PREMIÈRE PARTIE : LE CINÉMA

I. LA SITUATION DE L'INDUSTRIE DU CINÉMA

A. L'EXPLOITATION EN SALLES : UN SECTEUR EN ÉVOLUTION

1. L'évolution « en dents de scie », mais tendanciellement en hausse, de la fréquentation cinématographique

a) Une baisse de 5,4 % en 2003

Avec 174,15 millions de billets vendus en 2003, les entrées en salles ont baissé de 5,4 % par rapport à 2002. Ainsi, 59 % des Français âgés de six ans et plus sont allés au cinéma au moins une fois dans l'année. En raison d'une hausse de 16 centimes du prix moyen de la place, les recettes accusent un recul limité de 2,7 %.

Outre le facteur prix, le recul de la fréquentation peut s'expliquer par la conjugaison de plusieurs phénomènes :

- l'offre de films est toujours déterminante du niveau de fréquentation ; or, en 2003, seuls 16 films dépassent les deux millions d'entrées (contre 19 en 2002), dont 4 réalisent plus de 4 millions d'entrées (7 en 2002) ;

- la croissance du parc de salles, bien que continue, connaît un ralentissement depuis quelques années (+ 4,7 % en 1999, + 0,6 % en 2003) ;

- le succès du DVD, conjugué à la réduction du délai vidéo à six mois après la sortie des films en salles, pourrait également favoriser une légère désaffection des salles ;

- enfin, la piraterie des films, liée au téléchargement gratuit et illégal sur Internet, a une incidence particulièrement néfaste, bien que difficile à mesurer sur la fréquentation. Votre rapporteur développera ce point plus loin.

b) Mais une forte hausse depuis douze ans

Ce recul s'inscrit dans une tendance observée depuis 2002. Il convient cependant de le nuancer en raison, d'une part, du net redressement observé depuis 1992 (le point le plus bas avait alors été enregistré avec 115,99 millions d'entrées) avec une hausse de 27,4 % depuis 1996 et, d'autre part, des chiffres très encourageants relevés depuis le début de l'année 2004.

Ainsi, selon les données fournies par le Centre national de la cinématographie (CNC), de janvier à octobre 2004 , les entrées dans les salles s'élèveraient à 160 millions d'entrées, soit 18,4 % de plus que sur la même période en 2003. D'octobre 2003 à octobre 2004, la progression de la fréquentation est estimée à + 15,3 %, pour atteindre 199,05 millions d'entrées.

Cette évolution n'est pas sans lien avec la modernisation du parc de salles depuis une dizaine d'années.

2. La modernisation du parc de salles

En 2003, 5 295 salles, regroupées dans 2 128 établissements, sont actives, c'est-à-dire qu'elles ont effectué, au cours de l'année écoulée, au moins une projection.

a) La poursuite de l'expansion du parc de multiplexes

• Ce solde résulte de la fermeture, provisoire ou définitive, de 134 salles et de l'ouverture ou réouverture de 167 salles. Malgré un net ralentissement du rythme des ouvertures depuis 2002, le nombre de salles ouvertes dans l'année demeure élevé, grâce à la poursuite de l'expansion du parc de multiplexes. Leur implantation est cependant également à l'origine d'une part significative des fermetures de salles. En effet, dans certaines communes, les exploitants à l'initiative des multiplexes procèdent à des transferts d'activité et ferment des établissements existants lors de l'ouverture de nouvelles salles.

On compte 33 écrans de plus qu'en 2002, mais 22 cinémas de moins.

61 cinémas ont, en effet, provisoirement ou définitivement fermé alors que 39 ont ouvert ou réouvert. La contradiction apparente entre la croissance du nombre de salles et la baisse du nombre d'établissements est liée au fait que les fermetures touchent majoritairement des établissements de petite taille, tandis que les ouvertures concernent surtout des multiplexes.

La réduction du nombre d'établissements comparée à l'augmentation de leur capacité d'accueil confirme le mouvement de concentration amorcé depuis 2000.

On compte aujourd'hui 118 multiplexes, dont 13 ouverts en 2003 (avec 127 des 167 écrans nouvellement créés). S'ils ne représentent que 5,5 % des établissements, ils regroupent néanmoins plus de 26 % des écrans et des fauteuils et ils réalisent 45,3 % des entrées.

• En 2003, 73 % des multiplexes sont implantés dans une unité urbaine de plus de 50 000 habitants. Cependant, les nouvelles implantations de multiplexes interviennent de plus en plus souvent dans des unités urbaines de taille plus modeste.

On constate, en outre, une reprise des investissements portant sur les salles de cinéma des villes petites et moyennes qui relèvent de la procédure d'aide sélective à l'exploitation gérée par le CNC. Cette aide a pour vocation d'aider les exploitants à créer et à moderniser les salles de cinéma.

Toutefois, ainsi que l'a souligné le rapport d'information de votre commission sur l'évolution du secteur de l'exploitation cinématographique 1 ( * ) , si l'équipement de la France urbaine est dense et bien réparti, la France rurale est encore sous-équipée.

Le CNC relativise ce problème. Selon lui, si le nombre de salles est en effet naturellement plus fort dans les départements très urbanisés, le nombre de fauteuils pour 100 habitants est toutefois à peu près équivalent sur l'ensemble du territoire. Il estime qu'à l'inverse des autres pays européens, les salles ne sont pas absentes des petites agglomérations et des communes rurales françaises.

• Le secteur de l'exploitation est relativement peu concentré, dans la mesure où les dix premières entreprises en termes de recettes exploitent 36,9 % de l'ensemble des écrans actifs.

Il en est de même pour l'activité de programmation des salles : les huit groupements et ententes nationaux programment 34,6 % de l'ensemble des salles.

b) Une évolution de la procédure d'autorisations des multiplexes

La loi du 5 juillet 1996 a instauré une procédure d'autorisation des multiplexes, inspirée de celle existant en matière d'urbanisme commercial, afin de maîtriser les conditions d'implantation de ces nouvelles salles de cinéma.

Cette loi a été modifiée à plusieurs reprises afin d'être adaptée aux spécificités du secteur culturel et notamment d'abaisser le seuil à partir duquel la création ou l'extension d'un équipement cinématographique est soumise à autorisation.

Ce seuil a ainsi été ramené de 1 500 à 1 000 places en 1998, puis à 800 en 2001, avant de passer à 300 places en application de l'article 71 de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

Il s'agit de permettre aux autorités locales de peser sur des opérations d'aménagement qui, jusqu'à présent, leur échappaient, alors même qu'elles sont essentielles au plan économique, social, culturel et urbanistique. L'objectif est également d'éviter que certains opérateurs ne puissent contourner la loi en construisant de nouveaux équipements offrant des capacités à peine inférieures aux seuils d'autorisation requis.

Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, 6 des 28 demandes soumises à l'examen des commissions départementales ont porté sur des projets offrant des capacités comprises entre 300 et 800 places. Elles relèvent toutes d'exploitants indépendants. A cet égard, le ministre a adressé aux préfets et aux directeurs régionaux des affaires culturelles, le 18 décembre 2003, une circulaire recommandant d'appréhender -pour les projets de petite taille- les éventuelles difficultés que pourraient rencontrer les exploitants concernés à assumer les coûts d'étude nécessaires à la réalisation de leur dossier de demande, déposé pour instruction en préfecture.

c) La situation des salles « indépendantes » et d'art et d'essai

L'implantation des multiplexes continue toutefois de susciter quelques inquiétudes et de soulever des interrogations quant au maintien d'un parc de salles diversifié, en particulier dans les centres-villes où celles-ci préservent une animation culturelle ainsi que l'accès du public à un large éventail de films. Ces préoccupations concernent tout particulièrement la diffusion des films du répertoire d'art et d'essai ou ceux plus « fragiles ».

Face à cette évolution, des moyens financiers ont été mis en oeuvre pour soutenir l'exploitation d'art et d'essai et les salles « indépendantes », par l'intermédiaire du compte de soutien à l'industrie cinématographique géré par le CNC.

En 1998, une réforme a permis de rééquilibrer l'attribution du montant des aides, au profit essentiellement des exploitants indépendants ; en outre, un rééquilibrage du taux de calcul du soutien financier, entré en vigueur en janvier 2004, a permis d'affiner son effet redistributif envers les exploitants indépendants de taille moyenne, car les modalités de calcul était pénalisantes pour eux.

3. L'impact éventuel des formules d'abonnement à entrées multiples

Les formules d'accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples concernent 97 établissements, représentant 4,6 % des établissements implantés en France et 15 % des écrans. 57 % des écrans concernés sont situés en Ile-de-France.

D'après une étude réalisée en 2001 par le CNC, les entrées réalisées à partir de ces nouvelles formules d'abonnement illimité bénéficient notamment aux films nouvellement à l'affiche et les films à faible potentiel commercial réalisent, par ce biais, une part importante de leurs entrées de la première semaine. Ces entrées contribueraient donc à la performance des films au potentiel commercial modeste.

Votre rapporteur s'étonne néanmoins que, pour les années 2002 et 2003, les réseaux éditeurs de telles cartes n'aient fourni au CNC aucune donnée commerciale relative au nombre de possesseurs de cartes et à leur fréquence moyenne d'utilisation. Ce dernier n'est donc pas en mesure d'apprécier la part des entrées générées par ces formules d'abonnement au sein de la fréquentation totale et leur poids au niveau de chacune des agglomérations concernées par ce phénomène, lequel est cependant essentiellement francilien ainsi qu'il vient d'être souligné.

Des recours ont été introduits devant le Conseil de la concurrence contre ces pratiques . Le Conseil s'est prononcé sur le fond par décision n° 04-D-10 du 1 er avril 2004 : il a prononcé un non-lieu à poursuivre la procédure. Il a, en effet, considéré que les pratiques anti-concurrentielles dénoncées par les plaignants n'étaient pas établies. Il a, en particulier, estimé qu'aucun effet d'éviction n'avait été constaté sur le marché, « le dispositif d'abonnement ayant en partie créé sa propre demande à travers une augmentation de la fréquentation globale des titulaires des cartes » . Il a également considéré que les pratiques de prix prédateurs ou de prix abusivement bas n'étaient pas établies et qu'il n'y avait donc pas lieu d'examiner si la société incriminée se trouvait en position dominante sur le marché.

4. La stabilisation à la baisse de la part de marché du cinéma français

Les films français enregistrent 61 millions d'entrées en 2003, soit 5,6 % de moins qu'en 2002. A 35 %, la part de marché se maintient ainsi au même niveau que l'année précédente. Le nombre d'entrées réalisé par l'ensemble des films d'outre-Atlantique atteint 92 millions, soit 0,4 % de plus qu'en 2002. Il en résulte une part de marché de 52,9 % en progression de 3,1 points. Les deux derniers volets du « Seigneur des anneaux », films néo-zélandais, permettent aux cinématographies non européennes et non américaines d'atteindre un niveau d'entrées record et de totaliser plus de 12,7 millions d'entrées.

Les films européens ne captent que 4,8 % des entrées en 2003, contre 8,4 % en 2002. Ils accusent donc une baisse de près de 46 % du nombre des entrées. Avec près de 5 millions d'entrées, le cinéma britannique demeure le cinéma européen le mieux représenté sur notre territoire.

D'après l'Observatoire de la diffusion et de la fréquentation cinématographique, la chute de fréquentation observée en 2003 ne porte que sur les films français et autres films européens, ceci malgré la hausse importante du nombre de films français.

Les perspectives pour 2004 s'avèrent préoccupantes , dans la mesure où, sur les 12 derniers mois, la part de marché des films français est estimée à seulement 32,5 % et celle des films américains à 51,2 %.

* 1 Rapport d'information au nom de la commission des affaires culturelles : « Exploitation cinématographique : le spectacle est-il encore dans la salle ? » (n° 308, 2002-2003) - Président : M. Marcel Vidal - Rapporteurs : MM. Michel Thiollière et Jack Ralite.

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