C. L'AEFE

Il a paru légitime d'inclure dans ce rapport des commentaires relatifs au fonctionnement et au budget de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger qui fournit aux jeunes Français d'âge scolaire un enseignement français mais contribue également au rayonnement de la langue et de la culture française par l'accueil d'élèves étrangers dans les établissements d'enseignement concernés.

L'AEFE va se heurter en 2006 à des difficultés financières très sérieuses.

1. L'état des lieux en 2005

La subvention de l'Etat en faveur de l'AEFE, inscrite sur le chapitre 36.30 du budget du ministère des affaires étrangères, était de 324 696 120 € en 2005. Elle représentait 80 % des produits prévus et constituait la ressource essentielle de l'AEFE.

Subvention 2004

332 000 000

- moins fin du financement de la réforme

- 10 342 503

+ mesures nouvelles :

Ajustement des rémunérations

591 966

Ouvertures de classes à Alger

402 257

Transfert de 14 postes du MAE

476 528

+ FASEF

1 219 592

+ Bourses françaises

290 000

+ bourses d'excellences

28 280

Montant subvention 2005

324 696 120

Le budget primitif des services centraux de l'agence pour l'année 2005 prenait en compte :

- la fin du plan de transformation d'emplois de personnels expatriés en personnels résidents qui concernait 536 postes et qui s'est étalé sur une durée de 4 années du 1er septembre 2001 au 31 août 2005. Ceci s'est traduit par la non reconduction de la mesure 2004 pour le financement de la réforme, soit 10 622 303 € ;

- les crédits nécessaires en matière d'investissement dans les EGD (établissements en gestion directe) en 2005.

En effet, l'AEFE, établissement public placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, gère pour l'accomplissement de ses missions, conformément au code de l'Education, les établissements d'enseignement situés à l'étranger, dépendant de ce ministère et placés en gestion directe (EGD). Elle assure, par ailleurs au bénéfice de l'ensemble des établissements scolaires participant à l'enseignement français à l'étranger l'affectation de concours de toute nature incluant des subventions d'investissement.

L'AEFE peut, à cette fin, mobiliser la compétence immobilière qu'elle possède au titre du décret n° 2003-1288 du 23 décembre 2003 relatif à son organisation financière, budgétaire et comptable qui prévoit que l'agence, sur autorisation de son conseil d'administration, peut procéder à des acquisitions immobilières ou à des opérations de construction relevant de son domaine propre et contracter des emprunts.

Un nouveau décret a, par ailleurs, été signé le 19 mai 2005 (décret n° 2005-551). Il modifie le statut de l'AEFE pour lui donner de nouvelles prérogatives en matière de gestion domaniale (mises à disposition des immeubles des EGD, aménagement, entretien, réparations et construction).

En vue d'élargir les compétences immobilières de l'établissement public, le décret prévoit de lui attribuer à titre de dotation les immeubles des établissements d'enseignement placés en gestion directe, appartenant à l'Etat et affectés au ministère des affaires étrangères. Un arrêté de remise en dotation est en cours de préparation. Toutefois, cette remise en dotation offre à l'AEFE des moyens d'action limitée en matière immobilière. Elle ne concernerait qu'une dizaine d'établissements et s'étalerait sur plusieurs années. Par ailleurs, le problème le plus difficile à surmonter est d'ordre juridique : l'Etat n'est pas propriétaire de ces établissements ; il dispose seulement d'un droit de jouissance et ne peut donc pas aisément les « remettre » à l'Agence sans l'accord des Etats partenaires qui lui ont accordé cette jouissance.

La compétence immobilière de l'AEFE supposait qu'elle puisse :

- mobiliser des crédits d'investissement pour faire face aux besoins de travaux de mise aux normes notamment en matière de sécurité,

- lisser sur une longue durée, grâce au recours à l'emprunt, les effets budgétaires d'investissements lourds en cas de construction,

- compléter les crédits disponibles grâce à l'autofinancement dégagé par les établissements à chaque fois que possible,

- recueillir les contributions apportées à des opérations immobilières dans le cadre du mécénat.

De plus, la contrepartie du transfert de cette compétence financière devrait logiquement être un soutien financier de l'Etat. Monsieur le sénateur André Ferrand estimait à 15 millions d'euros ce soutien. C'est seulement une dotation de 10 millions d'euros du titre V du budget du ministère des affaires étrangères qui avait été envisagée au moment de la décision de transfert.

2. La situation pour 2006

Elle est très critique.

En termes d'investissements :

La promesse relative à la dotation de 10 millions d'euros n'a pas été tenue. L'AEFE n'a reçu aucune dotation budgétaire pour faire face à ces nouvelles compétences immobilières sur un parc qui est évalué à près de 600 000 m 2 . Et, de plus, le ministère des finances est hostile à ce que l'Agence, recoure à des emprunts pour faire face à ses dépenses d'investissements ainsi que l'a confirmé le ministre des affaires étrangères lors de son audition devant la commission des affaires étrangères. Il a par ailleurs ajouté que son ministère contribuerait en 2006 au programme de construction de l'Agence pour un montant de 11,3 millions d'euros sans préciser d'où ces fonds seraient issus. Il a enfin évoqué la possibilité de construire des établissements scolaires à l'étranger grâce au « ppp » (partenariat public-privé) mais il est évident que cette solution « miracle » ne peut s'appliquer dans les villes dont l'attractivité est faible en terme d'investissement immobilier et qu'elle ne répond pas non plus aux immenses besoins de mise aux normes et d'entretien des bâtiments existants.

Les investissements immobiliers sont indispensables non seulement pour permettre à l'AEFE de préserver la qualité immobilière de ses établissements mais aussi pour effectuer d'élémentaires travaux nécessaires à la sécurité même des locaux. L'Agence devra donc nécessairement, si la promesse du ministre des affaires étrangères n'est pas tenue, recourir à son fonds de roulement pour une somme estimée à 9,07 millions d'euros afin de faire face notamment à des travaux de sécurité faute desquels des établissements seraient fermés par les autorités du pays de résidence comme cela pourrait être le cas à Madrid..

En termes de fonctionnement :

Le budget de fonctionnement passerait de 413,2 M€ à 426,3 M€ soit une augmentation de 13,1 M€ (+ 3,16%) qui couvre :

- l'augmentation des crédits de rémunération (+10,9 M€) liée essentiellement à l'application en année pleine des mesures législatives (augmentation du point d'indice, retraite additionnelle fonction publique, caisse nationale de solidarité autonomie), et à la prise en compte du fait que la quasi-totalité des emplois ont été pourvus à la rentrée 2005 ;

- l'augmentation de 2 M€ des crédits de voyages ;

- l'abondement des bourses scolaires de 1,5 M€.

Or dans le même temps, les crédits de fonctionnement alloués par le ministère des affaires étrangères passeront de près de 325 millions d'euros à 323 millions d'euros.

En conséquence, malgré une perspective de ressources propres en augmentation de 4,8 M€ la prévision budgétaire fait apparaître un déficit de 11,1 M€ qui devront être couverts par un prélèvement sur le fonds de roulement.

L'évolution très préoccupante du fonds de roulement :

Le montant du fonds de roulement de l'AEFE est de 60,6 millions d'euros au 31 décembre 2004.

Prélèvement en 2005 :

Les prélèvements effectués en 2005 (budget primitif et décision modificative n° 1) s'élèvent à 21,8 millions d'euros. Ils se décomposent comme suit :

Budget primitif 2005 : prélèvement de 8 M€ pour financer des investissements et notamment les prévisions d'achat et de construction de deux nouvelles écoles (Ho Chi Minh, Moscou).

Décision modificative n° 1 du budget 2005 : prélèvement de 13,764 M€ qui correspond :

- aux reports de crédits de l'exercice 2004 :

- report de crédits de fonctionnement : 2 522 000 €

- report de crédits pour investissement : 3 212 000 € dont achat d'un terrain à Ankara 1 M€ et 2 M€ pour les travaux de mise aux normes de sécurité des lycées de Bruxelles (Belgique) et de Barcelone (Espagne.

- au financement de 8,1 M€ pour l'achat de terrains pour le lycée Jean Renoir de Munich (Allemagne).

Prévisions pour 2006 :

Un besoin de financement de 20,8 millions d'euros (9,07 pour les investissements immobiliers et 11,1 pour le fonctionnement) est nécessaire pour équilibrer le budget primitif de 2006. Cela suppose un prélèvement sur le fonds de roulement qui passerait donc à environ 18 millions d'euros, soit 15 jours de fonctionnement de l'Agence (alors que les établissements publics doivent toujours avoir en trésorerie 30 jours de fonctionnement) ...

EVOLUTION DU FONDS DE ROULEMENT

Fonds de roulement au 31 décembre 2004

60 6327 795

Gestion 2005 :

- prélèvement budget primitif

- 8 000 000

- prélèvement décision modificative n° 1

- 13 864 000

Solde prévisionnel au 31 décembre 2005

38 763 795

Gestion 2006

- prélèvement budget primitif

- 20 874 854

Solde fonds de roulement

17 888 941

L'AEFE a élaboré un plan d'orientation stratégique comportant notamment des actions en faveur du renouvellement pédagogique, du plurilinguisme ... Sa mise en oeuvre est très largement compromise par l'absence de financement budgétaire. Les financements par mécénat ont un caractère illusoire. Il s'avèrera nécessaire de recourir à une augmentation des droits de scolarité qu'acquittent les parents des élèves scolarisés dans les établissements de l'AEFE. Ceci semble tout à fait injuste car le coût moyen annuel d'un élève français scolarisé à l'étranger par l'AEFE est bien inférieur à celui d'un élève scolarisé en France, ainsi que le montre le tableau suivant, et beaucoup moins onéreux pour le budget de l'Etat, soit une économie moyenne par enfant français de 3.409 euros.

ELÈVES FRANÇAIS SCOLARISÉS À L'ÉTRANGER :

COMBIEN COÛTERAIENT-ILS À L'ETAT S'ILS ÉTAIENT SCOLARISÉS EN FRANCE ?

Effectif d'élèves français scolarisés à l'AEFE

Coût d'un élève en France*

Coût théorique des élèves français résidant à l'étranger s'ils avaient été scolarisés en France

Coût effectif des élèves français scolarisés à l'AEFE

Frais de scolarité payés par les élèves français

Coût pour l'État de la scolarisation des élèves français résidant à l'étranger, y compris bourses

"Économie" réalisée par l'État dans la scolarisation des enfants français à l'étranger.

Maternelle

11 808

4 160 €

49 121 280 €

Coût moyen d'un élève

24 820 416 €

Primaire

26 240

4 480 €

117 555 200 €

Scolarisé à l'AEFE

57 019 520 €

Collège

20 066

7 100 €

142 468 600 €

4 800 €

52 131 468 €

Lycée

10 532

8 400 €

88 468 800 €

31 975 152 €

Post bac

5

Total

68 651

397 613 880 €

329 524 800 €

165 946 556 €

163 578 244 €

234 035 636 €

Sources : DEP - Repères et références statistiques - édition 2004 (page 281) - AEFE - Statistiques et ratios 2003/2004

De ce tableau, il ressort que le coût théorique moyen par élève et par an est de 5.791 € s'il est scolarisé en France, et de 2.382 € s'il s'agit d'un élève français scolarisé dans un établissement de l'AEFE, soit une « économie » pour l'Etat de 3.409 € par élève.

Tableau établi par la FAPEE

L'Assemblée nationale a adopté un amendement transférant les crédits de l'AEFE (323 millions d'euros), du programme « Français à l'étranger et étrangers en France » à celui du « Rayonnement culturel et scientifique ». Ce mouvement de programme n'est pas sans risque. Lors de la mise en oeuvre de la LOLF et pour respecter l'esprit de cette loi, il avait été jugé préférable de ne pas constituer des programmes inférieurs à 300 millions d'euros, afin de ne pas fractionner le budget de l'Etat en un nombre de programmes illimités. Si cet amendement était appliqué, le programme « Français à l'étranger et étrangers en France » serait inférieur à ce montant et risquerait de disparaître purement et simplement à la faveur d'une réorganisation de la maquette budgétaire. Certes, le rattachement du budget de l'AEFE à l'un ou l'autre des deux programmes précités peut être débattu. Cet établissement public est chargé de scolariser les élèves français à l'étranger, mais également de contribuer au rayonnement de la langue et de la culture française par l'accueil d'élèves étrangers. Ces deux missions se complètent mutuellement : sans élèves français, il ne peut y avoir d'écoles, et l'absence d'élèves étrangers entraînerait un risque d'étroitesse culturelle. Cependant, dès lors que le directeur de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) reste le président de l'AEFE, la mission de rayonnement culturel impartie aux écoles est assurée. Toutefois, le rattachement de l'Agence au programme « Français à l'étranger et étrangers en France » consacre la nécessaire continuité du service public français d'éducation en faveur des enfants de nationalité française.

Votre rapporteur propose donc d'adopter un amendement destiné à revenir à la situation initiale en réaffectant les crédits de l'AEFE au programme 212.

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