C. LA PÉNURIE DE FONCIER DISPONIBLE POUR LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS

L'existence de terrains à bâtir disponible constitue bien évidemment l'une des conditions premières de la bonne réussite de l'exécution du programme de relance de la construction locative sociale prévu par le plan de cohésion sociale. De l'avis unanime des élus locaux et des acteurs du secteur du logement, notre pays est, depuis plus de deux ans, confronté à une pénurie de foncier disponible, qui a eu pour conséquence de faire monter le prix des terrains à bâtir, parfois dans des proportions tout à fait inquiétantes (+60 % d'augmentation du prix moyen d'un terrain à bâtir dans la communauté urbaine de Strasbourg entre 1998 et 2001). Or, le prix de la charge foncière est un élément fondamental car il représente entre 20 et 30 % du coût global d'une construction.

Au surplus, cette tendance haussière n'est pas cantonnée aux seules agglomérations dont les marchés immobiliers sont tendus mais concerne toutes les régions . Au sein d'un mouvement généralisé de hausse des prix, cette évolution touche plus particulièrement, de l'avis de certains observateurs et selon les rares données statistiques disponibles, les terrains à bâtir dans les espaces situés à la périphérie des agglomérations .

Cette hausse est en grande partie liée à l'augmentation généralisée de la demande immobilière, qui constitue la traduction de la crise du logement en France et des importants besoins d'habitat non satisfaits. Lors de la crise de l'immobilier et du foncier qui a touché la France au début des années 1990, on a assisté à une hausse des prix de l'immobilier qui tirait à la hausse les prix du foncier. Or, le processus actuel est strictement inverse aujourd'hui car ce sont désormais les coûts du foncier qui pèsent lourdement sur les prix de l'immobilier .

D'autres facteurs sont également venus renforcer cette tendance, comme les délais d'apprentissage liés aux nouvelles procédures d'urbanisme , définies notamment par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain : les acteurs locaux ont dû découvrir les nouvelles dispositions (plans locaux d'urbanisme, nouvelles règles relatives aux zones d'aménagement concertées) et apprendre à pratiquer ces nouvelles procédures. En outre, la multiplication des recours contentieux , souvent abusifs quand ils sont déposés par des associations s'opposant systématiquement à tout nouveau projet de construction quel qu'il soit, est venu freiner l'exécution des opérations.

Au surplus, comme le note Joseph Comby, directeur de l'association des études foncières (ADEF), il est impossible de dresser un tableau statistique, même sommaire, des principaux marchés fonciers 8 ( * ) . Ainsi, depuis deux ans, l'ensemble des acteurs des marchés immobiliers et les élus dénoncent une hausse des prix du foncier sans que des éléments chiffrés ne permettent d'étayer ce constat. En effet, la base de données des notaires n'est pas utilisable car elle ne mentionne pas la constructibilité des terrains et le service des Domaines n'autorise pas une exploitation suffisamment exhaustive des extraits d'actes de mutation.

Votre rapporteur pour avis, tout comme M. Bernard Piras dans son rapport pour avis sur les crédits de l'urbanisme dans le projet de loi de finances pour 2005 et M. Dominique Braye dans son avis sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, déplore qu'il n'existe pas de systèmes d'observation de l'évolution des marchés fonciers, comme pour le marché de l'immobilier. Or, à l'évidence le Parlement, les élus locaux et les acteurs de ce secteur auraient besoin de disposer d'un tel outil, tant pour analyser les évolutions de ce marché que pour conduire leurs politiques foncières. Il s'interroge également sur les réticences du service des domaines à ouvrir plus largement l'accès à ses bases de données qui permettraient de constituer un tel dispositif d'observation.

En effet, une politique foncière a besoin d'être éclairée par la connaissance du fonctionnement et de l'évolution des marchés fonciers et doit pouvoir bénéficier d'un dispositif d'observation permanente se fondant sur des données objectives. La constitution d'un tel outil permettrait ainsi d'établir un premier diagnostic.

Dans un second temps, il revient aux responsables politiques de définir des solutions pour tenter d'enrayer ce phénomène. Tout d'abord, parce que la valeur d'un terrain dépend à la fois des droits attachés à ce terrain et de son environnement (existence des réseaux, implantations voisines etc...), la collectivité locale en est doublement responsable .

Cette dernière intervenant directement sur les grands équilibres des marchés fonciers, en particulier dans la mesure où le rythme de production des nouveaux terrains à bâtir, le niveau de l'offre de foncier disponible dépend ainsi largement d'elle. Il convient ainsi de favoriser la mise à disposition d'outils au service des collectivités locales pour favoriser un haut niveau de production foncière. Votre rapporteur pour avis estime qu'à ce titre les établissements publics fonciers d'Etat qui seront créés par le projet de loi de cohésion sociale pourront apporter une première réponse. En outre, votre rapporteur pour avis estime qu'une politique foncière ne peut avoir un impact positif sur l'équilibre des marchés fonciers que si elle se situe à l'échelle du bassin d'emploi et d'habitat, c'est à dire au niveau de l'agglomération, voire à une échelle plus large comme le département. Il convient donc de favoriser la constitution de politiques foncières menées au niveau intercommunal. L'Etat a également un rôle important à jouer puisqu'il est le premier propriétaire foncier en France . A titre d'exemple, la délégation à l'action foncière, créée en 2004, a entrepris un premier recensement des terrains en Île-de-France possédés par l'Etat terrains susceptibles d'être remis sur le marché. Cette analyse a ainsi permis de répertorier environ 300 hectares de terrains à bâtir.

Enfin, à titre personnel, votre rapporteur pour avis s'interroge sur la nécessité de mettre en place des dispositifs de nature fiscale, en modulant par exemple le système d'imposition des plus-values , afin d'enrayer la hausse des prix des terrains à bâtir pour le logement et de freiner la spéculation.

* 8 « Autant la connaissance que l'on a des marchés immobiliers a connu d'importants progrès depuis une douzaine d'années, autant les marchés fonciers sont, eux, devenus encore plus opaques et difficiles à décrire ». Jospeh Comby, « Que se passe-t-il sur les marchés fonciers ? » Etudes Foncières - n° 107, janvier-février 2004.

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