N° 414

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 juin 2006

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ,

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Mme Annie Jarraud-Mordrelle, MM. Alain Journet, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (12 ème législ.) : 2978, 3088 et T.A. 584

Sénat : 384 et 394 (2005-2006)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Compte tenu de l'importance politique majeure que la France attache à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée le 20 octobre 2005 par l'UNESCO, notre pays a fait le choix, qui ne s'imposait pas juridiquement, d'une ratification par la voie parlementaire.

Compte tenu à la fois de son intérêt constant pour les principes affirmés par ce texte et de l'impact de ce dernier sur la création et les industries culturelles, votre commission des affaires culturelles a souhaité -fait exceptionnel- se saisir pour avis de cette convention.

Rappelons que l'UNESCO est à l'origine d'un très grand nombre de conventions internationales, essentiellement dans le champ de la protection du patrimoine. La présente convention viendra combler un vide juridique et jeter les bases d'un droit nouveau.

Auditionné le 2 mars 2005 par votre commission, M. Jean Musitelli, ancien ambassadeur auprès de l'UNESCO, alors conseiller d'Etat chargé d'une mission de coordination interministérielle en vue de la rédaction du projet de convention, précisait les trois grands objectifs pouvant être assignés à cette dernière :

- « reconnaître juridiquement la double nature des biens et services culturels qui ne se réduisent pas à leur dimension économique, mais sont également porteurs de valeurs symboliques spécifiques ;

- reconnaître la légitimité pour les gouvernements de mener des politiques publiques de soutien à leurs industries culturelles, dès lors que ces actions ne sont pas dictées par le désir de protéger leur marché, mais par le souci de préserver la diversité culturelle au plan national et international ;

- enfin, à l'échelle internationale, favoriser les voies d'une coopération entre pays développés et nations du Sud permettant de compenser, dans un esprit de solidarité internationale et de développement durable, l'insuffisance des capacités de production et de diffusion des pays pauvres . »

Le texte adopté par l'UNESCO répond bien à ces objectifs. Il constitue un succès historique en faveur d'enjeux essentiels et devrait avoir un impact réel. Toutefois, afin de garantir la mise en application concrète des principes adoptés, et compte tenu de son statut juridique peu contraignant, il conviendra de faire preuve d'une volonté politique forte afin qu'un puissant mouvement de ratification, d'acceptation ou d'adhésion par les Etats en renforce la portée.

I. UN SUCCÈS HISTORIQUE EN FAVEUR D'ENJEUX ESSENTIELS

A. POURQUOI FAUT-IL PROTÉGER ET PROMOUVOIR LA DIVERSITÉ CULTURELLE ?

Parmi les nouveaux défis nés de la mondialisation, figurent les risques d'homogénéisation des cultures et, parallèlement, de repli identitaire. A partir de ce constat, le souhait de pouvoir préserver et promouvoir la diversité des cultures et la capacité créatrice, sous leur forme matérielles et immatérielles, a grandi au sein d'un certain nombre de pays et d'institutions internationales.

Incontestablement, la mondialisation de l'économie et les progrès des technologies de l'information et de la communication, en facilitant la circulation des biens et services culturels, favorisent les contacts et échanges entre cultures. Cependant, les mécanismes en vigueur ne jouent pas nécessairement en faveur de relations culturelles équilibrées. La nécessité pour les entreprises d'appréhender des marchés globaux les incite à la concentration et à la production de biens et services uniformisés. Il en résulte un risque à la fois de domination et d'appauvrissement culturels.

Ces dangers sont réels et à la hauteur des enjeux économiques en cause.

1. Le pluralisme culturel : une exigence politique

Ainsi que l'a affirmé M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, à l'occasion de la table ronde sur la diversité culturelle qui s'est tenue durant le festival de Cannes, le 18 mai dernier : « La diversité culturelle est une exigence politique essentielle. Les artistes, tous autant qu'ils sont, dans leur diversité, doivent avoir la capacité de créer librement, et le public doit pouvoir accéder à leurs créations. C'est pourquoi, chaque Etat doit avoir le droit d'aider les créateurs sur son territoire comme il l'entend ».

En effet, les biens et les services culturels sont porteurs de l'identité même des peuples, de valeurs et de sens et ils ne peuvent donc être réduits à la seule dimension économique. Cette spécificité des biens et des services culturels impose, par conséquent, un rôle particulier des politiques culturelles mises en place par les différents États pour participer à la protection et à la promotion de cette diversité culturelle.

C'est l'avenir du pluralisme culturel, y compris linguistique, qui est en jeu.

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