2. 87 % des PPP britanniques sont déconsolidés

Au Royaume-Uni, 87 % des PPP, représentant 54 % des investissements, sont déconsolidés 25 ( * ) . Le taux de consolidation des contrats varie selon les ministères.

Taux de consolidation des PPP des différents ministères au Royaume-Uni
(en fonction du montant des contrats)

(en %)

Cabinet Office

95%

Transports

88%

Affaires constitutionnelles

75%

Irlande du Nord

47%

Défense

40%

Intérieur

38%

Finances

31%

Commerce et industrie

28%

Commonwealth office

19%

Ecosse

6%

Travail

6%

Pays de Galle

1%

Santé

0%

Education

0%

Agriculture et environnement

0%

Collectivités territoriales

0%

Culture

0%

Source : Frédéric Marty/OFCE

Comme le souligne M. Frédéric Marty dans son article précité, en nombre de contrats, « il apparaît que le ratio de consolidation est relativement corrélé avec le montant des investissements initiaux. Si celui-ci dépasse 40 % pour les investissements de plus de 500 millions de livres, il s'abaisse à 25 % pour ceux compris entre 100 et 500 millions, n'atteint plus que 12 à 13 % pour les opérations mobilisant entre 10 et 100 millions de livres ».

Ainsi, les trois contrats de partenariat liés au métro de Londres, qui représentent un total de 17,6 milliards de livres 26 ( * ) , sont consolidés dans les comptes publics britanniques : en effet, les partenaires privés ne seraient pas en mesure de porter de tels montants dans leurs propres comptes. C'est peut-être au regard de ce critère que s'est opéré une large partie des décisions relatives au classement des actifs liés aux PPP.

Quoi qu'il en soit, le caractère largement déconsolidant des PPP britanniques doit être relevé lorsque l'on sait que le Royaume-Uni a moins de motifs de recourir à des comportements d'optimisation budgétaire que d'autres Etats. La « golden rule » qui s'applique aux gestionnaires publics oblige, sur le cycle, à un équilibre de la section de fonctionnement. Par ailleurs, le ratio entre la dette nette et le PIB ne peut excéder 40 % sur le cycle.

3. Des règles de comptabilité nationale moins rigoureuses que les éléments de la comptabilité générale

En matière de consolidation, plusieurs comptabilités publiques doivent être examinées s'agissant de la France. La plus importante est naturellement, par rapport aux enjeux de déconsolidation, la comptabilité nationale, car c'est elle qui sert de bases aux critères de Maastricht et à la vérification des engagements européens de la France en matière de trajectoire des finances publiques. Or, en l'espèce, la comptabilité nationale, qui respecte les règles édictées par l'office statistique de la Commission européenne Eurostat, paraît moins rigoureuse dans la prise en compte des PPP, au titre des engagements de long terme des administrations publiques, que la comptabilité générale de l'Etat.

Eurostat a adopté, le 11 février 2004, une décision relative au traitement comptable dans les comptes nationaux des PPP et à leur impact sur le déficit/excédent public et la dette publique. L'office statistique recommande que les actifs liés à un partenariat public-privé soient classés comme actifs non publics et ne soient donc pas enregistrés dans le bilan des administrations publiques si les deux conditions suivantes sont réunies :

- le partenaire privé supporte le risque de construction ;

- le partenaire privé supporte au moins l'un des deux risques suivants : celui de disponibilité ou celui lié à la demande .

Si le risque de construction est supporté par l'Etat, ou si le partenaire privé supporte seulement le risque de construction et aucun autre risque, les actifs sont classés comme actifs publics, ce qui a des conséquences importantes pour les finances publiques, tant du point de vue du déficit que de la dette. Les dépenses initiales en capital, relatives aux actifs, seront enregistrées comme formation de capital fixe des administrations publiques, avec un impact sur le déficit/excédent public. En contrepartie de cette dépense de l'Etat, la dette publique augmentera sous la forme d'un « prêt imputé » du partenaire, qui fait partie du concept de « la dette de Maastricht ».

Le risque de construction couvre notamment les livraisons tardives, le non-respect des normes, les surcoûts, ou encore la déficience technique. « L'obligation de l'Etat de commencer à effectuer des paiements réguliers à un partenaire sans tenir compte de l'état effectif des actifs est la preuve que l'Etat supporte la majorité des risques de construction » selon Eurostat.

L'Etat est réputé ne pas supporter le risque de disponibilité s'il lui est permis de réduire de façon significative (à titre de pénalité) ses paiements périodiques, comme tout «  client normal » pourrait l'exiger dans un contrat commercial lorsque le partenaire privé s'avère ne pas être en mesure de livrer le volume contractuellement convenu ou de répondre, comme spécifié dans le contrat, aux normes de sécurité et de certification publiques liées à la prestation de service aux utilisateurs finals. Ceci s'applique également lorsque le partenaire ne répond pas aux normes de qualité relatives à la prestation de services, requises dans le contrat et découlant d'un manque évident de «  performance » du partenaire.

Le risque lié à la demande couvre, pour sa part, la variabilité de la demande plus élevée ou plus faible qu'escomptée lors de la signature du contrat lorsque celle-ci n'est pas imputable au comportement ou à la gestion du partenaire du secteur privé. Le gouvernement sera réputé assumer le risque lorsque celui-ci est obligé de garantir un niveau donné de paiement au partenaire indépendamment du risque effectif de la demande exprimée par l'utilisateur final, rendant sans effet les fluctuations du niveau de la demande sur la rentabilité au partenaire.

L'analyse d'Eurostat peut conduire à une modification dans le partage des risques entre le partenaire public et le partenaire privé : c'est en effet la partie qui est relativement la plus exposée, même à hauteur de 51 %, qui porte la totalité des engagements liés aux contrats : ceci peut conduire un contractant public à transférer des risques additionnels au prestataire privé à des fins purement déconsolidantes. Cette hypothèse a été confirmée en audition par votre rapporteur pour avis des responsables du ministère de la justice : le partage des risques du contrat de partenariat conclu en février 2008 relatif aux prisons a été conçu à des fins consolidantes .

A l'inverse, la comptabilité générale de l'Etat, qui s'inspire des règles privées IFRIC 12, a tendance à intégrer davantage d'actifs faisant l'objet de PPP dans le bilan de l'Etat .

Mme Nathalie Morin, chef de service à la direction générale de la comptabilité publique, au cours de la table-ronde du 19 mars 2008 relative aux enjeux budgétaires et comptables des PPP, a indiqué que le compte général de l'administration des finances, annexé au projet de loi de règlement, fournissait des informations détaillées sur les PPP à trois moments : celui de la signature du contrat, en en faisant figurer les paramètres en annexe ; lors du démarrage des flux financiers, avec une comptabilisation de ces flux en charges ; et, enfin, au moment de la livraison du bien, où une comptabilisation à l'actif et au passif du bilan de l'Etat était réalisée . En l'espèce, cette position de principe, qui demandera à être vérifiée au fur et à mesure de la comptabilisation des PPP, prend en compte l'importance des flux financiers provenant de l'Etat, l'existence d'une garantie de celui-ci, la destination finale du bien porté juridiquement par le prestataire privé : c'est donc la notion de contrôle, au sens économique du terme, qui s'applique en général dans les comptes consolidés privés, qui l'emporte qui sur les considérations de partage des risques.

Enfin, s'agissant de la comptabilité budgétaire, des garde-fous existent en ce qui concerne les autorisations d'engagement ( cf supra ) mais ils n'ont pas d'effet sur le déficit au moment de la signature du contrat. En comptabilité budgétaire, les PPP ont pour effet de lisser sur une période beaucoup plus longue qu'un investissement classique la dépense correspondante. Ce faisant, ils rigidifient la dépense publique à la manière d'un « service voté », que la LOLF avait justement pour objectif de supprimer.

C'est cet effet de « lissage » qui est aujourd'hui recherché par certains gestionnaires publics. M. Jacques Attali écrit ainsi dans son rapport pour la libération de la croissance française dans sa décision 24 « Distinguer 10 pôles universitaires de taille mondiale alliant pluridisciplinarité et excellence : les investissements nécessaires pour ces 10 campus pourraient atteindre 10 milliards d'euros, à engager en 7 ans avec des coûts de fonctionnement annuels de l'ordre de 0,7 milliard d'euros. Ces financements pourraient être portés par la Caisse des dépôts et consignations, qui s'est déjà déclarée prête à apporter un financement en capital de 7 milliards d'euros. Il est aussi envisageable de mobiliser pour ce projet des Partenariats Public-Privé. L'ensemble de ces financements conduira ensuite à mobiliser des financements publics sous la forme de loyers, ce qui permettra de lisser cet investissement nécessaire dans le temps ».

Encore faut-il prendre en compte le surcoût financier qui peut être lié à ce lissage de la dépense.

* 25 Cette situation pourrait changer pour l'avenir si le Trésor britannique optait comme il en a l'intention, pour les normes comptables IFRS : les nouveaux PFI seraient alors intégrés dans les comptes publics.

* 26 Soit 22,6 milliards d'euros.

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