B. LES FORCES NAVALES

En ce qui concerne les capacités de combat naval, le contrat opérationnel actuellement assigné à la marine prévoit qu'elle doit être en mesure :

- de déployer un groupe aéronaval et son accompagnement, ainsi que des sous-marins nucléaires d'attaque, à plusieurs milliers de kilomètres ;

- d'assurer l'escorte d'un groupe amphibie et/ou d'un groupe de transport maritime ;

- de participer à la sûreté d'une zone aéromaritime dans une opération pouvant durer plus d'un an ;

- d'assurer le soutien de la force océanique stratégique et les missions permanentes de prévention et de protection en métropole et outre-mer.

L' absence de permanence du groupe aéronaval , qui est une réalité depuis l'entrée du porte-avions Charles de Gaulle, le 1 er septembre dernier, en indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER) pour une durée de 15 mois, constitue bien entendu une première entorse, prévue de longue date, à ce contrat opérationnel. Le rétablissement de cette permanence forme l'enjeu de la réalisation d'un second bâtiment qui pourrait entrer en service avant la 2 ème IPER du Charles de Gaulle. La question n'est pas tranchée dans le projet de budget, qui prévoit cependant à titre de provision une dotation de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement.

Les missions d'accompagnement du groupe aéronaval ou d'un groupe amphibie, tout comme certaines missions de contrôle des espaces maritimes ou d'action vers la terre, incombent aux bâtiments de combat de surface , frégates et avisos. Le renouvellement des frégates , de 5 types différents et au nombre de 16 aujourd'hui, va s'engager l'an prochain avec l'arrivée de la première des deux frégates de défense aérienne Horizon. Il doit se poursuivre avec le programme de frégates multi-missions au titre duquel 8 bâtiments ont été commandés en 2005.

Enfin, le rôle des sous-marins d'attaque est intimement lié à celui de la force océanique stratégique, non seulement sur le plan opérationnel, mais aussi au plan de la formation et de l'entraînement. Les sous-marins d'attaque assurent cependant des fonctions propres dans le domaine du combat conventionnel, notamment en soutien d'une force aéronavale. Le programme de sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda inclut également une capacité d'action de la mer vers la terre, avec la mise en oeuvre du missile de croisière naval. La commande du premier sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda est intervenue en 2006

1. Le second porte-avions : un lancement qui mérite d'être lié à la mise en place de financements supplémentaires

La loi de programmation 2003-2008 avait retenu l'objectif de « restaurer la permanence du groupe aéronaval pour disposer de ce moyen de projection de puissance en toute circonstance ». Elle envisageait donc le lancement du projet de second porte-avions « en explorant les possibilités de coopération avec le Royaume-Uni ».

Les premières études sur les possibilités de coopération et la recherche de systèmes ou installations qui pourraient être communes aux deux projets ont démarré en 2004, la volonté commune de coopérer ayant été formalisée par les deux gouvernements dans un mémorandum d'entente signé en juin 2006.

Ce processus a permis d'aboutir à un design commun sur les projets britannique et français . Les exigences opérationnelles spécifiques à la France ont été prises en compte. Elles concernent les besoins propres au catapultage (pont d'envol et catapultes), puisque les Britanniques auront pour leur part recours à la technique du décollage court et de l'atterrissage vertical, l'emport de l'arme nucléaire et la présence d'un état-major de conduite d'une force navale. On estime que la part commune aux deux projets représenterait 85 % du besoin militaire .

Les Britanniques ont estimé que le coût des 2 bâtiments projetés à 5,8 milliards d'euros et ont confirmé le lancement du programme en juillet dernier, bien que le contrat n'ait semble-t-il toujours pas été juridiquement notifié. Ils ont également indiqué que la coque de ces 2 bâtiments serait entièrement réalisée dans les chantiers britanniques, en liaison avec leur future restructuration, alors que l'une des solutions possibles, en cas de coopération franco-britannique, aurait consisté à fabriquer la partie avant pour 3 bâtiments à Saint-Nazaire, les deux autres blocs étant construits outre-manche. Toutefois, l'impossibilité de coopérer sur la réalisation de la coque n'interdit pas de le faire sur les systèmes embarqués qui constituent une large part du coût de réalisation du bâtiment.

Tel qu'il se présente après cette phase franco-britannique, le projet porte sur un porte-avions à propulsion classique de l'ordre de 70 000 tonnes , d'une dimension très supérieure à celle du Charles de Gaulle (38 000 tonnes). La dimension du Charles de Gaulle avait volontairement été limitée pour des contraintes d'ordre industriel. L'augmentation du volume est sans incidence significative sur le coût global, mais elle apporte de nombreux avantages techniques ou opérationnels.

Selon les documents budgétaires, 209,5 millions d'euros avaient été engagés sur ce programme à la fin de l'année 2006 , et 122,8 millions d'euros payés. La loi de finances pour 2007 prévoyait 49,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 68,3 millions d'euros de crédits de paiement.

Ces dotations correspondent notamment à la contribution française, de l'ordre de 140 millions d'euros, aux travaux de développement britanniques auxquels le ministère de la défense a pu en conséquence être associé. Elles couvrent également un contrat de 49,6 millions d'euros passé au printemps dernier pour l'acquisition de catapultes avec les Etats-Unis, seul pays à maîtriser cette technologie. La commande des catapultes par anticipation constitue une mesure conservatoire, nécessaire compte tenu des délais de réalisation. Le délai de résiliation prévu par le contrat permettrait de se retirer sans pénalités excessives si la réalisation du second porte-avions n'était pas confirmée en 2008.

Le projet de budget pour 2008 met en place une dotation de 3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, à titre de provision . Ce caractère provisionnel tient au fait que la décision de lancement de la réalisation du second porte-avions n'est pas arrêtée, et sera prise dans le cadre des arbitrages plus généraux liés à la prochaine loi de programmation. Il tient aussi aux travaux et discussions en cours sur le coût de réalisation.

La provision de 3 milliards d'euros est considérée comme une enveloppe maximale pour la conception et la réalisation. L'objectif est d'obtenir une offre située sensiblement au dessous de ce montant, en incitant les industriels à tirer le meilleur bénéfice des synergies possible entre le programme britannique et un futur programme français, tant en ce qu concerne l'acquisition que le soutien du bâtiment.

La question est donc désormais entièrement du ressort des autorités françaises. La décision devra mettre en balance les nécessités opérationnelles et les implications financières.

Sur le plan opérationnel , les avantages apportés par un second bâtiment en matière de permanence, à savoir la possibilité de se trouver dans des délais relativement brefs sur la zone des opérations, sont à mettre en rapport avec les solutions possibles en cas d'indisponibilité d'un porte-avions unique. Sur un théâtre lointain, le déploiement d'avions de combat suppose un pré-positionnement adapté ou l'engagement de négociations d'autorisations de stationnement avec un pays disposant d'un site adéquat, sans garantie de résultat et de délais.

Sur le plan financier , le programme pourrait représenter, s'il était lancé, une annuité moyenne de l'ordre de 500 millions d'euros sur la prochaine loi de programmation militaire. L'engagement de la dotation inscrite au projet de budget pour 2008 génèrerait ainsi des besoins de paiement dont on ne peut aujourd'hui pleinement mesurer les implications , en l'absence d'indication sur le niveau de ressources qui sera retenu à compter de 2009 en matière d'équipements militaires .

Votre rapporteur ne peut ici que reprendre les observations formulées par le président Serge Vinçon dans son rapport d'information de juillet dernier sur les équipements militaires : « la question du second porte-avions représente une bonne illustration de la problématique plus générale du niveau auquel la France souhaite fixer notre effort de défense. Dans le cadre du simple maintien des budgets actuels, le lancement du second porte-avions conduirait à affecter la réalisation d'autres programmes essentiels. Le lancement du projet, dans le cadre d'une coopération franco-britannique, mérite donc d'être lié à la mise en place de ressources supplémentaires ».

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