2. La réflexion sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics

La commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics, présidée par le professeur M. Jean-Pierre Machelon, a rendu ses conclusions en juillet 2006 29 ( * ) .

Le rapport procède tout d'abord à un rapide panorama du fait religieux en France mettant en évidence des mutations importantes depuis l'adoption de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat du 9 décembre 1905. La commission rappelle toutefois que faute de statistiques publiques recensant l'appartenance religieuse des Français (le dernier recensement officiel date de 1872), il est difficile de quantifier avec précision ces évolutions profondes.

En croisant les diverses estimations et projections que fournissent habituellement les experts, qui s'appuient sur les chiffres avancés par les groupes religieux eux-mêmes, il est cependant possible de dégager quelques grandes tendances :

En un siècle s'est affirmée une diversité religieuse sans précédent. Les quatre cultes reconnus en 1905 (catholicisme, protestantismes réformé et luthérien, judaïsme) côtoient aujourd'hui des religions géographiquement ou historiquement nouvelles. Ainsi l'islam, mais aussi les sagesses d'Asie, à commencer par les bouddhismes, sans oublier les autres formes de christianisme que sont l'orthodoxie ou les Églises évangéliques, font partie intégrante du paysage religieux français.

La France est le pays européen qui compte le plus grand nombre de musulmans, de juifs et de bouddhistes. Cette diversité est encore plus significative outre-mer, comme l'illustre l'île de la Réunion où coexistent chrétiens, hindouistes et musulmans.

Après cette analyse du fait religieux contemporain, le rapport formule de nombreuses recommandations visant à adapter le droit des cultes. Ces propositions portent, en particulier, sur le statut juridique des associations cultuelles, les carrés confessionnels dans les cimetières, les régimes particuliers d'Alsace-Moselle, mais aussi - point central du rapport - sur le financement public des lieux de culte .

En effet, le droit à l'édification de lieux de culte apparaît comme le corollaire de la liberté d'exercice du culte . Aussi la commission de réflexion souligne-t-elle que « la question de l'immobilier cultuel constitue un axe majeur de toute politique soucieuse non seulement de l'intégration des minorités religieuses, mais aussi, sur un plan plus général, de l'enracinement des populations sur un territoire, quelles que soient leurs confessions ».

Le besoin de construction d'édifices du culte touche en premier lieu les religions nouvellement implantées sur le territoire et qui ne disposent donc d'aucun patrimoine cultuel. Selon le rapport de la commission, « il s'ouvre ainsi une salle de prière évangélique toutes les semaines, et un lieu de culte musulman tous les dix jours. Compte tenu de la demande à laquelle ces deux confessions doivent faire face, ces chiffres demeurent insuffisants ».

S'agissant de l'islam, les constructions en cours ne permettent pas de rattraper le retard, même si certains grands projets sont facilités par la création d'un centre culturel bénéficiant de subventions publiques. La situation des mouvements évangéliques, qui ne reçoivent pas le même accompagnement des pouvoirs publics que l'islam, est plus préoccupante encore.

La commission propose ainsi de revenir sur l'article 2 de la loi de 1905, aux termes duquel « la République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte ».

Afin de faciliter la construction de nouveaux lieux de culte et de prévenir plus efficacement le recours à des financements étrangers , la commission de réflexion préconise :

- une généralisation à l'ensemble du territoire des garanties que peuvent accorder les communes et les départements aux emprunts contractés pour financer des édifices religieux dans les agglomérations en voie de développement et d'accorder cette faculté aux régions ;

- l'ouverture de la possibilité pour les collectivités territoriales d'octroyer des avances remboursables aux associations prenant en charge la construction d'édifices de culte ;

- l'autorisation formelle des aides directes à la construction de lieux de culte ;

- une incitation des maires à prévoir des espaces réservés aux lieux de culte dans leurs documents d'urbanisme. Cette incitation pourrait d'abord prendre la forme d'une circulaire, puis être inscrite dans le code de l'urbanisme.

Interrogé par votre rapporteur, le ministère de l'intérieur a indiqué que les préconisations de la commission étaient « actuellement étudiées par les techniciens des principaux cultes présents sur notre territoire dans le cadre d'un groupe de travail technique placé auprès du secrétariat général du ministère. Les mesures qui seront arrêtées en concertation permettront de faire évoluer, dans le sens d'une plus grande liberté, le droit des cultes. »

* 29 Rapport disponible sur le site de la documentation française :

http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000727/0000.pdf

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