Avis n° 83 (2006-2007) de M. Jean-Patrick COURTOIS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 novembre 2006

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N° 83

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2006

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2007 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VIII

SÉCURITÉ

Par M. Jean-Patrick COURTOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3341 , 3363 à 3368 et T.A. 619

Sénat : 77 et 78 (annexe n° 26 ) (2006-2007)

Lois de finances .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, le mercredi 22 novembre 2006, la commission des Lois, réunie le mercredi 29 novembre 2006 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a procédé, sur le rapport de M. Jean-Patrick Courtois, à l' examen pour avis des crédits de la mission « Sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007, dont la commission des Finances est saisie au fond.

Le rapporteur a tout d'abord souligné que ce projet de budget s'inscrivait exactement dans la continuité de la politique de sécurité intérieure engagée depuis 2002 et qu'il poursuivait, voire menait à leur terme, la réalisation de réformes et de programmes d'équipement comme le déploiement du réseau de communication ACROPOL.

Concernant les chiffres de la délinquance, il a remarqué qu'ils baissaient pour la cinquième année consécutive, même si un ralentissement de la baisse pouvait être observé, seuls les crimes et délits contre les personnes continuant de progresser de manière inquiétante.

Il a ensuite regretté que les recommandations faites l'année précédente par la commission sur le choix des indicateurs n'aient pas été écoutées.

Traçant un bilan rapide de la LOPSI, il a estimé que l'un de ses succès les plus remarquables était d'avoir su fixer un cap à la politique de sécurité intérieure. Il a toutefois indiqué que les objectifs fixés n'avaient pas été atteints dans un domaine : la réduction des charges qualifiées d'« indues », notamment les opérations d'extraction et de transfèrement des détenus qui représentent un volume de travail important pour les policiers et gendarmes au détriment de leurs missions de sécurité publique. Il a estimé que le transfert de ces missions à l'administration pénitentiaire permettrait à moyen terme de réduire les coûts et d'inciter le ministère de la justice à développer des solutions comme la visioconférence.

Tout en reconnaissant qu'une meilleure organisation permettrait certainement de réduire le volume global des escortes judiciaires, plusieurs membres de la commission se sont déclarés réservés quant au transfert de cette compétence à l'administration pénitentiaire estimant, d'une part, qu'il n'était pas certain que cela réduise les coûts et, d'autre part, que les surveillants pénitentiaires n'étaient pas formés pour travailler en milieu ouvert.

Le rapporteur a ensuite mis en lumière les progrès accomplis par la police technique et scientifique au cours des dernières années. Soulignant l'effort budgétaire accompli, il a indiqué que les moyens de la police technique étaient désormais diffusés dans l'ensemble des services, y compris de sécurité publique, de telle façon que la lutte contre la petite délinquance en bénéficie à moyen terme. Il a mis en exergue également les résultats spectaculaires que commençait à produire le fichier national automatisé des empreintes génétiques. Traçant quelques perspectives pour l'avenir, il a déclaré que l'activité de la police technique devrait croître structurellement dans les années à venir.

Ces observations ont conduit la commission des Lois à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » inscrits au projet de loi de finances pour 2007.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances pour 2007 est le second budget à être examiné et voté selon les règles de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 (LOLF).

Organisée autour de politiques publiques, la LOLF doit permettre de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats et d'efficacité de la dépense publique.

Appliquée à la sécurité, la LOLF parachève les efforts entrepris dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) pour :

- rapprocher et coordonner l'action de la police et de la gendarmerie nationales ;

- développer une culture du résultat et de l'efficacité.

Les crédits de la mission « Sécurité » tels qu'ils apparaissent dans le projet annuel de performance atteindraient 16,292 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 1,5 %, et 15,683 milliards d'euros en crédits de paiements, soit une hausse de 2,6 %. Le périmètre des crédits est stabilisé par rapport à 2006.

Concernant plus spécifiquement le programme « Police nationale », les autorisations d'engagement s'élèveraient à 8,408 milliard d'euros et les crédits de paiement à 8,199 milliards d'euros , respectivement en baisse de 2,51 % et en hausse de 2,3 %. En masse, l'évolution des crédits de paiement s'élève à 187 millions d'euros .

Les dépenses de personnels représenteront plus de 7 milliards d'euros en 2007, soit 85 % des crédits. Le plafond d'autorisation d'emplois s'établit à 149.965 emplois en 2007 (+ 2.377 par rapport à 2006). Ces crédits permettront notamment de réaliser 1.000 créations d'emplois en 2007 dans le cadre de la cinquième tranche de la LOPSI.

Pour sa part, le programme « Gendarmerie nationale » comporterait 7,884 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 7,484 milliards d'euros de crédits de paiement, en progression respectivement de 6,19 % et de 2,92 %. En masse, l'évolution des crédits de paiement s'élève à 211 millions d'euros .

Les dépenses de personnel représenteront 6,03 milliards d'euros en 2007, soit 81 % du budget total de la gendarmerie. Au total, le plafond d'emplois autorisés est de 102.101 ETPT, soit une augmentation de 1.410 emplois par rapport à 2006.

Ces dépenses permettront tout d'abord la création de 950 emplois à réaliser en mi-année dans le cadre de la LOPSI, soit 475 ETPT inscrits au PLF 2007 1 ( * ) . Par ailleurs, la réalisation en année pleine de l'annuité 2006 de la LOPSI entraînera une augmentation de 1.000 ETPT supplémentaires en 2007, à la suite de 2.000 créations à mi-année du PLF 2006.

MISSION « Sécurité  »

Programme
« Police nationale  »

Programme
« Gendarmerie nationale »


Actions :

- Ordre public et protection de la souveraineté

- Sécurité et paix publiques

- Sécurité routière

- Police des étrangers et sûreté des transports internationaux

- Police judiciaire et concours à la justice

- Commandement, ressources humaines et logistique


Actions
:

- Ordre et sécurité publics

- Sécurité routière

- Police judiciaire et concours à la justice

- Commandement, ressources humaines et logistique

- Exercice des missions militaires

Au total, le taux de réalisation des objectifs de la LOPSI en matière d'effectifs devrait s'établir pour la police et la gendarmerie respectivement à 95 % et 85 % à l'issue de la cinquième et dernière année d'exécution.

L'ensemble des grandes orientations de la politique de sécurité sont poursuivies, voire approfondies. Il en va de la même façon pour les programmes d'équipement lancés les années précédentes, qu'il s'agisse du déploiement du réseau de communication Acropol, du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), de l'armement ou du nouvel uniforme.

Rarement une loi de programmation aura été aussi bien respectée. Tous les syndicats rencontrés par votre rapporteur ont salué le respect de cet engagement. A cet égard, cet effort financier considérable dans un contexte budgétaire général contraint témoigne de la priorité fixée pour la sécurité publique et appelle en retour une attention particulière sur l'efficacité de la dépense.

Cette année encore, les chiffres de la délinquance sont globalement bons même si l'on doit observer un ralentissement de la baisse . Avec 3.775.838 faits constatés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie, l'année 2005 enregistre un recul de la criminalité et de la délinquance qui s'établit à - 1,30 %, soit 49.604 faits de moins qu'en 2004.

Ce résultat conforte l'inversion de tendance de l'évolution de la délinquance enregistrée depuis le second semestre de 2002. En quatre ans, la délinquance générale a donc diminué de 8,8 %.

Au premier semestre 2006, avec 1.872.621 faits constatés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie, le 1 er semestre 2006 enregistre une baisse de la criminalité et de la délinquance qui s'établit à - 0,62 %, soit 11.690 faits de moins qu'au 1 er semestre 2005.

Seuls les crimes et délits contre les personnes continuent de progresser de manière inquiétante : + 4,40 % en 2005 et + 5,23 % au 1er semestre 2006. La hausse de la catégorie « Autres infractions dont stupéfiants » doit être interprétée avec prudence car elle concerne principalement des crimes et délits révélés par l'action des services (infraction à la police des étrangers, stupéfiants).

D'autres indicateurs démontrent l'efficacité des services. Les taux d'élucidation s'améliorent quelle que soit la catégorie d'infraction 2 ( * ) et le nombre d'infractions révélées par l'action des services augmente encore fortement démontrant ainsi leur démarche volontaire.

Cette exigence de résultat est d'autant plus forte que la LOPSI arrive à son terme. Les crédits supplémentaires consentis depuis 2002 l'ont été pour remettre à niveau les moyens de nos forces de police et de gendarmerie. A l'avenir, elles seront peut-être contraintes de faire aussi bien et même mieux avec des moyens progressant moins vite. La LOLF prendra alors tout son sens.

Votre rapporteur souhaite inaugurer cette année une nouvelle démarche. Après un tour d'horizon des principaux enjeux budgétaires et de la politique de sécurité intérieure pour 2007, le rapport apportera un éclairage particulier sur un aspect de cette politique. Cette année, le thème retenu est la police technique et scientifique.

Avant de poursuivre, il convient de témoigner notre soutien aux forces de police et de gendarmerie qui, dans des conditions difficiles, se dévouent au péril de leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens. En 2005, quinze policiers et gendarmes sont décédés dans l'exercice de leurs fonctions. Qu'il soit permis à votre commission de leur rendre un hommage particulier.

CHAPITRE PREMIER : OBSERVATIONS GÉNÉRALES

I. LES INDICATEURS DE PERFORMANCE : DES PROGRÈS ENCORE POSSIBLES

A. LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION ONT ÉTÉ PEU SUIVIES

Votre rapporteur avait fait plusieurs observations et critiques à l'encontre du choix des objectifs et des indicateurs de performance.

En premier lieu, en dépit d'un effort important de rapprochement des programmes « Police » et « Gendarmerie », des disparités d'approche subsistaient qui ne pouvaient uniquement s'expliquer par les spécificités de ces deux forces de sécurité. Ainsi, la police des étrangers et le contrôle des frontières ne faisaient pas l'objet d'une action spécifique pour la gendarmerie alors que celle-ci y contribue de manière importante. Cette remarque avait été reprise par l'ensemble des rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Pourtant, le gouvernement n'a rien modifié sans justifier réellement son choix du statu quo.

Une seconde critique portait sur la non-harmonisation de certains indicateurs ou de leurs méthodes de calcul entre la police et la gendarmerie. Ces disparités compliquent les comparaisons. Là encore, peu d'évolutions sont à noter. Rappelons que le rapprochement de la police et de la gendarmerie inscrit dans la LOPSI a pour but de ne conserver que les spécificités justifiées par le statut militaire de la gendarmerie et par les particularités du type de délinquance que traite chacune de ces forces.

En troisième lieu, les indicateurs choisis n'étaient pas toujours judicieux et parfois redondants .

Ainsi, pour évaluer l'action de la police judiciaire, un seul type d'indicateur a été retenu : le taux d'élucidation selon les différentes catégories d'infraction. Le taux d'élucidation est très intéressant mais une matière, quelle qu'elle soit, mérite toujours d'être évaluée sous plusieurs angles.

D'autres indicateurs choisis ne mesurent pas une performance ou l'efficacité. Ils ne font que rendre compte de l'activité d'un service. L'action « exercice des missions militaires » de la gendarmerie est exemplaire. L'indicateur devant évaluer les opérations extérieures consiste en effet à mesurer le nombre de jours-gendarmes consacrés aux opérations extérieures.

Tous ces indicateurs n'ont pas évolué.

En dernier lieu, certaines tâches ou objectifs de la police et de la gendarmerie n'étaient mesurés par aucun indicateur.

La prévention, le renseignement, le poids des charges dites « indues », l'accueil des victimes ou la déontologie n'étaient pas pris en compte alors qu'il s'agit d'objectifs affichés de la politique de sécurité.

Ces matières sont certes parfois difficiles à évaluer qu'il s'agisse par exemple du renseignement ou de la prévention. Mais un effort de réflexion devrait y être consacré. En matière de déontologie, un indicateur pourrait être le nombre de policiers et gendarmes condamnés pour des faits intervenus dans l'exercice de leurs fonctions. L'attention portée à l'accueil du public et des victimes pourrait être mesurée grâce à des enquêtes de satisfaction.

Une exception doit cependant être notée. A la suite des événements de novembre, il avait semblé utile à la commission de créer un indicateur des violences urbaines. Pour 2007, l'objectif n°5 (adapter la présence policière sur la voie publique aux besoins de la population et à la délinquance) de la police nationale comporte un nouvel indicateur mesurant le taux d'efficacité dans le traitement procédural des violences urbaines. Il se calcule en rapportant le nombre d'interpellés dans le cadre du rétablissement de l'ordre public à l'occasion de violences urbaines au nombre de gardés à vue. La gendarmerie nationale n'a pas souhaité imiter la police nationale.

B. DES INDICATEURS MIEUX RENSEIGNÉS

Un des regrets de la commission était que de nombreux indicateurs ne soient pas renseignés. Ce retard reportait de facto la possibilité d'évaluer la mission « sécurité » au regard de ces indicateurs d'au moins un an.

La plupart des indicateurs sont désormais renseignés à l'exception de deux d'entre eux relevant du programme « Police nationale ». L'un des deux est d'ailleurs un indicateur dont votre rapporteur avait salué la pertinence : il mesure le « taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés et de la détention pour vice de procédure imputable aux services de police ». Il permet de mesurer à la fois la qualité de la formation juridique des policiers, le respect de la légalité et, pour une part, le respect de la déontologie. Rien ne sert en effet de faire beaucoup de procédures si elles sont bâclées ou faites dans la précipitation. Au final, elles sont inefficaces puisqu'elles ont un coût, démoralisent les personnels et renforcent le sentiment d'impunité.

Un indicateur de ce type pourrait être retenu pour évaluer, de manière plus générale, l'action de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales. Il serait ainsi mesuré le nombre de procédures annulées pour vice de procédure imputable aux services de police et de gendarmerie.

II. L'EXÉCUTION SATISFAISANTE DE LA LOPSI

Le projet de loi de finances pour 2007 s'inscrit entièrement dans la continuité des actions engagées depuis 2002. Les grands projets sont menés à leur terme, qu'il s'agisse du déploiement du réseau ACROPOL (l'ensemble des policiers seront couverts en 2007), du FNAEG ou du redéploiement des zones police-gendarmerie.

Le taux d'exécution de la LOPSI est bon pour la police nationale. Pour la gendarmerie, une année supplémentaire sera nécessaire pour tenir les engagements, notamment en matière d'effectifs (1.000 recrutements manqueront à la fin de 2007) et d'immobilier. En définitive, l'essentiel des objectifs fixés ont été atteints .

A. FIXER UN CAP À LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

En 2002, la priorité était de redonner une cohérence et une visibilité à la politique de sécurité intérieure. Le concept même de sécurité intérieure est réapparu afin de dépasser les frontières ministérielles et administratives.

1. Une nouvelle architecture institutionnelle fondée sur le partenariat et la coordination

Au niveau central, l'approche interministérielle a été développée et animée en permanence.

Au plus haut niveau tout d'abord, le décret n° 2002-890 du 15 mai 2002 a créé le Conseil de sécurité intérieure présidé par le chef de l'État. Il a pour vocation d'impulser, d'où son rattachement auprès du chef de l'État, et de coordonner la politique de lutte contre la délinquance et le terrorisme. Il s'est réuni régulièrement depuis 2002, environ chaque semestre.

Sur des thèmes plus précis, il faut noter la création le 26 mai 2005 du comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) : les réunions fréquentes de ce comité, au niveau politique des ministres, permettent de faire les arbitrages nécessaires, alors que son secrétariat général est une utile structure de pilotage et d'impulsion des différentes administrations. Plus récemment et sur le même modèle, a été créé le comité interministériel de prévention de la délinquance.

L'approche interministérielle a pu également prendre une seconde forme en confiant le pilotage de la politique de sécurité intérieure au ministère de l'intérieur. Le décret du 15 mai 2002 confie au ministre de l'intérieur l'emploi de la gendarmerie nationale et le décret du 16 juin 2005 l'a chargé de l'ensemble des questions concernant l'immigration.

Au niveau local , les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance sont devenus les lieux où tentent de se coordonner les acteurs de la sécurité.

2. L'identité retrouvée de la gendarmerie

En 2002, la gendarmerie nationale traversait une crise profonde à la fois morale, culturelle et matérielle.

Au cours de son audition, le général Jean-Marc Denizot a déclaré que la gendarmerie avait retrouvé beaucoup de sérénité et d'efficacité et avait su reprendre toute sa place au sein de la politique de sécurité intérieure et de son élaboration.

La coopération entre la police et la gendarmerie s'est en effet développée dans tous les domaines :

- en matière de police judiciaire, avec la création d'offices centraux sous la responsabilité de la gendarmerie 3 ( * ) ;

- en matière de police scientifique, avec la gestion commune de certains fichiers ou la création du Conseil supérieur de la police technique et scientifique (CSPTS) chargé de définir les orientations communes de la police scientifique et technique ;

- en matière d'équipements, notamment avec la commande du pistolet Sig-Sauer pour l'ensemble des forces de police et de gendarmerie

De fait, la gendarmerie a pu peser dans le choix des grandes orientations de sécurité intérieure.

Cette reconnaissance s'est accompagnée d'une réaffirmation de l'identité militaire de la gendarmerie. A cet égard, le général Jean-Marc Denizot a souligné combien la nomination d'un gendarme à la tête de la gendarmerie avait été accueillie favorablement.

L'objectif affiché par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, que chaque officier de gendarmerie ait participé au moins une fois à une opération extérieure est un autre signal fort allant dans le même sens.

B. PROMOUVOIR UNE UTILISATION PLUS EFFICACE DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

1. La fin du redéploiement police/gendarmerie

Depuis une décennie, le constat que les forces de police et de gendarmerie n'étaient pas déployées de façon optimale sur le territoire était régulièrement posé. La nécessité d'un redéploiement avait d'ailleurs été inscrite dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité de janvier 1995, avant d'être réaffirmée dans le rapport remis au Premier ministre, M. Lionel Jospin, par deux parlementaires en mission, MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest en 1998.

Le redéploiement rationnel et équilibré des forces de police et de gendarmerie, conduit depuis 2003 est quasiment parvenu à son terme. Mis en oeuvre dans 65 départements de métropole et d'outre-mer, il a concerné 337 communes regroupant 1.756.232 habitants :

- 218 communes totalisant 973.523 habitants ont été transférées à la police ;

- 119 communes totalisant 782.709 habitants ont été transférées à la gendarmerie.

2. La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles

La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles est mise en oeuvre conformément à l'instruction commune du 30 octobre 2002. L'emploi des forces mobiles est désormais déconcentré au niveau des zones de défense. Ces forces peuvent concourir aux missions de sécurité générale en appuyant les services territoriaux de la police et de la gendarmerie de leur zone d'implantation dans la mesure où la mission du maintien de l'ordre le permet. Les évaluations indiquent une baisse plus marquée de la délinquance dans les secteurs ayant bénéficié de la présence de renforts mobiles. Par ailleurs, le dispositif semble apprécié des responsables locaux et des personnels.

Au cours du premier semestre 2005, l'équivalent de 19,20 EGM/jour 4 ( * ) et de 20,12 unités/jour 5 ( * ) ont été employées au profit de la lutte contre la délinquance. De même, depuis le 1 er janvier 2006, 20 unités de CRS sont employées sur les agglomérations les plus sensibles de 22 départements. Ce déploiement, adapté à plusieurs reprises, a atteint 22 unités à compter du 4 mai 2006. Ces résultats montrent une stabilisation après les fortes progressions en 2003 et 2004 de la part des effectifs affectés à des missions de sécurisation.

Un point d'équilibre a peut-être été atteint compte tenu de l'organisation actuelle des forces mobiles, des nombreuses missions qui leur échoient (opérations extérieures pour les gendarmes mobiles, hausse importante de la durée annuelle de formation continue, charges qu'ils qualifient d'« indues » telles que les gardes statiques ou les transfèrements de détenus) et des contraintes de gestion (récupérations, congés). L'indicateur de performance correspondant de la police nationale est toutefois plus optimiste, puisqu'il prévoit à l'horizon 2009 un taux d'emploi des CRS en sécurité générale supérieur au taux d'emploi en ordre public.

Le ministre a confirmé cette orientation à la suite des violences de novembre 2005. Les forces mobiles s'avèrent en effet très bien adaptées aux violences urbaines. Les unités déployées ont su mettre en pratique de nouvelles tactiques pour procéder aux interpellations grâce à de petits groupes d'hommes très mobiles et coordonnés.

L'adaptabilité et la disponibilité des forces mobiles est un atout à préserver dans la lutte contre ce type de délinquance. La frontière ainsi que le débat entre ordre public et sécurité publique doivent sans doute pouvoir être dépassés, la gestion des violences urbaines relevant des deux à la fois.

Le débat concomitant sur le format des forces mobiles et sur la réduction éventuelle des effectifs totaux au profit de ceux des services traditionnellement en charge de la sécurité publique doit tenir compte de l'apport spécifique des forces mobiles à la sécurisation. Il n'est pas nécessairement équivalent à celui d'un même nombre d'agents de la sécurité publique. Le rapport coût-efficacité reste à déterminer. Sans doute y a-t-il là un levier fort d'amélioration de la performance dans les années à venir.

C. UN DEMI-SUCCÈS : LE RECENTRAGE DES POLICIERS ET DES GENDARMES SUR DES MISSIONS LIÉES À LA SÉCURITÉ

La problématique du recentrage des policiers et des gendarmes sur les missions directement liées à la sécurité avait été soulevée par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995. Elle n'a pas véritablement évolué depuis. Reprise par la LOPSI, elle concerne le recrutement d'agents administratifs et la suppression des « tâches indues ».

1. Le recrutement d'agents administratifs

La police française dispose de peu de personnels chargés d'effectuer les tâches administratives et de gestion par rapport aux polices des autres pays européens. Elle comportait en 2002 moins de 10 % de personnels administratifs contre 20 % aux Pays-Bas et plus de 30 % en Grande-Bretagne par exemple. En outre, la rémunération d'un fonctionnaire de police actif occupant un emploi administratif est, à grade équivalent, 30 % supérieure à celle d'un administratif.

La LOPSI prévoit sur cinq ans le recrutement de 2.000 emplois au titre des missions d'administration, de formation et de contrôle dans la police nationale et de 800 dans la gendarmerie nationale. Ces recrutements devaient permettre de redéployer sur des postes opérationnels 1.000 personnels de statut actif de la police nationale.

La cinquième année d'exécution de la LOPSI portera le nombre de recrutements supplémentaires de personnels administratifs, techniques et scientifiques à 2.000 dans la police nationale (150 pour 2007).

Au sein de la préfecture de police, des résultats significatifs ont été obtenus. Le recrutement de 488 lauréats du concours d'agents administratifs au sein de la préfecture de police a permis d'assurer, outre le remplacement d'une partie des vacances d'emploi de personnels administratifs, le redéploiement de 313 personnels actifs employés initialement à des tâches de gestion administrative et logistique. Cette politique s'est par la suite étendue aux personnels actifs employés sur des fonctions techniques, notamment au sein de la direction opérationnelle des services techniques et logistiques. Après l'identification de 487 postes pouvant faire l'objet d'une substitution, un plan sur 4 ans a été établi permettant le redéploiement de 200 fonctionnaires de police. Ainsi 100 postes ont été pourvus par des fonctionnaires de la filière technique en 2004 et 2005, 100 supplémentaires doivent l'être en 2006 et 2007.

Concernant la direction centrale de la sécurité publique, les résultats sont moins nets. Les personnels administratifs ont crû d'environ 500 personnes. En incluant les personnels techniques et scientifiques, la hausse est de 700. Le taux de substitution entre des personnels actifs et des personnels administratifs est toutefois difficile à appréhender.

Le bilan est donc plutôt positif même si plusieurs remarques doivent être faites :

- les syndicats rencontrés ont indiqué que l'expression « personnel administratif » pouvait recouvrir le recrutement de personnels non administratifs au sens strict (psychologues, infirmières...) ;

- les recrutements de personnels administratifs, techniques et scientifiques ont beaucoup porté sur des personnels de la police technique et scientifique ;

- le ratio policier/administratif reste inférieur aux standards européens. Il se situe autour de 12 % alors qu'il devrait être proche de 18 à 20%. Par ailleurs, des disparités très fortes peuvent exister. Selon le Syndicat national indépendant des personnels administratifs et techniques de la police nationale, en Seine-Saint-Denis, ce taux serait proche de 3 %.

En revanche, dans la gendarmerie nationale, les recrutements de personnels de soutien ont été inférieurs aux objectifs initiaux. Sur les 800 postes attendus, environ 250 avaient été créés au 1 er janvier 2006. 250 autres sont prévus pour 2007. Toutefois, si les effectifs du corps militaire de soutien technique et administratif de la gendarmerie augmentent, il faut noter que ceux des personnes civils diminuent.

Si cette question semble être un problème moins aigu que dans la police nationale, le général Jean-Marc Denizot n'en a pas moins estimé que les effectifs du corps militaire de soutien technique et administratif étaient sous dimensionnés.

2. La réduction des charges dites « indues »

Les tâches ne relevant pas de la sécurisation et de la surveillance de la voie publique et considérées comme indues sont de deux types :

- les concours apportés à la justice (tenue des dépôts, extractions, escortes et présentations à parquet, garde de détenus hospitalisés, conduites et surveillance de détenus en soins et consultations) ;

- les tâches administratives réalisées au profit d'autres administrations (procurations, enquêtes administratives).

Pour la police nationale en 2005, ces missions ont représenté l'équivalent de 2.600 fonctionnaires équivalent temps plein. Pour la gendarmerie, les concours à la justice représentent l'équivalent de 1086 gendarmes.

La tendance observée n'est pas bonne . En 2005, les concours à la justice de la direction centrale de la sécurité publique ont augmenté de 9,5 %. Dans la gendarmerie, on observe une stabilisation en 2005 de ces charges.

Comme chaque année, votre rapporteur regrette que des progrès significatifs n'aient pas été accomplis en matière d'utilisation de la visio-conférence ou des salles d'audiences délocalisées à proximité des zones d'attente ou des centres de rétention administrative.

Surtout, votre rapporteur souhaite se faire l'écho de l'exaspération des policiers et gendarmes face au gaspillage d'hommes et d'argent engendré par les extractions et transfèrements de détenus. Les magistrats ne participent pas à une meilleure organisation de ces transfèrements en ne se coordonnant pas entre eux ou en convoquant des détenus pour de simples notifications. Si la procédure pénale contraint parfois les magistrats à procéder à ces convocations, une meilleure organisation est certainement possible.

Votre rapporteur estime que le principe prescripteur-payeur devrait être appliqué en l'espèce et conformément à l'esprit de la LOLF. Ces missions d'escorte judiciaire et médicale devraient être transférées à l'administration pénitentiaire, étant entendu que dans le cas de détenus particulièrement dangereux les forces de police et de gendarmerie pourraient rester compétentes.

Si dans un premier temps les économies ne seront pas immédiates 6 ( * ) , à moyen terme le volume des transfèrements devrait sensiblement baisser. Le programme « administration pénitentiaire » dépend en effet de la mission « Justice ». Le ministère de la justice sera par conséquent plus incité qu'il ne l'est actuellement à réduire le nombre des extractions et transfèrements. La visioconférence serait sans aucun doute le levier le plus efficace.

Par ailleurs, les syndicats de surveillants pénitentiaires sont aujourd'hui demandeurs de cette réforme car elle permettrait de diversifier leurs missions.

Cette réforme ne pourrait toutefois se faire du jour au lendemain. Elle supposerait de réduire les moyens de la police et de la gendarmerie en conséquence et d'allouer à l'inverse des moyens supplémentaires à l'administration pénitentiaire. Il faudrait également repenser la formation des agents pénitentiaires. Il est évident qu'en l'état, ces agents ne sont pas formés à intervenir en milieu ouvert.

Lors de sa réunion, la commission a débattu de la proposition de votre rapporteur. Un consensus s'est dégagé sur la nécessité de réduire le volume des escortes judiciaires en rationalisant la façon dont elles sont organisées et en développant la visio-conférence. A cet égard, notre collègue Philippe Goujon, rapporteur des crédits du programme « Administration pénitentiaire », a indiqué que pour 2007, un million d'euros était prévu pour développer la visio-conférence dans tous les établissements pénitentiaires.

Toutefois, de nombreux membres de la commission se sont déclarés réservés, voire opposés au transfert de cette compétence à l'administration pénitentiaire en raison :

- de son coût, les économies n'étant pas aisément prévisibles ;

- des spécificités du métier de surveillant pénitentiaire qui ne préparent pas à travailler en milieu ouvert, sur la voie publique et armé.

Notre collègue Charles Guené a suggéré de responsabiliser financièrement le ministère de la justice en tarifant à la vacation les opérations d'escortes et de transfèrement.

CHAPITRE II : LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE, UNE RÉVOLUTION EN COURS

En 1910, Edmond Locard crée à Lyon le premier laboratoire de police scientifique et y met en application le principe selon lequel « tout individu, à l'occasion de ses actions criminelles en un lieu donné, dépose et emporte à son insu des traces et des indices : sueur, sang, poussière, fibres, sperme, salive, poils, squames, terre, etc... Qu'ils soient de nature physique, chimique ou biologique, ces indices, une fois passés au crible d'examens de plus en plus sophistiqués, parlent et livrent le récit du crime avant de permettre au lecteur-enquêteur de déchiffrer la signature de l'auteur-coupable » 7 ( * ) .

Parmi les priorités fixées par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (LOPSI), le développement de l'action judiciaire des forces de sécurité intérieure figure en bonne place. Pour y parvenir, l'annexe I de la loi dispose que « les moyens de la police technique et scientifique seront renforcés. Le développement d'outils d'investigation performants sera poursuivi afin d'obtenir, par la généralisation de nouveaux modes d'administration de la preuve, une amélioration du taux d'élucidation des faits constatés ».

En effet, le renforcement de la police technique et scientifique (PTS) est au coeur de différents enjeux :

- accompagner le passage d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve pour confondre les délinquants ;

- adapter les forces de sécurité intérieure aux évolutions technologiques ;

- répondre à la sophistication des méthodes employées par les délinquants.

I. LE RENFORCEMENT DE LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE : UN OBJECTIF TENU DE LA LOPSI

A. DÉVELOPPER DE NOUVEAUX OUTILS

1. Champs et domaines de la PTS

De façon schématique, deux domaines peuvent être distingués au sein de la PTS :

- la recherche, le perfectionnement et la mise en oeuvre de procédés scientifiques et techniques visant à révéler l'identité d'un délinquant ainsi qu'à reconstituer le déroulement d'un acte délictueux. Il s'agit de la police scientifique au sens classique du terme. Elle est le fait principalement de personnels scientifiques. Elle recouvre différentes disciplines : la balistique, la toxicologie, la biologie (analyses de traces biologiques, établissement de profils génétiques), l'étude des documents et des traces papillaires (examens de documents, études comparatives d'écritures manuscrites et dactylographiques, l'analyse des incendies et des explosions, la physique-chimie (analyses des peintures, verres, fibres...), l'analyse des traces technologiques, la thanatologie... ;

- la mise au point et la gestion de traitements automatisés de données permettant d'exploiter, de collecter, de comparer et de diffuser l'ensemble des informations recueillies dans le cadre de l'action judiciaire en vue de faciliter la constatation d'infractions pénales. Les fichiers de police judiciaire les plus emblématiques sont le STIC pour la police nationale et JUDEX pour la gendarmerie nationale ainsi que le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) communs aux deux forces de sécurité intérieure.

2. Perfectionner et diffuser la PTS

La LOPSI avait naturellement pour objectif de renforcer le niveau d'excellence de la police scientifique dans les différentes disciplines. Sans cesse, les équipes perfectionnent leurs connaissances et leurs méthodes. A titre d'exemple et pour illustrer la diversité des champs d'investigation de la police scientifique, en 2006, l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) a fait l'acquisition d'un radar géophysique qui, associé à un chien spécialement dressé, permet de détecter l'enfouissement de cadavres.

La LOPSI a été également attentive à développer des outils d'investigation performants, en particulier au travers de « l'utilisation, l'alimentation et le rapprochement des grands fichiers de police ».

Un double constat s'imposait :

- la faiblesse de l'équipement et des réseaux informatiques de la police et de la gendarmerie nationale ;

- l'absence d'architecture intégrée des fichiers et des réseaux informatiques faisant en sorte que la police et la gendarmerie nationales ne pouvaient que très difficilement mutualiser leurs moyens ou, à tout le moins, accéder réciproquement aux données de l'autre.

Outre la mutualisation et la mise en commun des moyens respectifs de la police et de la gendarmerie nationales toutes les fois où cela semble utile, la LOPSI s'est fixé pour objectif qu' « à terme, tous les agents de la sécurité intérieure habilités (aient) accès à toutes les bases documentaires de recherches criminelles ».

L'ambition est que les moyens de la police technique et scientifique se diffusent à l'ensemble des forces de sécurité intérieure et deviennent un instrument quotidien de travail qui ne soit pas réservé à quelques grands services de police judiciaire ou aux affaires les plus importantes.

3. L'obligation d'évoluer vers de nouveaux modes d'administration de la preuve

Si le principe en droit français reste la liberté de la preuve, le juge reste souverain pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont fournis.

La jurisprudence tend pourtant à délaisser certains modes de preuve comme le témoignage ou l'aveu. Ainsi, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d'un témoignage anonyme.

A tout le moins, il apparaît de plus en plus indispensable d'étayer des témoignages ou des aveux par des preuves objectives fournies par les progrès de la police technique et scientifique.

B. DES MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS SUPPLÉMENTAIRES

Pour atteindre ces objectifs, des moyens humains, matériels et juridiques ont été engagés depuis 2002.

1. Des effectifs en hausse et une formation renforcée

Selon le rapport relatif à l'exécution au 31 décembre 2005 de la LOPSI réalisé par l'inspection générale de l'administration et le contrôle général des armées (IGA/CGA), les effectifs budgétaires 8 ( * ) des personnels techniques et scientifiques de la police nationale sont passés de 2.322 à 2.735 entre 2002 et 2005, soit une hausse de 413 personnels dont 357 scientifiques.

Cette hausse s'est poursuivie en 2006. Ainsi, l'Institut national de la police scientifique, établissement public administratif créé à la fin de 2004 et qui regroupe les six laboratoires de police scientifique de la police nationale , a vu le nombre de ses personnels scientifiques passer de 314 à 384 entre le 31 décembre 2004 et le 2 mai 2006.

Le projet de budget pour 2007 prévoit le recrutement de 115 personnels scientifiques supplémentaires pour la police nationale représentant environ 95 ETPT.

Dans la gendarmerie nationale, la hausse des effectifs a été moins sensible. Toutefois, au cours de son audition, le général Serge Caillet, sous-directeur de la police judiciaire à la direction générale de la gendarmerie nationale a estimé que les effectifs actuels permettaient de répondre aux besoins, même si dans l'avenir proche des recrutements seraient nécessaires pour répondre à la hausse structurelle de l'activité de la police scientifique.

Ces données ne rendent pas totalement compte des moyens humains consacrés à la police technique et scientifique. En effet, d'autres services y contribuent, en particulier la direction des systèmes d'information et de communication du ministère de l'intérieur (DSIC) qui a la responsabilité des équipements transversaux et structurants ou le service des technologies de la sécurité intérieure de la direction de l'administration de la police nationale. Ces services gèrent et financent par exemple le développement des applications nationales d'identification et de documentation criminelle comme le FAED ou le FNAEG.

Enfin, il faut y ajouter l'ensemble des policiers et gendarmes formés à la police technique de proximité. Sauf pour les crimes les plus importants pour lesquelles les spécialistes de la police scientifique se déploient sur la scène d'infraction 9 ( * ) , le recueil des indices et des traces qui seront ensuite analysés par les laboratoires de la police scientifique est le fait de policiers et gendarmes exerçant soit dans des services de sécurité publique, soit dans des services de police judiciaire.

Ainsi, la police nationale a formé en 2005 120 personnes ressources, dont 82 relevant de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et 36 de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Ces personnes ressources spécialement formées à la police technique de proximité sont ensuite chargées de former des policiers polyvalents aux techniques de base de l'identité judiciaire (relevés de trace ou anthropométriques, application de mesures conservatoires, gel des lieux) 10 ( * ) . La formation initiale des gardiens de la paix prévoit également une formation de cinq jours à ces techniques ; 3.700 en ont bénéficié en 2006. Le même effort est fourni par la gendarmerie nationale.

2. Un effort d'investissement ciblé sur quelques domaines prioritaires

Il n'est pas évident de connaître l'ensemble des moyens financiers alloués (hors masse salariale) à la police technique et scientifique. Certains investissements, notamment informatiques, sont transversaux et relèvent par exemple de la DSIC (voir ci-dessus). Toutefois, un ordre de grandeur peut être donné.

Pour la gendarmerie nationale :

- les dépenses de fonctionnement ont cru régulièrement depuis 2002 passant de 1,72  millions d'euros (M€) à 2,83 M€ en 2005. Pour 2006, 5,18 M€ devraient être consommés. Cette hausse spectaculaire est pour l'essentiel due à la montée en puissance du FNAEG en 2006 avec la mise en place d'une unité de génotypage de masse. Cette hausse régulière accompagne également le renforcement des capacités de police judiciaire de la gendarmerie nationale (effectifs des sections de recherche en hausse, création de plates-formes techniques judiciaires de la gendarmerie nationale au niveau départemental 11 ( * ) ) ;

- les dépenses d'investissement ont aussi cru régulièrement depuis 2002 passant de 1,67 M€ à 3,25 M€ pour 2007, après un pic exceptionnel en 2005 à 5,26 M€ justifié par l'acquisition de l'unité de génotypage de masse (1,8 M€). L'essentiel de ces moyens nouveaux a été dévolu aux unités locales de police judiciaire 12 ( * ) .

Pour la police nationale :

- le budget de fonctionnement et d'équipement (hors renouvellement) de la PTS (dotation de la sous-direction de la police technique et scientifique de la DCPJ et des six laboratoires de police scientifique 13 ( * ) ) est passé entre 2002 et 2005 de 6,25 M€ à 11 M€ 14 ( * ) . La quasi-totalité des ressources nouvelles a été attribuée aux laboratoires ;

- depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, les projets annuels de performance pour 2006 et 2007 indiquent que les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la police technique et scientifique de la police nationale étaient respectivement de 18,16 M€ et de 15,82 M€. Ces montants sont difficiles à comparer à ceux des années précédentes. En effet, ils comprennent diverses contributions de l'Etat au budget spécial de la préfecture de Police, dont étrangement un remboursement de la masse salariale des agents affectés au laboratoire de toxicologie. Ces montants comprennent également les subventions de l'Etat à l'Institut national de la police scientifique (INPS) soit 6,65 M€ en 2006 15 ( * ) et 8,4 M€ en 2007. Mais là encore, la lisibilité n'est pas simple puisque la subvention allouée pour 2007 couvre le fonctionnement et l'équipement du laboratoire de toxicologie de Paris, ce qui n'était pas le cas en 2006. Enfin, la différence de crédits en 2006 et 2007- respectivement 18,16 M€ et de 15,82 M€- s'explique pour l'essentiel par un changement de périmètre de ces enveloppes. En effet, en 2006 cette somme comprenait la dotation à la sous-direction de la police technique et scientifique de la police nationale à Ecully (Rhône) 16 ( * ) tandis que pour 2007, celle-ci figure dans une autre enveloppe. Votre rapporteur regrette ces changements de périmètre qui rendent mal aisé le suivi des crédits.

3. Le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG)

Le département « biologie » de la PTS a été le principal bénéficiaire de ces moyens financiers et humains supplémentaires. Il a pour mission de rechercher et d'analyser les traces et indices biologiques, et notamment les empreintes génétiques qui font l'objet d'un traitement automatisé, le FNAEG.

Le FNAEG

Créé en 1998, le FNAEG est réellement devenu un fichier de masse à la suite des évolutions législatives de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui a étendu ce fichier à la plupart des crimes et délits. Placé sous le contrôle d'un magistrat, le FNAEG est mis en oeuvre par la direction centrale de la police judiciaire de la police nationale. Il est implanté à Ecully (Rhône) à la sous-direction de la police technique et scientifique. La conservation des prélèvements biologiques est assurée en revanche par le service central de préservation des prélèvements biologiques (SCPPB) qui est géré par la gendarmerie nationale.

Peuvent faire l'objet d'un enregistrement au fichier :

- les traces, c'est-à-dire les empreintes biologiques appartenant à des personnes non identifiées relevées sur des scènes d'infractions ;

- les empreintes biologiques des personnes définitivement condamnées pour les infractions entrant dans le champ du fichier (infractions sexuelles, crimes, violences, menaces, trafic de stupéfiants, atteintes aux libertés de la personne, atteintes aux libertés de la personne, vols, extorsions, recel, blanchiment...) ;

- les empreintes biologiques des personnes suspectes, c'est-à-dire des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions entrant dans le champ du fichier ;

- les empreintes biologiques des personnes disparues ou décédées dans des conditions inquiétantes.

En revanche, sont seulement comparées au fichier sans être enregistrées les empreintes des personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis un crime ou un délit.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur au cours de son déplacement à Ecully, les départements « biologies » des laboratoires de police scientifique (LPS) de la police nationale représentent plus de 160 personnes, soit plus du quart du personnel scientifique de ces laboratoires.

Un autre indicateur de la priorité accordée à ce secteur est la part qu'il représente dans le volume de travail des LPS. En 2002, le nombre de dossiers arrivant dans les LPS et destinées à la biologie s'élevait à 8.343 sur un total de 17.575 (toutes les autres sections confondues), soit 47,5 %. En 2005, avant même le lancement opérationnel des unités de génotypage de masse, ce nombre était de 126.138 dossiers sur un total de 135.557, soit 93 %.

Toutefois, il est très difficile d'évaluer précisément le coût complet du FNAEG, même si les réponses au questionnaire budgétaire et les informations recueillies au cours des auditions et du déplacement à Ecully montrent que les moyens financiers supplémentaires dégagés depuis 2003 ont été prioritairement affectés à ce projet.

Ainsi, le projet annuel de performance pour le budget 2006 du programme « Police nationale » indique une enveloppe de 7,5 millions d'euros en crédits de paiement. Toutefois, un rapport de décembre 2005 d'une mission d'audit de modernisation 17 ( * ) indique qu'il ne lui a pas été possible d'établir la façon dont a été constitué ce montant. De la même façon, le projet annuel de performance pour 2007 annonce une enveloppe de 6,7 M€ en crédits de paiement.

Ces crédits recouvrent notamment :

- l'acquisition de kits de prélèvements buccaux ;

- le développement et la gestion du FNAEG proprement dit qui se trouve à Ecully ;

- le développement des capacités d'analyse de la police nationale, notamment avec le lancement de l'unité de génotypage de masse du LPS de Lyon en septembre dernier 18 ( * ) .

Toutefois, ces montants ne semblent pas intégrer par exemple les moyens engagés par la gendarmerie nationale pour développer ses capacités d'analyse de profils génétiques qui viendront ensuite alimenter le FNAEG 19 ( * ) .

Il est également difficile d'avoir une idée du coût global du système en y intégrant les coûts de personnel.

Ces remarques avaient d'ailleurs conduit la mission d'audit de modernisation précitée à renoncer à proposer une estimation du coût complet unitaire d'une analyse « individu ».

4. Des évolutions législatives et réglementaires pour encadrer et développer la police technique et scientifique

Deux domaines de la PTS ont principalement été l'objet de modifications législatives et réglementaires : les fichiers de police judiciaire et l'interception des communications.

De nombreux fichiers de police judiciaire sont désormais prévus par la loi, qu'il s'agisse du FNAEG, du SALVAC 20 ( * ) , du fichier des personnes recherchées ou des fichiers STIC et JUDEX 21 ( * ) .

Le développement de nouveaux moyens de communication a également conduit le législateur à adapter les règles en matière d'interception des communications et de conservations des données de trafic par les opérateurs 22 ( * ) .

Mme Aude Marland, adjointe du chef de bureau de la police judiciaire au ministère de la justice, a souligné l'attention nouvelle de son ministère à suivre au plus près les évolutions technologiques et les pratiques des délinquants pour adapter la réglementation aux besoins de l'enquête et de l'investigation. A cet égard, elle a mis en exergue la création par le décret n° 2006-1405 du 17 novembre 2006 de la délégation aux interceptions judiciaires . Une de ses missions sera de mettre en place une veille technologique et juridique dans ce domaine en liaison avec tous les acteurs concernés (administrations, opérateurs, fournisseurs d'accès, loueurs de matériels...). Le général Serge Caillet, directeur de la police judiciaire au sein de la gendarmerie nationale, a expliqué pour sa part que la mission qui avait préfiguré la création de cette délégation avait très bien fonctionné et témoignait d'un nouvel état d'esprit visant à garder un train d'avance sur les délinquants.

Ce développement législatif témoigne à la fois de la prise de conscience de la nécessité d'une police technique et scientifique efficace et du besoin d'encadrer la PTS eu égard aux atteintes aux libertés dont elle peut s'avérer porteuse. La PTS ne peut pas avoir pour unique limite ce que l'état des connaissances permet à un moment donné.

C. MIEUX UTILISER LES MOYENS EXISTANTS

1. Faire de la police technique et scientifique, un outil quotidien de travail pour tous les policiers et gendarmes

Longtemps, la PTS a semblé être réservée aux services de police judiciaire les plus prestigieux et aux affaires les plus médiatiques. Afin de rentabiliser les investissements importants de la PTS, la stratégie mise en place consiste à diffuser ses moyens jusqu'à la base.

Les efforts en matière de formation précédemment évoqués sont un des aspects de cette politique.

Un exemple topique est la modernisation en cours du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED). Créé en 1987 et opérationnel depuis 1992, ce fichier est commun à la police et à la gendarmerie. Il est actuellement alimenté par trois sites principaux (le service central de l'identité judiciaire à Ecully, la préfecture de police et l'IRCGN pour la gendarmerie nationale), ainsi que 19 sites régionaux implantés dans les services territoriaux de la direction centrale de la police judiciaire.

Son mode d'alimentation et de consultation est longtemps resté traditionnel. Au centre d'Ecully, l'ensemble de la procédure a été présenté à votre rapporteur. Les policiers et gendarmes procèdent au relevé décadactylaire des individus mis en cause dans la commission d'une infraction en appliquant sur des fiches papiers les doigts encrés. Ces fiches sont ensuite envoyées par la poste à l'un des sites alimentant le fichier. Une fois le relevé entré dans la base, le système compare les empreintes à l'ensemble de la base. A l'heure actuelle, le temps de réponse pour une comparaison « individu-individu » est d'environ 15 minutes et pour une comparaison « trace-individu » d'environ trois heures.

Ce mécanisme a pour inconvénient un temps global de traitement relativement long qui peut dépasser le temps de la garde à vue. Pour raccourcir ces délais et parvenir à une consultation de la base en quasi-temps réel, un plan pluriannuel d'équipement prévoit la numérisation complète de la procédure grâce à l'installation de bornes de signalisation dans l'ensemble des commissariats.

Votre rapporteur s'est vu présenter les deux types de bornes en cours de déploiement.

Les bornes de type T1, d'un coût de l'ordre de 77.000 euros l'unité, permettent de relever les empreintes digitales et palmaires des individus sans encrage. Les relevés numériques sont transmis en temps réel à la sous-direction de la police scientifique et technique de la police nationale qui gère le fichier.

Les bornes de type T4, d'un coût d'environ 15.000 euros l'unité, permettent également de transmettre en temps réel les relevés. Toutefois, il faut toujours procéder à un relevé encré. Ce relevé est ensuite numérisé par scanner et envoyé. Ce système présente également l'avantage de pouvoir numériser des traces trouvées sur une scène d'infractions.

Depuis 2004, environ 110 bornes ont été installés (une vingtaine de bornes T1 et 90 bornes T4). Au cours de son audition par la commission des lois, M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire a indiqué qu'à l'été 2007, environ 50 bornes T1 et 251 bornes T4 devraient être installées.

2. La mutualisation des moyens de la police et de la gendarmerie

Le rapprochement opérationnel de la police et de la gendarmerie est de manière générale l'un des principaux objectifs de la LOPSI. En matière de police technique et scientifique, cet objectif revêt une importance particulière.

Les principaux fichiers de police judiciaire étaient déjà communs aux deux forces (FNAEG, FAED, SALVAC, fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles). D'autres fichiers comme le fichier des personnes recherchées ou le fichier des véhicules volés sont alimentés au travers de deux systèmes parallèles par la police et la gendarmerie et mis à jour régulièrement par un échange en temps réel.

Tous les nouveaux fichiers sont désormais réalisés en commun. Ainsi d'ici 2008, le fichier des personnes signalées devraient remplacer le fichier des personnes recherchées.

Mais le rapprochement majeur concerne les fichiers STIC (police) et JUDEX (gendarmerie) 23 ( * ) . Depuis la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, un cadre législatif commun à ces deux fichiers a été défini. Les projets de refonte de ces fichiers ont fait apparaître une convergence des besoins fonctionnels et des principes généraux de fonctionnement et d'utilisation de ces fichiers.

Dans une première étape et dès 2003, les accès réciproques à ces fichiers se sont développés ; d'abord au niveau central puis dans des services locaux. Fin 2006, une majorité des services territoriaux de police judiciaire des deux forces devraient bénéficier d'un accès réciproque. Toutefois, les différences d'architecture technique sont trop importantes pour atteindre un résultat pleinement satisfaisant.

C'est pourquoi, dès 2005, il a été décidé de développer un système commun. Ce projet baptisé ARIANE dispose de structures et d'équipes communes police/gendarmerie, oeuvrant sur la base d'un financement partagé.

Sur le plan fonctionnel, les gains attendus sont :

- l'accroissement de l'efficacité des forces de sécurité intérieure, par la mise en commun des informations judiciaires et l'apport de fonctionnalités innovantes ;

- l'harmonisation du recueil et du traitement de l'information ;

- l'amélioration de la traçabilité des interrogations au sein du système ;

- la production de statistiques plus précises et plus fiables pour la police (la gendarmerie conservant son propre circuit de production de statistiques).

Sur le plan technique et financier, cela devrait réduire les coûts globaux de mise en oeuvre et de fonctionnement des systèmes d'information par un partage des études, des réalisations, de l'exploitation et de la maintenance.

Après dépouillement des offres relatives au marché ARIANE en avril et mai, le marché principal a été notifié courant octobre. La société Unilog IT Services en est chargée. Le coût de ce projet sur trois ans est estimé à 6 millions d'euros pour la gendarmerie et à 10,2 millions d'euros pour la police (dont 4,1 millions d'euros au titre des applications statistiques). La mise en service de l'application ARIANE est prévue début 2008.

De manière générale, le rapprochement police-gendarmerie en matière de police technique et scientifique se cristallise au sein du Conseil supérieur de la police technique et scientifique (CSPTS) .

Le CSPTS regroupe sous la présidence du ministre de l'intérieur, les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales, le directeur des affaires criminelles et des grâces et le directeur général de la recherche et de la technologie.

Il a pour mission de proposer un schéma directeur définissant les orientations de la police technique et scientifique, de veiller à la cohérence de l'application de la politique mise en oeuvre par les services compétents et de s'assurer de l'adéquation des moyens mis en oeuvre aux besoins exprimés par les autorités judiciaires. Les activités de ce conseil s'inscrivent dans le cadre de deux groupes de travail : le groupe « documentation criminelle » et le groupe « criminalistique ».

A titre d'exemple, au sein du groupe « documentation criminelle », l'utilisation systématique de la photographie numérique dans le cadre de l'alimentation de l'ensemble des bases de documentation criminelle est une des lignes d'action arrêtées.

Les activités du groupe « criminalistique » ont, cette année encore, été dominées par la mise en oeuvre du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Cette réflexion a concrètement débouché sur l'élaboration des textes relatifs au fichier, la finalisation d'un kit de prélèvement, la mise en place de formations spécifiques au profit des policiers et gendarmes ou la création d'une mallette de prélèvements biologiques pour les scènes d'infractions les moins complexes et les moins graves.

Des marchés communs peuvent être lancés de la sorte.

Ainsi, un marché public national des kits de prélèvement biologique, portant sur la fourniture de 470.000 pièces minimum par an au prix moyen de 8,65 euros HT l'unité, pour la police et la gendarmerie nationales, avait déjà été passé en 2003. La renégociation de ce marché à l'occasion de la mise en place de l'INPS a été lancée en janvier 2006. La procédure s'est terminée le 29 avril dernier. Le lot principal relatif aux kits a été emporté par l'ancien titulaire du marché qui a consenti un rabais de 30 % par rapport au tarif précédent avec des remises supplémentaires pouvant aller jusqu'à 40 % en fonction du volume de la commande.

II. SUCCÈS, LIMITES ET PERSPECTIVES

A. UNE POLICE JUDICIAIRE PLUS MODERNE ET EFFICACE

1. Une image améliorée

La PTS est un levier puissant de modernisation et d'amélioration de l'image des policiers et gendarmes. Par l'utilisation de techniques de pointe, elle valorise tout d'abord l'image qu'ont les policiers et les gendarmes d'eux-mêmes.

Ensuite, selon la conviction de M. Christian Jalby, directeur de la police scientifique et technique, la diffusion la plus large possible de la PTS peut être un facteur de resserrement des liens entre les forces de l'ordre et la population. La personne victime d'un simple vol qui constate que la police déploie des moyens techniques (relevé d'empreintes papillaires ou de matériels biologiques...) pour résoudre son affaire a le sentiment d'une prise en compte réelle et concrète de son problème ce qu'elle n'aura probablement pas lors d'un simple dépôt de plainte.

2. Des résultats de plus en plus significatifs

Il est difficile d'évaluer dans leur ensemble les résultats de la PTS en raison de la difficulté à les isoler parmi tous ceux qui contribuent à l'efficacité de la police judiciaire.

La très forte hausse du taux d'élucidation depuis 2002 reflète néanmoins pour une part les bons résultats de la PTS.

Des résultats plus ponctuels démontrent par ailleurs l'efficacité de certains instruments de police technique et scientifique. La montée en puissance du FNAEG en est l'illustration la plus classique aujourd'hui comme le montre le tableau ci-dessous :

Evolution de la base de données FNAEG et des rapprochements effectués grâce au fichier

Etat de la base de données au 31 mars 2003

Etat de la base de données au 30 avril 2006

Nombre de profils enregistrés

Nombre de profils enregistrés

Nombre de condamnés

3.842

Nombre de condamnés

80.278

Nombre de mis en cause

Nombre de mis en cause

100.887

Nombre de traces

267

Nombre de traces

10.604

TOTAL des profils enregistrés

4.109

TOTAL des profils enregistrés

191.769

Nombre de profils uniquement comparés

Nombre de profils uniquement comparés

1.679

29.671

Nombre total de profils gérés

Nombre total de profils gérés

5.788

221.440

Nombre de rapprochements au 31 mars 2003

Nombre de rapprochements au 30 avril 2006

Nombre d'affaires rapprochées

Nombre de traces rapprochées

Nombre d'affaires rapprochées

Nombre de traces rapprochées

Trace/Trace : 31

Trace/Trace : 54

Trace/Trace : 776

Trace/Trace : 1.747

Traces/Individus : 6

Traces/Individus : 13

Traces/Individus : 1.871

Traces/Individu : 4.082

TOTAL : 37

TOTAL : 67

TOTAL : 2.647

TOTAL : 5.829

Source : Direction générale de la police nationale

Ces données issues du rapport précité de l'IGA/CGA sur l'exécution de la LOPSI sont désormais complètements dépassées. Six mois après, au 31 octobre 2006, le nombre de profils enregistrés s'élève à 317.196 24 ( * ) , celui des profils comparés à 50.134 et celui des profils gérés à 367.330.

Les rapprochements d'affaires et de génotypes atteignent respectivement le nombre de 5.210 et 11.652. Le rythme actuel est d'environ 400 à 500 identifications positives par mois, soit une vingtaine de rapprochements quotidiens.

La montée en puissance en l'espace de six mois est spectaculaire et coïncide avec la mise en cohérence progressive du FNAEG et de l'ensemble de la chaîne d'analyse. L'unité de génotypage de masse de Lyon est opérationnelle et le stock d'analyses génétiques en attente d'être intégré dans le FNAEG a été pour une part importante résorbé grâce à l'embauche de nombreux contractuels. La transmission automatisée des résultats des laboratoires d'analyse ou de l'unité de génotypage de masse au FNAEG devrait encore accélérer l'alimentation du FNAEG et raccourcir les délais entre le prélèvement biologique et son exploitation par le fichier. Cette transmission devrait être effective d'ici la fin de l'année selon les informations recueillies par votre rapporteur.

A titre de comparaison, les résultats obtenus grâce au FNAEG sont déjà supérieurs à ceux du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) en dépit de l'ancienneté de celui-ci et du nombre beaucoup plus élevé de profils dans sa base.

Au 31 juillet 2006, la base du FAED comptait 2.385.968 fiches (se rapportant à des individus identifiés) et 156.609 traces non résolues (individus non connus de la base). La volumétrie de la base de données est en constante progression : au cours de l'année 2005, 463.757 fiches décadactylaires ont été globalement saisies dans le FAED, soit une augmentation de + 9,23 % par rapport à l'année précédente. L'année 2006 devrait être encore supérieure.

Parallèlement l'exploitation du fichier a permis de détecter 47.996 usurpations d'identité (contre 42.781 en 2004), soit une progression de + 12,19 %.

Toutefois, bien qu'il demeure élevé, le nombre de traces identifiées est en légère diminution : 11.437 (contre 11.743, en 2004), soit - 2,68 %. Ce résultat est à peine supérieur aux 11.652 génotypes rapprochés depuis que le FNAEG existe, étant précisé que la majorité de ces rapprochements ont été obtenus au cours des dix premiers mois de l'année 2006.

Ceci s'explique par la moindre précision des empreintes digitales, et en particulier des traces qui sont souvent difficilement exploitables. Par ailleurs, il est facile d'éviter de laisser des empreintes en portant des gants.

B. LES LIMITES

1. Le risque d'un excès de confiance

Une erreur consisterait à imaginer que la preuve objective acquise scientifiquement est infaillible et coupe court à toute contestation ou dénégation.

Comme l'a rappelé à votre rapporteur Mme Muriel Renard, adjointe du chef du bureau police judiciaire du ministère de la justice, la preuve scientifique ne dispense aucunement d'une enquête ou d'une instruction à charge et à décharge. L'affaire Caroline Dickinson est un cas où précisément le recours à des méthodes scientifiques a alterné avec des méthodes plus classiques. Le test génétique de l'ensemble des habitants mâles de la commune n'avait servi à rien sinon à abandonner la piste locale et à innocenter un individu ayant avoué le meurtre de la jeune fille. S'en était suivi un travail classique d'enquête ayant conduit à l'établissement d'une liste de suspects parmi lesquels figurait le coupable.

L'enquête reste d'autant plus nécessaire que les délinquants apprennent également à manipuler la preuve scientifique, par exemple en abandonnant du matériel biologique appartenant à un tiers sur une scène d'infractions.

Enfin, la preuve scientifique n'est infaillible que si elle est obtenue selon des méthodes et des circonstances irréprochables. Cette condition ouvre la voie à un contentieux important comme l'a indiqué Mme Muriel Renard. De plus en plus, la preuve scientifique est contestée et donne lieu à des contre-expertises.

2. Un réflexe encore insuffisant

Il subsiste une marge de manoeuvre importante avant que le recours à la PTS ne devienne une pratique anodine en matière de petite délinquance.

Des progrès sont encore à faire quant à la qualité du traitement d'une scène d'infraction. Cette phase est certainement la plus importante en matière de police scientifique. Il s'agit d'un laps de temps relativement court pendant lequel il faut intervenir le plus rapidement possible avant que des informations ne disparaissent ou se dégradent. L'intervention ne doit toutefois pas se faire dans la précipitation : gel des lieux, prélèvements des traces selon la méthode adaptée.

Sans un bon traitement de la scène d'infraction, il n'existe pas de police scientifique. Si cette étape n'est pas effectuée correctement, il est extrêmement difficile de corriger le tir, dès lors que des éléments sont viciés ou perdus.

L'effort de formation doit être en permanence maintenu pour inculquer cette culture de la preuve.

Toutefois, cette police scientifique de terrain doit être mise en oeuvre avec mesure comme il l'a été indiqué à deux reprises à votre rapporteur. Deux raisons à cela :

- le dimensionnement actuel des laboratoires de police scientifique ne supporterait pas un afflux massif de requêtes pour de petites ou moyennes infractions

- le bilan coûts/avantages.

Au cours de son audition, le lieutenant-colonel Bruno Vanden-Bergh, directeur adjoint de l'IRCGN, a attiré l'attention sur l'importance de la hiérarchisation des analyses, toutes ne devant pas être analysées dans l'urgence. Il a insisté sur le rôle du coordonnateur de criminalistique qui en a la responsabilité.

Par ailleurs, au cours de son déplacement à Ecully, votre rapporteur s'est vu présenter la mallette de base pour les prélèvements biologiques. D'un coût de 35 euros, elle est donnée aux agents avec la consigne de relever les éléments strictement pertinents et de ne pas inonder les laboratoires de matériels à analyser pour résoudre des affaires de moyenne ou faible importance.

La démarche est compréhensible, mais elle suppose des agents sur le terrain, en pratique souvent des agents de sécurité publique, une grande maîtrise de la scène d'infraction que les moyens de la police scientifique de proximité ne permettent peut-être pas encore.

Cette préoccupation de ratisser à la fois largement et finement a été aussi exprimée par M. Christian Jalby, directeur de la police technique et scientifique, lorsqu'il a indiqué à votre rapporteur que le FNAEG devrait contenir une proportion d'au moins 10 % de traces par rapport à l'ensemble des profils enregistrés 25 ( * ) pour être pleinement efficace. Cette proportion implique que les services de police et de gendarmerie alimentent le FNAEG de nombreuses traces. Mais, il faut être certains que ces traces soient toutes pertinentes. Rien ne sert en effet d'encombrer le FNAEG de traces trouvés sur une scène d'infraction mais n'ayant pas de lien avec celle-ci.

3. Une répartition déséquilibrée des crédits

Ces trois dernières années, la majorité des crédits nouveaux a été attribuée au FNAEG. Cet arbitrage a été un choix stratégique pour mettre en oeuvre rapidement un dispositif complet efficace et à la pointe des standards européens.

Toutefois, sans remettre en cause ce choix, force est de constater que d'autres programmes d'investissements lourds ont pris du retard. Ainsi, l'Institut national de la police scientifique est-il en train d'élaborer un plan triennal d'équipements afin de mettre au niveau des meilleurs standards européens des matériels scientifiques, hors biologie, devenus obsolètes. Sur trois ans, les besoins s'élèveraient à environ 12 millions d'euros.

Un autre chantier reste le développement et la modernisation d'une police scientifique de proximité. Des investissements importants sont prévus pour mettre aux normes d'hygiène et de sécurité les services locaux ou départementaux de police technique et scientifique. Pour la gendarmerie, ces investissements devraient s'étaler jusqu'en 2012.

Le général Serge Caillet a attiré l'attention de votre rapporteur sur l'importance de ne pas négliger les autres techniques, indispensables au même titre que les empreintes génétiques.

4. La protection des libertés : des frontières à clarifier

Les moyens déployés par la police technique et scientifique sont souvent intrusifs et susceptibles de porter atteinte aux libertés et au droit à la vie privée. Toutefois, ils sont utilisés dans un cadre judiciaire qui offre un certain nombre de garanties au regard de la protection des libertés individuelles.

Une des principales difficultés provient en réalité de l'utilisation à des fins administratives d'outils de police technique conçus initialement à des fins de police judiciaire : les fichiers de police judiciaire.

Comme l'a montré la CNIL, les fichiers de police judiciaire se sont développés rapidement au cours des dix dernières années, le plus souvent sans contrôle effectif.

Le législateur essaie depuis quelques années d'encadrer ces fichiers en prévoyant des garanties en matière de conservation des données, de droit d'accès, de traçabilité ou de mise à jour. Ces garanties sont notamment la contrepartie de la possibilité offerte par la loi de consulter ces fichiers à des fins de police administrative.

Le fichier qui pose le plus de problèmes est le STIC.

La base nationale du STIC contenait au 1 er juillet 2006 les antécédents de 4.696.750 mis en cause, plus de 30 millions de dossiers de procédures, 33 millions d'infractions et 28 millions de victimes. 9,2 millions d'objets sont également inscrits dans la base « objets ».

Au 1 er janvier 2006, 87.856 personnes avaient accès au S.T.I.C. dans 1.209 services. En 2005, le STIC a fait l'objet de plus de 12 millions de consultations, dont 93 % en police judiciaire et 7 % en police administrative.

Dans son rapport annuel pour 2004, la CNIL s'était inquiétée des conditions de fonctionnement du STIC et avait formulé des propositions afin de mieux encadrer l'utilisation de ces fichiers à des fins administratives et d'accélérer les procédures de droit d'accès à ces fichiers. Elle estime que la consultation de ces fichiers à des fins administratives fait peser des risques graves et réels d'exclusion ou d'injustice sociale. La polémique récente sur des refus d'agrément pour travailler dans les zones aéroportuaires ou dans des entreprises de sécurité privée sur le fondement des données inscrites dans le STIC illustre cette critique.

A la suite de ces recommandations, le ministère de l'intérieur a activé fin 2004 un programme d'épurement automatique qui a permis la suppression de 1.241.742 mis en cause et de 49.483 victimes. En 2005, près de 170.000 fiches de mis en cause ont été automatiquement supprimées à l'expiration du délai légal de conservation de ces données.

Ces améliorations n'ont pas permis de régler tous les problèmes. Dans son rapport d'activité pour 2005, la CNIL a poursuivi ses investigations. Dans 44 % des cas contrôlés, la CNIL a dû procéder à des mises à jour ou à la suppression de signalements erronés ou dont le délai de conservation était expiré. Au cours du premier semestre 2006, sur 272 dossiers vérifiés par la CNIL, 21 % ont à nouveau fait l'objet d'une suppression ou d'une mise à jour.

Plus récemment, un groupe de travail présidé par M. Alain Bauer, président du conseil d'orientation de l'Observatoire national de la délinquance et constitué à la demande du ministre de l'intérieur a abouti à des conclusions proches.

La CNIL estime que la mise à jour des fichiers de police judiciaire ne pourra pas s'améliorer tant que ne seront pas mises en place des liaisons informatiques entre les parquets et les gestionnaires des fichiers. Il est en effet de la compétence du procureur de décider de l'effacement ou de la mise à jour des informations en cas de décision de relaxe, d'acquittement, de non-lieu ou encore de classement sans suite pour insuffisance de charges.

Plusieurs lois récentes ont étendues les cas de consultation des fichiers à des fins administratives. Pour l'avenir, il serait probablement sage de ne pas créer de nouvelles possibilités de consultation avant que des réponses efficaces au problème de la mise à jour n'aient été apportées.

C. LES PERSPECTIVES

1. Une croissance structurelle prévisible de l'activité

La diffusion de la PTS devrait assurer une croissance continue de son activité. Le domaine de la biologie devrait naturellement progresser. Mais les autres secteurs devraient connaître la même tendance. A titre d'indication, l'activité des laboratoires de l'INPS est passée en matière de toxicologie de 886 dossiers traités en 2003 à 2.338 en 2005 et en matière d'incendies-explosions de 849 à 1.811 dossiers traités.

L'objectif affiché par M. Christian Jalby, directeur de la police technique et scientifique est que les policiers et gendarmes aient de plus en plus recours aux moyens de la PTS pour la petite délinquance.

Si les moyens humains actuels semblent corrects, des moyens supplémentaires seront certainement nécessaires dans les prochaines années. Au cours de son audition, M. José Razafindranaly, secrétaire national du Syndicat des commissaires de police et des hauts fonctionnaires de la police nationale, a recommandé de porter à 2 ou 3 % la proportion des personnels scientifiques de la police nationale contre 0,8 % à ce jour 26 ( * ) .

L'estimation des moyens de fonctionnement et d'investissement nécessaires est également très difficile, l'évolution des tarifs étant imprévisible.

A titre d'illustration, le coût des analyses génétiques a considérablement baissée en l'espace de deux années, dans des proportions que personne n'avait réellement anticipé. Ainsi, dans le cadre de marchés publics conclus en 2005 avec des laboratoires privés, le prix unitaire a pu baisser jusqu'à 58 euros contre des tarifs oscillant entre 120 et 350 euros un ou deux ans auparavant.

Cette baisse spectaculaire des tarifs a même conduit la mission d'audit de modernisation sur le coût des analyses génétiques précitée à interroger le bilan coûts/avantages du choix de l'Etat de se doter de sa propre capacité d'analyse avec des unités de génotypage de masse. Ce choix a été fait avant la baisse des tarifs.

Toutefois, les analyses génétiques effectuées par l'unité de génotypage de masse et les laboratoires privés n'obéissent pas toujours aux mêmes standards. Si l'unité de génotypage offre les meilleures garanties, notamment en réalisant systématiquement une double analyse (double passage), les laboratoires privés en revanche se contentent parfois d'un seul passage ou d'un double passage partiel par sondage

Enfin, le bilan coûts/avantages en matière de PTS doit prendre en compte le fait qu'en l'absence d'une preuve scientifique, certaines affaires requéraient la mobilisation de nombreux enquêteurs pendant de long mois, là où une simple comparaison d'empreintes peut suffire à élucider une affaire.

2. Les échanges de données

Le développement des fichiers de police judiciaire associé à l'intensification de la coopération policière et judiciaire européenne ouvre la voie à une systématisation des échanges de données.

A titre d'exemple, les autorités étrangères ont sollicité le FNAEG 557 fois au 31 octobre 2006 afin d'effectuer des comparaisons avec leurs propres empreintes génétiques (36 ont été positives).

Mais il faut s'attendre dans ce domaine à un changement d'échelle. En effet, la France a signé le 27 mai 2005 le traité de Prüm. Ce traité signé entre les Etats du Benélux, l'Allemagne, l'Espagne, l'Autriche et la France doit marquer une nouvelle étape dans la coopération judiciaire et policière européenne.

Il prévoit notamment la consultation automatisée des fichiers nationaux des empreintes génétiques et des empreintes digitales des Etats parties. Aucun fichier central ne serait constitué et les Etats n'auraient pas accès directement aux données personnelles des individus : la consultation automatisée permettrait simplement de savoir si un profil correspond à celui recherché. En cas de réponse positive uniquement, l'Etat demandeur s'adresserait à l'Etat consulté selon une procédure particulière pour avoir accès aux données personnelles de l'individu. Les traces seraient automatiquement comparées aux fichiers nationaux.

Bien qu'il s'agisse d'un traité intergouvernemental classique, les Etats parties ont affirmé la vocation des autres Etats membres de l'Union européenne à rejoindre ce groupe pionnier.

L'Allemagne a été à l'initiative de ce traité. Il est probable qu'au cours de la présidence allemande de l'Union européenne au premier semestre 2007, de nouvelles initiatives soient proposées dans ce domaine.

3. De nouvelles techniques : la rénovation du fichier des empreintes digitales

De l'aveu même de M. Philippe Mallet, chef du service central de l'identité judiciaire, l'actuel FAED est un système en bout de course, en retard par rapport aux standards européens.

Outre l'installation de bornes de signalisation sur l'ensemble du territoire sus évoquée, le FAED devrait intégrer dans le courant de l'année 2007 la photographie et les empreintes palmaires 27 ( * ) comme le permet le décret du 17 mai 2005 modifiant le décret du 8 avril 1987.

La mise en conformité du FAED avec les dispositions du décret du 27 mai 2005 passe par la refonte complète du logiciel fichier et son évolution vers un nouveau progiciel. L'enregistrement des empreintes palmaires devraient sensiblement accroître l'efficacité du fichier, ces empreintes représentant environ 30 % des traces retrouvées sur les scènes d'infraction.

En prévision de cette échéance, les empreintes palmaires sont recueillies systématiquement au cours de la signalisation des auteurs présumés de crimes et délits depuis la fin de l'année 2003. Le coût du passage à ce nouveau système est évalué entre 3 et 8 millions d'euros selon le volume des applications concernées.

4. L'architecture globale de la PTS à remodeler ?

La PTS est certainement l'un des domaines où les rapprochements entre gendarmerie et police ont été les plus féconds et les plus faciles. En effet, il n'y a pas a priori de raisons majeures justifiant de faire de la police technique et scientifique différemment. Une analyse génétique est la même quel que soit le cas.

Il est légitime alors de se demander jusqu'où mener le rapprochement des deux forces dans ce domaine et sur l'opportunité de fusionner les moyens de police scientifique, du moins au niveau central.

Les auditions de votre rapporteur l'ont conduit à plaider en faveur du maintien d'une dualité.

L'expérience montre que les activités conjointes et parallèles de l'IRCGN pour la gendarmerie et des laboratoires de police scientifique pour la police nationale ont suscité une saine émulation, plutôt qu'une concurrence.

Par ailleurs, il peut être intéressant pour l'Etat de disposer d'une expertise riche de deux forces. En cas par exemple de mise en cause d'un policier, il peut être plus judicieux de confier les analyses au laboratoire de la gendarmerie et inversement afin de ne pas laisser s'installer de doutes sur l'objectivité de l'enquête.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois a donné un avis favorable aux crédits inscrits au titre de la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2007.

ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Syndicat des commissaires de police et des hauts fonctionnaires de la police nationale

- Mme Sylvie Feucher , secrétaire général adjoint

- M. José Razafindranaly , secrétaire national

Table ronde

Syndicat national des Officiers de police (SNOP)

- M. Michel Djabian, secrétaire général adjoint

Synergie Officiers

- M. Patrice Ribeiro, secrétaire national

- M. Fabrice Jacquet, conseiller technique

UNSA Police

- M. Alain Corbion, secrétaire national du secteur « commissaire »

- Mme Francie Chassagne, adjointe

Syndicat national indépendant des personnels administratifs et techniques (SNIPAT)

- Mmes Sylvie Gagu et Nadine Bourdon, secrétaires nationales

Comité d'entente des quatre associations : Trèfle, Fédération nationale des retraités de la gendarmerie, Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie, Association nationale des amis et anciens de la gendarmerie

- Général Jean-Marc Denizot, président

Bureau de la police judiciaire du ministère de la justice

- Mmes Aude Marland et Muriel Renard, adjointes

Gendarmerie nationale

- Général Serge Caillet, sous-directeur de la police judiciaire à la direction générale de la gendarmerie nationale ;

- Lieutenant-Colonel Bruno Vanden-Bergh , directeur-adjoint de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN)

ANNEXE 2 - DÉPLACEMENT

Visite de la sous-direction de la police technique et scientifique de la police nationale à Ecully (Rhône), le jeudi 23 novembre 2006

15H30 - 15h45 : Accueil par le sous-directeur chargé de la police technique et scientifique, M. Christian Jalby

15H45- 16H15 : Présentation du Service de l'Informatique et des Traces Technologiques (laboratoires audio, vidéo et téléphonie)

16H15 - 16H45 : Présentation du Fichier Automatisé des Empreintes Digitales (FAED). Accueil par M. Philippe Mallet, chef du service central de l'identité judiciaire.

16H50 - 17H20 : Présentation du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (F.N.A.E.G.).

17H25 - 17H55 : Accueil par M. Jean-Yves Fraquet, directeur-adjoint de l'Institut National de Police Scientifique - Visite de l'unité de génotypage du Laboratoire de Police Scientifique de Lyon

17H55 -18H00 Entretien de fin de visite avec le sous-directeur de la PTS.

* 1 La LOPSI a fixé les objectifs en nombre d'emplois créés, tandis que, dans l'optique de la LOLF, entièrement applicable à compter de l'exercice 2006, les évaluations sont désormais mesurées en équivalents temps plein travaillés (ETPT). Un emploi ne correspond à un ETPT que s'il est occupé du 1 er janvier au 31 décembre et ce, pour un temps plein.

* 2 En 2005, le taux d'élucidation globale a atteint un tiers. Il est de 34 % sur le premier semestre 2006.

* 3 Bien que se réjouissant de l'action de police judiciaire de la gendarmerie nationale, le général Jean-Marc Denizot a déclaré faire partie de ceux qui estiment que la gendarmerie nationale ne peut pas faire tout ce que la police nationale fait. Il a indiqué que certaines méthodes tendraient à éloigner la gendarmerie de son caractère militaire (ex : le non port de l'uniforme, les techniques d'infiltration).

* 4 EGM : escadron de gendarmerie mobile.

* 5 Une unité de CRS équivaut pratiquement à une compagnie républicaine de sécurité. Seules quelques compagnies comptent en effet pour 1,5 unité.

* 6 Le traitement d'un surveillant pénitentiaire est assez proche de celui d'un gardien de la paix.

* 7 Béatrice Durupt «  La police judiciaire, la scène de crime », Gallimard, 2000, p. 23. Cité dans le rapport sur la valeur scientifique de l'utilisation des empreintes génétiques dans le domaine judiciaire (n° 3121 AN-XI, n° 364 Sénat 2000-2001) de M. Christian Cabal, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

* 8 Le décalage avec les effectifs réels est assez faible et est du au décalage dans le temps de certains recrutements.

* 9 C'est le cas par exemple de l'Unité nationale d'investigation criminelle de la gendarmerie nationale ou de l'Unité gendarmerie d'identification des victimes de catastrophes.

* 10 Par exemple, au 31 décembre 2005, près de 10.000 policiers polyvalents avaient reçu un enseignement dans le domaine des prélèvements biologiques.

* 11 Il s'agit de petits laboratoires de police scientifique au niveau départemental.

* 12 Des investissements immobiliers ont également été engagés pour environ 9 M€. D'ici à cinq ans, l'IRCGN situé à Rosny-sous-Bois devrait être réinstallé à Pontoise pour un coût de 40 M€.

* 13 Les laboratoires de police scientifique de Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse et le laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.

* 14 Ces sommes ne semblent toutefois pas intégrer la totalité des crédits de fonctionnement du laboratoire de police scientifique et du laboratoire de toxicologie de Paris.

* 15 Auxquels il faut ajouter une participation de 900.000 euros du ministère de la justice à valoir sur les prestations réalisées en 2006 au bénéfice des autorités judiciaires. Mme Muriel Renard, adjointe du chef du bureau de la police judiciaire au ministère de la justice, a indiqué qu'étaient imputées sur les frais de justice les demandes d'analyses génétiques émanant d'un magistrat. Les requêtes provenant d'un officier de police judiciaire sont en revanche imputées sur le budget de l'intérieur ou de la défense, sauf si l'analyse est effectuée par un laboratoire privé. Dans ce cas, les dépenses afférentes relèvent des frais de justice.

* 16 Environ 2,6 M€.

* 17 Mission d'audit de modernisation sur le coût des empreintes génétiques : maîtriser la dépense budgétaire induite par les analyses génétiques sur personnes dénommées. Décembre 2005. Mission conduite par l'Inspection générale de l'administration, l'Inspection général des services judiciaires, l'Inspection générale des affaires sociales.

* 18 Cette unité de génotypage de masse a une capacité d'analyse de 125.000 profils d'individus par an. Toutefois, les locaux et la robotique ont été configurés pour pouvoir évoluer si nécessaire vers le génotypage de 250.000 individus par an. Cette chaîne d'analyse représente environ 2,6 M€ d'investissement global. Selon les informations recueillies par votre rapporteur à Ecully, le coût de fonctionnement à plein régime a été évalué à 4,3 M€ par an.

* 19 Sa capacité d'analyse des « traces » devrait passer à 17.000 à la fin de 2006 au lieu de 7.400 en 2004. En outre, dans le courant du premier semestre 2007, l'unité de génotypage de masse de la gendarmerie sera opérationnelle et portera à 60.000 sa capacité d'analyses d'individus dénommés (coût direct de l'investissement d'environ 2 M€.

* 20 Système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes : l'article 30 de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales autorise la création de fichiers d'analyse criminelle de type SALVAC permettant de répertorier, de détecter et de rapprocher des crimes pouvant présenter un caractère sériel.

* 21 La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a donné une base légale à ces fichiers. Tout en élargissant leur champ d'application à de nouvelles infractions (des contraventions en particulier), elle a précisé les modalités de leur alimentation et de leur mise à jour ainsi que les règles de contrôle et d'accès. Elle a également étendu les possibilités de consultation de ces fichiers de police judiciaire à des fins administratives.

* 22 Loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, loi du 9 mars 2004 dite loi Perben II, loi du 24 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme.

* 23 Le STIC et le JUDEX sont des systèmes traitant toutes les informations relatives aux crimes et délits qui fournissent à tout gendarme ou policier habilité une aide à l'enquête. Ils contiennent notamment des informations relatives aux antécédents des personnes mises en cause, aux objets volés, aux circonstances des infractions.

* 24 115.178 condamnés, 186.640 mis en cause et 15.378 traces.

* 25 Le ration actuel est proche de 5 %.

* 26 Ce pourcentage semble déjà élevé à moins d'y inclure les personnels techniques de l'INPS ainsi que des services centraux et locaux de police judiciaire.

* 27 Les empreintes de la paume de la main sont différentes chez chaque individu comme les empreintes digitales.

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