CHAPITRE PREMIER -
L'ARMÉE DE TERRE EN 2005

Trois ans après l'achèvement de sa complète professionnalisation, et au terme d'une réorganisation et de restructurations sans précédent et sans équivalent dans d'autres secteurs de l'Etat, l'armée de terre démontre quotidiennement sa capacité à assumer son contrat opérationnel au travers de multiples engagements sur les théâtres extérieurs . L'engagement en opérations est désormais la règle pour l'ensemble des unités qui se relaient, dans le cadre de rotations de quatre mois, au titre d'opérations sous commandement multinational ou national comme de notre présence en Afrique et outre-mer. Le lourd tribut payé par les forces françaises lors de l'attaque aérienne du 6 novembre dernier en Côte d'Ivoire est là pour rappeler à tous l'intensité de cet engagement exigeant au service de la paix et de notre politique internationale.

Le redressement des ressources budgétaires décidé à partir de 2002 a permis d'éviter un dangereux décrochage entre les moyens alloués à l'armée de terre et les missions qui lui sont confiées . La remise à niveau des crédits d'équipement était nécessaire pour assurer l'entretien des matériels en service et ne pas retarder davantage leur renouvellement par des matériels neufs. En parallèle, l'effort a été poursuivi sur l'amélioration de la condition militaire et le retour à un niveau d'entraînement satisfaisant.

Interrogé le 18 octobre dernier lors de son audition devant notre commission, le général Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre, opérait une distinction entre la « tonalité », c'est-à-dire l'état d'esprit de l'armée de terre, qui demeure bon, sur le territoire national comme en opérations, et son « moral » , qui reste fragile et conditionné par des éléments objectifs tels que la disponibilité des matériels et la réalisation des effectifs . Il soulignait que les mesures touchant à la condition militaire avaient toutefois incontestablement un effet bénéfique sur ce moral.

Votre rapporteur souhaite ici faire un point de situation sur ces différents éléments en soulignant les avancées obtenues ces dernières années mais aussi les domaines dans lesquels une vigilance particulière s'impose pour préserver les capacités opérationnelles des forces terrestres.

I. UN HAUT NIVEAU D'ENGAGEMENT DANS LES OPÉRATIONS

Le tableau des effectifs engagés hors de métropole à la mi-juillet 2004 fait apparaître une légère diminution, au cours des douze derniers mois, de la participation de l'armée de terre aux opérations extérieures , du fait de la fin de l'opération « Mamba » en République démocratique du Congo et de la poursuite de la réorganisation de notre dispositif dans les Balkans qui a permis de réduire à nouveau celui-ci d'environ 1.000 hommes. En revanche, de février à juin 2004, 900 hommes provenant pour l'essentiel des nos forces stationnées aux Antilles et en Guyane ont été engagés en Haïti dans le cadre de l'opération « Carbet ».

Depuis lors, l'armée de terre a renforcé ses déploiements.

En Afghanistan , le volume des forces engagées a été augmenté depuis que le Corps européen a pris, au mois d'août, le commandement de la FIAS, à laquelle la France a désormais affecté plus d'un millier d'hommes, indépendamment de 200 militaires des forces spéciales opérant dans le sud du pays au titre de l'opération Enduring freedom .

Par ailleurs, la dégradation de la situation en Côte d'Ivoire a nécessité un renforcement des effectifs . Globalement, ces renforts envoyés début novembre s'élèvent à 700 hommes, dont un escadron de gendarmes mobiles et, pour le restant, des personnels de l'armée de terre provenant pour partie de métropole et pour partie d'autres stationnements africains, en particulier du Gabon.

PARTICIPATION DE L'ARMÉE DE TERRE AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

(au 15 juillet 2004)

Type d'opération

Nom

Pays

Effectifs

Évolution sur un an

Sous l'égide d'une institution internationale

SFOR

Bosnie-Herzégovine

583

- 393

KFOR

Kosovo

2 406

- 1 251

FINUL

Liban

204

- 18

Concordia

Macédoine

0

- 170

FIAS

Afghanistan

598

- 2

Artemis

Rep. dem. Congo

0

- 1 146

ONUCI

Côte d'Ivoire

182

+ 182

Divers

 

107

- 83

Accord de défense ou coopération

Aramis

Cameroun

49

- 14

Furet

Gabon

38

- 8

Griffon

Gabon

7

-

Licorne

Côte d'Ivoire

3 265

- 431

Boali

Centrafrique

200

+ 15

Epervier

Tchad

659

+ 11

TOTAL

 
 

8 298

- 3 310

S'agissant des perspectives pour 2005, on peut considérer que la réduction des effectifs opérée depuis deux ans dans les Balkans a atteint un palier. Il n'est pas prévu de modifier les effectifs engagés en Afghanistan. Quant à la Côte d'Ivoire, la réduction du format de la force « Licorne » qui devait s'opérer en parallèle de la montée en puissance des forces des Nations-Unies (Onuci) semble dans l'immédiat compromise.

Les autres forces stationnées hors de métropole (hors forces stationnées en Allemagne) ont pour leur part légèrement diminué en un an, du fait de la réduction des effectifs stationnés aux Antilles et en Guyane.

PARTICIPATION DE L'ARMÉE DE TERRE
AUX AUTRES FORCES STATIONNÉES HORS DE MÉTROPOLE

au 15 juillet 2004

Zone

Effectifs totaux

Évolution sur un an

Antilles

780

- 178

Guyane

1 327

- 132

Océan indien (Réunion et Mayotte)

969

- 27

Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie)

1 751

- 7

TAAF (Kerguelen)

13

-

Total forces de souveraineté

4 840

- 334

Côte d'Ivoire

569

+ 8

Djibouti

1 625

- 8

Gabon

756

+ 19

Sénégal

580

- 2

Cameroun

8

+ 1

Total accords de défense et de coopération

3 538

+ 18

Total hors métropole

8 378

- 316

Quant aux opérations intérieures , elles ont mobilisé en moyenne près de 1 300 hommes en permanence pour le plan Vigipirate sur les six premiers mois de l'année (610 militaires déployés et 660 en alerte dans leur garnison). Outre de nombreuses opérations ponctuelles, l'armée de terre a été sollicitée à l'occasion des cérémonies du 60 ème anniversaire du débarquement. L'effectif déployé s'élevait à 920 militaires au 24 mai et a été porté à 2 920 hommes au voisinage du 6 juin.

Lors de son audition devant la commission, le général Bernard Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre, a été appelé à préciser le volume des forces terrestres déployables sous faible préavis . Il a précisé que la réserve disponible au titre du plan Vigipirate représentait près de 1 500 hommes (dont 600 hommes déployés en permanence). Les forces placées sous alerte « Guépard » et projetables sous très faible préavis pour des opérations extérieures ont été portées à 5 000 hommes. Enfin, si l'on ajoute à ces deux réserves de personnels d'autres effectifs disponibles à bref délai, ce sont environ 15 000 hommes qui pourraient être déployés sur le territoire métropolitain en cas de risque grave pour la sécurité.

L'armée de terre engage ainsi actuellement près de 18 000 hommes dans la durée ce qui signifie, compte tenu du jeu des rotations, qu'elle projette annuellement près de 50 000 hommes sur le territoire national ou à l'extérieur. Comme votre commission peut en témoigner, à la suite de ses différentes visites sur les théâtres d'opérations, notamment dans la période récente en Côte d'Ivoire et au Kosovo, le professionnalisme dont font preuve nos forces terrestres, dans des situations très diverses et parfois extrêmement difficiles, mérite d'être salué.

Rappelons que les objectifs assignés à l'armée de terre consistent à pouvoir projeter, à partir d'un « réservoir de 100 000 hommes :

- soit 50 000 hommes non relevables pour une durée d'un an dans une situation extrême (mission OTAN article 5),

- soit 30 000 hommes non relevables pour une durée d'un an et 5 000 hommes relevables tous les 4 mois,

- soit environ 20 000 à 23 000 hommes relevables dans la durée (y compris les forces de souveraineté et de présence et les forces engagées en métropole).

Pour renforcer son aptitude en matière de projection , l'armée de terre s'efforce d' accroître sa capacité d'intervention « en premier » , avec des délais réduits et une plus forte disponibilité, pour des opérations d'imposition de la paix pouvant impliquer des actions de coercition de forte intensité. Ces interventions « en premier », contractées dans le temps, devront pouvoir être suivies d'un engagement de volume moindre en phase de stabilisation. C'est l'objet des orientations retenues tant dans le cadre de l'OTAN, avec la Nato response force (NRF) , que dans celui de l'Union européenne. Celle-ci vient d'adopter le principe des groupements tactiques de 1 500 hommes . L'armée de terre fournira un groupement tactique national et participera à un groupement tactique franco-allemand. Ces groupements tactiques devront pouvoir être engagés dans des délais très brefs, inférieurs à une quinzaine de jours. Par ailleurs, la brigade franco-allemande sera qualifiée comme force d'entrée en premier du Corps européen. Enfin, l'armée de terre se dote d'une capacité de commandement à « haut degré de disponibilité » avec la réalisation à Lille, d'ici 2007, d'un poste de commandement de niveau corps d'armée.

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