B. LE RECENTRAGE DES POLICIERS ET DES GENDARMES SUR DES MISSIONS LIÉES À LA SÉCURITÉ

La problématique du recentrage des policiers et des gendarmes sur les missions directement liées à la sécurité avait été soulevée par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995. Elle n'a pas véritablement évolué depuis. Si la LOPSI du 29 août 2002 l'avait remise au coeur des projets de modernisation, les résultats obtenus n'ont pas été à la hauteur des enjeux, qu'il s'agisse du recrutement d'agents administratifs ou de la réduction des « tâches indues ». La LOPPSI 2 devra remettre l'ouvrage sur le métier.

1. Le recrutement d'agents administratifs

La police et la gendarmerie nationales ont peu de personnels chargés d'effectuer les tâches administratives et de gestion par rapport aux polices des autres pays européens. Elles comportaient en 2002 moins de 10 % de personnels administratifs contre 20 % aux Pays-Bas et plus de 30 % en Grande-Bretagne par exemple. Or, la rémunération d'un fonctionnaire de police actif occupant un emploi administratif est, à grade équivalent, 30 % supérieure à celle d'un administratif.

La LOPSI prévoyait sur cinq ans le recrutement de 2.000 emplois au titre des missions d'administration, de formation et de contrôle dans la police nationale et de 800 dans la gendarmerie nationale. Ces recrutements devaient permettre de redéployer sur des postes opérationnels 1.000 personnels de statut actif de la police nationale.

Au terme de la période de programmation, les objectifs ont été intégralement respectés pour la police nationale. Dans la gendarmerie nationale, le taux de réalisation est de 90 % (723 créations d'emploi).

Au sein de la préfecture de police de Paris, des résultats significatifs ont été obtenus. Le recrutement de 488 lauréats du concours d'agents administratifs au sein de la préfecture de police a permis d'assurer, outre le remplacement d'une partie des vacances d'emploi de personnels administratifs, le redéploiement de 313 personnels actifs employés initialement à des tâches de gestion administrative et logistique. Cette politique a par la suite été étendue aux personnels actifs employés à des fonctions techniques, notamment au sein de la direction opérationnelle des services techniques et logistiques. Après l'identification de 487 postes pouvant faire l'objet d'une substitution, un plan sur 4 ans a été établi permettant le redéploiement de 200 fonctionnaires de police. Ainsi 100 postes ont été pourvus par des fonctionnaires de la filière technique en 2004, 2005 et 2006, 100 supplémentaires doivent l'être en 2007.

Concernant la direction centrale de la sécurité publique, les résultats sont moins nets. Les personnels administratifs ont crû d'environ 500 personnes. En incluant les personnels techniques et scientifiques, la hausse est de 700. Le taux de substitution entre des personnels actifs et des personnels administratifs est toutefois difficile à appréhender.

Le bilan est donc plutôt positif même si plusieurs remarques doivent être faites :

- les syndicats rencontrés par votre rapporteur ont indiqué que l'expression « personnel administratif » pouvait recouvrir le recrutement de personnels non administratifs au sens strict (psychologues, infirmières...) ;

- les recrutements de personnels administratifs, techniques et scientifiques (PATS) ont beaucoup porté sur des personnels de la police technique et scientifique ;

- le ratio policier/administratif reste inférieur aux standards européens. Il se situe autour de 12 % alors qu'il devrait être proche de 18 à 20% au minimum. Par ailleurs, des disparités très fortes peuvent exister. Selon le Syndicat national indépendant des personnels administratifs et techniques de la police nationale, en Seine-Saint-Denis, ce taux serait proche de 3 %.

Cette situation se retrouve de façon encore plus nette dans la gendarmerie nationale où les tâches de soutien sont traditionnellement confiées à des officiers ou à des sous-officiers de gendarmerie, qui occupent aujourd'hui deux tiers des postes de soutien. En effet, seuls 2.000 civils et 4.000 militaires du corps de soutien ont été recrutés spécifiquement pour des missions techniques ou administratives, soit un ratio d'environ 5 %. Il est désormais indispensable de doter la gendarmerie nationale de véritables filières de personnels scientifiques, techniques et administratifs. A cet égard, l'annonce de l'ouverture à la gendarmerie nationale du futur institut de formation des personnels administratifs et techniques de la police nationale à Lognes peut être de nature à faire naître cette prise de conscience.

Le projet de budget pour 2008 poursuit l'effort avec le recrutement annoncé de 700 personnels administratifs, techniques et scientifiques. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, un plan de recrutement de 10.000 PATS serait étudié.

Toutefois, le Syndicat national indépendant des personnels administratifs et techniques de la police nationale (SNIPAT) regrette que le détail de ces 700 recrutements ne soit pas disponible. Les années passées ont montré que les recrutements portaient assez peu sur des personnels exerçant des fonctions purement administratives ou de gestion.

De manière générale, votre rapporteur signale le malaise récurrent des personnels administratifs et techniques de la police nationale qui souffrent d'un manque de reconnaissance tout en étant extrêmement attachés à la police nationale. A cet égard, les représentants du SNIPAT entendus ont indiqué leur souhait d'appartenir à la filière « sécurité » dans la perspective de la réforme de la fonction publique par filière.

Concernant la gendarmerie, votre rapporteur a noté la proposition originale de Mme Michèle Alliot-Marie au cours de son audition par la commission. Elle a proposé d'étudier la faisabilité pour les conjoints de gendarmes de se voir réserver des postes administratifs. En effet, pour de nombreux conjoints en zone rurale, il est difficile de trouver un emploi. Toutefois, elle n'a pas sous-estimé les obstacles juridiques soulevés par cette idée.

2. La réduction des charges dites « indues »

Les tâches ne relevant pas de la sécurisation et de la surveillance de la voie publique et considérées comme indues sont de deux types :

- les concours apportés à la justice (tenue des dépôts, extractions, escortes et présentations à parquet, garde de détenus hospitalisés, conduites et surveillance de détenus en soins et consultations) ;

- les tâches administratives réalisées au profit d'autres administrations (procurations, enquêtes administratives).

Pour la police nationale en 2005, ces missions avaient représenté l'équivalent de 2.600 fonctionnaires équivalent temps plein. Pour la gendarmerie, les concours à la justice représentent l'équivalent de 1.086 gendarmes.

La tendance observée n'était pas bonne . En 2005, les concours à la justice de la direction centrale de la sécurité publique avaient augmenté de 9,5 %. Dans la gendarmerie, on observait une stabilisation en 2005 de ces charges. Cette tendance à la hausse n'avait pu être enrayée depuis 2003.

Toutefois, en 2006, une inflexion s'est peut-être dessinée. La gendarmerie a ainsi consacré 1.813.348 heures à ces tâches en 2006 (soit une baisse de 6,5 % par rapport à 2005), correspondant à 108.875 transfèrements et extractions judiciaires, à 10.252 transfèrements et extractions dites administratives et à 222 transfèrements militaires. La charge de ce poste pour la direction de la sécurité publique est également en baisse : 3.644.154 heures fonctionnaires, correspondant à l'équivalent de 2.335 ETPT, soit une baisse de 10,7 % par rapport à 2006.

Le transfert de la charge des escortes et de la garde des détenus hospitalisés à l'administration pénitentiaire, à l'exception des détenus particulièrement signalés, prévu sur trois années (2007-2009), devrait également contribuer à réduire ces « tâches indues ». Ce transfert est déjà opéré pour les unités hospitalières sécurisées inter-régionales (UHSI) de Marseille et Toulouse. L'année 2008 concernera les sites de Paris et de Lille.

Malgré ces progrès, votre rapporteur regrette que des progrès plus significatifs n'aient pas été accomplis en matière d'utilisation de la visio-conférence ou des salles d'audiences délocalisées à proximité des zones d'attente ou des centres de rétention administrative.

Comme l'année dernière, votre rapporteur souhaite se faire l'écho de l'exaspération des policiers et gendarmes face au gaspillage d'hommes et d'argent engendré par les extractions et transfèrements de détenus. Les magistrats ne participent pas à une meilleure organisation de ces transfèrements en ne se coordonnant pas entre eux ou en convoquant des détenus pour de simples notifications. Si la procédure pénale contraint parfois les magistrats à procéder à ces convocations, une meilleure organisation est certainement possible.

Votre rapporteur estime à titre personnel que le principe prescripteur-payeur devrait être appliqué en l'espèce conformément à l'esprit de la LOLF.

Si dans un premier temps les économies ne seront pas immédiates 5 ( * ) , à moyen terme le volume des transfèrements devrait sensiblement baisser. Le programme « administration pénitentiaire » dépend en effet de la mission « Justice ». Le ministère de la justice sera par conséquent plus incité qu'il ne l'est actuellement à réduire le nombre des extractions et transfèrements. La visioconférence serait sans aucun doute le levier le plus efficace.

Par ailleurs, les syndicats de surveillants pénitentiaires sont aujourd'hui demandeurs de cette réforme car elle permettrait de diversifier leurs missions.

Cette réforme ne pourrait toutefois se faire du jour au lendemain. Elle supposerait de réduire les moyens de la police et de la gendarmerie en conséquence et d'allouer à l'inverse des moyens supplémentaires à l'administration pénitentiaire. Il faudrait également repenser la formation des agents pénitentiaires.

* 5 Le traitement d'un surveillant pénitentiaire est assez proche de celui d'un gardien de la paix.

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