N° 95

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2007

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

Par M. Dominique LECLERC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 189 , 276 à 281 et T.A. 49

Sénat : 90 et 91 (annexe n° 24 ) (2007-2008)

Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » pour 2008

Programmes

Crédits de paiement (en euros)

Variation 2008/2007 (en %)

Régimes sociaux et de retraite
des transports terrestres

3 476 730 000

+ 5,7

Régimes sociaux des transports terrestres

94 100 000

+ 0,9

Régimes de retraite des transports terrestres

3 382 630 000

+ 5,8

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

719 000 000

+  0,1

Pensions de retraite des marins

711 300 000

+ 0,1

Prévoyance des marins

0

-

Action sanitaire et sociale des marins

7 700 000

0

Régime de retraite des mines,
de la SEITA et divers

928 050 000

- 4,6

Versements au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

800 000 000

- 5,4

Régime de retraite de la SEITA

122 000 000

+ 0,9

Caisse des retraites de l'Imprimerie nationale

50 000

- 61,5

Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer

5 200 000

- 2,1

Versements liés à la liquidation de l'ORTF

800 000

0

Total mission « Régimes sociaux et de retraite »

5 123 780 000

+ 2,9

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Longtemps taboue, la question de l'avenir des régimes spéciaux de retraite occupe désormais une place centrale dans le débat politique et social. Conformément aux engagements qu'il avait pris pendant la campagne électorale, le Président de la République a décidé de confier au Gouvernement la mission d'ouvrir des négociations sur ce sujet avec les partenaires sociaux. Le but et le cadre général de la réforme ont été définis au préalable par les pouvoirs publics. Il s'agit, afin de promouvoir le principe d'équité entre les assurés sociaux, d'harmoniser progressivement leurs règles avec celles applicables aux pensions des trois fonctions publiques.

A l'occasion du débat organisé au Sénat le 2 octobre 2007, votre commission a fait valoir les réflexions et les propositions que lui inspire ce dossier. La réforme ne prendra pas la forme d'une loi, car les textes applicables en cette matière relèvent du domaine réglementaire. L'intervention du Parlement, en amont du processus de décision, n'en demeure pas moins essentielle, de même qu'il sera particulièrement attentif au déroulement et à l'issue de la seconde phase des négociations qui s'ouvriront entre l'Etat, les partenaires sociaux et les directions des grandes entreprises nationales.

L'examen de la mission interministérielle consacrée aux « Régimes sociaux et de retraite » fournit l'occasion d'y revenir car il porte sur la charge financière que représentent, pour l'Etat, les prestations vieillesse versées aux cheminots de la SNCF, aux agents de la RATP, aux mineurs et aux marins. Ceci étant les masses financières en cause ne correspondent qu'à une partie seulement du problème posé par ces systèmes de retraite : n'apparaît ici que leur coût budgétaire alors que les finances sociales sont elles aussi fortement sollicitées, via les transferts de la compensation démographique. Le champ de la mission ne couvre par ailleurs que quatre des sept grands régimes spéciaux : les industries électriques et gazières (IEG), la Banque de France et les clercs de notaire ne sont pas pris en compte.

L'objectif de la réforme lancée par les pouvoirs publics est fondamental : il s'agit de mettre fin à une situation qui, sournoisement, empoisonne la vie politique et sociale de notre pays depuis des décennies. Sur le plan des principes tout d'abord, les régimes ne peuvent demeurer plus longtemps un monde à part de l'assurance vieillesse. Par ailleurs, nul ne saurait aujourd'hui sérieusement contester que leur générosité n'est rendue possible que par un appel massif à la solidarité nationale. Les données publiées par le conseil d'orientation des retraites (Cor) montrent que les ressources externes assuraient, en 2005, 59 % des prestations vieillesse versées par les sept grands régimes spéciaux. A législation inchangée, cette proportion atteindrait 70 % en 2040-2050. Il convient donc d'enrayer cette dérive.

Plus largement, la question du coût global pour notre pays de ces systèmes de retraite mériterait des investigations approfondies qui font actuellement encore défaut. Sur la base des informations qu'il a rassemblées au cours des sept dernières années, votre rapporteur estime à 6 milliards d'euros par an, au minimum, le surplus de prestations versées, par rapport à l'affiliation de ces assurés sociaux aux régimes du secteur privé, c'est-à-dire la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav), d'une part, et les organismes complémentaires Agirc et Arrco, d'autre part, soit environ la moitié du budget de l'enseignement supérieur...

Les engagements de retraite de ces sept régimes s'élèvent à environ 280 milliards d'euros (dont 111 pour la SNCF, 90 pour les IEG, 27 pour les marins, 25 pour les mines, 23 pour la RATP et 12 pour la Banque de France), ce qui est considérable.

Votre rapporteur constate avec satisfaction que certaines de ses demandes formulées au cours des deux dernières années pour obtenir l'amélioration de la présentation de la mission interministérielle aient commencé, fût-ce partiellement, à être prises en compte par le ministère des finances. Les indicateurs de performance, en revanche, restent inchangés et exclusivement consacrés aux dépenses de gestion, soit l'équivalent de seulement 1 % à 3 % des charges de ces régimes de retraite : leur intérêt demeure limité. C'est à quoi souhaite ici s'employer votre commission.

I. DES RÉGIMES DE RETRAITE COÛTEUX PORTÉS À BOUT DE BRAS PAR LA SOLIDARITÉ NATIONALE

Cette mission budgétaire regroupe trois thèmes principaux, d'ailleurs sans grande cohérence d'ensemble. Les deux premiers - la pénibilité du travail des chauffeurs routiers et le financement de la mise en extinction de plusieurs petits régimes spéciaux - présentent une portée limitée par rapport à ce qui constitue le coeur du sujet : la compensation du déséquilibre démographique des grands régimes spéciaux. Au total, le montant des autorisations d'engagement pour 2008 atteint 5,12 milliards d'euros et se répartit entre les trois programmes de la façon suivante :

- 3,48 milliards d'euros pour les régimes des transports terrestres ;

- 719 millions d'euros pour celui des marins ;

- 928 millions d'euros pour les régimes des mines, celui de l'ancienne Seita et plusieurs petits régimes en extinction.


Définition de la notion de régimes spéciaux

La définition juridique de la notion de régimes spéciaux résulte des dispositions de l'article R. 711-1 du code de la sécurité sociale, lui-même issu de l'article premier du décret n° 91-489 du 14 mai 1991 :

« Restent soumis à une organisation spéciale de sécurité sociale, si leurs ressortissants jouissent déjà d'un régime spécial au titre de l'une ou de plusieurs des législations de sécurité sociale  :

1°) les administrations, services, offices, établissements publics de l'Etat, les établissements industriels de l'Etat et l'Imprimerie nationale, pour les fonctionnaires, les magistrats et les ouvriers de l'Etat ;

2°) les régions, les départements et communes ;

3°) les établissements publics départementaux et communaux n'ayant pas le caractère industriel ou commercial ;

4°) les activités qui entraînent l'affiliation au régime d'assurance des marins français institué par le décret-loi du 17 juin 1938 modifié ;

5°) les entreprises minières et les entreprises assimilées, définies par le décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946, à l'exclusion des activités se rapportant à la recherche ou à l'exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux ;

6°) la société nationale des chemins de fer français ;

7°) les chemins de fer d'intérêt général secondaire et d'intérêt local et les tramways ;

8°) les exploitations de production, de transport et de distribution d'énergie électrique et de gaz ;

9°) la Banque de France ;

10°) le Théâtre National de l'Opéra de Paris et la Comédie Française. »

A. UN COÛT ÉLEVÉ POUR LES FINANCES PUBLIQUES COMME POUR LES FINANCES SOCIALES

1. Une certitude : un recours massif à la solidarité nationale

A l'exception du régime des mines, pour lequel prédominent encore les transferts de compensation démographique, tous les systèmes de retraite spéciaux sont aujourd'hui majoritairement financés par l'Etat. Or les pensions à servir à leurs assurés sociaux vont mécaniquement s'accroître à l'avenir.

Evolution prévisionnelle à législation inchangée des pensions versées par les sept grands régimes de retraite spéciaux

(en millions d'euros)

2003

2007

2020

2040

2050

SNCF

4 484

4 860

5 098

5 992

7 066

RATP

669

778

1 041

1 565

2 051

EDF GDF

2 998

3 368

4 527

5 307

6 645

Mines

1 862

1 891

994

283

129

Marins

1 011

1 098

915

682

631

Clercs de notaire

483

602

536

843

955

Banque de France

362

276

660

721

652

Total

11 869

12 873

13 771

15 393

18 129

Compte tenu de leur insuffisance structurelle de financement, la survie de ces régimes n'est possible que grâce à la solidarité nationale : en moyenne, les ressources provenant de l'extérieur assuraient, en 2005, 59 % des prestations vieillesse versées. Cette proportion passerait à 71 % en 2050.

Evolution prévisionnelle à législation inchangée des montants des subventions d'équilibre et des contributions de l'employeur

(en millions d'euros)

2003

2020

2040

2050

SNCF

2 377

3 059

3 236

3 816

RATP

421

708

1 080

1 477

EDF GDF

2 818

4 210

4 882

6 180

Mines

447

875

300

191

Marins

576

723

518

473

Clercs de notaire

145

161

253

287

Banque de France

210

521

548

443

Total

6 994

10 257

10 817

12 866

% des pensions payées par des subventions et contributions de l'employeur

58,9 %

74,5 %

70,3 %

71,0 %

2. Une première approche du « surcoût » des principaux systèmes de retraite spéciaux

Les régimes spéciaux ont été interrogés par votre rapporteur sur deux points :

- à combien peut-on estimer le « surcoût » annuel de leurs spécificités par rapport aux régimes de droit commun ?

- quelle est la part attribuable à la précocité de l'âge de cessation d'activité et quelle est celle correspondant à des modalités de calcul de pension plus favorables ?

Les réponses obtenues sont les suivantes :


La SNCF

La SNCF évalue le surcoût de son régime à environ 14 % des prestations versées : 700 millions d'euros sur un total de 4,95 milliards d'euros.


Les nouveaux principes de financement du régime de retraite
de la SNCF depuis le 30 juin 2007

Le décret n° 2007-1056 du 28 juin 2007 relatif aux ressources de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF a redéfini l'architecture de financement de ce régime de retraite, qui repose désormais sur les bases suivantes :

1) Les cotisations salariales et patronales sont déterminées suivant un mécanisme relativement complexe.

Le taux de la cotisation salariale est maintenu à 7,85 %.

La cotisation patronale résulte de la somme de deux composantes T1 et T2 :

- le taux Tl correspond au taux de cotisation qui serait appliqué si les cheminots relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaire, déduction faite du montant de leurs cotisations salariales (22,49 % en 2007) ;

- le taux T2 a pour objet d'identifier le coût des avantages spécifiques de retraite du régime spécial. Il a été fixé à 11,96 % pour l'année 2007 puis à 12,27 % en 2008, 12,62 % en 2009 et 12,73 % à compter de 2010.

2) La contribution de l'Etat assure in fine l'équilibre financier du régime en couvrant l'écart entre les ressources et les charges.

Source : SNCF

Le nouveau mécanisme de calcul des cotisations du régime de la SNCF permet de mieux identifier le poids des spécificités de ce régime. Mais le détail de ces calculs n'a pas été fourni.

« Le surcoût du régime de retraite est désormais explicité par la cotisation T2. Cette cotisation représente environ 530 millions d'euros en 2007. L'entreprise finance ce surcoût, auquel s'ajoute le poids de la « sous cotisation » des salariés (4,15 %), soit environ 180 millions d'euros. Le surcoût total pour l'entreprise par rapport aux autres entreprises de transport est donc d'environ 710 millions en 2007. La SNCF ne dispose pas d'évaluation précise de la part du surcoût 2007 attribuable à chacune des spécificités du régime : âge plus précoce de cessation d'activité, modalités de calcul de la pension plus favorable, ... »


La RATP

A l'occasion des travaux préparatoires à la demande d'adossement du régime de la RATP au régime général, l'entreprise publique avait procédé à une estimation du surcoût des spécificités du régime spécial par rapport aux entreprises de « droit commun ».

Coût du régime de retraite
de la RATP

(en millions d'euros)

Cotisations sociales (après mise à niveau)

371

Déséquilibre démographique

180

Spécificités du régime

180

Coût des pensions

731

Source : RATP

Ce calcul repose sur des données de 2004. Mais il présente le mérite de fournir une information inédite, ainsi qu'un ordre de grandeur qui n'a sans doute pas beaucoup évolué depuis trois ans.

« Les estimations réalisées en préalable aux travaux d'adossement conduisaient à une évaluation du montant du « chapeau » à environ 360 millions dont la moitié au titre des spécificités du régime. Il est toutefois difficile d'évaluer la part dédiée à un âge plus précisément ou à des modalités de calcul plus favorables. Les deux sont liés sachant qu'une bonification d'annuités peut conduire à un départ plus tôt. De plus, d'un individu à l'autre, les conséquences peuvent être diamétralement opposées. Toutefois dans une approche sommaire, on peut évaluer à 15 % la part correspondant aux modalités de calcul et à 85 % la part correspondant à un âge de départ plus précoce. »


Les marins

Deux paramètres doivent être pris en considération pour apprécier le régime des marins : la possibilité de partir en retraite avant l'âge légal de la retraite, d'une part, le mode de calcul spécifique et forfaitaire de la pension, d'autre part. De fait, 14,8 % des pensionnés ont moins de soixante ans. L'établissement national des invalides de la marine (Enim), qui a la charge de gérer ce régime, relativise en ces termes l'avantage concernant ces dispositions :

« Compte tenu des spécificités du métier de marin, notamment la pénibilité, la retraite peut être prise avant l'âge de soixante ans. (....) La règle de détermination du salaire forfaitaire retenu pour le calcul de la pension (...) peut apparaître plus favorable qu'au régime général puisque l'Enim retient les trois dernières années ou les cinq meilleures alors que le régime général calcule le salaire moyen annuel en fonction des salaires annuels, revalorisés chaque année par la sécurité sociale, et d'une période de référence qui depuis 1994, passe progressivement des dix aux vingt-cinq meilleures années en fonction de l'année de naissance. (...) Mais il faut tenir compte du fait que le mécanisme des salaires forfaitaires [de l'Enim] est par définition purement conventionnel et dans de nombreux cas celui-ci est largement inférieur aux salaires réellement perçus. (...) Dans ces conditions, il est difficile d'affirmer que l'application des règles de l'Enim (...) est systématiquement plus avantageuse que ne le serait l'application des règles générales sur les salaires réels. »


Les mineurs

Dans le cas des mineurs, les informations disponibles sont rares et lacunaires. Il apparaît toutefois que les retraites versées à cette population sont très faibles : moins de 6 000 euros par an en moyenne pour une pension de droits propres. Par ailleurs, la surmortalité de la profession liée à la pénibilité des conditions de ce métier est bien connue. Le système de retraite spécial des mineurs, aujourd'hui en voie d'extinction, n'emporte donc aucun avantage relatif par rapport aux autres régimes sociaux. Au contraire.


Les industries électriques et gazières

Bien que ne figurant pas dans le champ de la présente mission budgétaire, le cas des IEG mérite d'être mentionné. La caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) a indiqué que « Si l'on définit les « spécificités » du régime spécial de retraite des IEG comme l'écart entre les prestations du régime spécial et la part qui, en leur sein, correspondrait à celle des régimes de retraite du droit commun, ces « spécificités » représenteraient 20 % de la masse des retraites de l'année 2006 (...). La répartition entre la part imputable à l'âge de départ en retraite et la part imputable aux modalités de calcul de la pension dans le régime spécial n'est en revanche pas disponible. »

3. La nécessité d'investigations complémentaires

Si votre rapporteur ne peut que prendre acte des données qui lui ont été fournies, certains chiffres laissent toutefois perplexe.

Ainsi, lorsque la Cnieg évalue le coût des spécificités du régime à seulement 20 % du montant total des retraites versées chaque année, on ne peut manquer de faire un rapprochement avec la décomposition des engagements de retraite : les « droits spécifiques », c'est-à-dire le chapeau du régime, représentent 41 % de ce total. Cette comparaison porte il est vrai sur deux informations différentes, un flux et un stock, mais l'écart entre les deux est singulier. La réponse, au demeurant fort complexe, fournie sur ce point par la Cnieg ne lève pas toutes les interrogations :

« Cette évaluation [à 20 %] des spécificités du régime spécial en termes de protection sociale n'est, en aucune façon, égale à la part des droits spécifiques dans le total des engagements du régime spécial des IEG (41 %). (...) En effet, dans le cadre de l'adossement, le montant des prestations financées par les régimes du droit commun ne couvre pas la totalité de ce que ces derniers prendraient en charge au titre des retraites qu'ils verseraient effectivement aux agents des IEG dans le cadre d'une affiliation directe des ressortissants du régime spécial à ces régimes. (...) Les régimes complémentaires ne prennent pas en charge la totalité des pensions qu'ils verseraient alors aux agents des IEG en raison de la reprise partielle des « droits passés » au taux de 54,8 % pour l'Arrco et de 94,7 % pour l'Agirc.

« Cet abattement, lié à la neutralité de l'adossement sur le plan financier, ne doit en revanche pas être pris en compte dès lors qu'il s'agit de mesurer, sur le plan de la protection sociale, l'écart du régime spécial des IEG par rapport aux régimes de retraite du droit commun. C'est pourquoi et en suivant la méthode retenue sur ce point par la Cour des comptes lors d'une récente enquête sur le régime spécial, l'évaluation des spécificités du régime spécial en termes de protection sociale doit être effectuée en réévaluant les droits spécifiques sur la base d'une reprise à 100 % des droits passés par les régimes complémentaires. »

Le cas de la SNCF suscite les mêmes interrogations. A la date du 31 décembre 2005, l'entreprise publique évaluait le coût des spécificités du régime à seulement 13 % du montant total des retraites : 14 milliards de « droits spécifiques » sur un total de 105 milliards d'engagements de retraite. Là encore, les modalités du calcul n'ont pas été fournies. Mais on peut se demander si une valeur aussi modeste rend pleinement compte de l'écart d'âge de cessation d'activité avec les assurés sociaux du régime général.

A la RATP, la différence entre le coût annuel des spécificités du régime, chiffré à 25 % du montant total des retraites versés, et la part relative des « droits spécifiques » de 38 % dans les engagements du régime à la date du 31 décembre 2005 est moins sensible que pour les IEG. Mais elle demeure néanmoins considérable.

B. LES DÉSÉQUILIBRES DÉMOGRAPHIQUES, UNE EXPLICATION PARMI D'AUTRES DU DÉFICIT DES RÉGIMES DE RETRAITE SPÉCIAUX

Tous les régimes de retraite spéciaux sont caractérisés depuis des décennies par une insuffisance structurelle de financement. Mais les termes de « compensation du déséquilibre démographique » employés dans le cadre de cette mission interministérielle apparaissent ambigus, car il ne s'agit ni de la seule ni même de la principale raison de ce déficit. Les facteurs démographiques ne doivent pas conduire à sous-estimer ou à oublier que le problème principal réside dans le caractère rétributif de ces systèmes de retraite.

Dans son rapport de septembre 2006 sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes soulignait que « la masse des pensions versées par les régimes spéciaux peut être ventilée en trois composantes :

« - les pensions qui seraient versées si les règles d'acquisition et de liquidation des droits à la retraite étaient celles des régimes de droit commun (régime général et régimes complémentaires) ;

« - les avantages spécifiques, liés à leurs règles plus favorables ;

« - le coût du déséquilibre démographique. »

1. Beaucoup de retraités et peu de cotisants

Les régimes spéciaux présentent tous et depuis fort longtemps des ratios démographiques défavorables.

Le système de retraite des mineurs est aujourd'hui virtuellement mort, car le nombre des actifs diminue de 10 % à 17 % selon les années : il n'y a plus que de 10 296 cotisants, contre 49 700 encore en 1989.

Les six autres grands régimes affichent un rapport démographique entre le nombre des actifs et celui des retraités inférieur à l'unité : les marins (0,31), la SNCF (0,56), les clercs de notaire (0,86), les IEG (0,92), la Banque de France (0,95) et la RATP (0,97). Tous sont confrontés à des besoins de financement considérables car le nombre de cotisants ne permet en aucun cas de couvrir les dépenses de retraite.

2. Des prestations plus avantageuses que dans les autres régimes

Dans son rapport de septembre 2006, la Cour des comptes a souligné la situation avantageuse des assurés des régimes spéciaux par rapport aux ressortissants des caisses de retraite de droit commun du secteur privé, mais également par rapport aux personnels des trois fonctions publiques.

Cet avantage relatif réside tout d'abord dans le mode de calcul des pensions qui, dans la plupart des cas, repose encore :

- sur un traitement de référence déterminé sur la base des six derniers mois d'activité ;

- auquel on applique un taux de 2 % par annuité ;

- sur la base de trente-sept années et demie d'activité.

La cour souligne aussi que « par rapport aux régimes des salariés du secteur privé et des trois fonctions publiques, ces régimes spéciaux :

« - n'utilisent pas la durée d'assurance tous régimes pour déterminer le taux de liquidation,   n'appliquent pas l'augmentation de la durée tous régimes programmée dans le futur ;

« - n'introduisent pas de pénalisation financière au niveau de la pension liquidée lorsque la durée de services est inférieure à celle ouvrant le taux plein. Autrement dit, le taux d'annuité (2 %) est constant, garanti et indépendant de la durée de services effectivement accomplie ;

« - n'encouragent pas la poursuite de l'activité puisqu'il n'y a pas de gain en termes de pension. »

3. Une générosité fondée sur un principe de solidarité inversé

La générosité des prestations des régimes spéciaux n'est permise que par un recours massif à des financements extérieurs. Or, l'immense majorité des assurés sociaux français dispose d'un système de retraite au rendement bien moindre que celui des cheminots ou des agents de la RATP. Pour ces deux régimes, on peut donc parler de solidarité inversée. Cela n'est évidemment pas le cas pour les mineurs et les marins qui perçoivent des pensions plutôt modestes.


La SNCF

Les cotisations constituent moins de 40 % des produits de la branche vieillesse (37 % en 2007). Les ressources nécessaires au financement des retraites proviennent de sources extérieures : les mécanismes de compensation tiennent une part décroissante (3,6 % en 2007, contre 18 % en 1995) tandis que la subvention de l'Etat contribue désormais pour plus de la moitié du total (58 % en 2007, contre 48,9 % en 1995).

Régime de retraite spécial de la SNCF

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Est.
2007

Prév.
2008

Nombre de cotisants

179 471

179 552

177 120

172 675

168 132

165 280

163 300

160 850

Nombre de bénéficiaires

316 000

312 000

309 015

305 108

301 531

297 751

294 700

291 850

Rapport cotisants/bénéficiaires de droits directs et de droits dérivés

0,57

0,58

0,57

0,57

0,56

0,56

0,55

0,55

Montant des charges de vieillesse

4 393,3

4 462,4

4 527,7

4 566,1

4 661,6

4 834,9

4 952,6

5 045,7

Montant des cotisations

1 475,6

1 670,8

1 692,5

1 709,0

1 748,5

1 822,7

1 831,5

1 858,0

Ecart entre les cotisations et les charges

- 2 917,7

- 2 791,6

- 2 835,2

- 2 857,1

- 2 913,1

- 3 012,2

- 3 121,1

- 3 187,7

Transferts reçus de la compensation démographique

506,4

508,5

436,0

397,3

337,8

297,8

239,5

180,9

Contribution financière de l'Etat

2 223,4

2 259,2

2 376,2

2 437,3

2 552,1

2 636,3

2 788,5

2 924,6

Total des ressources externes du régime

2 729,8

2 767,7

2 812,2

2 834,6

2 889,9

2 934,1

3 028,0

3 105,5

Part relative des ressources externes dans le financement des charges du régime

62,1 %

62,0 %

62,1 %

62,1 %

62,0 %

60,7 %

61,1 %

61,5 %


La RATP

A la RATP, le besoin de financement du régime a été assuré jusqu'en 2005 par une cotisation fictive de l'employeur couvrant plus de 60 % des charges du régime. Ce mécanisme a été abandonné lors de la réforme de 2005 qui s'est traduite par une augmentation de plus de 90 millions d'euros par an des cotisations à la charge de l'entreprise. Une subvention directe de l'Etat a été instituée ; son importance relative s'accroît régulièrement dans les ressources du régime : 49,5 % en 2006, 50,6 % en 2007 et 51,5 % en 2008.

Régime de retraite spécial de la RATP

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Est. 2007

Prév. 2008

Nombre de cotisants

41 949

42 984

43 325

43 645

43 750

44 180

44 365

44 400

Nombre de bénéficiaires

42 591

42 642

42 776

43 834

44 191

43 733

44 713

45 600

Rapport cotisants/bénéficiaires de droits directs et de droits dérivés

0,98

1,01

1,01

1,00

0,99

1,01

0,99

0,97

Montant des charges de vieillesse

675,2

690,9

716,3

735,9

759,1

785,8

830,6

876,1

Montant des cotisations des actifs

251,2

267,8

276,3

281,6

289,6

392,1

404,6

418,0

Ecart entre les cotisations des actifs
et les charges

- 424,0

- 423,1

- 440,0

- 454,3

- 469,5

- 393,7

- 426,0

- 458,1

Cotisations fictives et contribution
de l'Etat (1)

415,0

409,7

433,4

452,0

465,9

389,2

420,1

451,3

Part relative des cotisations fictives
et des contributions publiques dans
le financement des charges du régime

61,2 %

59,3 %

60,5 %

61,4 %

61,4 %

49,5 %

50,6 %

51,5 %


Le régime des marins

La part des ressources externes dans le financement des prestations des marins n'a cessé de croître depuis cinq ans pour atteindre désormais 88 %. Ces transferts proviennent surtout de l'Etat (66,8 % des charges du régime) et dans une moindre mesure de la compensation démographique (21,1 %), en raison de la diminution progressive des transferts de compensation.

Régime de retraite spécial des marins

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Est. 2007

Prév. 2008

Nombre de cotisants

43 690

42 891

41 905

40 533

39 400

38 438

37 900

37 400

Nombre de bénéficiaires

113 971

115 459

116 914

118 101

118 544

119 345

120 060

120 750

Rapport cotisants/bénéficiaires de droits directs et de droits dérivés

0,38

0,37

0,36

0,34

0,33

0,32

0,32

0,31

Montant des charges de vieillesse

1 013,2

1 054,0

1 070,4

1 073,8

1 089,3

1 099,3

1 114,4

1 120,7

Montant des cotisations

135,8

134,5

145,1

136,6

144,3

118,8

116,5

115,2

Ecart entre les cotisations et les charges

- 877,4

- 919,5

- 925,3

- 937,2

- 945,0

- 980,5

- 997,9

- 1 005,5

Transferts reçus de la compensation démographique (en millions d'euros)

317,7

350,0

318,0

298,0

285,4

267,2

235,0

202,0

Contribution financière de l'Etat

541,1

502,5

544,4

568,3

600,6

688,7

744,1

786,1

Total des ressources externes du régime

858,8

852,5

862,4

866,3

886,0

955,9

979,1

988,1

Part relative des ressources externes dans le financement des charges du régime

84,8 %

80,9 %

80,6 %

80,7 %

81,3 %

87,0 %

87,9 %

88,2 %


Le régime des mines

Pour le régime des mines, les ressources externes font principalement appel à la compensation démographique, qui couvre 44,7 % des charges du régime, et à l'Etat, qui en prend en charge 41,8 %.

Régime de retraite spécial des mines

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Est. 2007

Prév. 2008

Nombre de cotisants

20 222

18 953

17 752

15 837

13 147

11 569

10 296

9 163

Nombre de bénéficiaires

393 002

387 122

380 140

376 558

371 111

366 014

359 505

353 995

Rapport cotisants/bénéficiaires de droits directs et de droits dérivés

0,05

0,05

0,05

0,04

0,04

0,03

0,03

0,03

Montant des charges de vieillesse

2 359,6

2 428,4

2 155,1

2 117,8

2 069,7

1 968,6

1 951,6

1 919,4

Montant des cotisations

75,8

72,9

67,7

63,4

63,1

48,9

44,9

41,2

Ecart entre les cotisations et les charges

-2 283,8

-2 355,5

-2 087,4

-2 054,4

- 2 006,6

- 1 919,7

- 1 906,7

- 1 878,2

Transferts reçus de la compensation démographique

1 555,6

1 587,9

1 441,5

1 305,0

1 231,7

1 100,8

972,7

855,5

Contribution financière de l'Etat

472,6

452,8

528,2

628,2

576,2

680,1

845,1

800,1

Total des ressources externes du régime

2 028,2

2 040,7

1 969,7

1 933,2

1 807,9

1 780,9

1 817,8

1 655,6

Part relative des ressources externes dans le financement des charges du régime

86,0 %

84,0 %

91,4 %

91,3 %

87,4 %

90, 5%

93,1 %

86,3 %

C. UN SYSTÈME DE PRÉRETRAITE MÉCONNU : LES DÉPARTS PRÉCOCES DES CHAUFFEURS ROUTIERS

La présente mission permet aussi de mieux connaître les mécanismes de cessation précoce ou anticipée d'activité des chauffeurs routiers du secteur privé. Bien qu'ils s'adressent à des assurés sociaux du secteur privé, ces dispositifs constituent une sorte de mini régime pour ces professions. Ce congé de fin d'activité repose sur le principe d'une embauche d'un jeune conducteur pour compenser le départ de trois seniors.

Votre commission ne sous-estime nullement la pénibilité du métier de conducteur routier ainsi que les impératifs de la sécurité routière. Mais elle observe qu'il s'agit de dispositifs très coûteux et incompatibles avec l'objectif de promouvoir l'emploi des seniors. Elle souhaiterait par ailleurs qu'un bilan de l'efficacité de ces dispositifs, dont la diffusion est réelle, soit établi.

1. Les deux mécanismes existants


Le congé de fin d'activité a été institué par les accords du 28 mars 1997, dans le transport routier de marchandises, et du 2 avril 1998, dans le transport routier de voyageurs.

L'Etat prend en charge 80 % des allocations des conducteurs de plus de cinquante-sept ans et demi, ainsi que les cotisations afférentes (cotisation de vieillesse volontaire et couverture de maladie universelle). Entre cinquante-cinq ans et cinquante-sept ans et demi, les allocations et les cotisations afférentes sont prises en charge à 100 % par les partenaires sociaux.


Le complément de retraite des conducteurs routiers est un mécanisme ancien. Créé dès 1955, il a été étendu en 1997 aux personnes ayant bénéficié d'un congé de fin d'activité. Ce dispositif permet aux anciens conducteurs de bénéficier d'une retraite du régime général à taux plein à soixante ans, quelle que soit leur durée de cotisation. En 2008, le nombre de bénéficiaires du complément de pension (droits directs et bénéficiaires d'une pension de réversion) devrait s'élever à 750 personnes.

2. Un large développement dans la profession

Le congé de fin d'activité (CFA) est géré par deux fonds paritaires associant les représentants des employeurs et des salariés : le fonds national de gestion des congés de fin d'activité (Fongecfa) pour le transport des marchandises, et l'association de gestion du congé de fin d'activité (Agecfa) pour le transport des voyageurs. Le CFA prévoit des contreparties en termes de créations d'emploi et d'embauches de jeunes conducteurs.

Cette mesure représente un coût financier important, d'autant que depuis 1997 le flux des départs de conducteurs routiers en congé de fin d'activité a triplé, pour atteindre désormais plus de deux mille personnes par an. Il tend toutefois à plafonner et même à décroître progressivement depuis 2003.

Nombre de congés de fin d'activité des routiers

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Transport routier de voyageurs

133

143

194

200

203

185

183

Transport routier de marchandises

1 316

1 520

1 811

1 947

1 857

1 896

1 746

Total

1 449

1 663

2 005

2 147

2 060

2 081

1 929

Source : ministère des transports

Au 31 mars 2007, le nombre de conducteurs routiers retraités bénéficiant d'un congé de fin d'activité était de 8 561, soit respectivement 7 800 et 761 pour les activités marchandises et voyageurs. La mesure concerne donc environ 40 % des conducteurs routiers âgés de cinquante-cinq à soixante ans dont le nombre total est évalué à environ 20 000 personnes.

L'Etat finance aussi l'intégralité du complément de retraite versé aux conducteurs routiers partis à la retraite à soixante ans avec un nombre insuffisant d'annuités de cotisation pour bénéficier d'une pension complète du régime général. Mais les effectifs concernés sont ici plus restreints, environ 718 personnes au 31 décembre 2006, et la participation annuelle de la puissance publique nettement plus modeste : 3 400 euros par personne.

3. Un coût non négligeable et croissant pour les finances publiques

Le coût des dépenses engagées par l'Etat au titre de ces deux dispositifs a triplé au cours des cinq dernières années pour atteindre désormais 90 millions d'euros.

Impact budgétaire des dispositifs mis en oeuvre en faveur des routiers

(en millions d'euros)

Années

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Congé de fin d'activité

27,40

35,70

46,00

60,00

74,90

84,8

90,5

Complément de retraite

3,05

2,90

2,97

2,70

2,50

2,4

2,3

Source : ministère des transports

D. L'EXTINCTION PROGRESSIVE DES PETITS RÉGIMES SPÉCIAUX : UN PRÉCÉDENT À NE PAS NÉGLIGER POUR L'AVENIR

1. La fermeture du régime de la Seita

La présente mission interministérielle décrit également les modalités de mise en extinction de petits régimes spéciaux, pour la plupart très anciens. Ces exemples montrent à quel point un système de retraite s'inscrit dans une perspective de très long terme. L'Etat consacre encore, en 2007, plus de 120 millions d'euros par an :

- à des régimes quasi éteints ayant un effectif de quelques dizaines ou centaines de retraités ;

- au cas particulier du régime fermé de la société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (Seita).

Le régime spécial de la Seita a été fermé en deux étapes avec l'arrêt des recrutements de personnel sous statut sur la base de l'ordonnance n° 59-80 du 7 janvier 1959 portant réorganisation de monopoles fiscaux des tabacs et allumettes et du décret n° 62-766 du 6 juillet 1962.

La loi n° 80-495 du 2 juillet 1980 portant modification du statut de la Seita a posé le principe que le personnel de la société est régi par une convention collective et que l'Etat apporte la garantie aux retraites passées. La loi n° 84-604 du 13 juillet 1984 créant une société a confirmé la fermeture du régime spécial aux nouveaux entrants. Lors de la privatisation de l'entreprise en 1994, l'Etat s'était engagé à assurer l'équilibre du régime après perception de la cotisation annuelle libératoire et d'une soulte de 400 millions de francs.

On observera que, plus de vingt-cinq ans après sa fermeture, le régime spécial de la Seita coûte encore 121 millions d'euros par an aux finances publiques. Au 31 décembre 2006, il comptait 1 352 cotisants pour une population de 10 135 retraités, dont 3 013 de droits dérivés. Ces chiffres montrent combien le pilotage d'un régime de retraite s'inscrit sur le long terme. Un processus de mise en extinction nécessite entre soixante et quatre-vingts ans pour être mené à son terme, compte tenu du temps nécessaire pour les cotisants d'arriver à l'âge de la retraite, de leur espérance de vie et de l'existence de pensions de réversion.

2. Un schéma réutilisable  pour d'autres régimes ?

La Seita constitue une référence utile pour l'avenir. Il s'agit d'un exemple de sortie réussie d'un régime spécial, avec une garantie intégrale des droits acquis et sans aucun risque pour les régimes de retraite du secteur privé.

Ce dossier a servi de précédent pour régler celui des retraites de France Telecom en 1997 : tous les nouveaux embauchés ont été recrutés dans les conditions de droit commun du code du travail, le régime a été intégré au régime général et l'Etat a pris en charge le passif social de l'entreprise correspondant aux droits acquis dans le passé par les personnels. Cette méthode a d'ailleurs été réutilisée en 2005 avec la mise en extinction du régime de retraite de la chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP).

Les seuls défauts de ce schéma d'extinction d'un système de retraite tiennent à la lenteur du processus et au fait que l'intégralité de la charge de l'ajustement pèse sur les seuls nouveaux entrants. Il présente en revanche le grand avantage d'être plus aisément acceptable pour les actuels assurés sociaux, dans la mesure où il ne remet pas en cause les droits déjà acquis par les salariés et les retraités. Outre sa simplicité, cette méthode permet de dégager progressivement des économies substantielles.

Mais il ne s'agit que d'une solution parmi d'autres. Dans le cadre de la réforme engagé à la suite du discours du Président de la République du 18 septembre 2006, le choix politique a été fait de procéder à une harmonisation des régimes spéciaux sur la base du régime de retraite des trois fonctions publiques. C'est dans ce cadre qu'il convient d'apprécier la réforme en cours.

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