III. LES FORCES MOBILES À LA CROISÉE DES CHEMINS ?

Lors de l'examen de la loi de règlement du budget de l'année 2006 6 ( * ) , votre rapporteur avait souhaité interroger le gouvernement sur le devenir des forces mobiles. Le rapport annuel de performances faisait ressortir des évolutions contrastées de l'emploi des forces mobiles composées, d'une part, des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et, d'autre part, de la gendarmerie mobile.

En effet, l'indicateur du taux d'emploi des CRS montrait que 59 % de ces derniers avaient été employés en 2006 pour des missions de sécurité publique, alors que seuls 36 % d'entre eux avaient effectué des missions classiques d'ordre public 7 ( * ) . Ce résultat était inattendu, puisque, selon l'objectif fixé initialement en loi de finances pour 2006, seulement 44 % des CRS auraient dû être affectés à des missions de sécurité publique.

Cette évolution très forte était propre aux CRS, puisque, dans le même temps, l'emploi des gendarmes mobiles avait évolué en sens inverse. En effet, 67 % d'entre eux avaient été employés pour des missions classiques d'ordre public, alors même que l'objectif était d'atteindre un taux inférieur à 64 %.

Ces indicateurs soulevaient de nombreuses questions. Fallait-il y voir un simple résultat conjoncturel et ponctuel ou, au contraire, cela révélait-il une véritable différenciation des missions à la charge des CRS et des gendarmes mobiles ? Par ailleurs, l'implication croissante des forces mobiles dans des missions de sécurité publique posait le problème de l'articulation entre une police d'intervention et de soutien et une police locale, pour ne pas dire une police de proximité.

Au moment où la recherche de synergies et de mutualisations des moyens entre la police et la gendarmerie et le bon dimensionnement des forces mobiles font l'objet d'un débat dans la perspective de la future LOPPSI 2, toutes ces interrogations restent d'actualité.

A. UNE PROFONDE ÉVOLUTION DU MÉTIER EN QUELQUES ANNÉES

1. Des effectifs et des moyens importants

a) Les compagnies républicaines de sécurité (CRS)

Effectifs et organisation

Créées à la Libération, les CRS sont des unités mobiles formant la réserve générale de la police nationale. Le coeur de leurs missions est le maintien ou le rétablissement de l'ordre public. Toutes leurs missions se sont diversifiées et elles concourent désormais à la plupart des missions de police.

Au 1er août 2007, les CRS se répartissent de la manière suivante :

- 60 compagnies de service général, soit 9.709 fonctionnaires, organisées en quatre ou six sections, représentant l'équivalent de 65,5 compagnies à quatre sections. En effet, 11 unités sont composées de six sections et 49 de quatre sections. Quatre sections représentent 150 hommes et six sections 210. Réparties sur l'ensemble du territoire national métropolitain, elles sont employées pour tout service de maintien de l'ordre, de service d'ordre ou toute autre opération de police ;

- 6 unités motocyclistes zonales, soit 582 fonctionnaires, affectés à la sécurité routière principalement. Implantées au siège de chaque direction zonale, à l'exception de celle de Paris, la police de la circulation routière ainsi que les escortes (transports exceptionnels ou sensibles) constituent leurs principales missions. Par ailleurs, leurs effectifs sont susceptibles d'être regroupés sur l'ensemble du territoire national afin d'assurer des services d'ordre ou de lutte contre la délinquance ;

- 9 compagnies autoroutières assurant la surveillance des principaux réseaux autoroutiers de dégagement des grandes agglomérations représentant plus de 3.000 kilomètres de voirie. Elles sont implantées en région parisienne (4) et dans les agglomérations de Lille, Bordeaux, Marseille, Lyon et Metz.

- une compagnie, la CRS n°1, qui est exclusivement attachée à des services de protection des personnalités.

S'ajoutent à ce dispositif quatre centres de formation continue et un centre spécialisé pour l'entraînement à l'alpinisme et au ski.

L'organisation des compagnies républicaines de sécurité s'articule autour d'une direction centrale des CRS, direction active de la direction générale de la police nationale, dirigée par M. Philippe Laureau depuis août 2007.

Les directions zonales au nombre de sept sont la structure territoriale de commandement opérationnel, de coordination, de contrôle et d'appui (les CRS n'interviennent pas en outre-mer). Elles correspondent aux zones de défense. Il existe également neuf délégations régionales situées dans des zones où l'emploi des compagnies républicaines de sécurité est particulièrement important ou sensible (Paris, Corse, Pays basque).

Au total, les CRS emploient près de 14.000 fonctionnaires et un millier d'agents administratifs et techniques.

Fonctionnement

Les CRS sont des policiers comme les autres. Les gardiens de la paix et les officiers choisissent cette affectation à l'issue de leur formation initiale. Les personnels des compagnies républicaines de sécurité obéissent au régime d'indemnisation commun à l'ensemble des personnels de la police nationale et notamment lors des déplacements individuels.

Les personnels des compagnies républicaines de sécurité relèvent pour la plupart d'un régime horaire mixte hebdomadaire /cyclique (unités de service général, formations de montagne). Lorsque ces unités sont à résidence, elles sont astreintes depuis le 1 er janvier 2003, à l'accomplissement d'un service effectué en régime hebdomadaire sur la base de 40h30 par semaine. En revanche, en déplacement ou en mission de secours en montagne, elles obéissent à un régime cyclique sur la base de 46h48 par semaine, sur 6 jours. A ce titre, elles bénéficient, annuellement, de l'attribution de 30 jours A.R.T.T. Toutefois, compte tenu de la nécessité d'accroître leur période de disponibilité, pour les personnels affectés dans les unités de service général des compagnies 16 de ces jours sont rachetés au taux journalier de 85 euros. Pour mémoire, les autres fonctionnaires actifs de la police nationale se voient racheter 8 jours ARTT.

Lors des déplacements, les CRS sont logés et nourris gratuitement durant toute la durée du déplacement. Elles perçoivent l'indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT) 8 ( * ) et éventuellement, en fonction de la nature de la mission, l'indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs (heures supplémentaires) 9 ( * ) .

Fin août 2007, la consommation des crédits s'élevait à 10,7 millions d'euros pour les heures supplémentaires et 22,9 millions d'euros pour l'IJAT. En 2006, ces dépenses s'étaient élevées respectivement à 16,17 millions d'euros et 33,29 millions d'euros.

Le coût des déplacements des unités mobiles dépend de nombreux paramètres, dont les plus significatifs sont induits par :

- la nature même de la mission et sa durée ;

- les effectifs déplacés ;

- les conditions d'accueil, sur le lieu d'emploi, notamment en matière d'hébergement (cantonnement ou recours aux structures hôtelières privées) et d'alimentation.

Les paramètres financiers impactant directement le coût des déplacements des unités CRS sont l'IJAT (30 €/jour/fonctionnaire), éventuellement l'indemnité pour services supplémentaires précitée (9,25 €/heure/fonctionnaire), les heures supplémentaires des personnels administratifs et techniques qui accompagnent les personnels actifs des CRS, et la prime d'alimentation (2,29 €/repas/fonctionnaire).

Concernant l'hébergement, les CRS ont recours, lorsque les capacités d'hébergement administratif sont insuffisantes ou totalement épuisées, à l'hébergement en structure hôtelière. Ils disposent à cet effet, d'un marché d'hébergement collectif. Dans ce cadre, le coût moyen de la nuitée fonctionnaire en région parisienne, pour l'année 2006, s'est élevé à 38,13 euros.

b) La gendarmerie mobile

Organisation et fonctionnement

Forte de 16.879 militaires, la gendarmerie mobile (GM) est articulée en :

- 26 unités de commandement (24 groupements et 2 groupes) ;

- 128 escadrons de gendarmerie mobile (EGM). L'escadron, unité de base de la GM comprend 120 officiers et sous-officiers. Il est articulé en cinq pelotons (un peloton hors rang, trois pelotons de marche et un peloton d'intervention entraîné à la neutralisation d'auteurs d'infractions).

Le commandant de la région de gendarmerie située au chef lieu de la zone de défense a autorité sur les groupements qui comprennent entre 4 et 7 EGM. L'emploi de la gendarmerie mobile relève de l'autorité du préfet de zone de défense.

Il n'existe pas de régime horaire défini pour les personnels servant au sein de la gendarmerie mobile en raison du statut militaire. Cela étant, le statut général prévoit des compensations aux contraintes et aux exigences de la vie dans les forces armées. Les dispositions relatives aux 45 jours de permissions annuelles, au régime d'attribution des repos hebdomadaires et aux indisponibilités accordées à l'issue des déplacements en font partie.

Les GM bénéficient également d'un régime indemnitaire. Elles peuvent prétendre :

- à l'indemnité journalière d'absence temporaire lorsque le déplacement est supérieur à douze heures consécutives et a lieu hors de la commune d'implantation de l'unité ;

- à l'indemnité de maintien de l'ordre dans les autres cas.

Les 128 escadrons sont répartis sur 105 casernes : 97 casernes domaniales, 4 casernes locatives et 4 casernes mixtes (locaux et services techniques domaniaux et logements locatifs). L'ensemble des casernes représente un volume de 16.619 logements.

Les déplacements de la GM ont un coût important comme les CRS. En 2006, les coûts se décomposent de la façon suivante :

- indemnité journalière d'absence temporaire : 44,05 millions d'euros ;

- alimentation : 17,57 millions d'euros ;

- transports : 11,35 millions d'euros ;

- hébergement des unités déplacées : 6,8 millions d'euros.

Moyens matériels

Le parc de véhicule des escadrons a été renouvelé. Grâce à la mutualisation des parcs de quelques escadrons au sein d'une même résidence, la cible a été fixée à 944 véhicules. Le plan d'acquisition s'est étalé sur 4 ans, de 2004 à 2007, pour un coût global de 110,45 M€.

De la même façon, le parc des véhicules logistiques a été renouvelé pour un coût global de 28 M€.

Pour faire face aux nouvelles missions, l'équipement (tenues, armes, protection) a été modernisé et allégé.

Ils sont désormais dotés d'un ensemble de protection pare-coups composé de protections d'épaules et de bras, de manchettes et d'une protection pelvienne. Ces équipements sont compatibles avec le port du gilet pare-balles à port discret. Compte tenu de la quantité globale achetée (25.000), le prochain plan d'équipement est prévu pour janvier 2009.

Par ailleurs, des boucliers rectangulaires vont se substituer aux boucliers ovoïdes de maintien de l'ordre actuellement en dotation car ces derniers rencontrent des problèmes de résistances aux chocs. La cible est de 6.250 boucliers pour un coût total d'acquisition de 3,48 M€.

Les premières commandes de 2006 et 2007 ont permis de renouveler le matériel de 72 EGM et de combler de nombreux déficits. Les commandes 2008 permettront d'équiper les escadrons non équipés et de renouveler une partie du matériel mais ne constitueront pas une réserve en cas de situation de crise (exemple des manifestations anti-CPE).

La réalisation d'une chasuble d'intervention destinée aux pelotons d'intervention de la gendarmerie mobile, compatible avec tous les équipements en dotation, permet le transport, la mise en place et l'accessibilité à tous les matériels individuels et à l'armement.

A été également notifié le 26 décembre 2006 un marché pour l'acquisition de 2.600 chasubles d'intervention destinées aux pelotons d'intervention.

2. Une frontière brouillée entre maintien de l'ordre et sécurité publique

a) Des missions variées autour d'un coeur de métier, le maintien de l'ordre

Les forces mobiles assument plusieurs missions :

- à titre principal, le maintien ou le rétablissement de l'ordre public ;

- en renfort de la sécurité publique, la lutte contre la petite et moyenne délinquance de voie publique ;

- en renfort de la police aux frontières, la surveillance des frontières ;

- la lutte contre l'insécurité routière.

Les CRS ont certaines spécialités. En montagne, les agents des sections de montagne participent à des missions d'assistance et de sauvetage en altitude. Plus de 200 agents y sont affectés. Sur les plages en 2007, près de 643 maîtres-nageurs sauveteurs étaient déployés.

La gendarmerie mobile a quelques particularités également. Outre qu'elle assure les missions classiques des forces mobiles outre-mer, elle peut être engagée en opérations extérieures (OPEX) du fait de son statut militaire. Au 1 er juillet 2007, la gendarmerie nationale déployait 502 militaires en OPEX, dont un escadron de gendarmerie mobile au Kosovo et deux en République de Côte d'Ivoire.

b) L'objectif affiché de la baisse progressive des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public au profit de la lutte contre les violences urbaines

En application de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, l'instruction NOR/INT/C/0200/197/C du 30 octobre 2002 commune à l'emploi des forces mobiles de la police nationale et de la gendarmerie nationale est venue préciser les modalités d'emploi de ces forces.

L'emploi des forces mobiles, totalement centralisé depuis la création de celles-ci, est désormais partiellement déconcentré au niveau des préfets de zone, l'objectif affiché étant de rapprocher le niveau de décision du niveau opérationnel. En effet, les forces mobiles se sont vues attribuer pour mission d'apporter un soutien opérationnel aux services territoriaux de la sécurité publique et de la police aux frontières en matière de lutte contre la délinquance et l'immigration irrégulière. Il convenait donc de mieux territorialiser l'action des forces mobiles sur des zones où elles auraient l'habitude de travailler.

Des tactiques nouvelles

Cette nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles s'est traduite par une nouvelle organisation tactique des compagnies républicaines de sécurité et de la gendarmerie mobile reposant notamment sur l'adaptabilité et la mobilité.

Le maintien de l'ordre public obéit à un cadre juridique de police administrative et à des tactiques d'emploi précises. Nos forces mobiles sont un exemple pour de nombreux pays étrangers. Elles démontrent que le maintien de l'ordre doit être le fait de professionnels spécialement formés.

Le principe tactique d'exécution est de maintenir l'engagement au plus bas niveau de violence. L'action comprend généralement des unités au contact, un dispositif de recueil du renseignement et une réserve d'intervention. La force est souvent affichée afin d'obtenir un effet dissuasif sur l'adversaire. Mais le dispositif peut également privilégier la force ou la surprise. En fonction de l'agressivité des manifestants, il peut être fait graduellement et dans le respect du cadre légal ( réquisition de l'autorité civile , sommations,...) usage de la force et des armes (gaz lacrymogènes...).

Toutefois, ces tactiques sont relativement figées et ne sont pas conçues pour l'interpellation.

La réorientation des forces mobiles vers la lutte contre la petite et moyenne délinquance, et en particulier les violences urbaines dans les quartiers sensibles, a contraint à repenser les tactiques traditionnelles.

Les opérations dans les quartiers sensibles se déroulent surtout de nuit et visent à sécuriser des zones très urbanisées par des dispositifs mobiles et réactifs, le plus souvent offensifs. Elles tendent également à intervenir en protection des moyens de secours. Les manoeuvres sont dynamiques, combinent vitesse, sécurité et surprise afin d'interpeller les auteurs et de faire cesser les infractions.

Comme le souligne une des réponses au questionnaire de votre rapporteur, « la difficulté de ces opérations réside dans la maîtrise du terrain par un adversaire très mobile, qui souvent ne recherche pas le contact et montre une capacité de mobilisation très rapide ».

Les forces mobiles, particulièrement les CRS, ont développé des tactiques en petits groupes mobiles. Le CRS ne se déplace plus en car mais en camionnette, chaque groupe étant autonome et communiquant avec les autres.

Des investissements lourds ont été engagés au niveau des véhicules de reconnaissance (VR) et dans une moindre mesure au niveau des camions de transport de bagages. Les 49 compagnies à quatre sections disposent désormais de 16 VR au lieu de 10 et les 11 compagnies à six sections de 24 VR au lieu de 16, soit un investissement de 29 millions d'euros de 2004 à 2006. Cette organisation a permis de réduire les besoins à un car par compagnie, au lieu de 4 il y a quelques années, auquel il faut ajouter une réserve répartie entre les zones de 34 cars.

De même, la gendarmerie a décidé d'adopter le concept de véhicules de groupe de 9 places, soit un parc de 8 véhicules par escadron, en cohérence avec la nouvelle organisation opérationnelle des EGM.

Le colonel Jean-Régis Véchambre, directeur de la sous-direction Défense et ordre public de la direction générale de la gendarmerie nationale, entendu par votre rapporteur, a expliqué que des réflexions étaient en cours pour réduire le parc automobile en mutualisant encore plus les véhicules. En effet, toutes les unités n'étant pas employées en même temps, des pools de véhicules pourraient être créés.

Les armements et l'équipement ont également évolué. Chaque compagnie détient deux pistolets à impulsion électrique Taser X26, susceptibles d'être mis en oeuvre à l'occasion du déclenchement des violences urbaines. Elles sont également dotées de grenades DMP (dispositif manuel de protection) : lancées uniquement à la main, elles permettent à un groupe de se dégager en cas d'agression sans avoir recours aux moyens lacrymogènes classiques.

Il est actuellement procédé au développement d'un gilet tactique individuel, pour lequel un marché d'acquisition est en cours d'élaboration. Ce gilet permettra d'une part la protection du fonctionnaire contre les projectiles de toute nature et d'autre part, l'emport des moyens de défense et de communication (moyens radio).

Les compagnies disposent enfin d'un caméscope et d'un appareil photo numérique. Ces moyens permettent les prises de vues nécessaires à l'identification des fauteurs de troubles, préalable nécessaire au traitement judiciaire des actes constatés.

Les résultats

Au cours du premier semestre 2005, l'équivalent de 19,20 EGM/jour et de 20,12 unités/jour avaient été employées au profit de la lutte contre la délinquance. Ces résultats montraient une stabilisation après les fortes progressions en 2003 et 2004 de la part des effectifs affectés à des missions de sécurisation.

Un point d'équilibre semblait avoir été atteint compte tenu de l'organisation des forces mobiles, des nombreuses missions qui leur échoyaient (opérations extérieures pour les gendarmes mobiles, hausse importante de la durée annuelle de formation continue, charges dites « indues » telles que les gardes statiques ou les transfèrements de détenus) et des contraintes de gestion (récupérations, congés).

Toutefois, le second semestre et plus particulièrement les événements de novembre ont encore augmenté et pérennisé le déploiement sur des missions de sécurisation. Dès avant le début des violences urbaines à Clichy-sous-Bois le 27 octobre 2005, le ministre de l'intérieur avait ainsi décidé d'affecter de façon permanente un minimum de 17 compagnies républicaines de sécurité et de 7 EGM dans les agglomérations connaissant des violences urbaines. Elles devaient travailler en rotation mais sur des périodes longues en renfort de la sécurité publique.

Depuis, cette orientation a été confirmée. Les forces mobiles s'avèrent en effet très bien adaptées aux violences urbaines. Au cours des événements de novembre 2005, les unités déployées ont su mettre en pratique de nouvelles tactiques pour procéder aux interpellations grâce à de petits groupes d'hommes très mobiles et coordonnés.

Ainsi, le plan de lutte contre les violences urbaines a maintenu à un niveau de 20 compagnies républicaines de sécurité en janvier 2006 puis de 25,5 en mars 2006 le niveau d'engagement en sécurisation. Au total, les missions de sécurisation et de police aux frontières ont mobilisé une moyenne de 29,26 unités/jour en 2006 contre 23,10 unités/jour en 2005.

Cette évolution est très marquée pour les CRS. En 2006, leur taux d'emploi en mission de sécurité publique était de 59 %, soit plus de la moitié, tandis que les gendarmes mobiles étaient encore employés à 67 % sur des missions plus traditionnelles d'ordre public.

3. Un objectif : optimiser l'emploi des forces mobiles

a) Une mesure de la performance perfectible

Le programme « police nationale » distingue deux actions :

- l'action « ordre public et protection de la souveraineté » regroupe les missions de maintien de l'ordre (police des manifestations et des rassemblements, protection des autorités et des personnalités, protection des sites sensibles) et de renseignement (lutte anti-terroriste, surveillance des violences urbaines). Les documents budgétaires pour 2008 n'indiquent pas exactement les effectifs de CRS qui devraient être consacrés à ces missions. Ils prévoient toutefois que la fonction « maintien de l'ordre » devraient occuper 10.089 ETPT composés d'une partie des effectifs des CRS, de la sécurité publique et de la préfecture de police de Paris ;

- l'action « sécurité et paix publiques » regroupe les missions de sauvegarde des personnes et des biens (assistance en cas de catastrophe ou d'accident) et de sécurité générale et de prévention (surveillance générale de la voie publique, intervention sur appels). Les documents budgétaires pour 2008 indiquent que 5.701 ETPT des CRS y seront consacrés.

En revanche, le programme « gendarmerie nationale » regroupe dans une seule action « ordre et sécurité publics » l'ensemble de ces tâches.

Ce découpage différent des actions est difficile à justifier.

Toutefois, les programmes « police nationale » et « gendarmerie nationale » ont en commun l'objectif de performance intitulé « Optimiser l'emploi des forces mobiles ». L'intitulé est révélateur des interrogations sur le bon emploi des forces mobiles. Il n'existe pas d'objectifs de performance « Optimiser l'emploi de la police judiciaire » ou « Optimiser l'emploi des personnels de sécurité publique ».

Les lois de finances pour 2006 et 2007, les premières votées selon les règles de la LOLF, comportaient trois indicateurs de performance.

Le premier, dont il a déjà été fait mention ci-dessus, mesurait le taux d'emploi des forces mobiles (CRS et gendarmes mobiles) en ordre public et devait évoluer à la baisse. Le second était son miroir : il mesurait le taux d'emploi en sécurité publique et devait évoluer à la hausse. Ils traduisaient la nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles mise en oeuvre depuis l'instruction commune du 30 octobre 2002, mais ne mesuraient pas à proprement parler une performance, à moins de considérer que le maintien de l'ordre public est une tâche indue ou inutile. Ces indicateurs n'apparaissent plus dans le projet annuel de performances pour 2008.

Le troisième indicateur retenu n'estt pas le même pour chaque programme. La police nationale mesure un « indice de disponibilité des forces de maintien de l'ordre », soit un ratio entre le nombre de fonctionnaires réellement disponibles et l'effectif théorique de la compagnie. En dessous de 60 %, la capacité opérationnelle d'une compagnie n'est pas assurée. Cet indicateur existe toujours pour 2008. Les objectifs ont été dépassés puisqu'en 2005 et 2006 ce taux était de 64 % et devrait se maintenir au même niveau en 2007 et 2008.

De son côté, la gendarmerie nationale évaluait le nombre moyen de jours de déplacement par EGM. En 2008, cet indicateur a été abandonné au profit du taux d'EGM ayant suivi depuis moins de deux ans le stage de recyclage en maintien de l'ordre public au centre national de formation de Saint-Astier (Dordogne).

La réflexion sur le choix des indicateurs se poursuivant, un nouvel indicateur a été retenu par le projet annuel de performances pour 2008 : le taux d'efficacité de l'emploi des CRS et des gendarmes mobiles en sécurité générale. Il rapporte le nombre d'auteurs d'infractions interpellés et mis à disposition des officiers de police judiciaire au nombre d'unités de forces mobiles déployés. Malheureusement, il n'est pas calculé de la même façon par les CRS et les gendarmes mobiles, rendant à moyen terme les comparaisons plus difficiles.

Votre rapporteur approuve dans l'ensemble ces nouveaux indicateurs. Toutefois, une meilleure stabilité serait souhaitable afin de permettre des comparaisons sur le moyen terme. En outre, il est indispensable que les indicateurs soient identiques entre la gendarmerie mobile et les CRS. Aucune raison objective ne justifie des indicateurs différents dans cette matière.

L'efficacité croissante des personnels des C.R.S. dans la lutte contre la délinquance, déjà constatée les années précédentes, a été marquante en 2006, avec 48.089 personnes interpellées en flagrant délit et mises à la disposition des OPJ. Ce bilan est en augmentation de 24,5 % par rapport à 2005 (38.626 personnes interpellées et mises à disposition des OPJ).

Une étude reste toutefois à mener pour comparer l'effet de la présence de forces mobiles sur le niveau de la délinquance par rapport à un nombre identique d'agents classiques de sécurité publique.

b) Un autre objectif : réduire les coûts grâce à la zonalisation

En application de la LOPSI, l'instruction commune d'emploi des forces mobiles de la police nationale et de la gendarmerie nationale du 30 octobre 2002 a déconcentré leur emploi au niveau des zones de défense.

Un premier objectif était de renforcer le concours de ces forces aux missions de sécurité générale en appuyant les services territoriaux de la police et de la gendarmerie de leur zone d'implantation.

Un second objectif était également d'optimiser leur emploi en limitant les déplacements des unités loin de leur casernement. Des économies importantes étaient attendues.

Ainsi, depuis plus de quatre ans, la doctrine d'emploi des compagnies républicaines de sécurité et de la gendarmerie mobile répond au principe de zonalisation. Le préfet de zone de défense décide de l'emploi des unités implantées dans son ressort de compétence. Il reçoit des préfets de département de sa zone, les demandes de concours, les étudie et, en liaison avec le directeur zonal des CRS ou le commandant de la région de gendarmerie, décide, en fonction des priorités, la nature des forces à engager.

Cependant, au titre de la réserve générale et en raison de leur spécificité, certaines missions nationales -plan Vigipirate, plan national de lutte contre la délinquance et les violences urbaines, missions Corse, grands événements, renforts saisonniers, déplacements ponctuels hors zones- continuent à être organisées et mises en oeuvre selon le schéma antérieur, c'est-à-dire au niveau national.

* 6 Séance publique du lundi 23 juillet 2007.

* 7 Le maintien de l'ordre public est une mission de police administrative, le plus souvent à l'occasion d'un événement donné. Il n'y a pas d'infractions constatées. Le rétablissement de l'ordre public est à la frontière de la police administrative et de la police judiciaire. En cas de débordements d'une manifestation publique, des infractions sont souvent commises (dégradation des biens publics et privés...). Des interpellations peuvent avoir lieu. Les missions de sécurité publique consistent le plus souvent en des patrouilles sur un territoire donné, afin de prévenir les infractions et d'intervenir en de commission d'une infraction.

* 8 30 euros par jour.

* 9 9,25 euros par heures.

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