III. UNE GESTION DES CRÉDITS QUI PRÉPARE L'APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

La perspective de l'entrée en vigueur de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) en 2006 a conduit le ministère de la justice à moderniser en profondeur ses méthodes de gestion et son organisation en vue d'une meilleure utilisation de la ressource publique.

A. LA MODERNISATION DES MÉTHODES DE GESTION DES SERVICES JUDICIAIRES

1. Des responsabilités accrues confiées aux chefs de cour et aux services administratifs régionaux

Le décret n° 2004-435 du 24 mai 2004 a transféré des préfets aux chefs des cours d'appel - premiers présidents et procureurs généraux - les responsabilités d'ordonnateur secondaire des dépenses des juridictions , à l'exception des crédits d'investissement. Ceux-ci disposent de la faculté de déléguer conjointement leur signature à un magistrat ou un fonctionnaire de catégorie A de la juridiction qui pourra être le coordonnateur du service administratif régional (SAR). Entrées en vigueur à titre expérimental depuis le 1 er septembre 2004 pour la cour d'appel de Lyon 30 ( * ) , ces nouvelles règles s'appliqueront à compter du 1 er janvier 2005 aux huit cours d'appel auxquelles l'expérimentation de la globalisation des crédits est étendue et à compter du 1 er janvier 2006 à l'ensemble des cours.

Votre commission se réjouit de cette évolution qui concrétise une recommandation de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice formulée en 2002 (recommandation n° 19) 31 ( * ) . Outre que cette nouvelle répartition des tâches se concilie de manière plus satisfaisante avec le principe d'indépendance de la justice, elle est cohérente avec les responsabilités accrues en matière de gestion conférées aux chefs de cour par la loi organique relative aux lois de finances. Il paraît important de donner à ces gestionnaires les moyens effectifs d'exercer leurs prérogatives nouvelles.

De plus, la récente modification du code des marchés publics intervenue le 10 janvier dernier a conduit le ministère de la justice, à conférer conjointement aux chefs de cour la responsabilité des marchés relatifs au fonctionnement courant de la cour elle-même et des juridictions du premier degré situées dans son ressort. Applicables à titre expérimental à la cour d'appel de Lyon depuis le 1 er septembre 2004, ces dispositions entreront en vigueur à compter du 1 er janvier pour les huit cours d'appel auxquelles l'expérimentation de globalisation de crédits est étendue et à compter du 1 er janvier 2006 pour l'ensemble des cours d'appel (arrêté du 5 août 2004).

Corrélativement, le rôle stratégique des services administratifs régionaux , placés sous l'autorité des chefs de cour d'appel, mérite d'être souligné.

Les tâches matérielles incombant aux services des préfectures en matière d'ordonnancement secondaire devraient progressivement être assumées par les services administratifs régionaux (SAR), dont le renforcement constitue également une priorité.

Ils sont chargés de préparer, de mettre en oeuvre et de contrôler tous les actes et décisions liés à l'administration du ressort. M. Jean-Jacques Zirnhelt, procureur général près la cour d'appel de Douai entendu par votre rapporteur pour avis a jugé impératif d'étoffer ces unités, les qualifiant de véritables « bras droit » des chefs de juridictions.

La perspective de l'application de la LOLF appelle une indispensable adaptation du rôle des SAR. En effet, ces derniers, afin d'optimiser l'emploi des crédits qui leur sont confiés, devront mettre en place des outils de suivi, de contrôle et d'analyse. Comme l'indique l'inspection générale des services judiciaires dans son rapport sur l'évaluation des services SAR « l'organisation et le fonctionnement des SAR devront évoluer pour prendre en compte la nécessité d'orienter la budgétisation et la gestion vers les résultats, la maîtrise des dépenses publiques et la responsabilisation accrue des gestionnaires publics . » 32 ( * ) A cet effet, les SAR devront centraliser des données statistiques à l'appui desquels les chefs de cour pourront conclure et appliquer des contrats d'objectifs.

Cette évolution nécessite au préalable une meilleure prise en compte du statut des SAR eux-mêmes, dont l'existence n'est pas consacrée dans le code de l'organisation judiciaire 33 ( * ) et une clarification de leur rôle par rapport aux greffes des juridictions. Comme l'indique l'inspection générale des services judiciaires dans son rapport d'évaluation des SAR, « le fait que 230 agents de catégorie C, en fonction dans les SAR, soient toujours affectés au greffe de la cour d'appel est mal perçu par de nombreux chefs de juridiction qui reprochent aux coordonnateurs d'opérer une sélection parmi les meilleurs agents des juridictions et d'amputer les effectifs de la cour. »

L'opinion des principales organisations syndicales de fonctionnaires des greffes sur le vivier de recrutement des personnels des SAR est partagée. L'USAJ entendue par votre rapporteur pour avis a jugé important que les fonctionnaires des juridictions conservent la maîtrise de la gestion de l'institution judiciaire, expliquant que leur connaissance du terrain leur permettait d'appréhender au plus près les besoins et les contraintes des juridictions. La CFDT a considéré que les attachés d'administration centrale avaient vocation à exercer dans les SAR, la CGT estimant quant à elle possible l'affectation d'administrateurs civils.

Si la présence de personnels des greffes, proches des préoccupations des juridictions ne semble pas devoir être remise en cause par exemple pour la gestion des crédits de formation, l'accès aux SAR de spécialistes de la gestion constitue une piste de réforme intéressante . Cette évolution s'impose d'autant plus que, comme l'a relevé l'inspection générale des services judiciaires, la complexité des fonctions de gestion et d'administration s'accroît, l'augmentation des vacances de postes est préoccupante (près de 19 % en juin 2003) et la formation des chefs des services techniques se révèle très disparate.

Votre rapporteur pour avis tient également à attirer l'attention du ministère de la justice sur les difficultés de certains SAR qui enregistrent un taux de rotation des personnels trop élevé , en particulier dans la région du Nord-Pas-de-Calais. Cette situation conduit à une perte de compétence préjudiciable au bon fonctionnement de cette unité spécialisée . Comme l'ont souligné lors de leur audition MM. Jean-Claude Chilou et Jean-Jacques Zirnhelt, respectivement premier président et procureur général près la cour d'appel de Douai, de nombreux fonctionnaires quittent leur poste au bout d'un an. Cette situation est d'autant plus regrettable qu'il s'agit souvent de fonctionnaires tout juste sortis de l'Ecole nationale des greffes. Pour préserver la qualité du travail dans les SAR et compte tenu de la technicité des missions, il paraît donc nécessaire de maintenir les fonctionnaires dans leur poste plus longtemps.

* 30 Celle-ci s'est vue confier le pilotage des moyens dans le cadre d'une dotation globale incluant les dépenses de personnel, les crédits de fonctionnement, les crédits d'équipement déconcentré et les frais de justice avec la possibilité de procéder à des arbitrages au sein de cette enveloppe.

* 31 « Quels métiers pour quelle justice ? » - Rapport de M. Christian Cointat n° 345 (Sénat, 2001-2002) au nom de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice présidée par M. Jean-Jacques Hyest.

* 32 Rapport de la mission d'évaluation des services administratifs - septembre 2003 - p. 4.

* 33 Les SAR ont en effet été créés par la circulaire du 8 juillet 1996.

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