B. LES GISEMENTS RESTANT À DÉCOUVRIR

Parallèlement à ces évaluations sur les réserves contenues dans les gisements déjà découverts, d'autres estimations ont trait aux gisements et accumulations restant à découvrir. L'USGS est le seul organisme à réaliser ce genre d'études et à évaluer à l'échelle mondiale les réserves restant à découvrir. Il les estime à environ 140 milliards de tonnes pour le pétrole conventionnel , soit encore près de quarante années supplémentaires de consommation .

C. LES RESSOURCES QUI DEVIENNENT RENTABLES AVEC LA HAUSSE DES PRIX

A côté de ces gisements, il existe des ressources en hydrocarbures dites « non-conventionnelles », qui englobent des huiles denses et fortement visqueuses, qui nécessitent des techniques particulières de production et un raffinage plus poussé. Il s'agit du pétrole brut extra-lourd du Venezuela et des sables asphaltiques du Canada , qui représentent des ressources totales estimées à 4.000 milliards de barils (volume total). Leur exploitation a, sur certaines zones, déjà commencé et se réalise à des coûts compatibles avec un baril vendu à 25 dollars. Selon certaines estimations, près de 600 milliards de barils de pétrole pourraient, à terme, être récupérés , soit 15 % des ressources en place. Bien que les conditions d'exploitation de ces ressources ne soient pas aisées, elles constituent une ressource représentant près de vingt années de consommation au rythme actuel .

D. DES RÉSERVES QUI AUGMENTENT SOUS L'EFFET DES PROGRÈS TECHNIQUES ET DE LA HAUSSE DES PRIX

1. L'effet du progrès technique

Le développement de techniques plus performantes et moins coûteuses permet également la découverte et l'exploitation de nouveaux puits d'hydrocarbures . Le progrès technique permet de réduire les investissements nécessaires et rend possible l'exploitation de gisements se trouvant à de grandes profondeurs d'eau 33 ( * ) . Ces techniques ont notamment permis de découvrir d'importants gisements offshores (500 millions de barils) dans le Golfe de Guinée. En outre, les améliorations techniques permettent d'augmenter les quantités de brut récupérées. Comme le souligne Yves Mathieu, « BP a fait un calcul sur quarante gisements qu'il exploite en Mer du Nord. Les quantités de brut produites se sont révélées supérieures de 20% aux prévisions élaborées au moment de la mise en exploitation ». Or, l'amélioration du taux de récupération constitue un élément de nature à accroître sensiblement les réserves pétrolières mondiales. Comme le souligne Mme Nathalie Alazard-Toux, directeur de la direction des Etudes économiques de l'IFP « un point supplémentaire sur l'ensemble des gisements correspond à deux années de la production mondiale ».

2. La hausse des prix rend rentable l'exploitation de nouveaux gisements

Le dernier élément susceptible d'augmenter la durée d'exploitation des hydrocarbures est la hausse des prix . En effet, un baril de pétrole dont le prix est durablement supérieur à 25 ou 30 dollars rend économiquement rentables des ressources situées dans des accumulations déjà découvertes ou bien ouvre la voie à de nouvelles techniques. Les estimations de réserves prouvées et de réserves à découvrir reposent sur l'hypothèse d'un baril ne dépassant pas 20 dollars. Avec une hausse progressive des prix du baril, il est possible d'envisager une amélioration des taux de récupération des pétroles conventionnels, y compris au moyen de techniques plus coûteuses, d'exploiter les pétroles bruts non conventionnels ou de mettre au point des techniques nouvelles (conversion chimique du gaz naturel 34 ( * ) , techniques de liquéfaction du charbon ou d'exploitation des schistes bitumineux).

En conclusion, l'ensemble de ces données démontre que la fin de l'économie du pétrole n'est pas pour demain, puisque, selon une hypothèse optimiste et dans un contexte de renchérissement durable du prix du pétrole, les réserves offrent encore, au rythme actuel, la possibilité d'un siècle de consommation .

Toutefois, ces analyses ne doivent pas conduire pour autant les responsables publics à ne pas préparer l'économie de « l'après-pétrole ». D'une part, la consommation excessive actuelle des hydrocarbures pose bien entendu le problème du réchauffement climatique. D'autre part, les ressources pétrolières étant, par définition, finies, il sera nécessaire de développer de nouvelles sources de production énergétique en substitution du pétrole. Enfin, il est évident que la France est dépendante d'approvisionnements extérieurs en la matière, ce qui fragilise notre indépendance énergétique.

Il est donc indispensable de travailler dans toutes les disciplines pour améliorer, en amont, les connaissances sur l'ensemble du spectre des techniques énergétiques, pour limiter progressivement l'appel aux combustibles fossiles. Pour votre rapporteur pour avis, il est indispensable d'accélérer les recherches dans le domaine des technologies alternatives aux hydrocarbures , avec le développement de la pile à combustible et des véhicules hybrides ou celui des techniques de liquéfaction du gaz issu de la biomasse.

S'agissant des piles à combustibles, on estime aujourd'hui que le marché mondial potentiel de cette technologie pourrait atteindre 120 milliards d'euros , se décomposant en trois segments principaux : l'automobile (46 milliards d'euros), l'électronique portable (43 milliards d'euros) et les bâtiments industriels et individuels (30 milliards d'euros). Afin de fédérer les recherches en ce domaine, un réseau de recherche et d'innovation technologique « piles à combustibles » a été créé en juin 1999 par le ministre chargé de la recherche pour travailler, en partenariat avec le ministère de l'industrie, l'ADEME, les industriels, les laboratoires et les instituts de recherche concernés, à la réalisation d'une technologie commercialement viable. Dès sa création, le réseau a lancé un appel à propositions qui a donné lieu au dépôt de nombreux projets. A la fin du mois de juin 2004, 55 projets ont été labellisés dont 45 ont, à ce jour, obtenu un financement public, ce qui représente un montant de programme de 130 M€ pour 40 M€ d'aides.

Enfin, le dernier axe de cette diversification repose sur la promotion des biocarburants , conformément aux objectifs de la directive 2003/30 35 ( * ) qui fixe un objectif de 2 % d'ici fin 2005 et de 5,75 % fin 2010 pour la part des biocarburants et des autres carburants renouvelables, calculée sur la base de la teneur énergétique, dans la quantité totale d'essence et de gazole mise en vente sur le marché national à des fins de transport. Constatant que la France a encore des progrès à faire en matière de promotion des biocarburants 36 ( * ) , votre commission se félicite de la décision , annoncée par le Premier ministre en septembre dernier, d'autoriser la construction de quatre nouvelles usines de biocarburants, produisant chacune 200.000 tonnes par an . Votre rapporteur pour avis note, à ce propos, que ces constructions futures ne tiennent pas compte de l'implantation programmée d'une usine supplémentaire à Sète (société Diester-Industrie) qui aura une capacité de 160.000 tonnes d'EMVH (ester méthylique d'huile végétale).

Votre rapporteur pour avis juge qu'il n'est pas souhaitable que la France reste sous-développée en matière de biocarburants et juge que l'appareil de production, notamment dans le domaine automobile, doit également s'adapter. Il tient ainsi à préciser que les biocarburants sont massivement utilisés au Brésil 37 ( * ) , grâce au développement des véhicules dotés de moteurs « flex-fuel » , qui fonctionnent soit à l'essence, soit à l'éthanol, soit avec les deux types de carburants à la fois (en septembre 2004, 32 % des voitures vendues au Brésil utilisaient cette technologie). En outre, il convient de rappeler que le gouvernement brésilien a promu l'utilisation des biocarburants au moyen d'une obligation d'incorporation directe dans les carburants, à hauteur de 25 % , sans commune mesure avec celle qui est envisagée en Europe à l'horizon 2010.

Votre rapporteur pour avis compte demander au Gouvernement si un développement massif de ce type de moteurs est envisageable en France et en Europe et s'il est possible de l'encourager grâce à des transferts de technologie et à des incitations réglementaires et fiscales.

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* *

Réunie le mercredi 24 novembre 2004, la commission des affaires économiques a, contrairement à la proposition de son rapporteur pour avis, émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 .

* 33 Or, le pétrole marin représente un quart des réserves prouvées actuelles et un tiers de la production pétrolière.

* 34 S'agissant de la conversion chimique du gaz, plusieurs projets d'usine sont en cours d'étude dans des pays producteurs de gaz, notamment au Qatar.

* 35 Directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports.

* 36 En 2003, l'incorporation de composés oxygénés agricoles dans l'essence et le gazole consommés en France représentait en moyenne 0,6 %, en volume brut, pour la part biomasse d'ETBE dans les essences et 1 % en volume d'EMHV dans le gazole.

* 37 Voir Libération du 15 novembre 2004 : « Le Brésil, terre d'accueil pour la voiture biocombustible ».

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