2. Le fonctionnement et les pouvoirs de la HALDE

a) Ses modalités de saisine

Aux termes de l'article 4 de la loi du 30 décembre 2004, toute personne s'estimant victime de discrimination peut saisir la Haute autorité, qui a également la faculté de se saisir d'office des cas de discrimination dont elle a connaissance, sous réserve que la victime, lorsqu'elle est identifiée, ait été avertie et ne s'y soit pas opposée.

En outre, la saisine de la Haute autorité :

- a été ouverte, à l'initiative de votre commission des Lois, lors de la discussion du projet de loi portant création de la HALDE au Sénat, à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations, conjointement avec toute personne s'estimant victime de discrimination ;

- peut être exercée par l'intermédiaire d'un député, d'un sénateur ou d'un représentant français au Parlement européen .

L'article 20 du décret du 4 mars 2005 précise que la personne saisissant la HALDE doit lui faire connaître « par écrit, en apportant toutes précisions utiles, les faits qu'elle estime constitutifs d'une discrimination, directe ou indirecte ».

Si la Haute autorité est tenue d'informer les personnes de l'enregistrement de leur saisine, elle doit également leur indiquer à intervalles réguliers les « démarches accomplies ».

M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, a déclaré devant votre commission que la Haute autorité avait reçu 1.377 réclamations depuis sa création. Il a indiqué que le classement des réclamations par motif et par domaine de discrimination montrait que 38 % d'entre elles concernaient des discriminations à raison de l'origine nationale, raciale ou ethnique, 14 % la santé et le handicap, 6 % l'âge, et 6 % le sexe, avec pour ce critère une proportion égale de dossiers déposés par des femmes et par des hommes.

S'agissant du domaine d'intervention des discriminations, M. Louis Schweitzer a précisé que 45 % des réclamations visaient l'emploi, 22 % les services publics, qu'il s'agisse de leur réglementation ou de leur fonctionnement, le reste des dossiers se répartissant, de façon décroissante, entre l'accès aux biens et services privés, le logement et l'éducation.

b) Ses pouvoirs d'investigation

Afin de vérifier les faits de discrimination invoqués dans les saisines qui lui sont adressées et de soutenir les victimes dans la recherche de preuves, la Haute autorité peut :

- demander des explications à toute personne physique ou morale de droit privé mise en cause, demander communication d'information et de documents et entendre toute personne dont le concours lui paraît utile (art. 5 de la loi du 30 décembre 2004) ;

- entendre les agents des autorités publiques ou organismes chargés d'une mission de service public (art. 6) ;

- demander toutes informations et pièces utiles aux autorités publiques et demander aux ministres compétents de saisir les corps de contrôle en vue de faire des enquêtes (art. 6) ;

- avec l'accord des personnes intéressées, charger un ou plusieurs de ses membres ou de ses agents de procéder à des vérifications sur place , dans les locaux administratifs ainsi que dans les lieux accessibles au public et dans les locaux professionnels, à condition que ces derniers soient exclusivement consacrés à cet usage (art. 8).

Si ses demandes d'explication ou de communication de documents ne sont pas suivies d'effet, la Haute autorité peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'elle fixe (art. 9 de la loi du 30 décembre 2004). Lorsque la mise en demeure n'est pas exécutée, le président de la HALDE peut saisir le juge des référés d'une demande motivée aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier jugerait utile.

Pour procéder à des vérifications sur place, les agents de la Haute autorité doivent recevoir une habilitation spécifique du procureur général près la Cour d'appel de leur domicile.

L'article 26 du décret du 4 mars 2005 précise que ne peuvent être habilitées des personnes ayant fait l'objet d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Le collège de la HALDE doit en outre délivrer une lettre de mission aux personnes chargées de procéder à des vérifications sur place (art. 27 du décret).

M. Louis Schweitzer, président de la Haute autorité, a indiqué à votre commission que ses services n'avaient pas encore mis en oeuvre cette prérogative de vérification sur place, les premiers agents compétents pour agir n'ayant été habilités que très récemment.

c) Son pouvoir de médiation

L'article 7 de la loi du 30 décembre 2004 permet à la Haute autorité de recourir à la médiation pour résoudre de façon amiable les différends portés à sa connaissance.

L'aboutissement d'une telle médiation requiert l'accord des parties.

Les conditions d'exercice de ce mode de résolution amiable sont définies par les articles 28 et 29 du décret du 4 mars 2005, qui précisent que la Haute autorité désigne un médiateur afin d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue. Il revient par ailleurs à la HALDE de fixer la durée de la médiation, qui ne peut excéder trois mois, renouvelables une fois à la demande du médiateur.

Chacune des parties, ainsi que le médiateur, peuvent à tout moment demander à ce qu'il soit mis fin à la médiation.

Selon les indications fournies à votre rapporteur, depuis sa création la HALDE a engagé 4 procédures de médiation, toujours en cours.

d) Son pouvoir de recommandation

La Haute autorité ne peut, en l'état actuel de la loi, que formuler des recommandations pour remédier à tout fait ou toute pratique qu'elle estime discriminatoire, ou pour en prévenir le renouvellement (art. 11 de la loi du 30 décembre 2004).

La HALDE fixe alors un délai , à l'issue duquel les autorités ou personnes intéressées doivent lui rendre compte de la suite donnée à ces recommandations, qui peuvent être rendues publiques par tous moyens 33 ( * ) . A défaut d'un tel compte rendu, ou si la Haute autorité estime que sa recommandation n'a pas été suivie d'effet, elle peut établir un rapport spécial , publié au Journal officiel.

Le collège de la Haute autorité a pris une quinzaine de recommandations , adressées à des organismes publics ou privés.

Parmi les recommandations ayant abouti, on peut citer une réclamation relative à la préférence familiale dans l'attribution d'emplois d'été, mettant en cause une préfecture d'une part, et une entreprise privée d'autre part 34 ( * ) .

Après la délibération du collège alertant les responsables sur le fait qu'il s'agissait d'une pratique illégale, l'entreprise privée s'est engagée à revoir ses procédures d'embauche pour les emplois d'été, et le ministre de l'intérieur a diffusé une circulaire à l'ensemble des préfets, soulignant l'interdiction de la cooptation et appelant à la mise en place de procédures objectives d'appels à candidatures (circulaire du 9 janvier 2006).

* 33 Art. 31 du décret du 4 mars 2005.

* 34 A également abouti une réclamation relative aux conditions d'attribution aux déportés de la Seconde Guerre mondiale d'une pension d'invalidité en fonction de la nationalité au moment de la déportation et de la demande de pension. Le collège a conclu que ce dispositif était contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et recommandait une réforme corrigeant cette inégalité de traitement au ministre délégué aux anciens combattants et au Premier ministre. Le ministre délégué aux anciens combattant et le Premier ministre ont acquiescé à la conclusion de la Haute autorité et se sont engagé à réformer ce dispositif après une concertation interministérielle.

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