3. La protection du littoral : une action efficace et bien perçue


Une politique souple et partenariale

La prise de conscience, par l'opinion et les pouvoirs publics, de la nécessité de freiner l'artificialisation des zones littorales , face à une pression foncière croissante, a donné lieu à la mise en place d'une politique de protection spécifique, guidée par un impératif environnemental - préserver la valeur écologique des écosystèmes des zones côtières - et une nécessité à la fois sociale, économique et culturelle.

En effet, au moment de la création du Conservatoire du littoral par la loi du 10 juillet 1975, à l'initiative de la DATAR 11 ( * ) , la moitié des rivages français était déjà urbanisée, dont 20 % de manière dense (jusqu'à 92 % du linéaire côtier artificialisé sur la Côte d'Azur).

La loi du 3 janvier 2006 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral limite ainsi l'urbanisation dans les zones proches du rivage, renforce la protection des milieux naturels et des paysages remarquables et pose le principe de l' interdiction de construire à moins de 100 mètres du bord de mer .

L'action du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, établissement public, a été conçue dans un esprit novateur, à partir de l'exemple britannique du « National Trust » 12 ( * ) :

- son rôle est de mener une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral , de respect des sites naturels et de l'équilibre écologique ; le sens de son intervention n'est pas d'acquérir pour interdire, mais pour réguler les activités, permettre de « faire autrement » ; sa politique de gestion patrimoniale s'inscrit dans une doctrine souple, fondée sur la concertation 13 ( * ) ;

- le partenariat avec les collectivités territoriales est au coeur de son action, tant dans son organisation (les neuf conseils de rivage sont composés d'élus représentant les départements et régions, son conseil d'administration - dont votre rapporteur est membre - est composé pour moitié d'élus...), que dans le processus d'acquisition (après avis des conseils municipaux) ou pour l'exercice de ses responsabilités de propriétaire (90 % des sites du Conservatoire sont gérés par les collectivités territoriales).

Lors de son déplacement en Camargue, votre rapporteur a pu mesurer combien l'intervention du Conservatoire est appréciée et bien perçue par les acteurs locaux, en raison notamment de cette souplesse de gestion et de l'implication forte des élus locaux .


Une politique active d'acquisition foncière

Au 1 er janvier 2007, sur un total de 9 060 kilomètres de rivages métropolitains, le Conservatoire protège 979 kilomètres, soit 10,8 % du linéaire côtier . Il possède un patrimoine de 103 000 hectares (10 % en outre-mer), dont 67 000 hectares acquis et 35 000 affectés ou remis en gestion. Cela représente une moyenne d'environ 2 000 hectares acquis par an et un investissement foncier total de 356 millions d'euros.

L'objectif de long terme, rappelé par le contrat d'objectifs signé le 28 juillet 2006 entre l'établissement public et l'Etat pour la période 2006-2008, est d'assurer, par cette stratégie de maîtrise foncière, la sauvegarde du « tiers naturel » ou « tiers sauvage » des rivages français à l'horizon 2050 (soit 200 000 hectares en métropole et 70 000 hectares outre-mer).

Parmi les importantes opérations en cours, votre rapporteur relèvera notamment l'acquisition par le Conservatoire du littoral de 3 500 hectares appartenant à la Compagnie des Salins du Midi , en Languedoc-Roussillon et sur le site de Salin-de-Giraud en Camargue. Il s'agit de préserver des sites remarquables, à la suite de l'arrêt d'une partie des activités du groupe. Le financement de cette opération - d'un coût de 35 millions d'euros - sera étalé sur sept ans et partagé entre le Conservatoire (à hauteur de 24 millions d'euros), les régions concernées et l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée.

L'affectation au Conservatoire du littoral de 100 % du produit des droits de navigation et de francisation des bateaux confère à l'établissement public une ressource stable, à l'évolution dynamique, lui permettant de poursuivre voire intensifier sa politique d'acquisition d'espaces fragiles ou menacés du littoral, dans un contexte d'élévation du coût du foncier.

Un accent est porté, en outre, sur une meilleure maîtrise par le Conservatoire de ses missions de propriétaire foncier, par la réalisation des travaux de restauration des sites et d'aménagement pour l'accueil du public : selon les informations fournies à votre rapporteur par le directeur du Conservatoire, ces travaux de réhabilitation et de mise en valeur des sites ont mobilisé de l'ordre de 15 millions d'euros sur un budget d'investissement de 35 millions, ce qui constitue une évolution majeure.


Un bilan positif

Lors du Conseil des ministres du 11 octobre dernier, la secrétaire d'Etat en charge de l'écologie, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, a présenté une communication relative au bilan de la loi du 3 janvier 1986, dite « loi littoral » . En effet, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux avait demandé la transmission au Parlement d'un rapport sur l'application de cette loi et les mesures spécifiques prises en faveur du littoral.

Ce rapport montre tout d'abord que la « loi littoral », qui permet de concilier la préservation des espaces naturels et la mise en valeur du littoral, bénéficie d'une bonne perception dans l'opinion publique :

- 94 % des Français se déclarent ainsi favorables au principe d'une loi régissant spécialement le littoral ;

- 53 % d'entre eux estiment que l'état du littoral s'est globalement amélioré en 20 ans.

Pourtant, des changements importants ont affecté le littoral : l'attractivité résidentielle, économique et touristique du littoral s'est fortement accélérée dans les dernières décennies ; la population des communes littorales s'est accrue de 530 000 habitants depuis 1986.


Les enjeux : vers une gestion intégrée et coordonnée

La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a étendu la compétence d'intervention du Conservatoire au domaine public maritime, dans l'objectif de promouvoir une gestion plus intégrée des zones côtières. En outre, le Conservatoire peut engager, en cas d'atteinte à l'intégrité du domaine public maritime, la procédure de contravention de grande voirie.

La création de l'Agence des aires marines protégées, dont le Conservatoire est membre du conseil d'administration, doit conduire à trouver des modes d'articulation afin de coordonner les interventions des deux établissements sur le domaine public maritime . Si cela ne devrait pas poser de problème, dans la mesure où, selon le directeur du Conservatoire, le partage des rôles est clair et l'Agence est perçue comme un acteur complémentaire, il s'agit d'éviter les risques d'interférences - et donc de confusion - dans les actions menées sur le milieu marin. A cet égard, la participation de l'Agence au sein du conseil d'administration du Conservatoire serait tout à fait légitime.

* 11 Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale.

* 12 Association fondée en 1895 par trois philanthropes, le «National Trust » regroupe aujourd'hui plus de 3,4 millions de membres cotisants ; il est propriétaire d'un patrimoine naturel et historique de 250 000 hectares protégés, dont 1 300 kilomètres de rivages.

* 13 Ainsi, près de 800 conventions d'usage ont été conclues par le Conservatoire avec des exploitants (agriculteurs, éleveurs, conchyliculteurs...) ; dans le même esprit, une convention de coopération pour le développement durable de l'archipel de Chausey a été conclue par le Conservatoire avec les propriétaires de l'île.

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