II. LA PRIORITÉ ACCORDÉE AU RETOUR VERS L'EMPLOI

Le projet de loi de finances pour 2005 tire, par anticipation, les conséquences budgétaires des mesures prévues dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale en vue de simplifier et de rationaliser les contrats aidés. Le soutien aux publics les plus fragiles n'est pas négligé, comme l'atteste l'augmentation des crédits consacrés aux structures d'insertion par l'activité économique ou à l'emploi des personnes handicapées.

A. UNE RÉFORME BIENVENUE DES CONTRATS AIDÉS

La future loi de cohésion sociale propose une réforme profonde des contrats aidés, ce qui n'est pas sans incidence sur le plan financier. La décrue du nombre d'emplois jeunes offre des marges de manoeuvre budgétaire qui permettent au Gouvernement de financer ses priorités, sans augmenter l'enveloppe globale de crédits consacrée aux contrats aidés. Le projet de loi de finances pour 2005 introduit, en outre, un nouveau mode de gestion des crédits, regroupés dans des enveloppes uniques régionales.

Évolution des crédits destinés aux contrats aidés

(en millions d'euros)

 

LFI 2004

PLF 2005

Variation

Contrat jeune en entreprise

416,14

429,65

3,25 %

Emplois jeunes

1.574,70

996,33

- 36,73 %

Enveloppe unique régionale , dont :

2.001,37

1.653,84

- 17,36 %

Enveloppe unique régionale - contrats marchands :

578,47

792,06

36,92 %

Programme en faveur des chômeurs de longue durée 1

16,86

3,34

- 80,19 %

Primes et exonérations attachées aux CIE

551,70

559,42

1,40 %

Enveloppe unique régionale

-

219,30

n.s.

Contrats de retour à l'emploi

9,91

10,00

0,91 %

Enveloppe unique régionale - contrats non marchands :

1.422,90

861,78

- 39,43 %

CES

543,80

61,57

- 88,68 %

CEC

809,79

567,91

- 29,87 %

Enveloppe unique régionale

-

219,30

n.s.

CIVIS « association »

69,31

13,00

- 81,24 %

Fonds d'insertion professionnelle des jeunes

-

75,00

n.s .

RMA

20,00

10,11

- 49,45 %

Contrats d'avenir

-

383,00

n.s.

Total des contrats aidés

4.012,21

3.547,93

- 11,57 %

(1) Ce programme recouvre les stages d'accès à l'entreprise (SAE) et les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE).

Note : à partir de 2005, les crédits contenus dans l'enveloppe unique régionale pourront être affectés par les gestionnaires au financement de contrats aidés dans les secteurs marchands ou non marchands. Par convention, on fait l'hypothèse que les crédits sont répartis à parts égales entre secteurs marchand et non marchand.

Source : projet de loi de finances pour 2005

1. Les contrats aidés : un système complexe aux résultats insuffisants

Les contrats d'insertion par l'emploi sont aujourd'hui nombreux et comprennent :

- les contrats aidés du secteur non marchand : les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emploi-consolidé (CEC), le CIVIS dans son volet « emplois d'utilité sociale », les emplois jeunes ;

- les contrats aidés du secteur marchand : les contrats initiative-emploi (CIE), le contrat jeune en entreprise et les contrats d'accès à l'emploi en vigueur dans les départements d'outre mer ;

- les contrats aidés relevant à la fois du secteur marchand et du secteur non marchand : le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA).

A côté de ces contrats aidés proprement dit, il existe des stages d'insertion. Leurs bénéficiaires ne sont pas titulaires d'un contrat de travail : leur statut est celui de stagiaires de la formation professionnelle, rémunérés par l'État ou par la région. Les plus importants, quantitativement, sont les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) et les stages d'accès à l'emploi (SAE).

Les SIFE , collectifs ou individuels, ont pour objectif de favoriser la réinsertion professionnelle des demandeurs d'emploi connaissant des difficultés d'accès à l'emploi :

les SIFE collectifs s'adressent en particulier aux chômeurs de longue durée et à des publics prioritaires : personnes peu qualifiées, bénéficiaires du RMI, handicapés, détenus, parents isolés, jeunes bénéficiaires du programme TRACE.

les SIFE individuels constituent plutôt un instrument de prévention du chômage de longue durée. Ils visent à répondre aux besoins individuels de formation et à développer les compétences des demandeurs d'emploi ayant une première expérience professionnelle et présentant des risques importants de chômage prolongé.

Les SAE sont destinés à mettre en adéquation, au cas par cas, les compétences des demandeurs d'emploi avec celles requises pour occuper un poste de travail. Ils sont donc utilisés à la fois pour répondre à une offre d'emploi difficile à satisfaire et placer des demandeurs d'emploi menacés ou touchés par le chômage de longue durée.

L'efficacité de ces contrats aidés, évaluée à l'aune de l'insertion de leurs bénéficiaires dans l'emploi durable, a souvent été décevante, même si les résultats sont meilleurs, comme l'atteste le tableau suivant, pour les contrats aidés dans le secteur marchand (CIE). Leur ciblage peut également être amélioré, dans la mesure où ils n'ont pas toujours bénéficié aux publics connaissant les plus graves difficultés d'accès à l'emploi.

Situation comparée des anciens bénéficiaires de CES et de CIE
trois ans après leur sortie

 

Emploi

Emploi aidé

Chômage

Formation

Inactivité

CES

38 %

21,4 %

28,7 %

1,8 %

10,1 %

CIE

74,3 %

2,0 %

15,1 %

0,6 %

8,0 %

Source : DARES - Premières informations-premières synthèses - 2003

Après deux années de forte baisse, le nombre d'entrées en CIE a progressé de 25 % en 2003 pour s'établir à 65.000. Il est nécessaire d'en poursuivre la relance, pour en exploiter toutes les potentialités.

Pour sa part, le CI-RMA n'a pas connu de montée en charge. Peu connu, le dispositif a notamment été critiqué parce qu'il n'ouvrait que très peu de droits à la retraite. Moins de mille contrats ont été conclus, dans vingt-quatre départements, depuis l'entrée en vigueur du dispositif, dont deux tiers dans le secteur marchand et un tiers dans le secteur non marchand. L'objectif du Gouvernement - 100.000 CI-RMA signés dans l'année suivant son entrée en vigueur - sera difficile à atteindre. L'échec du CI-RMA dans le secteur non marchand justifie sa révision.

Le même constat vaut pour le CIVIS, instauré par le décret n° 2003-644 du 11 juillet 2003 : seuls 700 contrats ont été signés à ce jour, et on n'observe aucune montée en puissance de ce dispositif au fil des mois (l'objectif était de 11.000 contrats fin 2004).

Quant aux SIFE et SAE, les effectifs ont connu une baisse constante tout au long des années 90.

Ces dispositifs se sont révélés particulièrement coûteux par rapport aux attentes : le coût des mesures emploi à la seule destination des bénéficiaires du RMI est estimé à plus de 1 milliard d'euros (dont 434 millions pour les CES, 382 pour les CEC, 103 pour les CIE et 78 pour les SIFE collectifs).

2. Une rationalisation sans précédent

Plusieurs types de contrats sont appelés à disparaître, pour être remplacés par des dispositifs plus souples et offrant un meilleur suivi de leurs bénéficiaires.

a) L'extinction progressive de certains contrats

Les CES et CEC, le CIVIS « emplois d'utilité sociale », les SIFE et SAE sont appelés à disparaître.

Afin de ne pas rompre des parcours d'insertion déjà engagés au moment de l'entrée en vigueur de la réforme des contrats aidés, les conventions CES et CEC en cours pourront aller jusqu'à leur terme. 630 millions sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2005 à cette fin.

Plus de 69 millions d'euros avaient été prévus dans le budget 2004 pour financer le CIVIS. Ces crédits n'ont pas été entièrement consommés. En 2005, 13 millions d'euros suffiront à financer les conventions en cours d'exécution.

Suivant la même logique, des crédits sont inscrits dans le projet de loi de finances pour permettre la mise en oeuvre des SAE et SIFE signés avant la fin de l'année 2004, à hauteur de 50 millions d'euros.

b) Les nouveaux contrats

Seront créés l'an prochain si le projet de loi de cohésion sociale est adopté en l'état : le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et le contrat d'avenir. Le CI-RMA et le CIE seront pour leur part réformés dans le sens d'une plus grande efficacité.

- le contrat d'accompagnement dans l'emploi

Les CES et les CEC, quasiment identiques, ont vocation à être fusionnés en un contrat unique dans le secteur non marchand, appelé contrat d'accompagnement dans l'emploi. Il s'agit d'un contrat à durée déterminée de vingt heures minimum par semaine.

Ce contrat vise à faciliter l'insertion professionnelle des chômeurs non allocataires de minima sociaux. Il peut être conclu avec les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public. Il est financé par une aide modulable de l'État et par une exonération de cotisations sociales.

Le Gouvernement espère que 115.000 contrats d'accompagnement dans l'emploi seront conclu l'an prochain, à rapprocher des 180.000 CES et CEC actuels, étant entendu que les titulaires de RMI seront désormais dirigés vers les contrats d'avenir.

- le contrat d'avenir

Mesure phare du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, le contrat d'avenir devrait être, si la rédaction proposée par le Sénat est maintenue, géré par les départements, les communes ou les établissements de coopération intercommunale. Il relève d'une logique d'activation des minima sociaux, puisqu'il s'adresse aux titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou de l'allocation parent isolé (API).

Ce contrat est signé avec les collectivités territoriales, les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public et les autres organismes de droit privé à but non lucratif, des associations par exemple. Il s'agit d'un contrat à durée déterminée, d'une durée de six mois dans la rédaction initiale du projet de loi, portée à deux ans par amendement au Sénat.

Sa durée hebdomadaire est de vingt-six heures, réparties entre temps de travail et temps de formation. Le contrat devra déboucher sur une qualification, une validation des acquis de l'expérience ou une attestation de compétences. Un référent sera désigné pour accompagner le parcours d'insertion professionnelle du bénéficiaire du contrat. La rémunération équivaudra au produit du SMIC horaire par le nombre d'heures effectuées. L'employeur bénéficiera d'aides de l'État.

Il est prévu de garantir aux bénéficiaires du RMI signataires d'un contrat d'avenir, pendant la durée de leur contrat, le maintien des droits connexes au RMI et le bénéfice d'une allocation leur assurant que l'entrée en contrat d'avenir ne sera pas moins favorable financièrement que leur situation antérieure.

- le contrat initiative-emploi

Le Gouvernement propose également une relance du contrat initiative-emploi (CIE), qui devient le seul contrat aidé dans le secteur marchand destiné aux personnes qui ne bénéficient pas de minima sociaux.

Il s'agira de contrats à durée déterminée ou à durée indéterminée s'adressant aux personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi. Les aides de l'État seront modulables en fonction de la nature de l'employeur, des conditions économiques locales et de la gravité des difficultés du bénéficiaire, selon des modalités à définir par décret.

Les entrées dans ce nouveau dispositif sont estimées, pour 2005, à 115.000. A titre de comparaison, environ 96.000 CIE ont été signés en 2004.

- le CI-RMA dans le secteur marchand

Créé par la loi n°2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation du RMI et créant le RMA, le CI-RMA s'adressait, à l'origine, exclusivement aux bénéficiaires du RMI et aux employeurs des secteurs marchand et non marchand. Le Gouvernement propose désormais de l'élargir aux titulaires de l'ASS et de le recentrer sur le seul secteur marchand. Par ailleurs, les droits sociaux des bénéficiaires de ce contrat, jusque là calculés sur une partie seulement du revenu d'activité, seront désormais calculés sur la totalité de ce revenu, ce qui permettra de garantir des droits à la retraite et de donner à ce revenu les avantages attachés à un salaire. Enfin, il sera désormais possible de moduler la durée hebdomadaire de travail, dans la limite de trente-cinq heures par semaine.

Le Gouvernement n'a donc pas attendu l'évaluation du dispositif devant le Parlement, qui devait être établie avant le 31 décembre 2006, pour procéder à sa réforme.

Il table sur la signature de 30.000 CI-RMA rénovés en 2005 et y consacre 50 millions d'euros dans le projet de loi de finances.

Votre commission se félicite de cet effort de simplification, qui va faciliter l'utilisation de ces dispositifs par les employeurs, notamment dans les petites et moyennes entreprises. Elle note que les nouveaux contrats prévoient un accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi et mettent, à juste titre, l'accent sur la formation.

c) L'enveloppe unique régionale

A partir de l'an prochain, les crédits relatifs aux SIFE, SAE, CIE, CES et CEC et aux nouveaux contrats CAE et CIE rénové vont être regroupés dans une enveloppe unique gérée, au niveau régional, par le préfet, assisté par les services de l'emploi.

Les crédits nouveaux prévus à cet effet, en 2005, se montent à 438,6 millions d'euros, à répartir entre les régions en fonction des quatre critères suivants :

- le nombre de demandeurs d'emploi au chômage depuis plus de deux ans ;

- le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE depuis plus d'un an et relevant de certaines catégories : chômeurs de plus de cinquante ans, jeunes chômeurs ;

- le nombre de bénéficiaires de l'ASS et du RMI ;

- le dynamisme du marché du travail, apprécié par le nombre d'offres d'emploi et de reprises d'emploi.

Les crédits figurant dans cette enveloppe seront fongibles, ce qui signifie que les gestionnaires pourront affecter une part variable des crédits aux CIE ou aux CAE.

Votre commission approuve cette innovation qui va responsabiliser les gestionnaires en leur donnant une plus grande liberté dans l'emploi des crédits. Elle va aussi faciliter l'adaptation de la politique de l'emploi aux contextes locaux : les régions pourront se donner des objectifs différents concernant la répartition des contrats aidés entre le secteur marchand et le secteur non marchand, en tenant compte de la situation économique locale.

3. L'orientation des contrats aidés destinés aux jeunes vers le secteur marchand

Outre le CIVIS « emplois d'utilité sociale », qui n'a jamais concerné que des effectifs très réduits et va être supprimé, il existe deux types de contrats aidés destinés aux jeunes : les emplois jeunes mis en place sous la précédente majorité et, depuis la loi n° 2002-1095 du 29 août 2002, le dispositif de soutien des jeunes en entreprise (SEJE), souvent appelé « contrat jeune en entreprise ».

a) La décrue du nombre d'emplois jeunes se poursuit

Le nombre de participants au programme « Nouveaux services-emplois jeunes » (NS-EJ) diminue régulièrement, le Gouvernement ayant mis fin, dès 2002, à la signature de nouveaux contrats.

Jeunes présents dans le programme NS-EJ

 

2004

2005

Emplois jeunes hors administrations d'État
(associations, collectivités locales, établissements d'enseignement)

78.671

57.925

Emplois jeunes administrations d'État

18.752

12.277

dont éducation nationale

17.352

10.877

dont justice

1.400

1.400

Total

97.423

70.202

Source : Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

En conséquence, alors que 1,6 milliard d'euros de crédit leur étaient consacrés dans le budget 2004, le financement des emplois jeunes ne mobilise plus que 1 milliard d'euros dans le projet de budget pour 2005.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale contient une mesure destinée à accélérer la disparition des emplois jeunes : les titulaires d'un emploi jeune qui interrompront leur contrat avant son terme ne pourront être remplacés par un jeune employé sous le même statut.

b) Le contrat jeune en entreprise prend son essor

Le SEJE consiste dans le versement d'une aide forfaitaire de 225 euros mensuels à tout employeur qui embauche à temps plein, pour une rémunération égale au SMIC, un jeune peu ou pas qualifié, âgé de seize à vingt-deux ans. Le montant de l'aide peut être modulé suivant le temps de travail et la rémunération. L'aide est dégressive avec le temps.

177.000 entrées dans le dispositif ont été recensées depuis deux ans, ce qui témoigne de son succès.

Bilan du dispositif SEJE en 2003-2004

 

Au 30 juin 2003 (12 mois)

Au 30 juin 2004 (24 mois)

Demandes enregistrées

86.638

170.780

Entrées effectives (flux)

80.778

159.230

Moyenne mensuelle

6.731

6.638

Jeune présents (stock)

72.089

106.896

Source : DARES/UNEDIC

Pour soutenir la montée en charge de ces contrats, les crédits inscrits pour 2005 au titre du SEJE augmentent de 13,5 millions d'euros par rapport à 2004.

Crédits SEJE 2003-2004

(en millions d'euros)

 

2003

2004

2005

Crédits initiaux

200

416,14

429,65

Source : Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

La politique suivie depuis deux ans permet ainsi, conformément au voeu émis de longue date par votre commission, d'orienter un nombre croissant de jeunes vers l'entreprise, plutôt que vers le secteur non marchand qui n'offre pas les mêmes perspectives d'insertion professionnelle à long terme.

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