EXAMEN EN DÉLÉGATION

La délégation s'est réunie le mercredi 9 mars 2005 pour l'examen du présent rapport.

Hubert Haenel :

Comme vous le savez, notre délégation a constitué, dès novembre 2004, un groupe de travail sur la proposition de directive sur les services, dite directive « Bolkestein ». Ce groupe de travail a rendu ses conclusions le 17 février dernier, et notre délégation a publié un rapport d'information.

Nous n'avons pas, à ce moment, rédigé une proposition de résolution, en considérant que trois propositions de résolution avaient déjà été déposées (une par Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste ; une par notre collègue Jean Bizet et enfin une par notre collègue Robert Bret et plusieurs de ses collègues) et que celle de la délégation n'aurait fait que s'y ajouter. Ces trois propositions de résolution ont été renvoyées à la Commission des Affaires économiques et du plan, qui a nommé Jean Bizet comme rapporteur du texte. Elle s'est réunie ce matin et a adopté ses conclusions il y a quelques heures à peine.

Les conclusions de la commission des Affaires économiques ont été inscrites à l'ordre du jour du Sénat du 15 octobre. De ce fait, la délégation peut, en vertu de l'article 73 bis du règlement du Sénat, exercer les compétences attribuées aux commissions pour avis.

Je tiens à souligner que c'est une première dans l'histoire de notre délégation, et que nous sommes donc sur un terrain nouveau.

Je vais donc donner la parole aux membres du groupe de travail et bien sûr en premier lieu à Denis Badré, qui a présidé le groupe de travail et qui, avec votre accord, pourrait en conséquence assumer les fonctions de rapporteur pour avis de notre délégation.

(M. Denis Badré est nommé rapporteur pour avis sur la proposition de résolution de la commission des Affaires économiques et du plan sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur (E 2520)).

Denis Badré :

Je rends hommage au travail effectué par la Commission des Affaires économiques et du plan et notamment par son rapporteur, notre collègue Jean Bizet. Je note avec satisfaction que la proposition de résolution rejoint les conclusions de notre groupe de travail. Nous avons donc la même analyse, et en particulier nous sommes en accord sur deux points essentiels :

- le marché intérieur des services mérite d'être réalisé ;

- mais la proposition de directive est inacceptable en l'état, et notamment le principe du pays d'origine.

Peut-être aurait-on pu souhaiter que, sur un sujet qui préoccupe autant l'opinion publique, le texte de la proposition de résolution soit plus concis pour en rendre la lecture plus aisée, mais, dans le détail des propositions, je retrouve l'esprit de nos travaux :

- la commission des Affaires économiques et du plan demande une mise en cohérence avec les règles du droit civil (conventions dites « Rome I » et « Rome II ») et les directives relatives au détachement des travailleurs et à la reconnaissance des qualifications professionnelles, deux points que nous avions soulignés dans notre rapport d'information ;

- elle demande aussi l'exclusion de certains secteurs (professions juridiques réglementées, santé, jeux d'argent, services audiovisuels et de presse) ;

- sur l'application du principe du pays d'origine, elle exige, comme nous, son abandon et des études d'impact ;

- elle appelle enfin la Commission européenne à formuler une proposition d'instrument juridique communautaire sur les services d'intérêt économique général.

Tout cela montre que nos approches et nos réflexions ont été semblables. Je présenterai seulement quelques propositions d'amendements, afin de préciser quelques points de ce texte.

M. Robert Badinter :

Il me semble qu'il y a un problème de méthode. Nous devrions d'abord décider si notre délégation approuve la proposition de résolution de la Commission des Affaires économiques et du plan, avant d'examiner les propositions d'amendements de notre rapporteur.

M. Roland Ries :

Comme je l'ai dit lors de la réunion de la commission des Affaires économiques et du plan à laquelle j'appartiens, je n'ai découvert que ce matin la proposition de résolution élaborée par notre collègue Jean Bizet. Je prends acte de ses efforts de synthèse puisque trois propositions de résolution étaient en examen, mais la méthode me semble discutable, compte tenu des controverses existant sur un sujet particulièrement sensible. Je me suis donc prononcé contre la proposition de résolution qui nous est soumise cet après-midi.

M. Robert Bret :

Il me semble également qu'il existe un problème de méthode. Notre délégation a choisi, il y a un mois, de faire un rapport d'information, auquel j'ai accepté de participer, sans déposer de proposition de résolution. J'ai donc déposé ma propre proposition de résolution, avec des collègues de mon groupe. Aujourd'hui, il ne m'est pas possible d'approuver la proposition de résolution de la commission des Affaires économiques et du plan.

M. Jean Bizet :

Je comprends bien la position de nos collègues des groupes socialiste et communiste, républicain et citoyen. Je rappellerai que j'avais moi-même déposé une proposition de résolution, ce qui ne m'a nullement empêché de préparer une proposition de résolution de synthèse. C'est cette dernière proposition qui est soumise à l'examen pour avis de notre délégation, et qui sera débattue en séance publique. Il ne me semble pas judicieux de rester entièrement à l'écart du débat.

M. Yann Gaillard :

Sur le fond, je ne suis pas en désaccord avec la proposition de résolution de la commission des Affaires économiques et du plan. Cependant, je regrette que, pour la première fois que notre délégation exerce les compétences d'une commission pour avis, cet exercice se déroule dans les conditions les plus difficiles et pour un résultat qui devrait être peu concluant.

M. Denis Badré :

Notre délégation a constitué un groupe de travail sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur. Elle a ainsi contribué à la réflexion, tout en laissant les groupes politiques déposer leurs propositions de résolutions et la commission des Affaires économiques et du plan les examiner. Il est logique que, suite à cette démarche, nous examinions pour avis la proposition de résolution de la commission des Affaires économiques et du plan, qui est la seule que nous ayons à connaître aujourd'hui.

M. Roland Ries :

Je ne suis pas hostile à une proposition de résolution mais je souhaite que notre délégation se prononce d'abord sur le principe d'examiner, ou non, la proposition de résolution de la commission des Affaires économiques et du plan.

M. Hubert Haenel :

Je vous demande donc si vous approuvez le principe que notre délégation examine la proposition de résolution de la commission des Affaires économiques et du plan.

(La délégation approuve ce principe).

M. Denis Badré :

Je vous présente donc mes sept propositions d'amendements :

- le premier amendement précise, en matière de détachement des travailleurs, que la déclaration préalable au détachement devra continuer d'être exigée car elle est indispensable pour pouvoir contrôler les prestataires de services ;

- le deuxième amendement déplace, au sein de la proposition de résolution, un alinéa relatif à l'exclusion des services d'intérêt général non économiques, en sorte de regrouper les dispositions qui concernent l'ensemble du champ de la directive ;

- le troisième amendement rappelle que le Conseil d'État a estimé que l'application du principe du pays d'origine en matière pénale pourrait porter atteinte à des principes à valeur constitutionnelle ;

- le quatrième amendement propose de confier à la Commission européenne le soin de faire les études d'impact sur sa proposition de directive et de demander ensuite au gouvernement français de les compléter par son analyse ;

- le cinquième amendement vise à affirmer clairement l'abandon du principe du pays d'origine dans la mesure où il convient de rechercher un équilibre entre harmonisation et reconnaissance mutuelle ;

- le sixième amendement supprime l'alinéa selon lequel doivent être précisées les conditions de la non-application du principe du pays d'origine aux services d'intérêt économique général, dans la mesure où nous réclamons l'abandon total de ce principe ;

- le dernier amendement a pour objet d'adresser au gouvernement une demande pour qu'il appelle la Commission européenne à transmettre une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux services d'intérêt économique général, et il indique un délai pour que cette transmission intervienne avant l'adoption d'une position commune au Conseil.

(Les sept amendements sont adoptés).

M. Jean Bizet :

Même si je n'ai pas voulu prendre part au vote sur les amendements, en ma qualité de rapporteur de la commission des Affaires économiques et du plan, je tiens à souligner l'excellente analyse réalisée par le groupe de travail de notre délégation sur le principe du pays d'origine. Son rapport d'information m'a été très utile, compte tenu du très court délai dont j'ai disposé pour réfléchir sur ce sujet éminemment complexe. Il n'était pas évident d'aboutir à une synthèse et j'ai essayé de faire preuve d'une grande pédagogie auprès de mes collègues.

M. Bernard Frimat :

Pour la première fois de son histoire, notre délégation rend un avis sur une proposition de résolution qui sera examinée prochainement en séance publique. Je regrette que cela se passe dans des conditions de délais épouvantables, qui ne donnent aucun temps à la réflexion. Nous sommes saisis d'un sujet difficile et complexe qui ne peut être traité rapidement. Pour ce qui concerne mon groupe politique, nous demanderons le retrait de la proposition de directive, l'abandon pur et simple du principe du pays d'origine et la présentation d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général.

M. Hubert Haenel :

Toutes les observations de nos collègues montrent combien il est important que notre délégation et la commission des Affaires économiques et du plan, mais aussi d'autres commissions, travaillent en commun sur les sujets européens.

Mme Catherine Tasca :

Il faut se poser la question de l'autonomie des travaux de notre délégation par rapport à ceux des commissions permanentes. Nous ne pouvons pas nous contenter d'examiner les textes adoptés par les commissions, sur des sujets européens complexes. Il me semble que la délégation a plus d'intérêt à élaborer ses propres propositions de résolution qu'à s'en remettre aux travaux des commissions.

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