N° 78

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

ANCIENS COMBATTANTS

Par M. Marcel LESBROS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Claude Bertaud, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, M. André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1800 , 1863 à 1868 et T.A. 345

Sénat : 73 et 74 (annexe n° 4 ) (2004-2005)

Lois de finances .

SOMMAIRE

Pages

AVANT-PROPOS 5

I. UNE AUGMENTATION EXCEPTIONNELLE DES CRÉDITS QUI CONSOLIDE LES EFFORTS DES ANNÉES PASSÉES 7

A. UN BUDGET ENFIN DÉCONNECTÉ DE L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DU MONDE COMBATTANT 8

1. Des évolutions démographiques contrastées 8

a) La diminution inexorable du nombre de pensionnés pour invalidité 8

b) L'extinction progressive du fonds de solidarité des anciens combattants d'Indochine et d'Afrique du nord 8

c) L'augmentation régulière du nombre de titulaires de la retraite du combattant 9

2. Un souci de sincérité budgétaire : le rebasage des services votés 11

a) La compensation des insuffisances de crédits des années passées 11

b) L'application du « rapport constant » 11

3. La montée en charge des mesures nouvelles précédemment adoptées 13

a) La décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer 13

b) La revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant 15

c) La majoration des pensions de veuves 16

d) La modification des conditions d'attribution de la carte du combattant 16

B. PRÉPARER L'APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES POUR AMÉLIORER L'EFFICACITÉ BUDGÉTAIRE 17

1. Une nouvelle nomenclature budgétaire qui n'est pas exempte de limites 18

a) La nomenclature proposée 18

b) Une expérimentation dès 2005 19

c) Les limites de la nouvelle nomenclature 19

2. Des objectifs et des indicateurs associés qui manquent parfois d'ambition 20

a) L'objectif de réduction des coûts occulte le critère de la qualité du service 22

b) La traduction de la politique de la mémoire en objectifs et indicateurs se révèle difficile 23

II. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR CATÉGORIES DE DÉPENSES : BILAN ET PERSPECTIVES 24

A. LE BILAN À MI-MANDAT DE LA POLITIQUE EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS : LE SUCCÈS DE LA MÉTHODE DES PETITS PAS 24

1. L'objectif de réparation reste central 24

a) La consolidation des droits connexes aux pensions d'invalidité 24

b) Un effort important en faveur de l'INI 25

c) L'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie 27

2. La solidarité : l'avenir du budget des anciens combattants 28

a) Un outil modernisé : l'ONAC 29

b) Un soutien renforcé à la politique d'action sociale de l'office 30

3. La politique de la mémoire face aux défis de la succession des générations 32

a) Le succès des cérémonies du souvenir 33

b) Les nécropoles nationales : passer de l'entretien à la mise en valeur du patrimoine 34

B. POURSUIVRE LES RÉFORMES APRÈS 2005 36

1. Évaluer le bien-fondé de la revendication des anciens combattants d'AFN concernant la « campagne double » 36

2. Poursuivre les négociations en faveur d'une indemnisation rapide et définitive des RAD - KHD 37

3. La revalorisation de la retraite du combattant : une mesure symbolique très attendue 39

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS 41

• Article 72 quater (nouveau) Simplification du rapport constant 41

• Article 72 quinquies (nouveau) Indemnisation des anciens prisonniers de l'ALN 42

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

I. AUDITION DU MINISTRE 45

II. EXAMEN DE L'AVIS 51

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Pour la première fois depuis plus d'une décennie, les crédits inscrits au budget des anciens combattants pour 2005 sont en augmentation. Cette hausse, bien que très légère, témoigne de la volonté du Gouvernement de redistribuer au profit des anciens combattants et de leurs ayants droits les économies résultant mécaniquement de la réduction inéluctable des personnes concernées.

Grâce à cette hausse des crédits, le projet de budget pour 2005 permet la consolidation des nombreuses mesures mises en oeuvre depuis 2002 en faveur du monde combattant, qu'il s'agisse de la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer, de l'amélioration des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du nord ou encore de la revalorisation uniforme des pensions de veuves.

Pour tenir compte de l'intégralité de l'effort de la nation en faveur du monde combattant, il convient en outre de rappeler les mesures nouvelles figurant au budget du Premier ministre en faveur des orphelins des victimes de la barbarie nazie et en faveur des harkis.

Il reste naturellement encore des questions en suspens. Mais grâce à la méthode progressive adoptée par le Gouvernement depuis 2002, ces points devraient trouver une réponse dans les meilleurs délais. C'est la raison pour laquelle les pistes de réflexion proposées par le présent avis sont, avant tout, une invitation à poursuivre avec assiduité l'action engagée depuis trois ans.

I. UNE AUGMENTATION EXCEPTIONNELLE DES CRÉDITS QUI CONSOLIDE LES EFFORTS DES ANNÉES PASSÉES

Le projet de budget des anciens combattants pour 2005 s'élève à 3,394 milliards d'euros, soit une augmentation de 0,14 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2004. Cette hausse, quoique très faible, rompt avec l'évolution constatée ces dix dernières années , puisque les crédits consacrés aux anciens combattants diminuaient jusqu'ici régulièrement, à un rythme moyen de 2,41 % par an.

Évolution des crédits budgétaires

(en millions d'euros)

 

LFI 2004

PLF 2005

Variation en %

Réparation et reconnaissance

2 923

2 917

- 0,2

Institution nationale des Invalides

7,1

7,2

+ 1,9

Indemnités et pécules

0,05

0,03

- 24,1

Pensions d'invalidité

2 230

2 190

- 1,8

Indemnités et allocations diverses

32

31

- 3,8

Retraite du combattant

565

600

+ 6,2

Soins médicaux gratuits

80

80

0

Appareillage des mutilés

9

9

0

Solidarité

465

476

+ 2,5

ONAC

37

36,5

- 2

Réductions de transport

6,3

5,8

- 6,7

Associations et oeuvres diverses

0,3

0,25

- 11,1

Fonds de solidarité AFN

40

30

- 25

Prestations de sécurité sociale

170

186

+ 9,4

ONAC dépenses sociales

12,1

12,6

+ 3,8

Majoration des rentes

199

205

+ 3,1

Mémoire

2,2

1,6

- 27

TOTAL

3 390

3 395

+ 0,14

C'est la raison pour laquelle, avant même d'aborder les détails de l'action du ministère délégué aux anciens combattants, votre commission se félicite du fait que le monde combattant ait été entendu dans sa revendication de voir les « économies » réalisées en raison de la diminution des effectifs bénéficiaires être redéployées sur des actions en faveur des anciens combattants.

A. UN BUDGET ENFIN DÉCONNECTÉ DE L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DU MONDE COMBATTANT

1. Des évolutions démographiques contrastées

a) La diminution inexorable du nombre de pensionnés pour invalidité

Le nombre de bénéficiaires de pensions d'invalidité ou de pensions d'ayants cause s'élevait à 425.734 au 31 décembre 2003, en diminution de 3,56 % par rapport à la même date l'année précédente. Compte tenu de la moyenne d'âge des pensionnés et de leur ventilation par tranche d'âge, une baisse de 3,91 % est encore attendue pour 2004.

Pensions militaires d'invalidité et de victimes de la guerre
(en paiement au 31 décembre)

Année

Invalides

Veuves et orphelins

Ascendants

Total

1998

357.479

154.634

13.591

525 . 704

1999

341.271

147.621

11.613

500 . 505

2000

330.330

143.281

10.862

484 . 473

2001

315.982

137.950

9.534

463 . 466

2002

301.679

131.610

8.149

441 . 438

2003

290.044

128.066

7.624

425 . 734

La baisse du nombre de pensionnés se traduit par une diminution prévisible de 88,3 millions d'euros des dépenses de pension pour 2005. Elle entraîne également indirectement 422.000 euros de moindres remboursements à diverses compagnies de transports. Au total, ces évolutions démographiques entraînent une réduction de 88,7 millions d'euros des prévisions de dépenses, soit un recul de 3,8 % par rapport aux crédits prévus à ce titre pour 2004 et un impact de - 2,5 % sur l'ensemble du budget des anciens combattants.

b) L'extinction progressive du fonds de solidarité des anciens combattants d'Indochine et d'Afrique du nord

Le présent projet de budget traduit également la diminution d'une deuxième catégorie de ressortissants : celle des bénéficiaires du fonds de solidarité des anciens combattants d'Indochine et d'Afrique du nord. Les crédits prévus à ce titre s'élèvent en effet à 30 millions d'euros, en baisse de plus de 25 %, après des baisses de 20 % en 2004 et de 45 % en 2003.

Ce fonds de solidarité a pour objet d'apporter une aide financière aux anciens combattants d'Afrique du nord, âgés de plus de 57 ans et en situation de chômage de longue durée dans l'attente de l'ouverture de leurs droits à la retraite. Il verse deux types d'allocations :

- l'allocation différentielle (AD), destinée aux personnes disposant de ressources personnelles mensuelles inférieures à 767 euros. Cette allocation est majorée pour les chômeurs justifiant d'une durée de cotisation vieillesse de 160 trimestres : elle permet alors de compléter leurs revenus à hauteur de 929 euros ;

- l'allocation de préparation à la retraite (APR), qui constitue un revenu à part entière et qui est constitutive de droits en matière d'assurances sociales. Elle est versée aux personnes titulaires de l'AD depuis plus de six mois et se substitue alors à cette dernière. Elle est égale à 65 % d'un revenu de référence (le plus souvent la moyenne des revenus mensuels d'activité professionnelle de l'intéressé au cours de sa carrière), est plafonnée à 1.190 euros par mois au 1 er janvier 2004 et ne peut être inférieure au minimum assuré par l'AD.

L'aide apportée s'éteint donc naturellement lorsque les bénéficiaires liquident leurs droits à retraite ou, à défaut, lorsqu'ils atteignent l'âge d'ouverture du minimum vieillesse, soit 65 ans.

Fonds de solidarité des anciens combattants
d'Indochine et d'Afrique du nord

(en millions d'euros)

Année

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 *

2005 **

Nombre de bénéficiaires :

 
 
 
 
 
 
 
 

- AD

21.392

14.720

9.194

5.732

4.061

2.911

2.572

1.802

- APR

12.287

10.720

7.550

5.143

3.604

2.784

2.104

1.933

TOTAL

33.679

25.440

16.744

10.875

7.665

5.695

4.050

3.745

Crédits ouverts

248

209

142

101

69

51

40

30

Crédits consommés

233

191

138

95

66

49

22

-

* Situation au 31 juin 2004 Source : MIDAC

** Prévisions

Or, aujourd'hui, l'âge des allocataires est compris entre 58 et 65 ans, avec une forte majorité de plus de 60 ans : ainsi, 5 % d'entre eux sont âgés de 60 ans, 16 % de 61 ans, 24 % de 62 ans, 29 % de 63 ans. Il ne reste plus aujourd'hui que 1802 allocataires de l'AD et 1933 de l'APR. On peut donc prévoir pour 2006 un nombre résiduel d'allocataires, une ou deux centaines tout au plus.

c) L'augmentation régulière du nombre de titulaires de la retraite du combattant

A rebours de l'évolution constatée pour les pensions d'invalidité, le nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant ne cesse d'augmenter depuis plusieurs années, du fait de l'arrivée à l'âge d'ouverture du droit à cette allocation de reconnaissance, des contingents importants d'anciens combattants d'Afrique du nord.

Retraites du combattant
(en paiement au 31 décembre)

 

Effectif au 1 er janvier

Attributions au cours de l'année

Extinctions au cours de l'année

Effectif au 31 décembre

Solde

Variation en %

2000

964.022

143.027

75.665

1.031.384

+ 67.362

+ 6,99

2001

1.031.384

140.606

72.307

1.099.683

+ 68.299

+ 6,62

2002

1.099.683

178.178

62.294

1.215.567

+ 115.884

+ 10,54

2003

1.215.567

145.155

72.000

1.288.722

+ 73.155

+ 6,02

2004 *

1.300.000

133.820

57.820

1.376.000

+ 76.000

+ 5,85

2005 *

1.376.000

120.000

56.000

1.440.000

+ 64.000

+ 4,65

* Prévisions Source : MIDAC

Ce facteur strictement démographique se traduit par un ajustement à la hausse des crédits nécessaires au paiement des retraites de l'ordre de 22,5 millions d'euros.

La croissance du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant devrait toutefois se tarir d'ici deux ans, puisque plus aucun effectif important éligible à la retraite du combattant n'aura moins de 63 ans en 2005. Compte tenu du nombre de survivants des derniers contingents de la guerre d'Algérie et du taux d'attribution de la carte du combattant ouvrant droit à la retraite parmi cette génération du feu, le nombre de bénéficiaires potentiels de la retraite peut être évalué à 61.000 personnes, soit à peine autant que le nombre de titulaires supplémentaires en 2005.

Au total, comme en témoigne le tableau suivant, l'influence de la démographie sur le projet de budget des anciens combattants pour 2005 se traduit par une diminution des crédits de l'ordre de 76 millions d'euros.

Impact budgétaire de la variation du nombre de ressortissants

 

LFI 2002

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

Pensions militaires d'invalidité et allocations rattachées

- 101

- 104

- 103

- 88

Remboursement à diverses compagnies de transport

+ 0,4

- 0,1

- 0,5

- 0,4

Soins médicaux gratuits

- 7,3

- 14,4

- 11

0

Fonds de solidarité

- 60,8

- 41,5

- 10

- 10

Retraite du combattant

+ 41

+ 29

+ 30,7

+ 22,4

TOTAL

- 127,7

- 131

- 93,8

- 76,3

2. Un souci de sincérité budgétaire : le rebasage des services votés

a) La compensation des insuffisances de crédits des années passées

La baisse du nombre de pensionnés pour invalidité avait visiblement été surestimée en 2004 et l'ampleur de la hausse du nombre de titulaires de la retraite du combattant n'avait pas été anticipée correctement par les services financiers du ministère. En témoignent les taux de consommation des crédits inscrits aux chapitres 46-20 (Pensions d'invalidité, allocations et indemnités diverses) et 46-21 (Retraite du combattant) qui, au 30 juin 2004, étaient déjà supérieurs à 65 %.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu un « rebasage » des crédits de l'ordre de 3 millions d'euros au titre des pensions d'invalidité et de 7 millions d'euros pour la retraite du combattant

La participation de l'État à la couverture du risque maladie des pensionnés de guerre 1 ( * ) avait également été régulièrement sous-estimée ces dernières années. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2004 met ainsi en évidence le fait que la caisse nationale d'assurance maladie reste dans l'attente du remboursement de dépenses datant de 1991 et 1992 pour un montant total de 42 millions d'euros. Si l'apurement de cette dette ancienne n'est pas prévu, le projet de budget des anciens combattants pour 2005 devrait toutefois contribuer au programme de remboursements complémentaires, à hauteur de 16 millions d'euros.

Votre commission ne peut qu'approuver le souci de sincérité budgétaire du Gouvernement qui corrige, dans le projet de budget pour 2005, les erreurs d'évaluation des budgets précédents.

b) L'application du « rapport constant »

Au-delà de l'évolution démographique du monde combattant, le présent projet de budget tient également compte de la revalorisation du montant des pensions en application du mécanisme du « rapport constant ».


Historique et mécanisme du rapport constant

La loi du 31 mars 1919 n'avait prévu aucun mécanisme de revalorisation du montant des pensions d'invalidité, ce qui conduit, dès 1945, à un décalage important entre l'évolution du niveau des pensions et celle du niveau de vie. C'est la raison pour laquelle la loi du 27 février 1948 mit en place un rapport constant entre le taux des pensions et les traitements des fonctionnaires, afin que toute augmentation des traitements de la fonction publique entraîne une augmentation des pensions.

Ce principe simple a toutefois connu une mise en oeuvre chaotique, du fait notamment de divergences sur l'ancrage de la valeur du point et sur la prise en compte ou non des mesures catégorielles pour l'évolution de la valeur du point de pension.

Le mécanisme actuel résulte de l'article 123 de la loi de finances pour 1990. Il comporte trois étapes :

- à chaque fois que le point de la fonction publique est revalorisé, le point de la pension militaire l'est également, du même taux et à la même date ;

- une fois par an, une comparaison est établie entre l'évolution des traitements de la fonction publique, mesurée par l'indice INSEE, et celle des pensions. Elle fait généralement apparaître une évolution plus favorable de la moyenne des traitements, car ceux-ci bénéficient à la fois des revalorisations uniformes du point de la fonction publique et des mesures catégorielles. La valeur du point PMI est donc rectifiée pour combler cet écart ;

- au 1 er janvier, si un décalage est apparu, les pensionnés bénéficient d'un rappel de pension.

Trois chapitres budgétaires voient leur dotation majorée en application du « rapport constant » : le chapitre 46-20 (Pensions d'invalidités, allocations et indemnités diverses), le chapitre 46-21 (Retraite du combattant) et l'article 10 du chapitre 46-30 (Majoration des rentes des anciens combattants et victimes de guerre).

En l'absence de mesures générales ou catégorielles de revalorisation des traitements de la fonction publique en 2004, il n'y a pas lieu d'effectuer un recalage de la valeur du point, qui reste à 12,89 euros, ni d'effectuer un rappel de pension pour rétablir le niveau adéquat du point pour l'année écoulée.

En conséquence, la provision pour 2005 tient uniquement compte de l'évolution naturelle des rémunérations en fonction du « glissement - vieillesse - technicité » (GVT) : 2,2 millions d'euros supplémentaires sont ainsi prévus au titre des pensions d'invalidité, 0,6 million au titre de la retraite du combattant et 180.000 euros au titre de la majoration des rentes.

Le mécanisme de recalage annuel de la valeur du point s'appliquera pour la dernière fois à l'année 2004, puisque, conformément à la demande des associations, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail conjoint entre le ministère délégué aux anciens combattants et le ministère de l'économie et des finances, afin de proposer une évolution du dispositif et que celui-ci a abouti à une proposition de simplification qui a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

La solution retenue, conforme à celle proposée par le rapport sur les perspectives de la revalorisation des indices de référence utilisés pour le calcul des pensions, établi en application de l'article 126 de la loi de finances pour 2002, vise à appliquer au point PMI l'évolution de l'indice INSEE des traitements de la fonction publique, à chacune de ses variations. Ce mécanisme simplifié permet de prendre en compte en temps réel l'ensemble des évolutions des traitements, qu'il s'agisse de mesures générales ou catégorielles, et d'améliorer la lisibilité du système en évitant les recalages de la valeur du point et les rappels de pensions annuels.

Votre commission ne peut que se féliciter du fait que le Gouvernement soit parvenu à mettre fin à une polémique qui divise depuis quinze ans le monde combattant.

3. La montée en charge des mesures nouvelles précédemment adoptées

a) La décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer

Par l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002, le Gouvernement a décidé de mettre fin à l'iniquité qui frappaient les anciens combattants d'outre-mer dont les pensions et retraites avaient été cristallisées lors de l'accession à la souveraineté des anciennes possessions de la France d'outre-mer.

A ce titre, deux provisions ont été prévues en loi de finances initiale pour 2003, pour un total de 72,5 millions d'euros. Or, compte tenu de la parution extrêmement tardive du décret d'application 2 ( * ) permettant la mise en oeuvre effective de la décristallisation des pensions, aucune dépense n'est en réalité intervenue en 2003.

Conformément au décret du 30 novembre 2003, l'application en 2004 de la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer s'est faite selon les modalités suivantes :

- une nouvelle valeur du point de pension a été fixée, pays par pays, en fonction des parités des pouvoirs d'achat publiées par l'ONU. Pour chaque pays concerné, cette valeur ne peut être supérieure à la valeur du point français ni inférieure à la valeur actuelle majorée de 20 %. Les nouvelles valeurs ont été appliquées automatiquement à compter du 1 er janvier 2004 ;

- un rappel de quatre annuités a été prévu, égal à la différence entre la valeur de la pension calculée en fonction des nouvelles valeurs du point et celle de la pension cristallisée. Le coût de ces rappels est estimé à 60 millions d'euros, pour les pensions militaires d'invalidité et les retraites du combattant ;

- une révision des droits , pour les pensions militaires d'invalidité, a été autorisée, en cas d'aggravation des infirmités pensionnées ou d'infirmités nouvelles en relation avec celles déjà indemnisées. L'application de ces nouvelles dispositions suppose toutefois une demande expresse des intéressés. Au 30 juin 2004, 688 demandes de révision ont été reçues et 125 décisions, dont 27 positives, ont été rendues ;

- l'ouverture de droits à réversion est enfin également autorisée. Elle suppose également une demande expresse. Au 30 juin 2004, 1.426 demandes ont été reçues et 93 décisions d'attribution ont été prises ;

- les anciens combattants et leurs ayants droits concernés se sont vus ouvrir la possibilité, jusqu'au 31 décembre 2005, de renoncer à leur pension ou retraite en optant pour le versement d'un capital . Le nombre de demandes de sorties en capital pour 2004 n'a pas été précisé.

Le coût pour 2004 de l'application de la décristallisation des pensions des anciens combattants d'outre-mer s'élève à 23,8 millions d'euros au titre des pensions militaires d'invalidité au taux décristallisé et 54,9 millions d'euros au titre des quatre annuités de rappel prévues par le décret. S'agissant de la rentraite du combattant, l'application des nouvelles valeurs du point entraîne une dépense supplémentaire de 5 millions d'euros, à laquelle il convient d'ajouter 5,8 millions au titre des quatre annuités de rappel. La dépense totale s'élève donc à 89,5 millions d'euros.

Or, d'après les réponses du ministère délégué aux anciens combattants aux questions de la Cour des Comptes sur l'exécution du budget pour 2004, seul un cinquième de cette provision avait été maintenue en loi de finances initiale pour 2004, soit 15,5 millions au total. Si cette provision était effectivement suffisante pour couvrir l'annuité 2004 des pensions et retraites au taux décristallisé, elle ne tenait en réalité compte ni des sorties en capital, puisque leur principe n'avait pas été fixé au moment de l'élaboration du budget, ni des rappels d'annuités.

Dans la mesure où il s'agissait de crédits évaluatifs, pensions et retraites décristallisées, rappels et sorties en capital ont toutefois pu être versés dans leur intégralité et les bénéficiaires des pensions n'ont donc pas eu à souffrir des mauvaises prévisions de dépenses.

En 2005, le projet de budget affiche une provision supplémentaire de 32 millions d'euros, pour faire face aux sorties en capital, ce dont votre commission ne peut que se féliciter, une telle provision étant indispensable à la sincérité du budget. En revanche, l'ensemble des rappels d'annuité ayant été payés sur le budget pour 2004, votre commission considère qu'il n'y a effectivement plus lieu de prévoir des crédits à ce titre.

L'exercice 2006 devrait permettre le versement de la dernière tranche des sorties en capital du dispositif, après quoi le versement des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer au taux décristallisé devrait reprendre son rythme de croisière.

b) La revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant

Les rentes mutualistes du combattant ont été créées en 1923, dans le souci de créer un lien de solidarité entre l'effort personnel d'épargne des anciens combattants et la reconnaissance de la Nation, par l'intermédiaire d'un concours financier de l'État.

Ainsi, en plus de la majoration légale que perçoit l'ensemble des titulaires de rentes viagères, les bénéficiaires de la rente mutualiste du combattant ont droit à une majoration spéciale égale, en règle générale, à 25 % du montant de la rente résultant de leurs versements personnels. Le total formé par la rente et la majoration spéciale est plafonné, l'ensemble des sommes inférieures à ce plafond étant exonérées d'impôt.

Deux éléments ont donc une influence sur le coût, pour l'État, des rentes mutualistes du combattant : le nombre de bénéficiaires et le montant des rentes souscrites, le nombre de bénéficiaires dépendant principalement du nombre de cartes du combattants et de titres de reconnaissance de la Nation attribués.

Or, il a été décidé en loi de finances initiale pour 2004 d'abaisser à quatre mois la durée de présence en Afrique du nord requise pour obtenir la carte du combattant. Il devrait, à terme, en résulter la mise en circulation de 20.000 nouvelles cartes et donc l'élargissement d'autant du nombre des bénéficiaires potentiels de la rente mutualiste.

Par ailleurs, la réévaluation de 27,5 points d'indice, depuis 1998, du plafond majorable de cette rente a eu un double impact : elle constitue une incitation pour certains anciens combattants à souscrire la rente, dans la mesure où l'effet de levier de leur épargne augmente et elle influe sur le montant des rentes. Malgré une pause dans le processus de revalorisation depuis la loi de finances pour 2004, on mesure encore aujourd'hui, compte tenu d'un certain « effet retard », l'effet des hausses successives du plafond majorable.

Or, celui-ci a été mal anticipé par les services financiers du ministère, puisqu'en 2003, il manquait 30 millions d'euros sur le chapitre 47-22 relatif aux rentes mutualistes et qu'en 2004, malgré une mesure nouvelle de 31 millions d'euros, il ne restait déjà plus, au 30 juin 2004, que 40 % des crédits prévus pour une année pleine.

Votre commission rappelle que les crédits relatifs aux rentes mutualistes ne sont pas des crédits évaluatifs : en cas d'insuffisance, les compagnies d'assurance et les groupes mutualistes qui avancent la majoration ne sont plus remboursés. Ainsi, en 2003, deux des plus importantes compagnies mutualistes n'ont pas été remboursées de leurs frais au titre de la rente du combattant.

C'est la raison pour laquelle le projet de budget pour 2005 prévoit une augmentation de 3,1 %, soit 6 millions d'euros, des crédits consacrés à la rente mutualiste du combattant. Votre commission reste toutefois réservée sur le caractère suffisant de cette mesure d'ajustement, compte tenu de la sous-évaluation chronique de ce chapitre.

c) La majoration des pensions de veuves

L'article 121 de la loi de finances pour 2004 a prévu l'augmentation uniforme de quinze points d'indice des pensions de veuves, versées en application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre à compter du 1 er juillet 2004 3 ( * ) .

Compte tenu de sa date d'entrée en vigueur, cette mesure n'a été financée qu'à mi-année en loi de finances initiale pour 2004, pour un montant total de 11,84 millions d'euros. Le projet de budget pour 2005 prévoit donc l'extension de ce financement en année pleine, à hauteur de 23,68 millions d'euros.

d) La modification des conditions d'attribution de la carte du combattant

L'attribution de la carte du combattant à l'ensemble des anciens combattants d'Afrique du nord pouvant justifier d'une présence au moins égale à quatre mois sur l'un des trois théâtres du conflit (Algérie, Tunisie et Maroc) avant la date du 2 juillet 1962, a été décidée par l'article 123 de la loi de finances pour 2004 pour des raisons d'équité.


Les motifs de l'alignement à quatre mois de la durée de présence requise en Afrique du nord pour l'attribution de la carte du combattant

Les particularités de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ont amené le Gouvernement à créer, en 1998, un critère alternatif d'attribution de la carte du combattant : ainsi, une durée de services en Algérie d'au moins dix-huit mois a été reconnue équivalente à la participation à une action de feu ou de combat, condition exigée pour prétendre à la carte du combattant. Cette mesure a permis l'attribution de 39.157 cartes du combattant. Cette durée a été ramenée successivement à quinze mois en 1999, puis à douze mois l'année suivante.

Une exception à cette règle, elle-même déjà dérogatoire, a été ouverte pour les rappelés. Dans la mesure où ces derniers avaient été contraints à revenir sous les drapeaux en 1956, alors qu'ils avaient déjà effectué leur service militaire, il paraissait légitime de prévoir une règle particulière à leur égard : la durée requise pour l'attribution de la carte a donc été fixée pour eux à quatre mois.

Le précédent gouvernement a estimé que cette disposition nouvelle devait également bénéficier également aux fonctionnaires de police et aux CRS ayant effectué des séjours en Algérie totalisant au moins quatre mois de présence ; 1.587 policiers ont bénéficié de cette interprétation extensive, dont la base légale était au demeurant fragile.

Dans ces conditions, il était difficile de maintenir, pour l'ensemble des autres participants aux combats en Afrique du Nord, l'exigence d'une présence de douze mois. C'est la raison pour laquelle, la loi de finances pour 2004 a permis l'attribution de la carte du combattant pour une durée de services en Afrique du nord d'au moins quatre mois.

Cette mesure, applicable depuis le 1 er juillet 2004 et qui concerne environ 20.000 personnes, comporte une incidence budgétaire, tant sur la retraite du combattant que sur les rentes mutualistes. Sa mise en oeuvre relève des attributions de l'office national des anciens combattants et des victimes de la guerre (ONAC). Les demandes d'attribution de la carte du combattant sont actuellement en cours d'instruction par ses services départementaux.

Son coût s'élève en année pleine à 8,4 millions d'euros : c'est la raison pour laquelle le présent projet de budget prévoit une augmentation de 3 millions des crédits consacrés à la retraite du combattant, en plus des 3 millions déjà inscrits à ce titre en 2004, le solde étant inclus dans l'augmentation des crédits de la rente mutualiste.

B. PRÉPARER L'APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES POUR AMÉLIORER L'EFFICACITÉ BUDGÉTAIRE

Bien que votre commission ne puisse que se féliciter du dynamisme des actions engagées par le Gouvernement en faveur du monde combattant et qui se traduit par une augmentation exceptionnelle des crédits en 2005, elle considère que la valeur d'un budget ne se juge pas à la seule progression nominale de ses dépenses.

La mise en oeuvre, à compter de 2006, de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances devrait donner au Parlement de nouveaux outils pour juger de l'efficacité des dépenses budgétaires. Dès cette année, et même si son examen et son exécution continueront à se faire sous l'empire de la loi organique de 1959, le projet de loi de finances fait l'objet d'une double présentation, selon la nomenclature actuelle et selon la future nomenclature faisant référence à des programmes et à des actions, soumis à des objectifs et à des indicateurs chiffrés de performance.

Votre commission souhaite profiter de cette année de transition pour analyser les objectifs et indicateurs prévus par le Gouvernement et pour proposer les adaptations qui lui paraissent nécessaires pour donner toute leur efficacité à ces nouveaux outils.

1. Une nouvelle nomenclature budgétaire qui n'est pas exempte de limites

a) La nomenclature proposée

La nouvelle nomenclature budgétaire proposée par le Gouvernement regroupe les crédits qui figurent aujourd'hui dans la section budgétaire « anciens combattants » au sein d'une mission, intitulée Mémoire et liens avec la Nation qui recouvre à la fois l'actuel budget des anciens combattant et les crédits consacrés, au sein du budget de la défense, à la journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD). Cette mission est découpée en deux programmes : « Liens entre la nation et son armée » et « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

Du point de vue des anciens combattants, le plus important est le second programme, décomposé en quatre actions :

- la première est intitulée « administration de la dette viagère » et regroupe les crédits relatifs aux pensions militaires d'invalidité et ceux consacrés à la retraite du combattant. Cette action aura le volume financier de loin le plus important ;

- la deuxième, dénommée « gestion des droits liés aux PMI » regroupe les crédits consacrés aux soins médicaux gratuits, au suivi sanitaire des anciens militaires et à l'appareillage des mutilés ;

- au sein de la troisième « solidarité » , se retrouvent les crédits relatifs à l'attribution des cartes et titres et aux emplois réservés, qui figuraient jusqu'ici au budget de la défense, ainsi que ceux relatifs au fonds de solidarité, au fonctionnement et aux investissements de l'ONAC et de l'Institution nationale des Invalides (INI) et aux dépenses d'action sociale de l'ONAC ;

- la dernière « entretien des lieux de mémoire » regroupe les crédits affectés aux travaux d'entretien des nécropoles nationales.

Les crédits de rémunération des personnels de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS), principale direction responsable de la mise en oeuvre des actions de ce programme, seront ventilés, au prorata des agents occupés aux différentes tâches, entre les quatre actions.

En revanche, certains crédits figurant aujourd'hui dans la section budgétaire « anciens combattants » rejoignent le premier programme, au titre de sa deuxième action consacrée à la politique de la mémoire : tel est le cas des crédits concernant les frais de voyage et les subventions aux associations et fondations en faveur des actions de mémoire.

b) Une expérimentation dès 2005

Dans le cadre de la future nomenclature budgétaire en programmes et en actions, les crédits seront fongibles au sein d'un même programme, la répartition en actions étant donnée à titre indicatif. Afin d'expérimenter cette fongibilité des crédits, une globalisation au sein d'un même chapitre budgétaire de l'ensemble des crédits gérés par la DSPRS est prévue au titre de l'exercice 2005 : seront donc concernés les crédits de fonctionnement (rémunérations et charges sociales des personnels) et l'ensemble des crédits d'intervention placés sous la responsabilité de cette direction et de ses services déconcentrés.

Les crédits globalisés sont identifiés grâce à la création d'un nouveau chapitre budgétaire (46-30) intitulé « prestations et avantages ouverts aux bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre » qui regroupe désormais les crédits relatifs aux réductions des tarifs de transports, aux indemnités et pécules, au fonds de solidarité, aux prestations de sécurité sociale remboursées par l'État au titre de la section comptable « invalides de guerre », aux soins médicaux gratuits, à l'appareillage des mutilés et à la majoration des rentes.

L'objectif de cette expérimentation de la globalisation des crédits est de tester la pertinence des objectifs proposés dans le cadre de la future nomenclature budgétaire, de déterminer les valeurs cible à retenir pour les indicateurs chiffrés et de finaliser les modalités du dialogue de gestion avec les services déconcentrés.

c) Les limites de la nouvelle nomenclature

La principale critique de votre commission s'agissant de la nouvelle nomenclature budgétaire proposée par le Gouvernement concerne la répartition des crédits relatifs à la politique de la mémoire, même si elle reconnaît que certains crédits gagnent en lisibilité : ainsi les crédits relatifs à l'entretien des nécropoles, s'agissant en tout cas des crédits de personnel, sont mieux identifiés.

Mais si la répartition envisagée est différente de celle applicable aujourd'hui, la politique de la mémoire reste scindée en deux : alors que les crédits de subvention aux associations et aux actions de mémoire et ceux consacrés aux pèlerinages sur les tombes de soldats morts pour la France, qui figuraient aujourd'hui dans la section budgétaire « anciens combattants » sont intégrés à l'action « Politique de la mémoire » du premier programme, la nouvelle nomenclature laisse subsister une action « Entretien des lieux de mémoire » au sein du deuxième programme.

Votre commission regrette que le Gouvernement n'ait pas choisi d'unifier la gestion de la politique de la mémoire et se soit en réalité borné à « inverser » la responsabilité des actions par rapport à la nomenclature actuelle, confiant au ministère de la défense la responsabilité des subventions en faveur des actions de mémoire et au ministère délégué aux anciens combattants l'entretien des tombes des soldats morts pour la France. Il estime qu'il aurait été plus judicieux de regrouper l'ensemble de ces crédits dans le même programme et sans doute au sein de l'action « politique de la mémoire » du premier programme.

2. Des objectifs et des indicateurs associés qui manquent parfois d'ambition

Le tableau ci-après récapitule les objectifs retenus par le Gouvernement pour le programme « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » , ainsi que les indicateurs chiffrés qui y sont associés.

Action 1 - Administration de la dette viagère

Objectif 1 : liquider les pensions au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne de liquidation d'un dossier de pension
Indicateur 2 : nombre moyen de dossiers de pension traités par agent

Objectif 2 : liquider les retraites du combattant au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne de liquidation d'un dossier de retraite
Indicateur 2 : nombre moyen de dossiers de retraite traités par agent

Objectif 3 : améliorer les délais de traitement des dossiers de pensions (du point de vue de l'usager)

Indicateur unique : délai moyen de traitement d'un dossier de pension

Action 2 - Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

Objectif 1 : payer les soins médicaux gratuits au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne de liquidation d'un dossier de soins médicaux gratuits
Indicateur 2 : nombre moyen de dossiers de soins médicaux gratuits traités par agent

Objectif 2 : fournir les prestations d'appareillage au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne de liquidation d'un dossier d'appareillage
Indicateur 2 : nombre moyen de dossiers d'appareillage traités par agent

Objectif 3 : améliorer les délais de traitement des demandes d'appareillage (du point de vue de l'usager)

Indicateur unique : délai moyen de traitement d'un dossier d'appareillage

Action 3 - Solidarité

Objectif 1 : stabiliser le coût à l'acte de l'activité « solidarité » de l'ONAC (du point de vue du contribuable)

Indicateur unique : dépense moyenne par acte de solidarité

Objectif 2 : délivrer les cartes et titres au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur unique : nombre moyen de dossiers traités par agent

Objectif 3 : fournir les prestations médicales, paramédicales et hôtelières aux pensionnés et hospitalisés de l'INI au meilleur rapport qualité-prix (du point de vue de l'usager)

Indicateur 1 : coût du point d'indice synthétique d'activité (ISA)
Indicateur 2 : coût moyen des prestations d'hôtellerie par journée d'hébergement
Indicateur 3 : indice de satisfaction des usagers

Action 4 - Entretien des lieux de mémoire

Objectif unique : entretenir les nécropoles nationales au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne d'entretien pour un mètre carré
Indicateur 2 : surface moyenne entretenue par un agent

a) L'objectif de réduction des coûts occulte le critère de la qualité du service

Neuf des objectifs retenus sur douze et quatorze indicateurs sur vingt, soit la très grande majorité d'entre eux, visent à la réduction du coût des services rendus, qu'il s'agisse de la liquidation des pensions et retraites, de l'attribution des différents titres, des prestations d'appareillage, des actions de solidarité ou encore de l'entretien des nécropoles.

Votre commission considère que la réduction des coûts n'est pas nécessairement un objectif illégitime, compte tenu notamment de la diminution inéluctable du nombre d'usagers concernés par les services rendus par le ministère délégué aux anciens combattants. A terme, la question du maintien de services spécialement consacrés aux anciens combattants devra nécessairement être posée et seul un service rendu dans les meilleures conditions de rapport « qualité/prix » donnera une légitimité à la préservation d'un service distinct. Votre commission note également que les objectifs et indicateurs retenus correspondent aux principes posés par la loi organique relative aux lois de finances, à savoir la recherche d'une amélioration de la dépense publique.

Elle observe toutefois que, mis à part les indicateurs relatifs à la réduction de la durée de traitement des demandes de pensions, de retraites et de titres, l'ensemble des indicateurs se place du point de vue du seul contribuable. Si une prise en compte du contribuable est tout à fait légitime, il n'en reste pas moins que le grand absent de ces indicateurs est l'usager, c'est-à-dire l'ancien combattant lui-même ou tout du moins le ressortissant de l'ONAC.

Aucun indicateur relatif à la qualité du service n'a en effet été retenu. Cet état de fait est particulièrement frappant s'agissant des dépenses de solidarité, puisque aucun indicateur sur la performance de l'aide sociale apportée par l'ONAC n'est prévu. Votre commission considère qu'il aurait pourtant été utile de mesurer la performance de cette aide du point de vue des intéressés. A cet effet, des indicateurs concernant la durée de présence au sein des dispositifs d'aide ou encore le montant des aides accordées au regard du nombre de personnes aidées auraient pu être envisagés.

S'agissant toujours de l'évaluation de la qualité du service, la même remarque est applicable aux objectifs et indicateurs concernant les appareillage : il aurait pu être instructif de disposer d'une évaluation du caractère adapté ou non des prescriptions ou encore de la satisfaction des personnes appareillées.

b) La traduction de la politique de la mémoire en objectifs et indicateurs se révèle difficile

L'analyse des objectifs et des indicateurs retenus au titre de l'action « politique de la mémoire » , qui figure au sein du premier programme consacré aux liens entre la nation et son armée, fait apparaître une difficulté à mettre en perspective cette politique.

Deux objectifs ont été retenus : sensibiliser à la mémoire des conflits et maîtriser le coût des actions de mémoire. Or, si le premier traduit bien une orientation forte de la politique de la mémoire, aucun lien n'est fait avec l'objectif général d'amélioration de la dépense qui doit sous-tendre la nouvelle présentation des crédits budgétaires. Ainsi, il aurait fallu viser l'efficacité des actions de sensibilisation plutôt que la sensibilisation elle-même. Les indicateurs retenus restent de simples indicateurs d'activité : rapporter ces indicateurs à la dépense correspondante aurait permis de dégager une réelle idée de l'efficacité des actions engagées. Votre commission estime qu'un indicateur de l'efficacité socio-économique des dépenses en faveur des actions de mémoire aurait pu être prévu, sur le modèle de celui mis en place pour apprécier l'efficacité des dépenses de communication du ministère de la défense.

Le second objectif, celui de la maîtrise du coût de la politique de la mémoire, est davantage conforme à la philosophie de la loi organique relative aux lois de finances mais aucun indicateur fiable n'est prévu pour son évaluation, sauf pour ce qui concerne la mesure de l'efficacité des programmes de rénovation des nécropoles. Votre commission engage le Gouvernement à mettre à profit l'année 2005 pour construire un tel indicateur.

* 1 L'article L. 381-23 du code de la sécurité sociale dispose en effet que la couverture du risque maladie des invalides de guerre est assurée par une cotisation des bénéficiaires sur leur pension et « par une contribution inscrite chaque année au budget général de l'Etat et dont le montant est déterminé, compte tenu du coût moyen des risques pour l'année précédente et de la cotisation prévue au présent article ».

* 2 Il s'agit du décret n° 2003-1044 du 30 novembre 2003 pris pour l'application de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 instituant un dispositif de révision des prestations versées aux ressortissants des pays placés antérieurement sous la souveraineté française résidant hors de France.

* 3 Cet article a fait l'objet du décret d'application n° 2004-694 du 13 juillet 2004 portant augmentation uniforme des pensions des veuves attribuées au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre à compter du 1er juillet 2004.

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