ces documents sont uniques. La disparition du fonds de presse filmée de la période de l'occupation, des documents retraçant la vie politique, sociale et culturelle française jusqu'au début des années 80, des entretiens radio des années 50 avec les personnalités du monde littéraire priverait par conséquent les diffuseurs, les producteurs, les créateurs et les éditeurs mais également les chercheurs, les organisateurs de manifestations culturelles voire les éditeurs de contenus éducatifs d'une source d'images et de sons irremplaçable.

d) Un enjeu culturel et commercial pour l'INA

Votre rapporteur tient à souligner que la numérisation des documents, par delà son aspect patrimonial, est également un véritable enjeu culturel et commercial pour l'INA. Ce processus permet en effet :

- d'offrir un service de qualité aux usagers que sont les journalistes, les producteurs et les diffuseurs et d'écourter les délais de livraison ;

- d'améliorer le confort de visionnage des documents et de rendre les tarifs pratiqués plus compétitifs :

- de toucher de nouveaux publics (communautés scientifique, culturelle et éducative) et de faire « vivre » ce patrimoine audiovisuel ;

- de réduire les coûts de communication, l'accès aux documents numérisés pouvant être dorénavant largement automatisé ;

- d'approfondir la connaissance des contenus en permettant de redécouvrir des documents uniques dorénavant accessibles en ligne.

2. Le plan de sauvegarde et de numérisation

Pour relever le défi lié à la dégradation des archives, l'INA a lancé, dans le cadre du premier contrat d'objectifs et de moyens signé avec l'Etat, un Plan de sauvegarde et de numérisation. Au total, entre 1999 et 2003, l'INA a consacré 28,4 millions d'euros à la sauvegarde des fonds sans aide spécifique de l'Etat et traité 125 000 heures sur les 830 000 heures menacées.

a) 70 millions d'euros à mobiliser entre 2004 et 2015

Les coûts de traitement qui restent à financer sont estimés à 111 millions d'euros auxquels s'ajoutent les compléments indispensables à la mise en oeuvre du plan (travaux de vérification et de contrôle des supports, équipe de pilotage, consommables divers) et à la conservation des supports sauvegardés (construction d'unités de stockage en environnement contrôlé). Les dirigeants de l'INA ont indiqué à votre rapporteur qu'au total, 147 millions d'euros devaient être mobilisés sur 12 ans (2004-2015) pour sauver l'intégralité des fonds. L'INA étant en mesure de prendre à sa charge plus de la moitié de cette somme , 70 millions d'euros supplémentaires doivent être trouvés.

Le graphique ci-après permet de visualiser, année par année, l'échelonnement des travaux et des financements, pour la part assurée par l'INA et pour les compléments nécessaires.

b) Le Plan de sauvegarde : une priorité pour le deuxième contrat d'objectifs et de moyens

Votre rapporteur estime que la sauvegarde des archives menacées doit être la principale priorité du deuxième contrat d'objectifs et de moyens (2005-2009) en cours de négociation entre l'INA et l'Etat.

Comme l'ont souligné les dirigeants de l'INA lors de leur audition par votre rapporteur, « les contraintes de calendrier mises en évidence par l'expertise menée par le Bureau Veritas impliquent un ordonnancement précis des travaux, à défaut de quoi toute heure non traitée dans la période 2004-2009 sera irrémédiablement sacrifiée.

Certains supports, parmi les plus importants en volume (supports films « vinaigrés » de niveau 2 et 3, supports vidéo 2 pouces, 1 pouce et ¾ de pouce), doivent impérativement être sauvegardés avant 2009, du fait de leur dégradation physique et de l'obsolescence des moyens de lecture. Le traitement de ces supports, qui représentent près de 30 % des fonds, ne peut être retardé.

Il est indispensable de mener, sur la période 2003-2008, en parallèle aux travaux de sauvegarde, des actions conservatoires destinées à freiner la dégradation des supports et à garantir la faisabilité des traitements ultérieurs (transfert sur CD des bandes son de supports film). Ces travaux préventifs, en outre, permettront d'éviter un alourdissement important des coûts de traitement ultérieurs.

Les chantiers d'inventaires complémentaires et les campagnes de mesure de dégradation s'inscrivent nécessairement dans un calendrier court (2003-2007), pour achever la cartographie complète des fonds. »

c) Quelle participation pour l'Etat ?

L'urgence de la situation implique la mobilisation de moyens financiers exceptionnels. D'après les dirigeants de l'INA, sur la période du deuxième contrat d'objectifs et de moyens (2005-2009), les besoins nécessaires à la sauvegarde de la totalité des fonds s'élèvent à près de 75 millions d'euros dont 35,4 peuvent être pris en charge par l'Institut.

Votre rapporteur estime qu'il appartient à l'Etat d'assurer le financement des 39,5 millions restants : la sauvegarde de l'intégralité des archives doit être considérée par les pouvoirs publics comme un chantier prioritaire et, à ce titre, devrait être intégralement financée sur fonds publics. Au total, 7,9 millions d'euros doivent donc être inscrits chaque année en projet de loi de finances entre 2005 et 2009.

Or au regard de la situation budgétaire actuelle, cet objectif paraît extrêmement ambitieux : pour l'année 2005, l'INA ne bénéficiera que de la moitié du montant théoriquement nécessaire à la bonne fin du Plan. Certains objecteront que la sauvegarde de l'intégralité du fonds n'est pas indispensable et par conséquent, que les coûts avancés par l'INA sont largement surestimés. Votre rapporteur rappellera à cet égard que choisir de ne sauvegarder qu'une partie des fonds ne permettrait aucune économie. En effet, à moins de numériser les archives « au fil de l'eau », le travail de sélection, forcément subjectif, se révélera extrêmement coûteux pour l'entreprise, l'intégralité des documents devant faire l'objet d'une écoute ou d'un visionnage préalable.

Dans ces conditions, votre rapporteur estime que la recherche de sources de financement alternatives doit d'ores et déjà être envisagée : il propose ainsi la création d'une association ou d'une fondation des amis de l'INA destinée à rassembler des fonds privés susceptibles de financer une partie des travaux de numérisation.

* 18 Total des heures consolidées après neutralisation des heures détenues en commun par les Archives professionnelles et le dépôt légal.

* 19 Plan de sauvegarde et de numérisation.

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