EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 24 novembre 2004, la commission des affaires économiques a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Roland Courteau sur les crédits consacrés à l'énergie inscrit au projet de loi de finances pour 2005.

Après cette présentation, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que le programme électro-nucléaire français avait été lancé dans les années 1970 et que cette décision avait permis de renforcer l'indépendance énergétique française. Il a jugé, à ce titre, que le lancement du réacteur EPR était de nature à renforcer cette orientation.

Après avoir félicité le rapporteur pour la qualité de sa présentation, M. Marcel Deneux a indiqué que les choix énergétiques conditionnaient le développement de nos sociétés pendant plusieurs décennies. Il a toutefois estimé que l'essor économique de certains pays, comme la Chine, n'impliquait pas nécessairement une croissance de la consommation pétrolière et qu'il était indispensable de parvenir à de nouveaux équilibres énergétiques, à l'image de la France qui avait réduit sa dépendance au pétrole. Évoquant la directive européenne relative à la promotion des énergies renouvelables, il a souligné que l'un des problèmes posés par ce texte concernait la non-intégration des biocarburants dans l'objectif des 21 %, et que, pour atteindre ce dernier, il serait nécessaire de faire des efforts importants, l'hydraulique et l'éolien n'offrant pas de marges de développement suffisantes. Après avoir indiqué que les tarifs de rachat de l'électricité d'origine éolienne étaient vraisemblablement surévalués, il a soulevé l'insuffisance des interconnexions électriques entre les différents pays européens.

Constatant les limites du ferroutage et la perspective lointaine de la mise en service du canal Seine-Nord, M. Marcel Deneux a jugé que l'analyse présentée par le rapporteur pour avis sur la primauté donnée aux transports terrestres pêchait par manque de propositions alternatives. Il a ainsi estimé indispensable de tirer profit des potentialités offertes dans notre pays par la biomasse et par le bois-énergie, soulignant que la France était en retard sur ce point. Il s'est enfin interrogé sur les perspectives d'entrée en bourse des sociétés anonymes EDF et GDF.

M. Charles Revet s'est interrogé sur les évaluations des réserves pétrolières mondiales présentées par le rapporteur pour avis, soulignant que, selon certains spécialistes, ces réserves s'établissaient à un maximum de 60 années de consommation. Il a ensuite appuyé les propos de M. Roland Courteau sur la nécessité de développer en France le marché des voitures fonctionnant à l'éthanol. Soulignant que la France disposait d'un potentiel de production considérable en matière de biocarburants, dont le développement contribuerait fortement à l'aménagement du territoire, il a relevé les réticences émises par les compagnies pétrolières à l'introduction massive de cette source d'énergie en France, tout en rappelant qu'il était indispensable que les pouvoirs publics donnent une impulsion forte en faveur de la promotion des carburants renouvelables. Il s'est enfin réjoui de la construction prévue du réacteur EPR qui permettra de redonner un élan au programme électronucléaire français.

M. Marcel Deneux a attiré l'attention de la commission sur le fait que l'introduction massive des véhicules « flex-fuel » posait des problèmes techniques et que les moteurs étaient actuellement conçus selon des procédés rendant impossible tout transfert technologique.

Après avoir félicité le rapporteur pour avis pour la qualité de son exposé, M. Henri Revol a rendu compte des travaux de la commission présidée par M. Marcel Roulet, chargé d'examiner les perspectives industrielles et financières de l'entreprise EDF. Rappelant qu'il avait remplacé dans cette commission M. Ladislas Poniatowski, il s'est ému du fait que, sur les cinq parlementaires désignés pour siéger dans cette commission, seul, un sénateur ait été retenu. Il a ensuite indiqué que la commission avait constaté la dégradation de la rentabilité de l'entreprise depuis dix ans, son endettement important, mais également la bonne tenue de sa trésorerie, et qu'avaient été envisagés les problèmes liés au financement des retraites des agents d'EDF et aux prises de participation de l'opérateur historique dans des électriciens étrangers, notamment en Amérique latine.

Il a ensuite observé que la commission avait envisagé deux scénarios de développement, le premier dit de repli sur la France, impliquant l'abandon des participations de l'entreprise dans les sociétés étrangères et le second, retenu par la majorité des membres de la commission, visant au développement européen de la société qui nécessitera huit à onze milliards d'euros de fonds propres supplémentaires. Il a ainsi indiqué que le Gouvernement, en liaison avec le conseil d'administration d'EDF, devrait prendre les décisions nécessaires pour renforcer ces fonds propres, relevant au passage que les syndicalistes représentés dans la commission avaient plaidé en faveur d'un endettement accru. M. Henri Revol a conclu en constatant que les évolutions actuelles de l'entreprise, transformation d'EDF en société anonyme et éventuelle ouverture de capital, critiquées par le rapporteur pour avis, concordaient avec les conclusions de la commission d'enquête que le Sénat avait créée en 1998 sur la politique énergétique.

En réponse à ces différentes interventions, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes.

Il a déclaré avoir bien entendu les préoccupations exprimées par les différents intervenants sur la nécessité de rééquilibrer le bouquet énergétique et indiqué partager les interventions relatives à la nécessité de développer les énergies renouvelables, comme la biomasse ou le bois. Concernant le rééquilibrage des modes de transport, il a reconnu l'absence, dans son rapport, de contre-propositions. Il a également confirmé les réticences exprimées par les constructeurs à l'égard du développement des biocarburants.

Il a ensuite indiqué que la hausse du prix du pétrole rendait rentables de nouveaux gisements et que les nouvelles technologies permettraient, à l'avenir, d'extraire une plus grande quantité d'huile des gisements, dans la mesure où, aujourd'hui, seul, le tiers du pétrole en était extrait. Même s'il est possible de disposer d'un siècle de réserves, il est nécessaire de préparer l'avenir dès aujourd'hui, notamment avec le développement des biocarburants a-t-il considéré. Il a enfin remercié Henri Revol pour les informations portées à la connaissance des commissaires sur les travaux de la commission « Roulet ».

M. Gérard Delfau a félicité le rapporteur pour avis d'avoir couvert, dans son rapport, l'ensemble des sources énergétiques et a ensuite souligné que la France était en retard tant en matière d'économies d'énergie que d'exploitation du bois-énergie. Il a ainsi considéré que les réseaux de chaleur fonctionnant au bois pouvaient fortement contribuer à la diversification du bouquet énergétique français, mais que le développement de cette technique restait entravé par un taux de TVA de 19,6 %, alors que les autres types de réseaux de chaleur bénéficiaient d'un taux de TVA réduit de 5,5 %. Il a fait part, en conclusion, de sa volonté d'interroger le Gouvernement sur ce point.

M. Daniel Raoul, évoquant la proposition de directive relative à la sécurité d'approvisionnement en électricité, a exprimé ses craintes quant à la transformation de RTE en filiale d'une société anonyme, qui posait un problème de sécurité d'approvisionnement à notre pays. Après s'être interrogé sur le mode de calcul de l'objectif des 21 % d'ENR, il a considéré que notre pays devait amplifier ses politiques en faveur de la maîtrise de la demande d'énergie et qu'il était souhaitable de procéder à un bilan environnemental global des biocarburants.

M. Jean Pépin, soulignant qu'il avait apprécié la présentation du rapporteur pour avis sans pour autant partager ses conclusions, a noté l'urgence de mettre en perspective l'avenir énergétique de notre pays. Constatant que des grands pays, comme les Etats-Unis ou la Chine, se préparaient à dominer le secteur énergétique, il a insisté sur le caractère impératif du renforcement de notre indépendance énergétique. Après s'être félicité de la décision de construire un réacteur EPR, qui donne des perspectives et un avenir à la filière nucléaire française, il s'est interrogé sur le comportement de certaines associations écologistes. Il a enfin exprimé ses préoccupations relatives au développement des économies d'énergie et des énergies renouvelables.

M. Gérard Bailly s'est interrogé sur la sous-utilisation des céréales pour le chauffage, tout en rappelant qu'il était paradoxal de ne pas exploiter un potentiel pourtant vaste, alors que de nombreuses terres agricoles étaient laissées en friche. Après avoir souligné que le bois-énergie présentait des coûts d'exploitation élevés, il a estimé que l'absence d'une TVA à taux réduit obérait l'expansion de cette source énergétique. Il s'est enfin inquiété des contraintes environnementales qui pourraient résulter du projet de loi sur l'eau et de leurs conséquences sur le développement de l'hydroélectricité en France.

En réponse, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il avait noté les préoccupations de ses collègues sur la nécessité de diversifier les sources d'approvisionnement énergétique, tout en soulignant qu'il partageait l'analyse de M. Gérard Delfau quant aux problèmes posés par l'absence d'une TVA à taux réduit pour les réseaux de chaleur fonctionnant au bois. S'agissant de la sécurité d'approvisionnement, il a pris bonne note des craintes exprimées par M. Daniel Raoul, après avoir précisé que l'objectif des 21 % était calculé en fonction de la consommation électrique. Il a relevé que le taux d'indépendance énergétique français se situait à 50,5 % et que la loi Bataille impliquait de légiférer en 2006 sur le mode de traitement des déchets nucléaires. Enfin, il a reconnu que le potentiel énergétique des céréales était sous-utilisé et qu'il examinerait la question des liens entre la loi sur l'eau et l'hydroélectricité au moment de sa discussion.

Puis contrairement à ce que lui proposait son rapporteur pour avis, la commission a émis, à la majorité des voix, un avis favorable à l'adoption des crédits du budget de l'énergie dans le projet de loi de finances pour 2005.

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