B. L'ARCHITECTURE DE LA MISSION DOIT ÉVOLUER

Au-delà de ces observations formelles, dont elle ne doute pas qu'elles seront entendues par les ministères pour faciliter le dialogue budgétaire entre le Gouvernement et le Parlement dès le prochain projet de loi de finances, votre commission pour avis estime que plusieurs corrections doivent être apportées quant à l'architecture et au contenu même de la présente mission . En l'état, sa structuration ne tient pas compte des modifications intervenues depuis l'élaboration de sa maquette dans l'organisation du Gouvernement, et rend plus complexes certaines des analyses budgétaires que la LOLF devait pourtant faciliter. Par ailleurs, beaucoup de questions demeurent quant à la qualité et la pertinence des indicateurs de performances .

1. Tenir compte de l'organisation gouvernementale

La mission ministérielle « Développement et régulation économiques » (DRE) présente une particularité qui la rend unique en ce qu' elle contrevient aux dispositions du dernier alinéa du paragraphe I de l'article 7 de la loi organique du 1 er août 2001 , qui dispose qu' un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère . Par « même ministère », il convient d'entendre un ministère de plein exercice et les ministères délégués et secrétariats d'Etat qui lui sont rattachés, comme le fait du reste la présente mission dont l'essentiel des crédits concerne tant le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI) que le ministère délégué à l'industrie et le ministère délégué au commerce extérieur.

En revanche, lorsque les crédits de deux ministères de plein exercice sont réunis au sein d'une même mission, comme c'est le cas par exemple de la mission Sécurité qui concerne le ministère de l'intérieur (crédits de la police) et celui de la défense (crédits de la gendarmerie), la mission est qualifiée d' « interministérielle » et les budgets sont clairement singularisés dans des programmes distincts .

Or, depuis l'élaboration première de la maquette de la mission DRE, le ministère chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales (MPMECAPF) est passé du statut de ministère délégué au sein du pôle MINEFI à celui de ministère de plein exercice . Pourtant, l'architecture interne de la mission n'a pas été modifiée en conséquence , les crédits dévolus à ce département ministériel figurant toujours sous une simple action du programme 134 « Développement des entreprises » (l'action 02), lequel relève globalement du MINEFI.

Cette structuration n'est pas satisfaisante à un double titre . D'une part, comme l'a relevé le propos introductif, elle est illégale puisqu'elle ne respecte pas un des principes essentiels de la LOLF.

D'autre part, elle pose une difficulté en matière de gestion budgétaire . En effet, les crédits sont spécialisés par programme et placés sous la responsabilité d'un gestionnaire qui, s'agissant du programme 134, est le vice-président du Conseil général des mines. Au sein d'un programme, la présentation des crédits par titre est indicative , de même que celle par action : cela signifie que ces crédits sont fongibles entre les titres (6 ( * )) et/ou entre les actions . Cette fongibilité explique et justifie d'ailleurs le principe posé par l'article 7 de la LOLF faisant relever d'un même programme les crédits d'un seul ministère : on ne saurait admettre en effet que le budget d'un ministère soit amputé au profit d'un autre par de simples mouvements de gestion qui n'auraient pas été expressément autorisés par le Parlement .

Ainsi, dans le cas de l'action 02 du programme 134, les gestionnaires et les ministères concernés se trouvent confrontés à une alternative dont aucune des solutions ne satisfait aux principes « LOLFiens » :

- soit ils font prévaloir la prééminence politique afin que, au sein du programme, les crédits du MPMECAPF soient « sanctuarisés » , au mépris des préceptes de la LOLF ;

- soit ils n'excluent pas d' appliquer la lettre de la LOLF en rendant fongible l'ensemble des crédits de toutes les actions du programme , y compris de l'action 02, au risque de susciter au sein de la structure gouvernementale des tensions que les dispositions de l'article 7 de la LOLF avaient précisément pour objet d'éviter.

Pour sortir de ce dilemme, votre commission des affaires économiques vous propose d'adopter un amendement portant création , au sein de la mission DRE, d'un programme nouveau intitulé « Développement des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales » . Les crédits transférés du programme 134 seraient naturellement ceux de son actuelle action 02 , soit 291.292.879 euros en AE comme en CP.

A ce montant s'ajouteraient en outre 5 millions d'euros destinés à alimenter le budget du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), qui seraient prélevés sur les crédits de l' Agence française pour les investissements internationaux (AFII).

Le transfert de 5 M€ de l'AFII au FISAC

Le projet de loi de finances prévoit de faire passer à 20.428.669 euros la subvention attribuée par le MINEFI à l' AFII en 2006, cette augmentation de 5 M€ (+ 32,4 %) par rapport à 2005 ayant pour objet de compléter le financement de la campagne « Image de la France » destinée à promouvoir l'image de notre pays auprès des investisseurs étrangers (qui passe de 10 à 15 M€).

Or, aucune justification d'efficience n'est présentée dans le bleu de la mission à l'appui du financement de l'agence, pas davantage qu'un objectif et des indicateurs de performances . C'est que l'AFII est paradoxalement rattachée au programme 112 « Aménagement du territoire » , qui relève de la mission « Politique des territoires » , alors même qu'elle est présentée comme un des opérateurs principaux du programme 134 et que la part essentielle de son financement (73,15 %) relève de ce dernier . C'est donc dans le bleu de la mission « Politique des territoires » que figure un indicateur (7 ( * )) qui, en agglomérant les performances de l'AFII et des agences régionales de développement économique (ARD), en rend la lecture plutôt opaque pour apprécier le rôle spécifique de l'AFII . En effet, sans remettre en cause le principe de son existence, votre commission n'est pas particulièrement convaincue de l'efficacité de ses interventions actuelles , plusieurs exemples pratiques semblant démontrer qu'une partie significative des investissements étrangers en France doit davantage à l'implication des élus territoriaux et des agences de développement économique locales qu'aux démarches des agents relevant de l'AFII, même si leurs recensements statistiques n'en témoignent pas.

Dans ce contexte, il semble à votre commission prématuré d'augmenter les crédits dévolus à une campagne médiatique sans être en mesure d'apprécier ses résultats effectifs sur l'attractivité du territoire .

En ce qui concerne le FISAC , votre commission regrette que l'abondement de 29 M€ venu, par la loi de finances rectificative pour 2004, porter à 100 M€ le total de la subvention de l'Etat pour 2005 n'ait pas été pérennisé , contrairement à ce que les parlementaires de tous bords avaient, il y a un an, compris des propos du ministre délégué aux PME, au commerce et à l'artisanat. En effet, la dotation demandée pour 2006 s'élève à 80 M€ , somme qui, au regard des besoins exprimés année après année et qui avaient précisément justifié la rallonge budgétaire de 2005, s'avère insuffisante. En témoigne le nombre des dossiers de demande de subvention, qui ne cesse de croître malgré une sensible amélioration de la productivité et de la rapidité du traitement ayant permis une augmentation de près du tiers des financements en 2004, 712 dossiers restaient en instance à la fin de cette année là, pour un montant de subventions demandées de près de 96 M€.

Or, tous les élus locaux connaissent l'importance des effets de levier des subventions du FISAC sur l'activité commerciale et artisanale dans les zones rurales et les zones urbaines sensibles : le fonds est ainsi un outil indispensable pour le développement local , outil dont il serait regrettable que l'efficacité soit bridée par de trop strictes contraintes budgétaires. C'est pourquoi votre commission souhaite abonder la subvention initialement prévue de 5 M€ supplémentaires afin qu'en 2006, la dotation globale atteigne 85 M€ et s'approche de celle qui, après régulation budgétaire (- 4 M€), devrait être effective en 2005, soit 96 M€.

Votre rapporteur pour avis observe que ce transfert de crédits ne peut être décidé par le Parlement qu'à la condition exclusive que l'action « Développement des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales » soit érigée en un programme autonome , comme le propose votre commission. En effet, les dispositions de la LOLF rendant simplement indicative la répartition des crédits entre les actions d'un même programme , les parlementaires ne pourraient pas, par amendement, effectuer cette opération dans le cadre actuel de l'architecture de la mission DRE.

Ainsi, aux considérations portant sur le respect de principes budgétaires et politiques qui fondent la proposition d'amendement de votre commission s'ajoute une opportunité conjoncturelle qui en accroît l'intérêt .

* (6) A l'exception des crédits du titre 2 Dépenses de personnel qui, en application du dernier alinéa du paragraphe II de l'article 7 de la LOLF, constituent le plafond des dépenses de cette nature : pouvant être diminués mais non augmentés, on parle à leur propos de « fongibilité asymétrique » .

* (7) Nombre d'emplois prévus associés aux projets aboutis, traités par l'AFII et les ARD, rapporté au nombre total d'emplois associés aux décisions d'investissements étrangers en France.

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