2. Le contenu formel de l'annexe présentant la mission

Le dépôt du projet de loi de finances pour 2005 avait été accompagné d'une maquette indicative de ce que pourrait être l'annexe prévue par l'article 51-5° de la LOLF pour présenter chaque mission et les projets annuels de performances établis par programme (le « bleu budgétaire »). Si, à la suite des remarques formulées il y a quelques mois par les assemblées parlementaires, un certain nombre de corrections ont été apportées, en particulier sur le fond, il semble encore subsister trop d'imperfections formelles pour qu'il puisse être considéré que l'optimum a d'ores et déjà été atteint. Les trois observations méritant d'être développées à cet égard concernent la trop grande hétérogénéité des explications relatives aux projets annuels de performances et à la justification des crédits , l'étonnante imprécision des informations relatives aux dépenses fiscales et aux fonds de concours , et l'imparfaite construction des indicateurs de performances .

a) Le projet annuel de performances

Tout comme les réponses au questionnaire budgétaire, le contenu explicatif et informatif des projets annuels de performances (PAP) est extrêmement variable selon les actions, alternant l'excellent, le satisfaisant et l'indigent.

Contrairement au passé, le bleu budgétaire doit désormais comporter tous les commentaires justifiant au premier euro les crédits demandés au Parlement , afin que celui-ci exprime en toute connaissance de cause ses choix budgétaires. C'est au regard de cet objectif que sont présentés :

- dans un premier temps, les programmes et les actions qu'ils contiennent, pour expliquer leurs finalités et leur environnement et préciser leurs priorités et les caractéristiques qui les concernent, ainsi que leurs objectifs et indicateurs de performances ;

- dans un second temps, la justification des crédits demandés pour chaque action.

Il est évidemment indispensable, pour l'information des parlementaires, qu'un soin attentif soit porté à ces présentations, qui doivent être claires, exhaustives et précises . On pourra citer, à titre d'exemples de ce qui est attendu, la qualité de la présentation et de la justification budgétaire de l'action 07 « Développement international de l'économie française » du programme 134, de l'action 02 « Contrôles techniques de sécurité et de métrologie » du programme 127 ou encore de l'action 01 « Gestion de l'après-mines » du programme 174.

A l'inverse, on regrettera le caractère bien lacunaire de la justification des crédits demandés pour l'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information » du programme 134, pour l'action 04 « Protection de l'espace national et européen » du programme 199 ou encore pour l'action 03 « Travaux de sécurité dans les mines et expropriations sur les sites miniers » du programme 174.

Certes, vos rapporteurs pour avis ne sont pas sans savoir que la fongibilité des crédits au sein d'un même programme, à l'intérieur de chaque action ou entre les différentes actions qui le composent, ne confère qu'une valeur indicative à l'essentiel des informations figurant dans le bleu budgétaire . Toutefois, dans la perspective de l'examen de la loi de règlement, il leur paraît précisément indispensable de connaître les objectifs et finalités des crédits budgétaires demandés grâce à des informations aussi affinées que possible afin d'être en mesure, ultérieurement, de comprendre les éventuelles modifications qu'en gestion , les responsables de programme auront apportées aux affectations initialement prévues.

C'est pourquoi, au-delà des exemples globaux cités ci-dessus et des corrections qu'ils appellent parfois , vos rapporteurs pour avis estiment nécessaire que, dès l'an prochain, un certain nombre de difficultés transversales , communes à de nombreuses actions, soient résolues .

Il s'agira ainsi :

- de mieux justifier , dans la stricte logique « LOLFienne », le niveau des crédits demandés , qui ne doivent pas s'inscrire dans une simple perspective de reconduction des masses budgétaires antérieurement acquises mais bien dans le souci de garantir, dès le premier euro, la rationalité et l'efficacité de la dépense publique : il en est ainsi souvent du commentaire des rubriques relatives aux dépenses d'investissement , mais cette observation vaut aussi pour nombre de dépenses de fonctionnement et d'intervention ;

- de préciser les destinations ou les répartitions des crédits demandés , informations qui importent souvent bien davantage que leur montant : c'est ainsi, à titre d'exemple, qu'il serait pertinent de connaître exactement la ventilation des bénéficiaires de nombre de dépenses d'intervention , et non simplement la catégorie d'organismes ou de structure dont ils relèvent, ou encore le montant des crédits susceptibles d'être délégués aux régions en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (telles les aides aux entreprises des actions 03 « Environnement et compétitivité des entreprises industrielles » et 07 « Développement international de l'économie française » du programme 134, et de l'action 04 « Développement industriel » du programme 127) ;

- d' assortir les « paradoxes budgétaires » des explications qui s'imposent : votre rapporteur pour avis vise, par exemple, les informations relatives à certains opérateurs de programme qui, dans le silence de tout commentaire justificatif, présentent des budgets prévisionnels en déséquilibre , parfois important (4,1 M€ pour UBIFRANCE, 7 M€ pour SUPELEC, 5 M€ pour l'AFNOR, etc.), ou encore les différences constatées entre le montant des crédits du titre 2 des programmes et la somme totale des dépenses de rémunération et de charges sociales qui les concernent , différences qui, bien que non négligeables (19 M€ pour le programme 134, soit 7 % des crédits de son titre 2, 10 M€ pour le programme 127, soit 6,6 %, et 20 M€ pour le programme 199, soit 1,6 %), ne sont nullement justifiées.

Il convient donc qu'après ce premier exercice budgétaire en format réel, les administrations approfondissent leur effort initial , qui mérite cependant d'être salué dans sa globalité, et mettent à profit l'année 2006 pour reprendre, dans leur ensemble, les PAP de la mission , afin de mieux répondre aux attentes du Parlement en matière d'information et de s'inscrire plus exactement dans l'esprit de la LOLF.

b) Les dépenses fiscales et les fonds de concours

Cette exigence devra s'étendre par ailleurs à la présentation des dépenses fiscales et des fonds de concours.

Le recensement des dépenses fiscales dont l'objet principal contribue directement ou indirectement à chaque programme constitue l'une des innovations les plus intéressantes de la nouvelle présentation budgétaire résultant de la LOLF. Cette indication est même essentielle pour ce qui concerne la mission « Développement et régulation économiques » , les multiples déductions, exonérations, reports et autres crédits d'impôts et de taxes s'avèrant être des outils plus performants pour la création, le développement et la transmission des entreprises que les subventions et aides budgétaires financées par des crédits de l'Etat. Au reste, les montants qu'ils représentent sont souvent bien supérieurs à ceux desdits crédits budgétaires : ainsi, l'évaluation pour 2006 de la réduction de la taxation des plus-values à long terme provenant de la cession de titres de participation et de certaines parts de FCPR et de SCR et des produits de concession de brevet représente, à elle seule, une dépense fiscale près de deux fois supérieure au total des crédits inscrits au titre du programme 134 « Développement des entreprises » (3 ( * )) !

Malheureusement, l'information fournie au Parlement en la matière est encore trop lacunaire puisque moins de la moitié des dépenses fiscales directes recensées est évaluée , pour un total estimé à 9.482 M€ . En effet, sur les 79 mesures fiscales contribuant directement au programme 134, 33 (42 %) ne sont pas renseignées car elles seraient « non chiffrables » , tandis que 8 (10 %) ont un coût individuel estimé à moins de 500.000 euros. Pour votre rapporteur pour avis, il conviendrait donc qu'un effort significatif soit fourni par l'administration fiscale afin que, l'an prochain, le tableau des dépenses fiscales dont l'objet contribue au programme 134 soit complété : à défaut, le Parlement pourrait envisager de supprimer les dispositifs fiscaux concernés faute d'être en mesure d'évaluer leurs effets positifs sur les entreprises, donc leur utilité .

En matière de fonds de concours , la LOLF, là encore, a eu pour objectif d'améliorer l'information des parlementaires en imposant leur recensement . S'agissant des fonds dont devrait bénéficier la mission, les sommes en jeu, sans être du niveau des dépenses fiscales, sont cependant significatives puisqu'elles atteignent au total près de 41 M€ (4 ( * )). Toutefois, là encore, le niveau d'information est insuffisant puisque pas plus l'origine de ces fonds que leur justification ne sont précisées . Votre commission estimerait donc normal que ces deux lacunes soient comblées lors de la présentation du prochain projet de loi de finances initiale .

c) Les indicateurs de performances

Enfin, c'est dans le même esprit que devra être abordé l'an prochain le renseignement des indicateurs de performances.

La problématique de la pertinence et de l'utilité de certains d'entre eux va être examinée dans la seconde partie de ce chapitre par votre rapporteur pour avis. Mais, quant à leur forme, celui-ci tient à exprimer son étonnement , deux ans après le formatage des missions et le premier choix des objectifs et indicateurs de performances, devant le nombre de ces derniers qui ne sont toujours pas renseignés, ou très imparfaitement (aucune indication de réalisation en 2004 et/ou absence de prévisions pour 2006). Dix-huit des 54 indicateurs rattachés à la mission, soit le tiers, encourent cette critique : ceux du programme 127 sont même plus nombreux que les indicateurs satisfaisants (7 contre 5), et les proportions de ceux des programmes 174 (5 sur 11, soit 45,5 %) et 134 (5 sur 13, soit 38,5 %) sont elles aussi très élevées : à cette aune, on ne peut que se féliciter de la situation du programme 199 , qui compte le plus d'indicateurs (18) et connaît le plus faible nombre de ceux partiellement ou non renseignés (2, soit 11,1 %).

Cette observation n'a pas pour objet de stigmatiser les services administratifs et organismes publics chargés du contenu de ces indicateurs, vos rapporteurs pour avis ne méconnaissant pas les difficultés rencontrées, dans certains cas, pour construire des outils pertinents et mettre en place les procédures permettant de collecter l'information nécessaire. Cependant, cette imprécision de la forme n'est pas sans incidence sur l'appréciation qu'ils peuvent porter sur le fond , c'est-à-dire sur l'intérêt et l'utilité des indicateurs de performances comme sur l'ambition des prévisions pour 2006 ou des valeurs cibles pour l'avenir . Car en effet, comment peuvent-ils forger leur opinion sur les valeurs et les ratios prévus et ciblés par l'administration s'ils ne connaissent pas l'existant (5 ( * )) ?

Ils attendent donc que, l'an prochain, tous les indicateurs de performances soient parfaitement renseignés , en ce qui concerne tant les réalisations de l'année 2005 que les prévisions pour 2006 et 2007 et les cibles retenues . Une seule exception pourra évidemment être admise : celle des éventuels indicateurs nouveaux qui viendraient s'ajouter aux indicateurs actuels, ou remplacer ceux d'entre eux qui ne sont pas pertinents, et qui seraient en cours de construction au cours de l'année 2006 .

* (3) Dépense fiscale évaluée à 2,21 milliards d'euros, contre des CP arrêtés à 1,16 milliard d'euros.

* (4) Soit par programme : 12,78 M€ pour le n° 134, 3,23 M€ pour le n° 127 et 24,71 M€ pour le n° 199.

* (5) Par exemple : la proportion d'élèves étrangers diplômés dans les écoles d'ingénieurs relevant du programme Développement des entreprises , le coût unitaire de fonctionnement d'une inspection de l'action Prévention des nuisances et des risques technologiques , le taux de fiches de conclusions transmises à l'unité d'alerte de la DGCCRF dans les 30 jours et le taux de contre-visites chez les entreprises ayant signalé un produit présentant des risques pour le consommateur, etc.

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